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Mise au point
Presse Med. 2007; 36: 1045–53 © 2007 Elsevier Masson SAS Tous droits réservés.
Dépistage du cancer de la prostate dans la population générale : des inconvénients certains, un bénéfice hypothétique Anne Aupérin, Agnès Laplanche, Catherine Hill
Service de biostatistique et d’épidémiologie, Institut Gustave Roussy, Villejuif (94)
Correspondance : Anne Aupérin, Service de biostatistique et d’épidémiologie, Institut Gustave Roussy, Rue Camille Desmoulins, 94805 Villejuif.
[email protected]
■ Key points
■ Points essentiels
Prostate cancer screening in the general population: the drawbacks are certain but the benefits are hypothetical
L’inconvénient majeur du dépistage du cancer de la prostate est le surdiagnostic, c’est-à-dire le dépistage de cancers qui ne seraient jamais devenus symptomatiques et dont les traitements entraînent souvent impuissance ou incontinence urinaire. Il n’est pas possible de recommander actuellement le dépistage du cancer de la prostate, car il n’existe pas encore de preuve de son efficacité pour réduire la mortalité par cancer de la prostate. Il faut attendre les analyses de la mortalité dans les 2 essais de dépistage qui ont été réalisés en Europe et aux États-Unis, analyses qui devraient commencer à partir de 2008.
The main drawback of prostate cancer screening is overdiagnosis i.e. the detection of cancers that would never have become symptomatic; their treatment leads in many cases to impotence or urinary incontinence. Prostate cancer screening cannot be recommended at the present time because it has not yet been shown to reduce mortality from prostate cancer. The first results on mortality from 2 large trials of prostate cancer screening, conducted in Europe and in the United States, will not be available before 2008.
tome 36 > n° 7/8 > juillet-août 2007 doi: 10.1016/j.lpm.2007.04.008
1045
Disponible sur internet : le 04 mai 2007
Aupérin A, Laplanche A, Hill C
À l’heure actuelle, en France, la Haute autorité de santé (HAS, ex Anaes) ne recommande pas le dépistage du cancer de la prostate dans la population générale [1], alors que l’Association Française d’Urologie préconise un dépistage annuel par dosage de l’antigène spécifique de la prostate (plus connu sous son acronyme anglais PSA pour Prostate Specific Antigen) et toucher rectal chez les hommes de 50 à 75 ans [2]. Face à cette divergence d’opinion, nous allons examiner, pour le cancer de la prostate, les critères que l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) considère comme nécessaires pour recommander un dépistage [3] (tableau I).
La maladie doit représenter un problème important de santé publique En France, le nombre de nouveaux cas de cancer de la prostate est estimé, selon les sources, à 30 000 [4] ou 40 000 [5] par an, ce qui représente entre 19 et 25 % des cancers chez l’homme. On a observé 9 300 décès en 2002, ce qui représente 3 % de la mortalité masculine. Le risque de décès par cancer de la prostate augmente beaucoup avec l’âge, de 1 ‰ à 70 ans à près de 10 ‰ à 85 ans et plus ; en conséquence, 85 % des décès surviennent à 70 ans ou après. Il s’agit donc d’un cancer fréquent et qui est responsable de décès surtout à un âge avancé.
La maladie doit exister à un stade latent reconnaissable Des hommes asymptomatiques peuvent avoir un cancer de la prostate. Ceci a été montré notamment grâce à des études dans lesquelles des hommes morts sans cancer connu de la prostate ont été autopsiés systématiquement. On trouve des cancers de la prostate chez ces hommes et la fréquence de ces cancers asymptomatiques augmente considérablement avec l’âge, passant de 15 % à 60 ans à presque 70 % à partir de 85 ans [6].
