Dermatomyosite induite par la pravastatine

Dermatomyosite induite par la pravastatine

La revue de médecine interne 26 (2005) 897–902 http://france.elsevier.com/direct/REVMED/ Communication brève Dermatomyosite induite par la pravastat...

172KB Sizes 2 Downloads 228 Views

La revue de médecine interne 26 (2005) 897–902 http://france.elsevier.com/direct/REVMED/

Communication brève

Dermatomyosite induite par la pravastatine Pravastatin-induced dermatomyositis P. Zuech a, C. Pauwels b, C. Duthoit c, L. Méry b, A. Somogyi a, A. Louboutin d, C. Veyssier-Belot a,* a

Service de médecine interne, centre hospitalier intercommunal Poissy-Saint-Germain-en-Laye, 20, rue Armagis, 78100 Saint-Germain-en-Laye, France b Service de dermatologie, centre hospitalier intercommunal Poissy-Saint-Germain-en-Laye, 20, rue Armagis, 78100 Saint-Germain-en-Laye, France c Dermatologue, 25, chemin des Vignes, 78340 Les-Clayes-sous-Bois, France d Service d’anatomopathologie, centre hospitalier intercommunal Poissy-Saint-Germain-en-Laye, France Reçu le 26 janvier 2005 ; accepté le 19 juillet 2005 Disponible sur internet le 25 août 2005

Résumé Introduction. – Les effets secondaires musculaires des statines (inhibiteurs de l’HMG-CoA réductase) comportent une myopathie, des myalgies, une myosite ou une authentique rhabdomyolyse. Plus récemment, la survenue de maladies auto-immunes de type lupus, vascularite, polymyosite ou dermatomyosite a été rapportée au cours d’un traitement par statines. Exégèse. – Nous rapportons un cas de dermatomyosite chez une patiente traitée par pravastatine (Elisor®) depuis deux ans. Le diagnostic est établi devant les signes cliniques cutanés et musculaires et l’élévation des CPK (40 N) tandis que les examens immunologiques sont négatifs, avec un électromyogramme (EMG) et une biopsie musculaire quasiment normaux. Le traitement par pravastatine est arrêté. La patiente récupère en trois mois, sous traitement par corticothérapie locale. La recherche d’un cancer est négative. L’analyse de la littérature confirme la rareté de cette association en trouvant huit autres cas. L’élévation des CPK est constante. La biopsie musculaire et/ou l’électromyogramme ont conforté le diagnostic dans la moitié des cas. Le traitement a été arrêté chez tous les patients et six ont reçu une corticothérapie générale pour obtenir cette amélioration. Tous sauf un ont guéri, une patiente décédant d’une fibrose pulmonaire extensive malgré un traitement immunosuppresseur par cyclophosphamide (Endoxan®). Conclusion. – Une dermatomyosite survenant chez un patient traité par statines doit faire discuter la responsabilité du traitement dans l’apparition de la maladie et impose son arrêt. L’évolution de la maladie, parfois spontanément favorable, peut aussi nécessiter le recours aux traitements usuels, corticothérapie générale en premier lieu. © 2005 Elsevier SAS. Tous droits réservés. Abstract Introduction. – The toxic myopathy caused by statins (HMG-CoA reductase inhibitors) is well established. Recent reports add to these effects systemic immune diseases including systemic lupus erythematosus, vasculitis, polymyositis or dermatomyositis. Exegesis. – We report a case of dermatomyositis in a 69-year-old patient treated with pravastatin [Elisor®]. She presented with typical features of dermatomyositis 2 years after she started a treatment with pravastatin. The treatment was discontinued and she slowly improved, with a transient dermocorticosteroid treatment. Eight other patients with dermatomyositis and chronic treatment with HMG-CoA reductase inhibitors are reported in the literature. All of them presented with classical features of dermatomyositis. The discontinuation of the treatment was followed by spontaneous clinical and biological improvement in 3/9 patients. The other patients received high doses of corticosteroids and improved, except one patient who died of respiratory failure (pulmonary fibrosis) despite the adjunction of oral cyclophosphamide [Endoxan®]. In these patients, dermatomyositis can be considered as a severe adverse reaction to HMG-CoA reductase inhibitors although a distinct casual link cannot be definitely established.

