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Immunoanal Biol Spec (1993) 8,348-354 © Elsevier, Paris
Les m a r q u e u r s o s s e u x C Cormier 1, 2, JC Souberbielle 1, C Kindermans 1, CJ Menkes 2, Ch Sachs 1 1Departement de physiologie, hSpital Necker-Enfants Malades, 149, rue de Sevres, 75730 Paris Cedex ; 2Service de rhumatologie A, hSpital Cochin, 27, rue du Fbg-Saint-Jacques, 75014 Paris, France
R6sum6 -- Les marqueursosseuxpermettent de quantifier la formation et la r~sorption de la matrice osseuse. Plusieursmarqueurs de formation sont accessibles dans le sang : phosphatase alcaline osseuse, osteocalcine et peptides d'extension du procollagene I. A c6te des marqueurs de r6sorption classiques, calciurie et hydroxyprolinurie, les marqueurs en cours d'~valuation sont les dosages de phosphatase acide tartrate resistanteplasmatique, les glycosides d'hydroxylysineet les pyridinolines urinaires. Leur sensibilit~ et leur sp6cificit~ en font, #. I'~chelon des groupes, des outils predictifs de perte osseuseet d'efficacite pour les th~rapeutiques de I'osteoporoseet des traitements ayant un effet sur i'os. ,~ 1'6chelonindividuet, ils ont valeur d'orientation. L'association de plusieurs marqueurset des donneesdensitometriques devrait permettre une meilleure caract6risation des pathologies metaboliquesosseuseset de I'efficacite de leursth~rapeutiques. marqueurs osseux / formation osseuse / r6sorption osseuse
Summary - - Bone markers. New markers have recently been developed for quantitative determination of bone formation and bone resorption. Serum bone alkaline phosphatases, osteocalcin and procollagen I extension peptides are good markers for bone formation. Along with 'traditional' markers of bone resorption such as fasting urinary calcium or hydroxyproline, 'new' markers have been evaluated: plasma tartrate resistant acid phosPhatases, urinary hydroxylysine glycosides, pyridinoline and deoxypyridinoline. These markers have various clinical specificities and sensitivities. They have been shown to have, in groups of patients, good predictive values for bone loss and for the efficacy of anti-osteoporosis therapy. The combination of several bone markers with bone mass measurement could be helpful in the future in evaluatinga risk of fracture and~orthe efficacy of therapy in individuals. bone markers / bone formation / bone resorption
Introduction
Dans des circonstances oQ les perturbations du remodelage osseux sont moderees, les modifications des parametres phosphocalciques classiques sont trop faibles pour ~tre utiles en pratique clinique. La mise au point de dosages de marqueurs plus specifiques et plus sensibles est donc devenue n6cessaire. IIs sont, & c6t6 de 1'6valuation densitometrique, I'une des modalites de caract6risation des pathologies m6taboliques, la biopsie osseuse, examen invasif, ne pouvant 6tre propos6e facilement.
Qu'est-ce qu'un marqueur osseux ?
II doit permettre de quantifier la formation et la degradation de la matrice osseuse. II s'agit soit de la mesure d'une activit6 enzymatique plus ou moins sp6cifique des ost6oblastes (cellules responsables de la formation) ou des ost6oclastes (cellules responsables de la resorption osseuse), soit de la mesure d'un constituant de la matrice
relargu6 dans la circulation Iors de la formation ou de la degradation osseuse. Le tissu osseux est en effet constitu~ d'une matrice inorganique minerale (cristaux d'hydroxyapatite) et d'une matrice organique composee surtout de collagene de type Iet de prot6ines non collag6niques.
