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REVMED-5812; No. of Pages 3
La Revue de médecine interne xxx (2019) xxx–xxx
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ScienceDirect www.sciencedirect.com
Idées et débats
Des guidelines pour l’intelligence artificielle ! Artificial intelligence: Guidelines for internists K. Gratzer a , H. Servy a,∗ , L. Chiche b a b
E-health Services Sanoïa, 188, avenue 2nd DB, 13420 Gémenos, France Service de médecine interne, Hôpital Européen, 6, rue Désirée-Clary, 13003 Marseille, France
i n f o
a r t i c l e
Historique de l’article : Disponible sur Internet le xxx Mots clés : Big data Intelligence artificielle Machine learning Médecine interne Affections musculosquelettiques
r é s u m é Suite à l’apparition des bases de données publiques ouvertes et des objets connectés, le big data et l’intelligence artificielle se développent rapidement, notamment en médecine, avec de nombreuses opportunités, allant de l’aide au diagnostic complexe à l’analyse statistique en temps réel. Afin de favoriser leur développement et de guider leur utilisation dans le domaine de la médecine interne, des lignes directrices et des recommandations sont nécessaires. Cet article cherche d’abord à clarifier les concepts et les corrélations du big data et de l’intelligence artificielle, et ensuite à donner une vue d’ensemble des avancées au niveau européen dans ce domaine en pleine expansion. ´ e´ Nationale Franc¸aise de Medecine ´ © 2019 Societ Interne (SNFMI). Publie´ par Elsevier Masson SAS. ´ ´ Tous droits reserv es.
a b s t r a c t Keywords: Big data Artificial intelligence Machine learning Internal medicine Rheumatic and musculoskeletal diseases
Following the emergence of open public databases and connected objects, big data and artificial intelligence are developing rapidly, especially in medicine, with many opportunities ranging from complex diagnostic assistance to real-time statistical analysis. In order to promote their development and guide their use in the field of internal medicine, guidelines and recommendations are needed. First of all, this article seeks to clarify the concepts of big data and artificial intelligence and the correlations between each other, and then to give an overview of the progress made at European level in this rapidly expanding field. ´ e´ Nationale Franc¸aise de Medecine ´ Interne (SNFMI). Published by Elsevier Masson SAS. © 2019 Societ All rights reserved.
Alors que nos collègues rhumatologues viennent de publier des recommandations européennes concernant l’usage du big data et de l’Intelligence Artificielle (IA) [1], il semble que les internistes n’aient peut-être pas encore pris toute la mesure de l’intérêt de, ce qui semble pour beaucoup, n’être toujours qu’une simple « technologie ». L’objectif de cet article est, d’une part, de rapidement définir et clarifier les notions de big data et d’IA, et d’autre part, de faire état des avancées concrètes dans ce champ nouveau, illustrées par des recommandations récemment émises par une spécialité qui partage la prise en charge d’un large nombre de pathologies chroniques avec les internistes [1], dont nous espérons favoriser l’investissement dans ce domaine prometteur.
∗ Auteur correspondant. Adresse e-mail :
[email protected] (H. Servy).
1. L’IA : quelques définitions Les technologies du big data, du Machine Learning (ML) et de l’Intelligence Artificielle (IA), bien que de plus en plus souvent utilisées conjointement, sont néanmoins distinctes. Le concept de big data est directement lié au stockage et à l’exploitation rapide de grandes quantités de données brutes, souvent complexes, non systématiquement structurées et provenant de sources multiples, y compris des sources de données cliniques, biologiques, sociales et environnementales. Pour exploiter ces données massives, il est fait de plus en plus souvent appel aux analyses impliquant l’IA et le ML. L’IA est la capacité d’un programme informatique à imiter les fonctions cognitives humaines, comme l’apprentissage et la résolution de problèmes. Le Machine Learning (une filière de la technologie de l’IA) est centré sur la capacité des programmes et des algorithmes d’IA à apprendre et évoluer à partir des données fournies ; et non
https://doi.org/10.1016/j.revmed.2019.12.001 ´ e´ Nationale Franc¸aise de Medecine ´ ´ ´ 0248-8663/© 2019 Societ Interne (SNFMI). Publie´ par Elsevier Masson SAS. Tous droits reserv es.