* Auteur correspondant. Adresse e-mail : [email protected] (C. Veyssier-Belot). 0248-8663/$ - see front matter © 2005 Elsevier SAS. Tous droits réservés. doi:10.1016/j.revmed.2005.07.005

898

P. Zuech et al. / La revue de médecine interne 26 (2005) 897–902

Conclusion. – The increasing prescription of statins has led to the parallel increment of reported side-effects, where autoimmune diseases are now described. Among them, our case of dermatomyositis in a patient receiving pravastatin adds to the eight reported cases in the literature and highlights the potential role of statins as triggers of immune systemic diseases. © 2005 Elsevier SAS. Tous droits réservés. Mots clés : Dermatomyosite ; Statines ; Effets secondaires des médicaments ; Réaction cutanée médicamenteuse Keywords: Dermatomyositis; Statins; Side effects of drugs; Cutaneous reactions to drugs

1. Introduction Les statines, inhibiteurs de l’hydroxyméthylglutaryl coenzyme A (HMG-CoA) réductase, sont des médicaments hypocholestérolémiants, actuellement prescrits de façon croissante dans diverses indications de prévention secondaire ou primaire ayant trait aux maladies vasculaires et à leurs facteurs de risque. Cette classe thérapeutique est responsable d’effets secondaires musculaires, parfois purement biologiques (élévation de la créatine phosphokinase ou CPK), parfois à type de myalgies, de myosite et de rhabdomyolyse [1,2]. On retrouve des symptômes musculaires (crampes, douleur, faiblesse) chez 1 à 5 % des patients traités par statines et les CPK sont élevées chez 5 à 10 % de ces patients. Le risque de rhabdomyolyse s’évalue entre 0,05 et 0,2 % [2]. Les effets indésirables cutanés des statines sont rares (de 1 à 4 % sous simvastatine) [3] et seraient liés à l’inhibition des HMGCoA réductases épidermiques conduisant à une diminution de la synthèse du cholestérol par l’épiderme et à l’altération secondaire du contenu lipidique de cette couche cutanée. Ces manifestations comprennent des cas de prurit, d’éruptions eczématiformes, d’angio-œdèmes, d’urticaires [4] et de lichen plan pemphigoïde [5]. La description plus récente de maladies auto-immunes apparues au cours d’un traitement par statines accroît la liste de leurs effets secondaires : lupus [6], vascularites [4], hépatite auto-immune [7], polymyosite [8], et dermatomyosite [9–16], comme dans le cas que nous rapportons.

2. Observation Une patiente de 69 ans est traitée depuis deux ans pour une hypercholestérolémie (pravastatine [Elisor®]), une hypertension artérielle (urapidil [Eupressyl®], sotalol [Sotalex®], valsartan [Tareg®]) et un syndrome dépressif (paroxétine [Déroxat®] et alprazolam [Xanax®]). Elle est adressée pour l’apparition récente de myalgies et d’un déficit moteur proximal prédominant aux membres supérieurs, suivis 15 jours plus tard d’une éruption cutanée à type de lésions érythématoviolacées du visage, du cou, du tronc et des membres particulièrement localisée aux coudes et au dos des mains (Figs. 1,2) et de lésions érosives endobuccales. Les examens complémentaires montrent un syndrome inflammatoire modéré (VS : 25, élévation des a2 globulines), une élévation des enzymes musculaires (CPK initiales à 6246 UI/l, N < 173, LDH à 652 UI/l

Fig. 1. Lésions érythématoviolacées du visage et du cou.

Fig. 2. Lésions érythémateuses des coudes.

pour N < 215, SGOT 4 N, SGPT 2 N), tandis que le bilan immunologique est négatif (AAN, ANCA) et la créatinine normale (62 µmol/l). Le traitement par pravastatine est arrêté devant l’association de myalgies avec déficit moteur prédominant aux racines des membres supérieurs, d’une élévation des CPK et de cette éruption cutanée tout à fait évocatrice de dermatomyosite. La biopsie cutanée est compatible avec ce diagnostic avec en histologie la présence d’une dermite de jonction vacuolaire et nécrotique avec atrophie épidermique et infiltrat lymphocytaire périvasculaire dermique tandis que l’immunofluorescence cutanée directe montre des corps ronds dermiques papillaires et une bande lupique a minima en C3 et IgM. L’électromyogramme est normal à l’exception d’un trajet myogène sur le long supinateur et le biceps gauche. La