Les m a r q u e u r s d e la f o r m a t i o n o s s e u s e
Phosphatases alcalines seriques
C'est un marqueur peu sensible et peu specifique. La phosphatase alcaline est une enzyme o s t e o b l a s t i q u e mais il existe dans le s6rum d'autres isoenzymes provenant des cellules tubulaires renales, des hepatocytes et du placenta. Une augmentation de I'activit6 phosphatase alcaline serique totale obtenue par une methode simple peut donc 6tre le reflet d'une pathologie hepatique par exemple, ou d'une prise medicamenteuse. Par ailleurs, I'augmentation des phosphatases alcalines ne reflete pas seulement I'augmentation de la formation osseuse mais elle peut
c Cormieret al
aussi 6tre le temoin d'un trouble de la mineralisation de I'ostedide Iors d'une osteomalacie. Pour ameliorer la sensibilite et la specificite, des techniques sont utilisables pour differencier les isoenzymes osseuses et hepatiques. Elles utilisent des inhibiteurs et des activations differentiels, des separations electrophoretiques et des anticorps specifiques. II s'agit cependant de techniques Iourdes et indirectes. Des anticorps monoclonaux reconnaissant specifiquement I'isoenzyme osseux ont ete developpes [10]. Un dosage RIA commercial est actuellement disponible (Tandem Ostase-Hybritek). L'ost#ocalcine serique
L'osteocaIcine (OC) est la proteine non collagenique la plus abondante de la matrice osseuse et elle est specifique du tissu osseux et de la dentine. L'OC est un peptide de 49 acides amines (PM 5800) synthetis6 par les osteobtastes sous la dependance de la vitamine K et du 1,25(OH)2 D3, et incorpore dans la matrice. Lorsque I'os se forme, une fraction de I'OC nouvellement synthetisee est relarguee dans la circulation et peut 6tre dosee par methode radioimmunologique. L'OC n'est pas liberee par la resorption. La formation etant couplee le plus souvent & la resorption, I'OC reflete le turnover osseux. Elle refl~te plus specifiquement la formation dans les situations de decouplage entre resorption et formation (hypercorticismes endogenes et exogenes, myelomes osteolytiques). • Les dosages d ' O C
Les premiers dosages d'OC 6taient des RIA heterologues utilisant des immunserums diriges contre I'OC bovine et de I'OC bovine purifiee comme standard et comme traceur [16]. En effet, les structures primaires de r o c bovine et de I'OC humaine presentent environ 90% d'homologie (tableau I). Toutefois, une proteolyse 6tant susceptible de se produire entre les acides amines 19-20 et 43-44, des variations importantes existent dans les proportions de fragments presents dans differentes preparations d'OC purifiee. Ceci, ainsi que la disparit6 des anticorps utilises, a contribue & de grandes variations darts les valeurs d'OC publiees par les auteurs utilisant ces dosages heterotogues. En theorie, une meilleure standardisation devrait 6tre obtenue avec I'utilisation de standard humain et d'anticorps monoclonaux (AcMc). Toutefois, la nature des epitopes reconnus par les anticorps monoclonaux influera sur la reconnaissance (ou la non-reconnaissance) de certains fragments presents dans I'echantillon & mesurer. Nous avons personnellement etudie deux dosages immunoradiometriques (IRMA) homoIogues (Std humain) utilisant deux couples differents d'AcMc anti-OC humaine : dans les deux cas, I'anticorps reconnaissant la partie N terminale de I'OC etait dirige contre le fragment 5'13
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(sequence humaine, cf tableau I) alors que I'Ac reconnaissant la partie C-terminale de r o c etait dirig6 contre le fragment 25-37 pour un dosage (ELSA OSTEO de iCIS) et contre le fragment 4349 pour I'autre (ELSA OST-NAT de iCIS). Le dosage ELSA OST-NAT ne reconnaTt donc, a priori, que I'OC intacte (1-49) alors que le dosage ELSA OSTEO reconnaft & ia fois I'OC intacte et le fragment 1-43. Nous avons obtenu des valeurs d'OC plus ~tevees avec ELSA OSTEO qu'avec ELSA OST NAT (le facteur etait en moyenne de 2 chez nos temoins et il etait variable suivant les situations pathologiques etudiees). De plus, Iors d'etudes de conservation d'echantillons seriques (aliquots d'un m~me serum conserves & +4°C ou & temperature ambiante et congeles & des temps differents apres le prelevement), nous avons observe une diminution rapide des concentrations d'OC mesurees avec ELSA OST NAT sur les echantiltons non congeles immediatement. Cette diminution etait malgr6 tout variable d'un serum & un autre. Par contre, le dosage ELSA OSTEO nous a paru beaucoup moins sensible & ce probleme de conservation.