L’histoire naturelle de la maladie doit être correctement comprise La maladie présente une phase préclinique asymptomatique dont la durée a été estimée à environ 11 ou 12 ans [7]. Le pronostic est lié au stade de la tumeur, au score de Gleason (classification histologique), à la vitesse d’augmentation du PSA avant traitement. Le pronostic dépend aussi beaucoup de l’âge, en particulier parce que le risque de mourir d’une autre cause augmente beaucoup avec l’âge.
Glossaire
1046
HAS PSA
Haute autorité de santé Prostate Specific Antigen
Il doit exister un traitement efficace pour les patients atteints de la maladie Les traitements possibles pour les cancers localisés sont la prostatectomie radicale, la radiothérapie externe ou la curiethérapie. Les efficacités de ces traitements n’ont jamais été comparées directement dans un essai randomisé. Mais avant cela, la première question qui se pose est celle de traiter immédiatement ou non un homme ayant un cancer de la prostate localisé. Deux essais ont comparé la prostatectomie radicale immédiate à la surveillance [8, 9], c’est-à-dire à un traitement différé, un seul est publié [8]. Il a inclus 695 patients de 1989 à 1999. Il montre que la prostatectomie immédiate réduit la mortalité par cancer de la prostate qui, à 10 ans, passe de 15 à 10 % ; le bénéfice semble limité aux hommes de moins de 65 ans. Cependant, le bénéfice est associé à une morbidité très importante sur la fonction érectile et la continence urinaire (tableau II) [10]. La morbidité liée à la prostatectomie reste élevée encore aujourd’hui avec les techniques chirurgicales plus récentes : dans une étude publiée en 2005 rapportant la morbidité chez 647 patients opérés entre 1998 et 2003, 58 % avaient une incontinence urinaire ou des troubles de l’érection ou une rechute 2 ans après la chirurgie [11]. Ni la radiothérapie, ni la curiethérapie n’ont été comparées à la surveillance. Leur efficacité et leurs inconvénients à long terme ont été décrits à partir de séries rétrospectives dans lesquelles les populations traitées par les différents traitements sont a priori non comparables. Cependant la proportion de patients impuissants est très probablement inférieure à ce que l’on observait avec la prostatectomie radicale il y a plus de 10 ans [12]. De plus, l’impuissance due à la radiothérapie ou à la curiethérapie répond en général au sildénafil alors que le traitement de l’impuissance secondaire à la prostatectomie radicale par section des bandelettes neurovasculaires répond mal au traitement per os [13]. L’incontinence urinaire semble aussi fréquente après radiothérapie qu’après prostatectomie radicale, et peut-être un peu moins fréquente après curiethérapie. Radiothérapie et curiethérapie entraînent des rectites dans environ 15 % des cas. En conclusion, la prostatectomie radicale est un traitement efficace, surtout avant 65 ans, l’efficacité des autres traitements n’a pas été rigoureusement évaluée. Tous les traitements entraînent des effets secondaires invalidants et fréquents.
Il doit exister des tests performants pour le dépistage L’examen de dépistage le plus répandu est le dosage de PSA. Le toucher rectal n’est pas utilisé seul car il est peu sensible, il est en effet anormal chez moins de 40 % des patients ayant un cancer (37 % dans [14], 39 % dans [15]). Dans les études de dépistage, il est utilisé en complément au dosage du PSA d’une façon variable dans les différents pays : systématiquement dans certains pays, et en fonction du niveau du PSA dans d’autres. tome 36 > n° 7/8 > juillet-août 2007
Dépistage du cancer de la prostate dans la population générale : des inconvénients certains, un bénéfice hypothétique
Ta bl e au I Principaux critères requis par l’Organisation mondiale de la Santé pour considérer qu’un dépistage est utile et examen de ces critères pour le dépistage du cancer de la prostate Critère
Dépistage du cancer de la prostate
1.
La maladie doit représenter un problème important de santé publique.
Oui
2.
Elle doit exister à un stade latent reconnaissable.
Oui
3.
L’histoire naturelle de la maladie incluant le développement du stade latent au stade déclaré doit être correctement comprise.
