Densité osseuse et marqueurs osseux du prématuré

Densité osseuse et marqueurs osseux du prématuré

Table ronde Métabolisme phosphocalcique et nouveau-né Densité osseuse et marqueurs osseux du prématuré A. Lapillonne Université Paris Descartes ; AP-...

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Table ronde Métabolisme phosphocalcique et nouveau-né

Densité osseuse et marqueurs osseux du prématuré A. Lapillonne Université Paris Descartes ; AP-HP, Service de néonatologie, Hôpital Necker-Enfants Malades, 149, rue de Sèvres, 75015 Paris, France

mg/cm3

L

es enfants nés prématurés sont des enfants à risque d’anomalies du métabolisme phosphocalcique et, à l’extrême, d’ostéopénie. L’évaluation du métabolisme phosphocalcique est donc importante mais les méthodes d’évaluation pouvant être utilisées varient en fonction du stade de maturation, de l’âge postnatal et de l’état clinique. Elles peuvent également être différentes si l’évaluation est réalisée  : i) dans un contexte de recherche ou celui d’une évaluation clinique  ; ou ii) pour une cohorte de patients ou un individu donné. Le développement de nouvelles méthodes d’évaluation au cours de ces dernières années a permis de mieux comprendre la physiologie fœtale et postnatale mais pour chacune d’elles, il est nécessaire qu’elles soient préalablement évaluées et validées dans le contexte particulier de la périnatologie.

Fœtus Nouveau né à terme Prématuré

13 12 11 10 9 8 7 24 sem

Risque de fracture

32 sem

40 sem

6 mois

12 mois

Figure 1. Évolution de la densité osseuse apparente mesurée par absorptiométrie aux rayons X pendant la période périnatale (adapté de [3]).

1. Évaluation de la minéralisation fœtale

2. Adaptation périnatale du métabolisme phosphocalcique

Plus de 99 % du calcium et 80 % du phosphore de l’organisme se trouvent dans le squelette. Au cours du dernier trimestre de la gestation, la rétention calcique est de 120 à 130  mg/ kg/j, celle du phosphore étant de 70 à 72  mg/kg/j. In utéro, l’os est exposé à un environnement spécifique caractérisé par une imprégnation œstrogénique importante, une PTH et une 1,25-dihydroxyvitamine D basses. L’examen histomorphométrique de l’os fœtal a permis de montrer que le processus de formation augmente au cours de la grossesse alors que les indices de résorption osseuse sont faibles. La prédominance du processus de formation sur le processus de remodelage osseux se traduit par une augmentation rapide de l’épaisseur trabéculaire (estimée à 3  μm/j à proximité du cartilage de croissance)  [1]. La résultante de l’augmentation du volume osseux  [2] et de la formation osseuse pendant la vie fœtale est l’augmentation avec l’âge gestationnel non seulement du contenu minéral osseux, mais aussi de la densité minérale apparente mesurée par absorptiométrie aux rayons X (Fig. 1) [3].

Suite à l’interruption brutale des apports de phosphates et de calcium, le nouveau-né met en jeu un système d’adaptation complexe qui comprend l’absorption intestinale du calcium, le phénomène de filtration-réabsorption rénale et la régulation hormonale. Alors que le fœtus présente une hypercalcémie relative le nouveau-né présente rapidement une hypocalcémie relative induisant une stimulation de la sécrétion de PTH et une augmentation de la 1,25-dihydroxyvitamine D [4]. L’adaptation post-natale du métabolisme osseux active la résorption osseuse et augmente le processus de remodelage comme en témoigne l’augmentation postnatale des marqueurs de résorption osseuse [5]. Chez l’enfant à terme, cette adaptation postnatale induit une diminution rapide de la densité minérale apparente après la naissance qui va finalement se stabiliser à la fin de la première année (Fig. 1) [3,6]. La mise en route du turnover osseux défini par une succession de cycles de résorption et de formation au niveau de la surface osseuse va également permettre la croissance postnatale de l’os dans toutes ses dimensions [6].