Tableau I. Structure primaire de I'OC humaine. Les acides amines specifiques de I'OC bovine sont indiqu~s entre parentheses. Les sites de proteolyse (ArgArg) sont indiques en chiffres gras (19-20 et 43-44). Les fragments susceptibles d'etre presents dans la circulation sont doric : 1-19, 1-43, 20-43, 20-49, 44-49 et bien s0r I'OC intacte 1-49. Val
NI-12
1 Tyr Pro Leu Gly Tyr (Asp) Tyr Gin (His) Phe 5 Trp Arg Leu Arg Gly Tyr Ala Ala Pro (Hyp) Glu 10 Val (Ala) Gin Pro Phe Tyr Gly Pro lie Asp His 15 Pro Asp Leu Ala Gla Leu Pro Glu 19 Arg (Lys) Asp 20 Arg Cys Gla Asp Val Cys Gla Leu Asn Pro 25
CO01-1 49
45
44 43 40
35
30
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C Cormier et al
Nous avons impute ce phenomene & une d6gradation rapide de I'OC 1-49 in vitro avec apparition de fragment 1-43 (dont la demi-vie serait plus Iongue et qui est toujours reconnu par le couple d'AcMc du dosage ELSA OSTEO). Paradoxalement, Iors de 1'6valuation recente d'un nouveau systeme homologue de dosage de I'OC (OSCA t e s t o s t e o c a l c i n e de la s o c i 6 t 6 Henning-Behring) propose comme ne reconnaissant que I'OC intacte, nous n'avons non seulement pas retrouve cette diminution de concentrat i o n s u r u n e 6 t u d e de c o n s e r v a t i o n des pr61~vements, mais certains des echantillons etudi6s montraient une valeur d'OC superieure apres 4 h & temp6rature ambiante (+100% environ) compares & une congelation imm6diate. Ce phenomene n'est pas elucid6 mais le fabricant propose un relargage de I'OC par des el6ments s a n g u i n s ayant la capacit6 de lier le calcium (plaquettes, par exemple). Cette nouvelle trousse utilise le principe de la comp6tition avec un anticorps polyclonal anti-OC dirige contre be fragment synthetique 3749 et il est donc possible qu'elle reconnaisse I'OC 1-49 mais aussi le fragment 1-43. Un autre 61ement & prendre en compte est ia nature du pr616vement. Dans notre experience, nous n'avons pas trouv6 de difference entre les concentrations d'OC obtenues sur s6rum et sur
p l a s m a h 6 p a r i n 6 I o r s q u e n o u s u t i l i s i o n s les trousses propos6es par CIS (les deux dosages IRMA cit6s plus haut et la tro.usse RIA h6teroIogue OST KPR). Par contre, avec la t r o u s s e OSCA test de Behring, des diff6rences significatives apparaissaient entre les valeurs d'OC mesurees sur s6rum et sur p l a s m a heparin6, I'OC serique etant en g6n6ral (mais pas syst~matiquement) plus elev6e que I'OC plasmatique. Avec les trois trousses utilisant un support solide (ELSA OST NAT, ELSA OSTEO et OSCA Test) I'EDTA nous a paru & proscrire. Les remarques pr6c6dentes concernent notre propre experience sur certaines des trousses disponibles en France. D'autres auteurs (revue dans [15]) utilisant diff6rents syst~mes de dosage ont 6galement insist6 sur I'importance des conditions de pr61evement et de conservation des echantillons. Ces 616ments seront d o n c & ~valuer et & d6finir (et ensuite & respecter strictement) Iorsque I'on e n v i s a g e r a une p r a t i q u e en r o u t i n e d ' u n dosage d'OC. Par exemple, dans notre laboratoire, nous r~servons la trousse ELSA-OST NAT & une utilisation en recherche (pour laquelle nous sommes sQrs de maitriser les param~tres prelevement/conservation) bien que ce syst~me nous ait paru proposer une information plus fine, tout au moins dans certaines situations pathologiques.