P. Zuech et al. / La revue de médecine interne 26 (2005) 897–902

899

Tableau 1 Récapitulatif des taux de CPK et des modifications thérapeutiques 07/10/03

16/10/03

CPK = 6246 UI/ml VS = 23/55

CPK = 3027 UI/ml

18/10/03 Arrêt Statine EMG Biopsie musculaire

biopsie musculaire (deltoïdienne) montre de discrets signes inflammatoires peu spécifiques en immunohistochimie avec un infiltrat lymphocytaire périvasculaire constitué presque exclusivement de petits lymphocytes T et de quelques macrophages interstitiels dans l’endomysium. Il n’existe pas de nécrose myocytaire, ni de myophagie notable ni d’atrophie périfasciculaire. La biopsie ayant été incluse en totalité, le typage HLA n’a pu être réalisé. La recherche d’une néoplasie sous-jacente est négative (scanner thoraco-abdominal, fibroscopie gastrique et coloscopie). L’échographie cardiaque et les épreuves fonctionnelles respiratoires sont normales. En plus de l’arrêt de la pravastatine, le traitement comporte l’administration brève de dermocorticoïdes (clobétasol, [Dermoval®]) et d’antipaludéens de synthèse (hydroxychloroquine, [Plaquenil®]). Ce second traitement, brièvement suivi de l’administration de chloroquine (Nivaquine®), est arrêté après deux semaines et demi en raison de l’apparition de céphalées, d’asthénie, de troubles digestifs et secondairement de nouvelles lésions érythémateuses et prurigineuses prédominant sur le tronc et cédant rapidement sous dermocorticoïdes. Les lésions cutanées et l’atteinte musculaire s’améliorent progressivement pour disparaître en trois mois (Tableau 1). Le traitement de sortie comporte urapidil (Eupressyl®), hydrochlorothiazide (Esidrex®) et paroxétine (Déroxat®). Le sotalol [Sotalex®] a été arrêté dans l’hypothèse initiale d’une atteinte cardiaque et le valsartan [Tareg®] en vue des injections d’iode reçues lors des explorations par scanner, l’ensemble des deux traitements n’assurant pas continuellement un bon contrôle tensionnel (association non synergique). La patiente est depuis lors asymptomatique sur le plan cutané et musculaire. L’arrêt du traitement par statines a conduit à la normalisation des CPK en trois mois. Aucune pathologie dysimmunitaire ou néoplasique n’est apparue avec un recul de 16 mois.

31/10/03 Changement traitement de l’HTA CPK = 1289 UI/ml VS = 18/36

06/01/04 CPK = 88 UI/ml VS = 10/29

3. Discussion Dans ce cas clinique, l’interrogatoire de la patiente a permis de retrouver la prise de pravastatine, qui, associée aux myalgies et à l’élévation des CPK, a fait d’emblée suspecter un effet secondaire musculaire indésirable classique et invalidant du traitement imposant son arrêt. De plus, cette atteinte musculaire était associée à une atteinte cutanée très évocatrice de dermatomyosite. Un cas de myopathie inflammatoire survenant sous pravastatine ayant été rapporté en 1992 [9] suivi de cas sporadiques de dermatomyosites associées à la prise d’autres statines (Tableau 2), l’arrêt du traitement chez notre patiente nous a paru d’autant plus justifié. L’association de lésions cutanées très évocatrices de dermatomyosite et d’un déficit musculaire proximal avec élévation des CPK remplissait les caractéristiques cliniques et biologiques d’une dermatomyosite probable selon les critères de Bohan et Peters [17]. La guérison ultérieure à l’arrêt du traitement par statines et la négativité du bilan immunologique et néoplasique ont conforté l’hypothèse de dermatomyosite induite par la pravastatine. Cette observation incite à rappeler quelques-uns des effets indésirables musculaires, cutanés et immunologiques des statines. Les effets secondaires musculaires, cliniques (signes de myotoxicité) ou biologiques (élévation des CPK), sont les mieux connus. Les signes de myotoxicité sont variés dans leur symptomatologie, leur fréquence, leur gravité (Tableau 2) [1,2] et leur terminologie, qui est floue et se modifie selon les auteurs. Ces manifestations musculaires sont un effet de classe, dose-dépendant, des inhibiteurs de l’HMG-CoA réductase. Cet effet pouvait être évoqué chez notre patiente dont la biopsie ne rapportait pas la présence d’une atteinte musculaire inflammatoire. Cependant, la patiente ne prenait aucun des traitements habituellement associés à des effets secondai-

