Des nodules sous-cutanés

Des nodules sous-cutanés

La Revue de médecine interne 28 (2007) 875–876 http://france.elsevier.com/direct/REVMED/ Image Des nodules sous-cutanés Subcutaneous nodules C. Bach...

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La Revue de médecine interne 28 (2007) 875–876 http://france.elsevier.com/direct/REVMED/

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Des nodules sous-cutanés Subcutaneous nodules C. Bachmeyera,*, Y. Turcb, P. Mogueletc, P. Terrierd, A. Caziere a

Service de médecine interne, CHU Tenon (APHP), 4, rue de la Chine, 75020 Paris, France b Département de médecine interne, centre hospitalier Laennec, 60100 Creil, France c Service d’anatomopathologie, CHU Tenon (APHP), 4, rue de la Chine, 75020 Paris, France d Département d’anatomopathologie, institut Gustave-Roussy, 94805 Villejuif, France e Service d’anatomopathologie, centre hospitalier Laennec, 60100 Creil, France Reçu le 26 mars 2007 ; accepté le 11 avril 2007 Disponible sur internet le 25 mai 2007

Mots clés : Métastases sous-cutanées à distance ; Mélanome ; Primitif inconnu Keywords: Distant subcutaneous metastases; Melanoma; Unknown primary

1. Histoire Un homme de 83 ans, sans antécédents personnels ou familiaux, était hospitalisé pour des nodules sous-cutanés augmentant progressivement de taille depuis trois mois et un ictère cutanéomuqueux d’apparition récente. L’état général était médiocre. De multiples nodules sous-cutanés, mesurant de 1 à 10 cm de diamètre, fermes, asymptomatiques, mobiles sur le plan profond, étaient présents sur l’abdomen et la face antérieure du thorax (Fig. 1). Une adénopathie axillaire gauche de 6 cm de diamètre était retrouvée. L’hémogramme était normal, la vitesse de sédimentation était à 90 mm à la première heure. L’ionogramme sanguin, la créatininémie étaient normaux. Les γ−glutamyl transférases étaient à 15 N, les ALAT à 3 N, les ASAT à 1,5 N, la bilirubine totale à 238 μmol/l (n < 20) avec une bilirubine conjuguée à 193 μmol/l (n < 5), des phosphatases alcalines à 4 N, une lipasémie à 1,5 N. L’ACE était normal et le CA 19–9 à 73,5 U/ml (n < 37). Le taux de prothrombine était à 76 %. Le scanner thoracoabdominopelvien montrait une masse infiltrant le pancréas dans sa région céphalique, englobant partiellement le tronc portomésaraïque, de multiples nodules hypodenses hépatiques, des masses multiples rétropéritonéales et intrapéritonéales des régions sous-diaphragmatiques

et pelviennes, des adénopathies rétropéritonéales, de multiples nodules sous-cutanés abdominaux, et des nodules pulmonaires multiples. L’échoendoscopie digestive haute mettait en évidence une volumineuse compression extrinsèque du duodénum liée à des adénopathies de plusieurs centimètres de diamètre refoulant la voie biliaire principale et entraînant une dilatation en amont. Un paquet d’adénopathies pédiculaires et péripancréatiques était trouvé, sans véritable masse pancréatique.

* Auteur

correspondant. Adresse e-mail : [email protected] (C. Bachmeyer).

0248-8663/$ - see front matter © 2007 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. doi:10.1016/j.revmed.2007.04.016

Fig. 1. Multiples nodules sous-cutanés de l’abdomen.

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C. Bachmeyer et al. / La Revue de médecine interne 28 (2007) 875–876