Tableau II. Concentrations d'OC obtenues par trois techniques de dosage dans une population ,, normale ,, de femmes non m6nopausees et d'hommes, en fonction de I'&ge et du sexe. Ces trousses sont proposees par la soci6te CIS. La technique KPR est un RIA h6terologue, les deux autres sont des IRMA homologues. Nous ne trouvons pas de difference significative entre les valeurs obtenues chez les hommes et chez les femmes, quelle que soit la technique. Les concentrations sont plus elevees pour la d6cennie 21-30 ans. Groupe
KPR
ELSA-OSTEO
ELSA OSTNA T
Femmes 21-30 ans (n = 16) H'ommes 21-30 ans (n = 19)
• 11,5 (6-17,5) 11,4 (5,6-16,2)
26,4 (14,7-39,4) 29,7 (13,3-48)
13,3 (7,6-25,6) 15,5 (6,7-26,1)
Femmes 31-40 ans (n = 20) Hommes 31-40 ans (n = 13)
8,1 (4,6-13,1) 8,4 (4,3-11,1)
18,3 (10-31,9) 21,6 (13,2-30,1)
9,7 (5,4-17,2) 10,8 (4,8-15,6)
Femmes 41-50 ans (n = 19) (non mCnopaus6es) Hommes 41-50 ans (n = 15)
7,4 (4,1-12)
15,4 (11,1-22)
8,9 (4,8-15,6)
8,5 (5,8-12,7)
21,8 (14,1-35,5)
8,9 (5,3-13,3)
Hommes > 51 ans (n = 16)
8,2 (3,6-10,1)
20,6 (13,7-28,8)
9,8 (4,4-13)
Tableau III. Les marqueurs osseux. Parametres d'hier
Parametres d'aujourd'hui
Ca
Formation Ost@ocalcine Phosphatase alcaline osseuse R~sorption TRAP plasmatique Glycoside d'hydroxylysine urinaire Pyridinoline (Pyr) urinaire Deoxypyridinoline (DPyr) urinaire
PC4 Phosphatases alcalines Calciurie Hydroxyprolinurie PTH 25 OH D 1-25 (OH)2 D3
Les marqueurs osseux
• Variations physiologiques des taux d'OC
Les taux d'OC sont tres dependants de I'&ge : ils augmentent avec I'&ge chez I'enfant pour atteindre un maximum Iors du pic pubertaire et redescendre ensuite & un plateau chez les adultes. Des variations en fonction du sexe ont ete rapportees par differents auteurs avec des. taux plus eleves chez les filles que chez les gar£ons avant la puberte, et des resultats discordants chez les adultes. Nous n'avons, pour notre part, pas trouve de difference entre les valeurs obtenues chez les hommes et chez les femmes non menopausees d'une population de reference Iors de notre etude des trois trousses proposees par CIS (tableau II). Des variations en fonction de I'origine ethnique ont egalement ete montrees avec, a I'echelon du groupe, une concentration moyenne d'OC plus basse chez les sujets de race noire (dont la masse osseuse est en moyenne plus elevee que ceux de race blanche) que chez les Caucasiens. On peut noter egalement des variations circadiennes avec des concentrations maximales la nuit, ce qui justifie donc de prelever toujours & la m6me heure [14]. Des variations saisonnieres ont 6te proposees par certains auteurs mais pas par d'autres. Enfin, des variations li6es au cycle menstruel (avec augmentation & la phase lut6ale) ont ete signalees mais les resultats des differentes etudes sont discordants. • Variations des concentrations d'OC en pratique clinique
-
Dans la litterature, & I'echelon d'un groupe, le dosage d'OC est interessant dans : - I'evaluation du retentissement osseux dans certaines situations : • les taux d'OC sont augmentes dans de nombreuses etudes en postm6nopause. La disparite dans les resultats tient aux differences entre les dosages mais aussi & la selection des populations. L'OC est egalement augmentee dans I'hyperthyroidie et I'hyperparathyroidie. En ce qui concerne I'osteodystrophie renale, les taux d'OC sont augmentes par le haut remodelage osseux. Cependant, de nombreux dosages sont perturbes par I'accumulation de fragments darts cette situation pathologique. La fonction renale est donc un element important clans I'interpr~tation d'un resultat d'OC quelle que soit la pathologie. Dans la maladie de Paget, I'augmentation de I'OC est un moins bon reflet de I'activite de formation que les phosphatases alcalines. L'explication serait une trop rapide incorporation de I'OC nouvellement synthetisee dans la matrice avec reincorporation de fragments liberes Iors de la resorption osseuse [5]. L'OC est diminuee dans les deficits en hormone de croissance ; le suivi d'une therapeutique : ° en postmenopause, I'administration d'une eestrogenotherapie entrafne une diminution des taux d'OC avec retour & des taux premenopau-