Tableau 2 Effets secondaires musculaires des statines Quatre syndromes Myopathie

Définition Toute maladie musculaire (douleur, faiblesse) peut être acquise ou héréditaire Symptôme musculaire avec CPK normales

CPK Variables

Biopsie Variable

Fréquence

Normales ou très peu élevées

1 à 5 %. Réversible deux à trois semaines après l’arrêt

Myosite (« myopathy » pour certains auteurs)

Symptôme musculaire avec CPK augmentées

CPK < 10 N

Rhabdomyolyse

Douleurs musculaires, CPK élevées et atteinte rénale

CPK > à 10 N

Anomalies histologiques mineures et dysfonction mitochondriale Variation de la taille des fibres musculaires, nécrose de certaines fibres, infiltrat inflammatoire Nécrose des fibres musculaires et pas d’infiltrat inflammatoire

Myalgie

0,1 % à 0,5 % (si la statine est utilisée en monothérapie)

1 cas/100000 patients-années, ou 0,05 %

900

P. Zuech et al. / La revue de médecine interne 26 (2005) 897–902

res musculaires importants (notamment pas de gemfibrozil). De plus, ces interactions médicamenteuses ont lieu du fait de l’inhibition de l’isoenzyme CYP 3A4 du cytochrome P450 par les traitements associés ; or, moins de 1 % de la pravastatine est métabolisée par le système CYP 3A4 [2]. La patiente n’avait pas d’insuffisance hépatique ou rénale ni d’hypothyroïdie pouvant majorer le taux circulant de la pravastatine ou aggraver ses effets musculaires. Enfin, la pravastatine, hydrophile, a en théorie moins d’actions sur la membrane musculaire que des statines lipophiles. Elle inhibe jusqu’à 85 fois moins l’HMG-CoA réductase du myocyte que la simvastatine alors que l’inhibition de l’enzyme hépatique est similaire [18]. Le cas rapporté par Vasconcelos [15] qui est survenu sous simvastatine alors que la pravastatine était bien tolérée auparavant serait en faveur d’une meilleure tolérance de la pravastatine. Mais les cas de dermatomyosite rapportés après prise de pravastatine [9,14], (notre cas), vont contre cette hypothèse. L’ensemble de ces arguments, associés au tableau clinique cutané de la patiente dont la posologie de pravastatine était normale, nous semble donc écarter l’hypothèse d’un effet musculaire connu et fréquent de la pravastatine. Les effets secondaires cutanés exclusifs des statines sont moins bien connus. Ils ne sont en général pas rapportés dans les grandes séries des effets indésirables cutanés des médicaments [19] ou le sont sous forme de cas isolés : prurit, éruption eczématiforme, urticaire et angio-œdème, porphyrie cutanée tardive, éruption lichénoïde et lichen plan pemphigoïde [5]. Ils ne correspondent pas au tableau de notre patiente. La survenue sous statines d’une pathologie immunologique a été rapportée [20], avec l’apparition de maladies telles qu’un lupus érythémateux disséminé, une hépatite autoimmune, une vascularite [4], une polymyosite [8] ou une dermatomyosite [9–16], (Tableau 3). Parmi les signes d’accompagnement des cinq patients souffrant de polymyosite, on notait dans deux cas des signes cutanés tout à fait éloignés Tableau 3 Observations de la littérature et notre cas. Dermatomyosites et statines ˆ ges/ CPK Références Statine Durée A AAN (mois) sexe (UI/l)