Oui
4.
Il doit exister un traitement efficace pour les patients atteints de la maladie.
Oui, mais avec de nombreux effets indésirables
5.
Il doit exister des tests performants pour le dépistage.
Partiellement : sensible, peu spécifique, surdiagnostic ++
6.
Le test doit être acceptable pour la population.
Oui
7.
Les bénéfices doivent être analysés en intégrant des facteurs économiques.
À faire
8.
Le dépistage doit diminuer la mortalité due à la maladie dépistée.
Attente de résultats : essais en cours
Ta bl e au I I
Ta bl e au I II
Effets secondaires des traitements dans un essai comparant la prostatectomie immédiate à la surveillance, 326 sujets suivis 4 ans en moyenne
Proportion de cancers trouvés par biopsie systématique chez des sujets asymptomatiques ayant un PSA < 4 ng/mL, en fonction du taux de PSA
Effets secondaires
PSA (ng/mL)
Surveillance (%)
Cancers (%)
Total
< 0,5
6,6
Troubles de l’érection
80
486
45
0,6-1,0
10,1
Fuites urinaires une fois par semaine ou plus
49
791
21
1,1-2,0
17,0
998
2,1-3,0
23,9
Incontinence urinaire (utilisation régulière de protection)
43
482
3,1-4,0
26,9
193
Total
15,2
2 950
Difficultés pour uriner plus d’une fois sur 5
28
10 44
Source : Steineck et al. for the Scandinavian Prostate Cancer Group Study No. 4. Quality of life after radical prostatectomy or watchful waiting. N Engl J Med. 2002; 347: 790-6.
La performance du dépistage est évaluée par de nombreux paramètres : sensibilité, spécificité, valeur prédictive positive, valeur prédictive négative, proportion d’examens de dépistage positifs, proportion de la population dépistée à qui une biopsie de la prostate est proposée. La sensibilité et la spécificité ne dépendent pas de la fréquence du cancer de la prostate dans la population dépistée, au contraire les autres indices en dépendent.
Sensibilité du dépistage : quelle proportion des cancers existants retrouve-t-on par le dépistage ? Pour estimer la sensibilité du dépistage, on peut utiliser les données d’un essai. La figure 1 montre comment cette estimation a été faite à partir des données hollandaises d’un essai européen décrit ci-dessous. La sensibilité est ici de 85 % [16], les données finlandaises du même essai donnent une sensibilité de 87 % [17]. tome 36 > n° 7/8 > juillet-août 2007
Source : Thompson et al. Prevalence of prostate cancer among men with a prostate-specific antigen level < 4.0 ng per millilitre. N Engl J Med. 2004; 350: 2239-46.
Valeur prédictive négative Les données d’un essai américain de prévention du cancer de la prostate par finastéride ont permis d’étudier les faux négatifs du PSA [18]. En effet, les sujets du groupe témoin avaient annuellement un dosage de PSA associé à un toucher rectal et ont accepté une biopsie de la prostate 7 ans après l’inclusion. Parmi les 2 950 hommes de ce groupe témoin n’ayant eu, pendant 7 ans, ni PSA > 4 ng/mL ni toucher rectal anormal, la biopsie a trouvé un cancer de la prostate chez 15 % d’entre eux, la proportion de faux négatifs est donc de 15 % et la valeur prédictive négative est égale à 85 % (1-15 %). Le tableau III montre que, chez les sujets ayant un PSA considéré comme normal (< 4 ng/mL), la proportion de faux négatifs augmente avec le taux de PSA.
1047
Prostatectomie (%)
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Aupérin A, Laplanche A, Hill C
Fi gure 1 Estimation de la sensibilité du dépistage : exemple tiré d’un essai européen * 0,39 % = 135/(8876 x 4 ans) ; ** 124 = 7 938 x 0,39 % x 4 ans. Ont donc échappé au dépistage 18 cancers sur les 124 attendus, d’où sensibilité = 1-(18/124) = 85 %. Source : Van der Cruijsen-Koeter et al. Interval carcinomas in the European randomized study of screening for prostate cancer - Rotterdam. J Intl Cancer Inst. 2003; 95: 1462-6.
