Nutr. Clin. M6tabol. 1993 ; 7 : 157-160
D nutrition du SIDA-m canismes-explorations Jean-Claude Melchior Service de nutrition, H(Spital Bichat-Claude Bernard, Paris.
R~sumd Le Wasting Syndrome est devenu une des complications majeure du SIDA. La d~nutrition ~volue pour son propre compte de fafon relativement ind~pendante de la maladie r~trovirale dont elle constitue un signe de gravitY. Elle se caract~rise par une perte de masse maigre partiellement masqu~e par une hyperhydratation extra cellulaire. Les causes de cette d~nutrition sont multiples : odynophagie, anorexie, atteintes digestives, augmentation des d~penses ~nerg~tiques. L'analyse des caract~ristiques de la perte de poids et des donn~es du m~tabolisme ~nerg~tique est n~cessaire pour adapter la renutrition/t chaque cas. Mots-cl#s : D~nutrition, SIDA, dOpenses 6nerg6tiques, composition corporelle, masse maigre.
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la malnutrition dans les pays en voie de d6veloppement [2], mais peu de preuves existent du r61e de la malnutrition comme cofacteur de l'immunod6pression dans l'6volution de 1'infection r6trovirale [3, 4]. La malnutrition prot6ique augmente l'incidence de pneumopathies ~t Pneumoeystis Carinii chez le rat de laboratoire, mais aussi chez les enfants immunod6prim6s [5]. Cependant, la d6nutrition joue un r61e dans l'6volution des malades, m~me si les r6percussions sur l'6volution de la matadie elle-m~me sont moins claires. I1 faut comprendre que le SIDA est une infection virale chronique qui r6alise une lutte entre un microorganisme et son h6te. Cette lutte pour in61uctable qu'en soit l'issue, dans 1'6tat actuel des possibilit6s th6rapeutiques, durera d'autant plus longtemps que l'organisme h6te sera /t m~me de r6sister ~ cette agression.
Correspondance : J-C Melchior, Service de nutrition, H6pital Bichat, 46 rue H. Huchard, 75018 Paris. Regu ie 22 d6cembre 1992, accept~ apres r6vision le 20 janvier 1993.
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J.C. MELCHIOR
Caract6ristiques de la d~nutrition du SIDA
2) Utilisation digestive ddfectueuse des aliments qui y p6n6trent, entra~nant un gaspillage 6nerg6tique f6cal,
Si on compare la composition corporelle, c'est-g-dire le pourcentage de masse maigre et de masse grasse des patients atteints du SIDA /t d'autres types de d6nutrition, on constate que la d6nutrition du SIDA est caract6ris6e par une perte de masse maigre pr6dominante [6]. Le ~ Wasting Syndrome )~ est d6fini par le Centre de contr61e des maladies d'Atlanta par une perte de poids supdrieure/t 10 % par rapport au poids usuel ant6rieur it la maladie [7, 8]. La r6alit6 de la perte de la masse protdique de l'organisme est en g6n6ral largement sousestim6e. En effet, des mesures de composition corporelle plus fines r6alis6es en particulier par imp6dancem6trie biodlectrique fi deux fr6quences selon la technique de Boulier [9], montrent qu'au cours de la d6nutrition du SIDA, la perte de masse maigre est en partie masqude par une hyperhydratation extracellulaire. La d6nutrition peut affecter la survie des patients, il semble bien qu'elle soit un facteur pronostique ind6pendant. I1 a 6t6 montr6 qu'il existe une eorr61ation lin6aire inverse entre la survie des malades et la perte de masse maigre de l'organisme, c'est-/L-dire les r6serves prot6iques [10]. D'autre part l'hypoalbumin6mie a 6t6 reconnue dans plusieurs 6tudes comme un facteur de mauvais pronostic dans l'6volution de la maladie [11].