des signes cutanés de dermatomyosite (un patient avait des mains de travailleur, un autre un œdème sclérodermiforme) [8]. Les cas rapportés de dermatomyosite survenant sous statines sont ponctuels (neuf cas décrits en 12 ans) [9–16], les statines concernées étant variées (Tableau 3). Ces observations partagent quelques caractéristiques. La durée du traitement est souvent assez prolongée (en moyenne 11,5 mois), pouvant atteindre deux années [12] comme dans notre cas. Les patients n’ont jamais d’antécédents de maladie immunologique. La moitié d’entre eux a un titre élevé d’anticorps antinucléaires au moment du diagnostic. Chez notre patiente, les anticorps étaient négatifs et le sont restés au cours de l’évolution. Dans les données analysables, la biopsie cutanée était contributive (5/7), tout comme la biopsie musculaire lorsqu’elle était pratiquée (6/7). Dans notre observation, la biopsie cutanée était compatible avec une dermatomyosite tandis que la biopsie musculaire montrait très peu d’infiltrat inflammatoire. À l’exception de deux observations de la littérature [13,16] et de notre cas, tous les patients ont reçu une corticothérapie générale, associée chez une patiente à un traitement par bolus de cyclophosphamide (Endoxan®) n’empêchant pas le décès par fibrose pulmonaire très évolutive [11]. Pour les autres patients, après l’interruption du traitement par statines, la corticothérapie générale a permis d’améliorer les signes musculaires et cutanés. Dans ces cas, la question de l’imputabilité du traitement peut se poser, l’hypothèse d’une dermatomyosite « autonome » survenant chez un patient par ailleurs traité par statines pouvant aussi être discutée. Chez notre patiente, après un bref traitement antérieur par fénofibrate (Lipanthyl®) puis cérivastatine (Staltor®) dont la durée était impossible à faire préciser par la patiente, le traitement par pravastatine était parfaitement supporté jusqu’à la survenue de la dermatomyosite. La dermatomyosite iatrogène est exceptionnelle. Dans cette hypothèse, l’imputabilité du trai-

Biopsie Biopsie cutanée musculaire + + NF + NF non spécifique + +

EMG

Traitement

Recherche Évolution cancer

NF + NF

Arrêt statine CT Arrêt statine CT Arrêt statine CT puis cyclophosphamide Arrêt statine CT

– – NF



Schalke [9] Khattak [10] Hill [11]

Pravastatine Simvastatine Simvastatine

5 6 18

F/66 H/50 F/76

> 4000 – 1045 1/250 1246 1/2560

RodriguezGarcia [12] Noël [13] Takagi [14]

Lovastatine

24

F/63

Élevées –

Atorvastatine Pravastatine

12 0,5

H/44 H/69

> 2000 1/2560 9400 +

+

+

NF

Arrêt statine Arrêt statine CT

Vasconcelos [15] Simvastatine

1

H/68

2354

NF

+

+

+

Arrêt statine CT *

Thual [16] Cas actuel [16]

2 24

H/76 F/69

500 6246

– –

NF +

+ –

Normal Arrêt statine Normal Arrêt statine dermocorticoïdes

Fluvastatine Pravastatine

+



– –

Guérison Guérison (cinq mois) Décès (Insuffisance respiratoire aiguë sur fibrose) Guérison (un an) Guérison (rapide) Guérison (trois mois) Récidive après reprise atorvastatine Guérison (quelques mois) Guérisons en un mois Guérisons en trois mois

NF : non fait ; Biopsies notées + quand elles sont compatibles avec les lésions habituellement notées au cours des dermatomyosites ou polymyosites ; EMG + : tracé myogène ; CT : corticothérapie générale ; CT* : corticothérapie administrée six mois après l’arrêt de la statine devant l’absence d’amélioration.