Valeur prédictive positive L’antigène est spécifique de la prostate mais pas du cancer de la prostate : son augmentation est un signe de maladie prostatique, mais pas nécessairement d’un cancer de la prostate. Dans un essai comparant un groupe dépisté à un groupe témoin [19], on a trouvé un cancer de la prostate chez 22 % des sujets du groupe dépisté ayant un taux de PSA > 3 ng/mL, et chez 27 % des sujets ayant un taux de PSA > 4 ng/mL. La valeur prédictive positive (proportion de cancers parmi les sujets ayant un examen positif) dépend donc du seuil définissant un examen de dépistage positif.
Proportion d’examens de dépistage positifs, de biopsies et de cancers dépistés
1048
Dans les essais en cours, la proportion d’examens de dépistage positifs varie entre 11 et 14 % [17, 19-21]. En cas d’examen positif, une biopsie est recommandée dans l’essai européen alors qu’elle est laissée à l’appréciation de l’urologue dans l’essai américain. Ainsi, une biopsie a été réalisée chez 10 % des hommes dans l’essai européen (90 % des examens de dépistage positifs sont suivis d’une biopsie) et chez 4,5 % des hommes dans l’essai américain (soit un tiers des examens
positifs) [19-22]. Une proportion élevée de biopsie de la prostate induit une morbidité non négligeable car cet examen peut se compliquer dans environ 2 à 3 % des cas de septicémie, prostatite, rectorragies ou rétention d’urine [23-25]. In fine, le premier examen de dépistage a conduit à un diagnostic de cancer de la prostate chez 2,5 % des hommes de l’essai européen et chez 1,6 % des hommes de l’essai américain [19-22]. À titre de comparaison, la mammographie dépiste un cancer du sein chez 0,6 % des femmes dépistées [26].
Avance du diagnostic Le dépistage par dosage de PSA permet de diagnostiquer des cancers plus précoces comme le montrent les données de l’essai européen de dépistage (tableau IV). Les cancers du groupe dépisté sont moins avancés que ceux du groupe témoin, aussi bien en termes de stade que de score de Gleason [19]. On estime que le dépistage avance le diagnostic de cancer de la prostate en moyenne de 10 à 13 ans, cette avance dépend de l’âge au dépistage et du rythme du dépistage. Elle est estimée à 12 ans dans une population dépistée une fois à l’âge de 55 ans et à 6 ans dans une population dépistée une fois à l’âge de 75 ans [27]. tome 36 > n° 7/8 > juillet-août 2007
Distribution du stade et du score de Gleason pour les cancers de la prostate diagnostiqués dans le groupe témoin et dans le groupe dépisté, essai européen, Suède Groupe témoin, % n = 244
Groupe dépistage, % n = 640
T1
43
70
T2
34
23
T3-4
10
3
N1 ou M1
14
4
2-6
62
83
7
25
13
8-10
12
3
Stade
Score de Gleason
Source : Hugosson et al. Results of a randomised, population-based study of biennial screening using serum prostate-specific antigen measurement to detect prostate carcinoma. Cancer. 2004; 100: 1397-405.
Conclusion Au total, le dosage de PSA a une sensibilité correcte, permet de diagnostiquer des cancers plus précoces mais au prix de nombreuses biopsies.
Le test doit être acceptable pour la population Dans l’essai européen de dépistage des cancers de la prostate, l’acceptabilité du dépistage a varié entre pays, d’environ 40 % en Suisse et en Hollande, à 60 % en Suède et 69 % en Finlande [17, 19, 20, 28].