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siques. Dans le cadre des traitements des osteoporoses fracturaires, I'administration de fluor ou de 1,25 (OH)2 D3 augmente les taux d'OC. Un traitement par bisphosphonates entrafne initialement une augmentation (probablement par inhibition de la liaison de I'OC sur le cristal d'hydroxyapatite) puis une diminution du fait de la diminution de i'activite osteoclastique suivie d'une diminution secondaire de I'activite osteoblastique. L'augmentation de I'OC pouvant ~tre mise en evidence dans cerrains traitements & visee frenatrice de la TSH dans les go;tres thyrdfdiens, ce marqueur pourrait etre utile pour depister un eventuel effet deleter sur I'os. L'augmentation de I'OC darts le traitement par hormone de croissance pourrait avoir une valeur predictive de la reponse therapeutique plusieurs mois plus tard [11]. La diminution du taux d'OC (mesure par dosage heterologue) sous corticotherapie est rapide et importante [17]. Dans notre experience des dosages proposes par la societe CIS (voir paragraphe precedent), les techniques IRMA utilisant des AcMc sont plus discriminantes que le polyclonal pour les taux faibles d'OC (hypercortisolismes endogenes et exogenes) et pour les taux forts lies & I'hyperparathyroi'die primitive. Chez des patients insuffisants renaux en hemodialyse, le dosage ne reconnaissant que la molecule intacte semble plus discriminant que les deux autres techniques. En postmenopause, les trois dosages nous ont apporte des informations equivalentes [21]. • Peptides d'extension du procollagene
Lorsqu'une molecule de procollag~ne libere une molecule de collag~ne, elle libere en m~me temps deux peptides d'extension, un aminoterminal et un carboxyterminal. On peut actuellement doser par radioimmunoessai le propeptide C terminal ou procollag6ne de type I (PICP). II est bien correle avec les indices histomorphometriques de formation osseuse [7]. • Quel marqueur choisir pour #valuer la formation ?
II n'y a pas de reponse uniciste et la population sur laquelle ces dosages sont pratiques a une importance notable. Peu d'etudes ont teste les differents marqueurs sur une meme population. Voici deux exemples permettant d'evaluer la difficulte du choix : KrSger [13] a etudie ces marqueurs darts la polyarthrite rhumatoide. II met en evidence une diminution des taux d'OC et de PICP par rapport & une population temoin dans une m~me p r o p o r t i o n avec une d i m i n u t i o n d'autant plus importante que la maladie est recente et non traitee. On remarque qu'une faible correlation est retrouvee entre I'OC et le PICP, ce qui sugg6re que ces deux param~tres ne mesurent pas exactement la m6me chose. Hasling [9] retrouve darts une population d'osteoporose vertebrale une reduction, apres instauration d'un traitement cestro-progestatif, des marqueurs de for-
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C Cormieret al
mation Ph al, OC et PICP non differente significativement mais oQ la diminution de I'OC moins prononcee pourrait s'expliquer par une action stimulante des oestrogenes sur la production d'OC.