P. Zuech et al. / La revue de médecine interne 26 (2005) 897–902

tement par pravastatine pour notre patiente a été discutée selon les critères français décrits par Bégaud [21]. Ces critères ont permis de voir que l’évolution chronologique (à l’administration et à l’arrêt du traitement) ainsi que le score sémiologique rendent cette hypothèse vraisemblable, même s’il n’existe pas de test de réintroduction du médicament. Dans la littérature, un cas permet d’affirmer l’imputabilité du traitement dans la survenue de la maladie. En effet, le patient dont la maladie était apparue sous pravastatine et avait disparu après l’arrêt de ce médicament et mise sous corticothérapie générale a eu une récidive de sa dermatomyosite lors de la reprise d’un traitement par atorvastatine [14]. L’apparition d’une dermatomyosite induite par un autre des traitements pris par la patiente semble peu probable en l’absence de cas rapportés dans la littérature concernant les b-bloquants (sotalol), les antagonistes du récepteur de l’angiotensine II (AAII) (valsartan), les antihypertenseurs centraux (urapidil), les benzodiazépines (alprazolam) ou les inhibiteurs du recaptage de la sérotonine (paroxétine) [22]. Les modifications du traitement antihypertenseur ont été faites cinq jours après l’arrêt de la pravastatine en raison d’un mauvais contrôle tensionnel avec deux traitements dont l’association n’est pas synergique (b-bloquants et AAII). Il nous semble donc difficile d’incriminer un de ces traitements dans l’apparition de la dermatomyosite. La guérison de ces dermatomyosites induites par les statines ou associées à celles-ci survient dans l’ensemble dans un délai beaucoup plus court que dans le cas des dermatomyosites « autonomes » [23], et on ne note pas de rechute à l’arrêt de la corticothérapie générale comme cela est rapporté jusqu’à 50 % des cas de dermatomyosites idiopathiques [24]. La guérison est le plus souvent obtenue sous corticothérapie générale sauf chez notre patiente et dans deux cas de la littérature. Nous n’avons aucune explication pour cette particularité, les trois cas n’ayant aucun point commun, ni concernant la statine utilisée, ni concernant les caractéristiques des patients (deux hommes, une femme, d’âges divers, etc.), ni concernant la gravité de l’atteinte musculaire. Il n’est donc pas possible de tirer de ces observations de règles quant à une éventuelle temporisation, voire abstention, de la corticothérapie générale. La discussion physiopathologique de cette observation est difficile. La toxicité musculaire des statines est mal comprise. Elle pourrait en partie s’expliquer par la réduction du cholestérol intracellulaire qui, en modifiant le contenu lipidique de la membrane des cellules musculaires, changerait la fluidité membranaire et altérerait le fonctionnement des canaux Na+/K+, fragilisant l’intégrité ou les propriétés électriques de la membrane cellulaire [25]. L’utilisation d’une HMG-CoA réductase conduit à l’inhibition de la synthèse de mévalonate et à une réduction de ses métabolites, dont l’ubiquinone (coenzyme Q). L’ubiquinone est utilisée par la mitochondrie pour le transport des électrons et pour la production d’ATP. La réduction du métabolisme énergétique mitochondrial musculaire peut fragiliser les myocytes. La toxicité cutanée aurait des mécanismes différents, médiés par l’inhibition

901

des HMG-CoA réductases épidermiques avec réduction de la synthèse du cholestérol épidermique d’où découlerait une altération du contenu lipidique de la couche cornée et une fragilisation cutanée [5]. Enfin, l’apparition sous statines de maladies auto-immunes impliquerait l’effet mixte des statines comme immunomodulateurs des lymphocytes T et comme inducteurs d’apoptose [23].

4. Conclusion Notre cas clinique de dermatomyosite, associé aux cas rapportés dans la littérature, appelle deux commentaires. Le premier est la rareté de cette maladie secondaire à la prescription d’une statine, en particulier en comparaison du nombre de prescriptions de cette classe de molécules qui va croissant avec l’extension de leurs indications [26]. Le deuxième commentaire insiste sur la gravité de la maladie qui nécessite le plus souvent une corticothérapie générale sauf dans notre observation et quelques cas de la littérature. Cette revue contribue à augmenter la variété des maladies immunologiques rapportées en association à la prescription de statines ou induites par ce traitement. Elle incite à la vigilance devant des signes cliniques musculaires et cutanés apparaissant chez des patients sous traitement et à la discussion des indications d’un traitement par statines chez un patient aux antécédents immunologiques [26].

Remerciements Remerciements au Dr M. Polivka qui a revu les lames de la biopsie musculaire. Dr M. Polivka, service d’anatomopathologie du Professeur F. Gray, hôpital Lariboisière, 2, rue Ambroise-Paré, 75475 Paris cedex 10 France.

Références [1] [2] [3] [4]

[5]

[6]

[7]

Thompson PD, Clarkson P, Karas RH. Statin-associated myopathy. JAMA 2003;289:1681–90. Guis S, Mattéi JP, Lioté F. Drug-induced and toxic myopathies. Best Practise and Research Clinical Rheumatology 2003;17:877–907. Ziegler O, Droin P. Safety, tolerability and efficacy of simvastatin and fenofibrate. Cardiology 1990;77:50–7. Rudski L, Rabinovitch MA, Danoff D. Systemic immune reactions to HMG-CoA reductase inhibitors. Report of four cases and review of the literature. Medicine 1998;77:378–83. Stoebner P-E, Michot C, Ligeron C, Durand L, Meynadier J, Meunier L. Lichen plan pemphigoïde induit par la simvastatine. Ann Dermatol Venereol 2003;130:187–90. Srivastata M, Rencic A, Diglio G, Santana H, Bonitz P, Watson R, et al. Drug-induced, Ro/SSA-positive cutaneous lupus erythematosus. Arch Dermatol 2003;139:45–9. Graziadei IW, Obermoser GE, Sepp NT, Erhart KH, Vogel W. Druginduced lupus-like syndrome associated with severe autoimmune hepatitis. Lupus 2003;12:409–12.