Les bénéfices doivent être analysés en intégrant des facteurs économiques Il est prématuré de faire le bilan coût/efficacité.
Le dépistage doit entraîner une baisse de la mortalité par cancer de la prostate L’objectif du dépistage du cancer de la prostate n’est pas de détecter davantage de cas, mais de réduire la mortalité par cancer de la prostate. Il ne suffit pas de diagnostiquer des cancers à un stade plus précoce pour être sûr de diminuer la mortalité spécifique [29]. L’effet du dépistage sur la mortalité par cancer de la prostate est évalué de façon directe dans des essais randomisés à Québec, en Europe et aux États-Unis [17, 19-21, 30-33]. Cet effet a aussi été évalué de façon indirecte dans des comparaisons géographiques entre régions avec et sans dépistage. Les essais de dépistage sont décrits dans le tableau V. Dans l’essai québécois qui est terminé, les hommes ont été tirés tome 36 > n° 7/8 > juillet-août 2007
au sort sur les listes électorales en 1988, sans que leur consentement à participer à l’essai ait été obtenu au préalable [30]. L’accord de participation des hommes tirés au sort dans le groupe dépistage était demandé quand on les convoquait pour ce dépistage. Ces convocations se sont étalées sur 8 ans, et le taux de participation n’a été que de 23 %. L’analyse correcte de cet essai, comparant la mortalité par cancer de la prostate entre les groupes constitués par tirage au sort, ne montre aucun bénéfice du dépistage (47,9 décès par cancer de la prostate pour 100 000 dans le groupe invité au dépistage versus 40,9 dans l’autre groupe), mais la faible participation au dépistage du groupe invité rend l’essai très peu puissant et ne permet aucune conclusion. Dans les autres essais, les données de mortalité par cancer de la prostate ne sont pas encore disponibles. On attend les résultats de l’essai européen en 2008 [34]. En dehors des essais, de nombreuses comparaisons géographiques ont évalué indirectement les effets du dépistage ; leurs résultats sont discordants. Ainsi, une étude canadienne a comparé l’évolution de l’incidence et de la mortalité par cancer de la prostate dans les différentes régions de Colombie britannique en fonction de l’intensité du dépistage [35]. Elle n’a montré aucune relation entre la baisse de la mortalité et l’intensité du dépistage (tableau VI). Au contraire, une étude comparant la mortalité par cancer de la prostate au Tyrol, après l’instauration d’un programme gratuit de dépistage, et dans le reste de l’Autriche sans programme de dépistage, a montré une réduction de la mortalité plus grande au Tyrol [36] ; cependant, la baisse de la mortalité a été observée trop rapidement après l’augmentation de l’incidence due au dépistage pour être entièrement attribuable à ce dépistage [37]. On ne connaît donc pas aujourd’hui l’effet du dépistage sur la mortalité par cancer de la prostate.