3) Modifications et en particulier augmentation des dO-
penses dnergOtiques. La prise alimentaire peut diminuer pour plusieurs raisons. Tout d'abord l'acte alimentaire peut 6tre douloureux. Ici se situe tout le chapitre des odynophagies, cons6quences des atteintes de la sph6re ORL et stomatologique ainsi que du tube digestif haut. De nombreuses pathologies sont en cause : candidose buccale et/ou cesophagienne, sarcome de Kaposi, (esophagite, aphtose buccale pour ne citer que les plus frdquentes. Un deuxi6me type de cause de diminution de la prise alimentaire est repr6sent6e par les atteintes du syst6me nerveux central: troubles de conscience des atteintes neurom6ning6es diverses, atteintes motrices en cas de toxoplasmose c6r6brale ou de lymphome, alt6ration des fonctions sup6rieures dans le cadre des enc6phalites. Enfin, le chapitre de la prise alimentaire ne serait pas complet si l'on n'abordait pas le probl6me de l'anorexie. L'anorexie peut 6tre d'origine psychog6ne (li6e le plus souvent hun 6tat d6pressif latent) ou secondaire /t la maladie elle-m6me ou ~ ses complications (anorexic des infections probablement en rapport avec la s6cr6tion de certaines cytokines). Mais l'anorexie n'est peut-6tre pas si fr6quente que l'on pourrait l'imaginet, en effet quelques 6tudes sugg6rent que les sujets s6ropositifs ont une prise alimentaire plus 61ev6e que des sujets sdron6gatifs, diff6rence qui persiste/~ un degr6 moindre aux stades ult6rieurs de la maladie (ARC et SIDA) [12].
M6canismes La d6nutrition du SIDA n'est pas univoque et les causes de l'amaigrissement sont multiples. Globalement, l'amaigrissement se produit par d6s6quilibre de la balance 6nerg6tique. En d'autres termes, un poids stable correspond/t l'6quilibre entre les ingesta (la prise alimentaire) et les d6penses caloriques de l'organisme. Encore faut-il que le tube digestif utilise correctement les aliments qui y p6n6trent.
Les consOquences nutritionnelles des" atteintes digestives au cours de l'6volution du SIDA sont certaines. L'exp6rience clinique nous a tr6s t6t appris que les malades qui souffrent d'une diarrh6e maigrissent plus vite que les autres. C'est le gaspillage 6nerg6tique f6cal qui contribue au d6s6quilibre de la balance 6nerg6tique [13]. Ces aspects de la d6nutrition ne seront pas abord6s ici, un chapitre ult6rieur leur 6tant consacr6.
Les d6penses 6nerg6tiques de l'organisme se r6partissent de la fa~on suivante : 70 h 75 % de nos besoins 6nerg6tiques sont reprdsentds par ce que l'on appelle la d6pense 6nerg6tique de repos qui est en fait le cofit 6nergdtique du maintien de la vie dans l'organisme vivant ;
Les modifications du mOtabolisme OnergOtique jouent un r61e important dans le d6s6quilibre de la balance 6nerg6tique. Elles sont largement abord6es dans une revue qui leur est consacr6e dans ce journal, aussi nous ne les reddtaillerons pas ici [14]. Rappelons cependant qu'il a 6t6 ddmontr6 que la d6pense 6nerg6tique de repos des patients infect6s par le r6trovirus augmente 16g6rement, de l'ordre de 11 ~ 15 % lorsque les patients sont en 6tat stable [15, 16]. Le niveau modeste de cette augmentation ne semble pas d6pendant de l'6volution de la maladie r6trovirale elle-m6me puisqu'il a 6t6 mis en 6vidence/l un stade tr6s pr6coce de l'infection [17] mais il reste comme chez les sujets normaux d6pendant de la masse maigre [18]. On imagine facilement qu'fi un stade pr6code de t'infection r6tro-virale cette augmentation modeste [17] est tr6s largement et suffisam-