902 [8]

[9] [10] [11] [12] [13] [14] [15]

[16]

[17]

P. Zuech et al. / La revue de médecine interne 26 (2005) 897–902 Fauchais A-L, Iba Ba J, Maurage P, Kyndt X, Bataille D, Hachulla E, et al. Polymyosites induites ou associées aux traitements hypolipémiants? À propos de cinq cas. Rev Med Interne 2004;25:294–8. Schalke BB, Schmidt B, Toyka K, Hartung H-P. Pravastatinassociated inflammatory myopathy. N Engl J Med 1992;327:649–50. Khattak FH, Morris IM, Brandford WA. Simvastatin-associated dermatomyositis. Br J Rheumatol 1994;33:199. Hill C, Zeitz C, Kirkham B. Dermatomyositis with lung involvement in a patient treated with simvastatin. Aust N Z J Med 1995;25:745–6. Rodriguez-Garcia J, Serrano Commino M. Lovastatin-associated dermatomyositis. Postgrad Med J 1996;72:694. Noël B, Cerottini J-P, Panizzon RG. Atorvastatin-induced dermatomyositis. Am J Med 2001;110:670–1. Takagi A, Shiio Y. [Pravastatin-associated polymyositis, a case report](article en japonais). Rinsho Shinkeigaku 2004;44:25–7. Vasconcelos OM, Campbell WW. Dermatomyositis-like syndrome and HMG-CoA reductase inhibitor (statin) intake. Muscle Nerve 2004;30:803–7. Thual N, Penven K, Chevallier J, Dompmartin A, Leroy D. Dermatomyosite induite par la fluvastatine. Journées dermatologiques de Paris 2004, poster 228. Ann Dermatol Venereol 2004;131 ([hors série 1] : 1S212). Bohan A, Peter JB, Bowman RL, Pearson CM. Computer-assisted analysis of 153 patients with polymyositis and dermatomyositis. Medicine 1977;56:255–86.

[18] Masters BA, Palmoski MJ, Flint OP, Gregg RE, Wang-Iverson, Durham SK. In vitro myotoxicity of the 3-hydroxy-3-methylglutaryl coenzyme A reductase inhibitors, pravastatin, lovastatin and simvastatin, using neonatal rat skeletal myocytes. Toxicol Appl Pharmacol 1995;131:163–74. [19] Bigby M. Rates of cutaneous reactions to drugs. Arch Dermatol 2001;137:765–70. [20] Vial T, Nicolas B, Descotes J. Drug-induced autoimmunity: experience of the French Pharmacovigilance system. Toxicology 1997;119: 23–7. [21] Bégaud B, Evreux JC, Jouglard J, Lagier G. Imputabilité des effets inattendus ou toxiques des medicaments. Actualisation de la méthode utilisée en France. Therapie 1985;40:111–8. [22] Machet L, Lavigne C, Rivollier C. Dermatomyosite. Encycl. Méd. Chir. (Editions Scientifiques et Médicales Elsevier SAS, Paris, tous droits réservés), Dermatologie, 98-500-A-10, 2003, 12p. [23] Marie I, Hachulla E, Hatron PY, Hellot MF, Lévesque H, Devulder B, et al. Polymyositis and dermatomyositis: Short term and long term outcome, and predictive factors of prognosis. J Rheum 2001;28: 2230–7. [24] Phillips BA, Zilko P, Garlepp MJ, Mastaglia FL. Frequency of relapses in patients with dermatomyositis and polymyositis. Muscle Nerve 1998;21:1668–72. [25] Andréjak M, Gras V, Massy ZA, Caron J. Effets indésirables des statines. Therapie 2003;58:77–83. [26] Noël B. Autoimmune disease and other potential side-effects of statins. Lancet 2004;363:2000.