Les marqueurs de la resorption osseuse
Calciurie
La calciurie des urines de jeQne rapportee & I'excretion de la creatinine est un reflet de la resorption osseuse quand il existe une resorption importante. L 'hydroxyprolinurie
Elle provient de la d6gradation du collag~ne et est liberee et non reutilisee pour la synthese collagenique. Son excretion urinaire reflete donc la resorption osseuse. La faible correlation avec les parametres histomorphometriques de resorption est dQe aux autres sources de collagene (tissu conjonctif), & la fraction Clq du complement (15 & 50% de I'excretion journaliere) et au regime alimentaire. Elle est due egalement & une metabolisation hepatique & environ 80%. La phosphatase acide tartrate resistante (TRAP)
Cette activite enzymatique abondante dans les osteoclastes peut 6tre dosee dans le plasma [12]. II s'agit cependant d'enzymes labiles, se conservant mal, ce qui rend ce dosage difficile dans son interpretation. Les glycosides d'hydroxylysine urinaires
L'hydroxylysine est un acide amine du collagene qui est libere Iors de la degradation de celui-ci sous forme de galactosyl-hydroxylysine (GHYL) et de glucosylgalactosyl hydroxylysine. Le GHYL est present dans differents types de collagene mais 5 & 6 fois plus concentre dans le collagene I de I'os que de la peau. Son dosage se fait par HPLC. Les taux sont plus hauts que chez des temoins pour les maladies de Paget et des osteoporoses vertebrales [2]. Excretion urinaire de pyridinoline et de d#oxypyridinoline
La pyridinoline (PYR) et la deoxypyridinoline (DPYR) sont des agents de pontage du collag6ne. La PYR est specifique de I'os, de la dentine, du cartilage et des tendons. La DPYR est specifique de I'os et de la dentine. PYR et DPYR sont liberees Iors de la degradation de collagene mature (pour 1 mol de collagene degradee 0,1 mol de DPYR) ; elles sont stables, non metabolisees. La DPYR alimentaire n'est pas absorbee.
• Les dosages de pyridinoline Les molecules excretees dans les urines le sont sous forme libre et peptidique. La methode de reference de dosage est une hydrolyse acide permettant d'obtenir des molecules non conjuguees, suivie d'-une chromatographie par HPLC et detection fluorimetrique differentielle des formes liberees PYR et DPYR. Le standard est purifie & partir d'os cortical humain. II s'agit doric d'une methode Iourde qui peche par I'absence de standard synthetique [4]. Des techniques directes par immunoanalyse sans hydrolyse prealable ont ete developpees recemment [19]. Actuellement malgre une bonne correlation avec la technique de reference, ces dosages manquent de specificit& II s'agit en effet de mesures globales de la PYR, DPYR et de certaines liaisons peptidiques. Des anticorps monoclonaux viendront probablement remplacer ces techniques polyclonales insuffisantes. Le mode d'expression (en fonction de la creatinine ou du volume urinaire) est & adapter en fonction des pathologies. • Variations physiologiques des taux de pyridinoline II existe des variations nyctemerales chez I'adulte jeune sain (maximum en fin de nuit) mais des variations nyctemerales differentes ont ere trouvees dans I'osteoporose vertebrale [18]. De m~me, le rapport Pyr/DPyr passe de 13 & 21% entre pre- et postmenopause. En carence oestrogenique, Pyr et DPyr augmentent de 50 & 100% avec retour & des taux premenopausiques sous traitement hormonal substitutif [22]. • Variations des taux de pyridinoline en pathologie L'elimination urinaire de Pyr et DPyr est bien correlee avec la resorption osseuse mesuree en histomorphometrie par biopsie de la crete iliaque [6]. Dans I'hyperparathyrdfdie, la DPyr est 6 fois plus haute que chez des sujets normaux et apres parathyrofdectomie on note une reduction de 41% de la DPyr. Dans I'hyperth-yrofdie, Pyr et DPyr sont elevees et correlees & FT3. Un depistage precoce d'un effet deletere sur I'os des traitements thyrd~'diens frenateurs de la TSH semble possible, une etude ayant mis en evidence une augmentation de la Pyr et DPyr dans cette circonstance. Dans la maladie de Paget, ces marqueurs sont plus sensibles que I'excretion urinaire d'hydroxyproline. De meme, apres perfusion de bisphosphonate (APD), la diminution de Pyr, DPyr est plus rapide et plus intense que la diminution de I'hydroxyprolinurie. Dans les situations d'hypercalcemie avec metastases osseuses, la DPyr est plus sensible que I'hydroxyproline comme marqueur de I'osteolyse tumorale. En presence de metastases osseuses sans hypercalcemie, la DPyr diminuant apres traitement antiosteoclastique pourrait 6tre un marqueur d'efficacite de ces therapeutiques. Lors d'hypercalcemie PTH like, Pyr et DPyr sont mieux
Lesmarqueurs osseux
corr61ees & I'hydroxyprolinurie qu'& la calciurie sugg6rant une dissociation de I'effet renal et de I'effet osseux de la PTH rp. Dans ces situations apr~s traitement par bisphosphonates, on note une diminution de la calc6mie, de la Pyr et DPyr avec une bonne correlation entre ces trois parametres. Quel marqueur de r#sorption faut-il choisir ?