Correspondance. e-mail : [email protected]

180 © 2012 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. Archives de Pédiatrie 2012;19:180-181

Densité osseuse et marqueurs osseux du prématuré

3. Évolution de la masse osseuse et des marqueurs osseux chez le prématuré Le nouveau-né prématuré n’est pas un fœtus vivant ex-utéro, mais une entité biologique bien différente qui doit assurer parallèlement à la minéralisation osseuse, une croissance rapide et une homéostasie phosphocalcique sans le secours de sa mère et de la circulation placentaire. Il y a de nombreux arguments pour penser que les phénomènes d’adaptation à la vie extra-utérine observés chez le nouveau-né sont également présents chez le prématuré [4]. Il n’existe pas de trouble du métabolisme de la vitamine D chez le prématuré et l’hydroxylation au niveau hépatique et rénal de la vitamine D est parfaitement fonctionnelle dès la 25e semaine de gestation  [4]. L’augmentation des taux de PTH et de 1,25-dihydroxyvitamine D est donc également observée chez le prématuré. Les marqueurs de résorptions osseuses comme l’excrétion urinaire des cross linked N-telopeptides du collagène de type I augmentent également en postnatal chez le prématuré témoignant de la mise en route d’un remodelage osseux actif et important en postnatal [5]. Combinée avec des apports nutritionnels très progressivement croissants et une immaturité digestive, l’augmentation physiologique du turn-over en postnatal est responsable d’une diminution de la densité minérale apparente au cours des premières semaines de vie chez le nouveau-né prématuré, diminution qui persiste jusqu’à la sortie de l’hôpital (Fig. 1) [3]. Des mesures plus récentes étudiant les vitesses de conduction osseuse des ultrasons montrent également que la vitesse de transmission n’augmente pas ou même diminue en postnatal chez le prématuré  [7]. En situation pathologique ou en cas de carence d’apport, le seuil fracturaire peut donc être d’autant plus facilement atteint que l’âge gestationnel est faible (Fig. 1). Les données de suivi longitudinal montrent que l’ostéopénie du prématuré est une pathologie se résolvant fréquemment spontanément au cours de la première année de vie  [8] surtout depuis que la qualité de la nutrition entérale et parentérale des prématurés s’est améliorée [3]. Actuellement il n’y a pas de données permettant de savoir si ces modifications postnatales précoces ont des conséquences potentielles sur le pic de masse osseuse. Il a été décrit une réduction du pic de masse osseuse à l’âge adulte chez les anciens prématurés mais ceci est en rapport essentiellement avec la persistance d’un retard statural. Les anciens prématurés âgés de 8 à 12 ans sont significativement plus petits, plus légers et ont une diminution de leur contenu minéral osseux par rapport à des enfants contrôles nés à terme [9]. Toutefois, le contenu minéral osseux est adapté à leur corpulence et n’est pas modulé par la nutrition précoce ou le fait de recevoir du lait maternel en période néonatale.

4. Conclusions L’utilisation combinée de différentes techniques d’évaluation de la densité osseuse et des marqueurs du turn-over osseux a permis de mieux comprendre les différentes caractéristiques du métabolisme phosphocalcique et de la croissance osseuse pendant la période périnatale. À la lueur de ces données sur l’adaptation postnatale et le remodelage osseux du prématuré, il semble important de réviser les recommandations pour les apports minéraux en tenant compte de la source calcique, des coefficients d’absorption voire de la stimulation mécanique du squelette pendant la période néonatale. De plus, l’évolution spontanée à long terme de la minéralisation osseuse du prématuré semble être liée à la qualité de la croissance staturale postnatale et doit inciter les néonatologistes à être très vigilants sur la qualité de la nutrition délivrée pendant l’hospitalisation.

Remerciements L’auteur remercie Madame Lydie Drouet pour son assistance éditoriale et l’association ARFEN pour son support.

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