Une sphinctérotomie était réalisée et une prothèse biliaire était mise en place. 2. Diagnostic Des métastases sous-cutanées révélatrices d’un mélanome de primitif inconnu. 3. Commentaires La biopsie d’un nodule sous-cutané abdominal était réalisée. L’examen anatomopathologique et l’étude immunohistochimique permettaient de porter le diagnostic de métastase souscutanée d’un mélanome. L’examen clinique ne mettait pas en évidence de lésion cutanée ou muqueuse suspecte, les examens ophtalmologique et otorhinolaryngologique étaient normaux. Le diagnostic de mélanome de primitif inconnu révélé par des métastases sous-cutanées était alors retenu, et seul un traitement palliatif était proposé. Le patient décédait trois mois plus tard. Les métastases des tissus mous, incluant les localisations au tissu sous-cutané, au muscle, ou à des adénopathies des extrémités ou du tronc, séparées du site tumoral primitif et confirmées histologiquement ou cliniquement en cas de maladie multimétastatique, ont été rarement décrites dans la littérature. Récemment, Damron et Heiner ont rapporté une série de 30 patients ayant des métastases des tissus mous, et étudié les 91 observations publiées dans la littérature [1]. La tumeur primitive était le plus souvent bronchique, rénale ou colique. Plus rarement, il s’agissait d’un carcinome de l’estomac, de la vessie et d’ostéosarcome. La tumeur primitive était un mélanome dans quatre cas. Cependant, il est probable que les métastases sous-cutanées, en particulier des mélanomes, soient sousestimées, celles-ci étant souvent confondues avec les métastases cutanées à distance. Chez notre patient, la tumeur primitive n’a pas été retrouvée, permettant donc de retenir le diagnostic de mélanome métastatique de primitif inconnu. En effet, les critères permettant de porter ce diagnostic ont été définis en 1963 par Dasgupta et al. [2] : ● la tumeur est une métastase de mélanome et non pas une tumeur primitive ; ● aucun antécédent de tumeur cutanée, pigmentée ou non, détruite ou enlevée chirurgicalement sans examen histologique à l’interrogatoire ou à l’examen clinique du patient, n’est retrouvé ; ● aucun mélanome cutanéomuqueux après un examen clinique complet, y compris urogénital, otorhinolaryngologique et ophtalmologique, n’est présent.

Il s’agit d’une situation rare, observée dans 2 à 6 % des cas selon les séries. Dans l’étude de Chang et al. portant sur 84 836 cas de mélanome du Registre national américain du cancer colligés en dix ans, le primitif est inconnu dans 2,2 % des cas [3]. Dans l’étude rétrospective de Katz et al., parmi 2485 patients ayant un mélanome, 2,6 % d’entre eux ont un mélanome de primitif inconnu, se traduisant par une métastase ganglionnaire dans 30 cas, une métastase viscérale dans 23 cas et une métastase cutanée ou sous-cutanée dans 12 cas [4]. Plusieurs mécanismes sont évoqués pour expliquer l’absence de tumeur primitive : ● la lésion primitive peut avoir spontanément régressé ; ● le mélanome concomitant est méconnu, en particulier s’il siège sur les muqueuses oculaires, génitales ou otorhinolaryngologiques ; ● la transformation maligne intéresse des mélanocytes ectopiques sur un site ganglionnaire ou viscéral. Le premier mécanisme est avancé dans 20 % des cas, renforcé par la présence de naevi dysplasiques dans 22,5 % des cas dans une étude portant sur 40 patients [5]. Chez notre patient, le mécanisme ne peut être précisé, mais aucune exérèse de lésion cutanée n’avait été réalisée antérieurement, aucune lésion pigmentée n’avait régressé et aucun naevus dysplasique n’était retrouvé. Certaines études suggèrent un meilleur pronostic chez les patients ayant un mélanome métastatique de primitif inconnu que chez ceux ayant une tumeur primitive connue, en particulier en cas d’atteinte ganglionnaire. Ainsi, dans l’étude d’Anbari et al., le taux de survie à quatre ans est de 57 % en cas de métastases ganglionnaires sans tumeur primitive retrouvée et de 19 % en cas d’atteinte ganglionnaire avec tumeur primitive connue [5]. Cependant, ce résultat n’était pas confirmé par Katz et al., la survie à cinq ans étant de 15,8 et 17,9 % dans chaque groupe respectivement. Références [1] Damron TA, Heiner J. Distant soft tissue metastases: a series of 30 new patients and 91 cases from the literature. Ann Surg Oncol 2000;7:526–34. [2] Dasgupta T, Bowden L, Berg JW. Malignant melanoma of unknown primary origin. Surg Gynecol Obstet 1963;117:341–5. [3] Chang AE, Karnell LH, Menck HR. The National Data Base Report on cutaneous and noncutaneous melanoma. A summary of 84,836 cases from past decade. The American College of Surgeons Commission on Cancer and the American Cancer Society. Cancer 1998;83:1664–78. [4] Katz KA, Jonasch E, Hodi FS, Soiffer R, Kwitkiwski K, Sober AJ, et al. Melanoma of unknown primary: experience at Massachusetts General Hospital and Dana-Farber Cancer Institute. Melanoma Res 2005;15:77– 82. [5] Anbari KK, Schuchter LM, Bucky LP, Mick R, Synnestvedt M, Guerry D, et al. Melanoma of unknown primary site. Presentation, treatment, and prognosis – A single institution study. Cancer 1997;79:1816–21.