Le surdiagnostic On appelle surdiagnostic, le dépistage d’un cancer de la prostate qui ne serait jamais devenu symptomatique avant le décès du sujet, soit parce que le cancer évolue trop lentement et que le sujet décède d’une autre cause, soit parce que le cancer régresse spontanément. Le surdiagnostic peut se mesurer de 2 manières, soit par la proportion de cas “en trop” parmi les cas dépistés, soit par l’augmentation du risque de cancer sur une période donnée dans une population dépistée par rapport à une population non dépistée. Plusieurs études ont estimé le surdiagnostic [27, 38-41], toutes, sauf une, concluent à l’existence d’un surdiagnostic plus ou moins important selon l’intensité du dépistage allant de 27 à 84 % de cas en trop. Seuls les dépistages réalisés une seule fois dans la vie entraînent peu ou pas de surdiagnostic, mais permettent de dépister peu de cancers. L’étude la plus complète [27] a estimé le surdiagnostic à partir d’une modélisation basée sur les données d’incidence du can-
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Ta bl e au I V
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Mise au point
Dépistage du cancer de la prostate dans la population générale : des inconvénients certains, un bénéfice hypothétique
1050 Aupérin A, Laplanche A, Hill C
Tab le a u V Description des essais randomisés de dépistage du cancer de la prostate Laval University Prostate Cancer Screening Program [30] Essai
European Randomized Screening for Prostate Cancer Trial (ERSPC) Total [32]
Suisse [20]
Suède [19]
Prostate Lung Colorectal Ovarian Cancer screening trial [21,31]
Pays-Bas [33]
Finlande [17]
Pays
Québec
8 pays d’Europe*
Suisse
Suède
Pays-Bas
Finlande
États-Unis
Âge
45 à 80 ans
50 à 74 ans
55 à 70 ans
50 à 64 ans
55 à 74 ans
55 à 67 ans
55 à 74 ans
46 193
180 000
7 124
20 000
35 148
80 458
76 705
2/1
1/1
1/1
1/1
1/1
1/1
1/1
1988
1993-2002
1998-1999
1995-1996
1993-1999
1996-1999
1993-2001
1998-2007
1995-2002
1993-2007
1996-2003
1993-2001
PSA
PSA
PSA ± toucher rectal et échographie transrectale
PSA ± ratio PSA libre/total et toucher rectal
PSA + toucher rectal
Années 0, 1, 4, 8
Années 0, 4
Années 0, 1, 2, 3
Effectif Répartition dépisté/ témoin Période d’inclusion Période des dépistages Examen de dépistage
Rythme Examen positif
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Analyse de la mortalité
1988-1996 PSA + toucher rectal
PSA ± ratio PSA libre/total et/ou toucher rectal et échographie transrectale
Annuel
Tous les 2 à 4 ans
Années 0, 4, 8
Années 0, 2, 4, 6
PSA > 3 ng/mL ou TR anormal
Selon pays
PSA > 3 ng/mL
Dépistages 1 et 2 : PSA > 3 ng/mL Dépistages 3 et 4 : PSA > 2,54 ng/mL
Publiée
En attente
En attente
En attente
* Belgique, Espagne, France et Italie en plus de Pays-Bas, Suède, Suisse, Finlande qui sont détaillés ici.
PSA > 4 ng/mL 1993-janv. 97 : ou entre 3 et PSA > 4 ng/mL ou toucher rectal 3,9 ng/mL associé à un toucher rectal ou échographie anormal anormal Depuis fév. 97 : PSA (de 1996 à 1998) ou PSA libre/ > 3 ng/mL total > 0,16 (depuis 1999) En attente
En attente
PSA > 4 ng/mL ou toucher rectal anormal
En attente
Ta bl e au V I Évolution de l’incidence et de la mortalité par cancer de la prostate en fonction de l’intensité du dépistage. Registre des cancers de la Colombie britannique, hommes de 50 à 74 ans Régions à intensité du dépistage
Augmentation de l’incidence entre 1985-89 et 1990-94
Diminution de la mortalité entre 1985-89 et 1995-99
Faible
5%
29 %
Moyenne
54 %
18 %
Haute
71 %
14 %
Source : Coldman et al. Trends in prostate cancer incidence and mortality: an analysis of mortality change by screening intensity. CMAJ. 2003; 168: 31-5.