Pour citer cet article : Gratzer K, et al. Des guidelines pour l’intelligence artificielle ! Rev Med Interne (2019), https://doi.org/10.1016/j.revmed.2019.12.001
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Tableau 1 Principes à prendre en considération concernant l’utilisation des big data [1]. Les principes globaux Les aspects éthiques, légaux et réglementaires : la collecte, l’analyse et la mise en œuvre du big data doit respecter la vie privée, la confidentialité, la sécurité, la propriété, etc. Le patient est un acteur indispensable d’un projet big data d’où l’importance du droit du patient, du consentement, de l’information, etc. Le potentiel du big data : grâce à ses propriétés « transversales », le big data représente des opportunités collaboratives, inter- et intradisciplinaires sans précédent Objectif ultime de l’utilisation du big data dans le cadre des troubles rhumatismaux et musculo-squelettiques : être bénéfique pour les personnes atteintes de ces maladies Les 10 points à prendre en considération (objectif : guider la collecte, l’analyse et l’utilisation du big data dans le cadre des troubles rhumatismaux et musculo-squelettiques) 1. Collecte de données – utilisation de normes afin de veiller à ce que l’ensemble des données existantes et futures puissent être utilisées et regroupées dans une approche big data 2. Collecte et stockage des données – les données issues du big data doivent être (re)trouvables, accessibles, interopérables et réutilisables (principe FAIR) afin d’augmenter leur réutilisation 3. Partage des données – l’idée d’un accès public aux données (plateformes ouvertes) est controversée ; dans un esprit de recherche ouverte, le partage des données est primordial ; d’autre part, cela soulève la question du respect de la propriété intellectuelle 4. Privacy by design – la vie privée doit être une exigence prévue dès la conception et à toutes les étapes (collecte, traitement, stockage, analyse et interprétation des données) 5. Collaborations – Les collaborations interdisciplinaires, à chaque étape d’un projet big data (de la collecte à l’interprétation), considérant la variété d’experts impliqués (scientifiques, professionnels de santé voire même le patient), sont essentielles 6. Publications – lors de la publication de résultats cliniques obtenus avec des technologies, les méthodes d’analyses, les paramètres et les outils utilisés dans le traitement du big data doivent être publiés afin de garantir la reproductibilité 7. Analyses comparatives (benchmarking) des méthodes de calcul – étant donné que l’IA est un domaine en pleine expansion, la comparaison des méthodes d’IA est primordiale et la communauté doit aussi faire de la sélection des meilleurs outils pour des grandes classes d’analyses un effort de recherche 8. Validation des conclusions du big data – les conclusions tirées de l’analyse big data doivent être validées indépendamment (dans d’autres bases de données) afin d’assurer leur pertinence et prévenir les effets du « sur-apprentissage » 9. Application des résultats – des applications cliniques doivent être étudiées de fac¸on proactive afin d’accélérer le passage de recherche à soins courants 10. Formations – des formations interdisciplinaires sur des méthodes de big data doivent être promues ; des organisations, y compris les sociétés savantes, devraient proposer des telles sessions de formations aux chercheurs, professionnels de santé, etc.
à fonctionner avec des paramètres prédéfinis par le programmeur [1,2]. 2. IA en pratique médicale L’IA est partout, mais certains secteurs réputés éloignés de la médecine sont comparativement en avance et peuvent constituer des sources utiles de réflexion quant à l’intégration de ces technologies dans nos processus de soins. En avril 2019, l’Armée franc¸aise a fait du développement d’une IA militaire, robuste, fiable, performante, maîtrisée, explicable et demain certifiée, une priorité pour la défense nationale. Au cœur des opportunités que représente l’IA pour la défense se trouvent la capacité de décision et de renseignement, le combat collaboratif, la robotique, le cyberespace ainsi que la logistique et la maintenance. Dans le but que l’IA militaire reste subordonnée au commandement humain, son utilisation se doit d’être responsable et la formation d’opérateurs qualifiés doit être une priorité [3]. À la lecture de cette feuille de route, les défis et les objectifs ne sont pas très loin de ceux que le champ médical souhaite adresser encore un peu mieux avec l’IA : prise de décision avec un faisceau de plus en plus large d’information, évolution de la décision parfois dans un temps contraint (chirurgie), responsabilité de la décision in-fine humaine, etc. En médecine, suite à l’apparition des bases de données publiques ouvertes – dont le SNDS (Système National des Données de Santé, comprenant entre autres SNIIRAM et PMSI) – des entrepôts de données aux seins de nos hôpitaux et de l’usage croissant d’objets connectés par les patients et les soignants, les premières mises en application concrètes apparaissent : aide au diagnostic complexe ou répétitif [4], prédiction de réponse à des traitements avec choix thérapeutiques complexes [5], surveillance en vraie vie des médicaments, identification de groupes en temps réel dans des cohortes longues. Dans le champ médical, nous pouvons raisonnablement nous attendre à ce que l’utilisation de grands volumes de données aidée de l’IA vienne disrupter le système de soins tel que nous le connaissons [6]. Par conséquent, le big data et l’IA ont besoin de lignes directrices et de recommandations, non pour contraindre, freiner ou limiter leur utilisation, mais au contraire pour favoriser leur