- 10 % des besoins des 24 heures sont constitu6s par la thermog6n6se alimentaire qui correspond au cofit 6nerg6tique de la digestion et du stockage des nutriments au moment des repas ; - 15 g 20 % de nos besoins 6nerg6tiques sont repr6sent6s par l'ensemble de notre activit6 physique, tout ceci s' entendant pour des citadins relativement s6dentaires. Ainsi, la balance 6nerg6tique peut thdoriquement se d6s6quilibrer/~ plusieurs niveaux : 1) Insuffisance de la prise alimentaire par rapport aux besoins, 158
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in6vitables mais utiles marqueurs plasmatiques prot6iques, une mesure minimum de la d6pense 6nergdtique de repos ainsi qu'une appr6ciation de la composition corporelle par m6thode anthropom6trique et 6galement biophysique (Impddancem6trie bio61ectrique) [9]. L'ensemble de ce bilan peut 6tre utilement compldt6 par un fdcalograme en cas de troubles digestifs. L'intdgration de la prise en charge nutritionnelle peut 6tre regroup6e lors d'une hospitalisation de jour, permettant de r6aliser le m6me jour le bilan et le projet th6rapeutique [20]. Mais ces structures, qui s'adressent/t des patients souvent d6j/t 6votu6s dans leur maladie et leur immunod6pression, sont relativement lourdes et ne sont pas disponibles dans t o u s l e s centres de soins. Une attitude tr6s pragmatique se situant plus en amont de la maladie devrait permettre de sensibiliser malades et m6decins afin de tenter de pr6venir l'amaigrissement et la cachexie du SIDA. Les b6n6fices potentiels ou prouvds d'une telle attitude sont r6sum6s sur le tableau I.
merit compens6e par une augmentation probablement inconsciente du niveau de la prise alimentaire. Ce n'est que lorsque d'autres facteurs vont apparaitre : diminution de l'app6tit, difficult6 de la prise atimentaire, troubles du transit intestinal et de l'absorption des nutriments, que la balance 6nerg6tique doit se d6s6quilibrer progressivement entra~nant ce que l'on voit habituellement, c'est-/t-dire des pertes de poids 6voluant au rythme de 0,5/~ 2 kg par mois. Lorsqu'une infection secondaire /t la maladie r6trovirale se d6veloppe, la r6action de l'h6te g l'agression entraine une augmentation beaucoup plus importante de l'ordre de 50 % des d6penses 6nergdtiques [14, 18, 19], s'accompagnant d ' u n hypercatabolisme prot6ique trbs marqu6 (figure 1). C'est alors que la perte de poids peut ~tre de plusieurs kilos en quelques petites semaines. DEPENSE ENERGETIQUE DE REPOS comparaison HIV et t6moins 47,8
5c
Tableau I " B~ndfices g~attendre d'une prise en charge nutritionnelle des malades H I V +.
I
- - Pr6venir I ' A M A I G R I S S E M E N T - - " , A La fr6quence de survenue des INFECTIONS SECONDAIRES --," La r6ponse de l'organisme aux C H I M I O THt~RAPIES --RETARDER la d6pression du syst6me immunitaire ? - - Am61iorer la QUALITI~ DE L A VIE - - Eviter les r6percussions P S Y C H O L O G I Q U E S de la DI~NUTRITION
36.4
4C O
30 '~ 30
E
¢n ¢n
E 20
111
T~moins (n--31)
HIV (n=260)
HIV+lnf (n=70)
Bibliographie
Figure 1 : Comparaison de la d4pense dnerg4tique de repos exprimOe par unit4 de masse maigre chez des patients HIV en fonction de l'existence ou non d'une infection secondaire dvolutive. (colonne 2 : HIV regroupe stade ARC et SIDA). (colonne 3 : HIV + infections secondaires).
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Explorations L'exploration des probl6mes nutritionnels des patients HIV doit ~tre adapt6e ~ chaque cas. Les structures n6cessaires comportent une consultation sp6cialis6e dont le meilleur est obtenu si elle associe la consultation du m6decin et celle de la di6t6ticienne. Celle-ci doit fonctionner de manibre aussi souple que possible, c'est-~dire /L la fois conjointe et ind6pendante, les malades pouvant atre vus selon les besoins par le mddecin ou la didt6ticienne seule ou ensemble. Un laboratoire d'explorations nutritionnelles permettra outre l'analyse des 159
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