cer de la prostate au Pays-Bas en 1991, période antérieure au dépistage, et sur les données hollandaises de l’essai européen de dépistage. Les données d’incidence de 1991 ont permis d’estimer à 64 le nombre de cancers de la prostate qui seraient diagnostiqués si l’on suivait 1 000 hommes pendant leur vie entière sans dépistage. La figure 2 présente l’estimation du surdiagnostic avec 2 programmes de dépistage. En faisant un seul dépistage à l’âge de 55 ans, 15 cancers de la prostate seront détectés, dont 4 n’auraient jamais été symptomatiques. La proportion des cas en trop parmi les cas dépistés est égale à 4/15 = 27 %, et l’augmentation du risque de can-
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cer de la prostate sur la vie entière est de 4/64 = 6 %. Les 53 cancers qui n’ont pas été dépistés n’étaient, pour la plupart, pas présents ou pas encore dépistables, et quelques-uns sont des faux négatifs du dépistage. En faisant un dépistage tous les 4 ans entre 55 et 67 ans, soit 4 dépistages, 86 cancers de la prostate seront détectés dont 41 n’auraient jamais été symptomatiques. La proportion de cas en trop est égale à 41/86 = 48 % et l’augmentation du risque de cancer de la prostate sur la vie entière est de 41/64 = 64 %. Dix-neuf cancers à venir ne sont pas dépistés. Avec un seul dépistage, le surdiagnostic n’est pas très important mais on ne détecte que 17 % (11/64) des cancers. Avec 4 examens de dépistage réalisés tous les 4 ans, on détecte 70 % (45/64) des cancers, mais le surdiagnostic est très important.
Mise au point
Dépistage du cancer de la prostate dans la population générale : des inconvénients certains, un bénéfice hypothétique
Conclusion Le dépistage du cancer de la prostate remplit une partie des critères requis par l’OMS (tableau I), mais le dépistage trouve des cancers de la prostate qui n’auraient jamais fait parler d’eux, et on ne dispose à l’heure actuelle d’aucun moyen pour identifier ces cancers qui ne nécessiteraient pas de traitement. En dépistant, on entraîne donc un surdiagnostic et des traitements en excès, alors que ces traitements induisent une morbidité importante. Face à un dépistage ayant de tels inconvénients, il est indispensable d’avoir la certitude qu’il diminue la mortalité par cancer de la prostate avant d’envisager de le recommander.
Fi gure 2 Estimation du surdiagnostic avec 2 stratégies de dépistage par dosage de PSA avec un seuil de 3 ng/mL
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Source : Draisma et al. Lead times and overdetection due to prostatespecific antigen screening: estimates from the European randomised study of screening for prostate cancer. J Natl Cancer Inst. 2003; 95: 868-78.
Aupérin A, Laplanche A, Hill C
À titre d’illustration, si l’on propose aujourd’hui en France un dépistage systématique aux 7 millions d’hommes âgés de 50 à 75 ans, avec une participation de 40 % on aura 336 000 tests positifs (12 %). On fera 280 000 biopsies (si un homme sur 6 refuse la biopsie) entraînant 8 400 complications (3 % des biopsies). On découvrira 70 000 cancers (2,5 % de la population dépistée), soit 2 fois plus que l’incidence actuelle dont environ 30 % de cas qui ne seraient jamais devenus symptomatiques. À la suite du traitement, 33 000 hommes (45 %) présenteront des problèmes d’impuissance, d’incontinence ou de rectites. En conclusion, nous ne pouvons que réitérer les recommandations de l’Anaes : à savoir qu’il convient d’attendre les résultats des essais avant d’entreprendre un dépistage systématique en
France. L’Anaes a rédigé un document proposant des éléments d’information à communiquer aux hommes envisageant un dépistage individuel, mais l’information fournie ne peut être que partielle pour l’instant, en l’absence de données fiables sur le bénéfice du dépistage [42]. Une étude réalisée par l’assurance-maladie dans la région Centre en 2000-2001 a montré que, malgré cette absence de données sur le bénéfice du dépistage, plus de 20 % des hommes de 60 à 84 ans ont eu au moins un dosage de PSA, et pour 60 % d’entre eux, il s’agissait d’un dosage isolé donc probablement d’un examen de dépistage [43]. Conflit d’intérêts : aucun
Complément électronique disponible sur le site Internet de La Presse Médicale (www.masson.fr/revues/pm) • Éléments d’information des hommes envisageant la réalisation d’un dépistage individuel du cancer de la prostate. Anaes, septembre 2004.
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