Comme pour les marqueurs de formation, peu d'etudes sont disponibles permettant une comparaison sur les m~mes echantillons de patients. Bettica [2], sur de faibles effectifs cependant, compare le pouvoir de discrimination de sujets pathologiques par rapport & des contr61es en fonction des maladies. Dans la maladie de Paget oQ la r6sorption est tres importante, I'hydroxyprolinurie (HP) est aussi performante que le GHYL, PYR et DPYR. Par contre, pour des situations oQ la resorption est plus discrete comme dans I'osteoporose postmenopausique, I'HP est insuffisante et GHYL, PYR, DPYR sont plus discriminants. Une tr~s bonne correlation est retrouvee entre HP, DPYR, PYR et GHYL, ce qui laisse & penser qu'ils apportent des renseignements similaires (avec des sensibilites differentes). Ces el6ments demandent & 6tre confirmes sur d'autres etudes. Apports des marqueurs osseux
Le clinicien voudrait disposer d'outils ameliorant la prise en charge diagnostique et therapeutique. Marqueurs osseux, outils predictifs de perte osseuse
Dans les pathologies& haut turnover, & I'echelon du groupe, I'OC mesuree chez des femmes recemment menopausees refl~te la perte osseuse mesuree 2 & 4 ans plus tard par densitometrie [20]. La combinaison de marqueurs (Pyr et DPyr, hydroxyprolinurie, OC) permet une meilleure correlation sur la perte osseuse & 2 ans que les marqueurs pris individuellement [22]. La combinaison de quatre marqueurs (OC, Ph al, Calciurie/cr6atininurie, Hpr/creatininurie) montre egalement une valeur predictive sur la perte osseuse 12 ans apres la menopause [8]. II s'agit I& d'une premiere etape vers I'appreciation du risque fracturaire. Le risque fracturaire depend de la perte osseuse postmenopausique mais egalement de la masse osseuse de depart. En pratique clinique & I'echeIon individuel, la combinaison de marqueurs (bioIogiques et densitometriques) de plus en plus sensibles devrait permettre une prediction de ce risque. En effet, actuellement la densitometrie est I'examen le plus predictif du risque fracturaire, bien superieur aux donnees d'interrogatoire et aux donnees cliniques, mais elle reste encore insuffisante.
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Dans les situations de decouplage osteoformation osteor6sorption, comme par exemple chez les patients recevant une corticotherapie, on observe une diminution de I'activit6 osteoblastique mise en 6vidence par des taux d'OC bas. Dans le myelome, un taux d'OC bas est predictif de formes plus osteolytiques qu'un taux d'OC haut, predictif de forme de myelome indolent ou peu osteolytique [1]. Marqueurs osseux, outils d'efficacite therapeutique
A I'echelon du groupe, I'augmentation des taux d'OC intacte 3 mois apres I'instauration d'un traitement par GH chez des enfants d~ficitaires a une valeur predictive de la reponse therapeutique sur le gain de taille constate plusieurs mois plus tard [11]. L'etude biologique peut 6tre egalement interessante dans I'osteoporose vert6brale non traitee bien que I'heterogeneite biologique soit & rapprocher de I'h6terog6n~ite histologique (un tassement vertebral est en effet la resultante d'une masse osseuse plus ou moins basse et d'une perte osseuse plus ou moins intense et variable 6galement dans le temps). II semble par exemple qu'un haut remodelage, mis en evidence par une augmentation des marqueurs biologiques osseux au moment du diagnostic de tassement vertebral, favoriserait I'efficacite de traitements antiosteoclastiques comme la calcitonine [3] et comme les oestrogenes. II est donc important de disposer d'etudes cliniques de suivi de patients homog6nes pour tester I'utilite des differents marqueurs, seuls ou associes les uns aux autres. On se heurte, bien s~r, & un coot financier elev¢. Les marqueurs osseux ne sont pour I'instant que des outils d'orientation et non des param~tres diagnostiques comme peuvent 1'6tre les taux de parathormone ou de vitamine D.
R~f~rences
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