développement dans le respect des valeurs et des pratiques médicales [7]. La Commission européenne a d’ailleurs proposé en avril 2019 une série de règles éthiques pour légiférer l’IA [8]. Elle souhaite favoriser l’investissement dans l’IA, à condition que l’humain reste au cœur des technologies liées à l’IA, technologies qui doivent préserver les droits fondamentaux et notamment une prise en compte dans ce cadre juridique européen pour l’IA de la mise en place du Règlement Générale sur la Protection des Données (RGPD) apparu début 2018. 3. IA et innovation médicale : de premières recommandations L’IA en médecine est aussi (voire peut-être avant tout) un domaine déjà très compétitif. Dans les 12 mois qui viennent, une équipe comprenant des ingénieurs qualifiés, préfèrera-t-elle travailler sur la détection du cancer du sein, la découverte d’un nouvel effet indésirable que personne n’avait qualifié, ou la détection plus précoce d’un lupus ? La question n’est pas anodine car en pratique, l’état actuel des ressources d’ingénierie peut paradoxalement conduire à une orientation des axes prioritaires de recherches en IA, conditionnée non pas par les médecins et chercheurs mais bien par cette ressource qualifiée mais relativement trop rare ! Dans ce contexte, la collaboration interdisciplinaire, classique et nécessaire pour tous les projets de recherche, est encore plus importante dans des projets de big data où l’expertise est répartie entre différents intervenants et les compétences en IA rares, voire très rare [1]. C’est aussi un des intérêts de la publication de recommandations, qui contribuent à fédérer une filière sur une thématique tournée vers l’avenir et démontrent son engagement à l’extérieur pour ces opportunités portées par la technologie. Nos collègues rhumatologues, pionniers d’une telle démarche dans une spécialité médicale qui partage un champ pathologique commun avec la médecine interne dans un bon nombre de pathologies inflammatoires chroniques notamment, ont formé une task force qui a élaboré des recommandations (détaillées dans le Tableau 1) afin de guider la collecte de données ainsi que l’analyse et l’utilisation du big data dans le domaine des affections musculosquelettiques [1]. Enfin, et peut-être en préalable de tout : ces
Pour citer cet article : Gratzer K, et al. Des guidelines pour l’intelligence artificielle ! Rev Med Interne (2019), https://doi.org/10.1016/j.revmed.2019.12.001
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questions ne peuvent se traiter sans penser à l’enseignement de ces technologies lors du cursus médical, afin de doter les praticiens en formation de tous les outils pour « maîtriser » et intégrer ces technologies à leur pratique de manière raisonnée. Là aussi, une société savante a toute légitimité à montrer (par exemple, par des recommandations) la direction d’une telle évolution, qui sera d’autant plus efficace et acceptée qu’elle aura été décidée et conduite par ceux qui en sont les acteurs. À moins que, et c’est difficile à imaginer, les médecins internistes de 2025 préfèrent que ce soit Google qui prenne la main (quant au rôle de l’IA et du big data) dans la prise en charge de leurs patients. Déclaration de liens d’intérêts HS et KG : employés de Sanoïa (digital CRO fournissant des services de recherche clinique). LC déclare ne pas avoir de liens d’intérêts. Références
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[2] Servy H. Big data : jouer au jeu de go pourrait-il donner du temps au médecin ? La Lettre du Rhumatologue 2016;424:20–6. [3] Discours de Madame Florence Parly ministre des Armées. Intelligence artificielle et défense. Saclay.; 2019 [https://www.defense.gouv.fr/salle-depresse/discours/discours-de-florence-parly/discours-de-florence-parly-minist re-des-armees intelligence-artificielle-et-defense. Accès au site le 9 septembre 2019]. [4] Esteva A, Kuprel B, Novoa RA, Ko J, Swetter SM, Blau HM, et al. Dermatologistlevel classification of skin cancer with deep neural networks. Nature 2017;542:115–8. [5] Sun R, Limkin EJ, Vakalopoulou M, Dercle L, Champiat S, Han SR, et al. A radiomics approach to assess tumour-infiltrating CD8 cells and response to anti-PD-1 or anti-PD-L1 immunotherapy: an imaging biomarker, retrospective multicohort study. Lancet Oncol 2018;19:1180–91. [6] Topol EJ. High-performance medicine: the convergence of human and artificial intelligence. Nat Med 2019;25:44–56. [7] Villani C, Schoenauer M, Bonnet Y, Berthet C, Cornut A-C, Levin F, et al. Donner un sens à l’intelligence artificielle. Pour une stratégie nationale et européenne. Yann Bonnet, Secrétaire général du Conseil national du numérique.; 2018 [https://hal.inria.fr/hal-01967551/document. Accès au site le 12 septembre 2019]. [8] Commission Européenne. European Commission. Intelligence Artificielle.; 2019 [https://ec.europa.eu/commission/news/artificial-intelligence-2019-apr-08 fr. Accès au site le 12 septembre 2019].
[1] Gossec L, Kedra J, Servy H, Pandit A, Stones S, Berenbaum F, et al. EULAR points to consider for the use of big data in rheumatic and musculoskeletal diseases. Ann Rheum Dis 2019;0:1–8.
Pour citer cet article : Gratzer K, et al. Des guidelines pour l’intelligence artificielle ! Rev Med Interne (2019), https://doi.org/10.1016/j.revmed.2019.12.001