Détection par ultrasons des thromboses veineuses profondes des membres inférieurs

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EMC-Cardiologie Angéiologie 1 (2004) 393–403

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Détection par ultrasons des thromboses veineuses profondes des membres inférieurs Ultrasound assessment of deep vein thrombosis of the lower limbs C. Ribadeau Dumas Hôpital Americain, 63, boulevard Victor-Hugo, BP 109, 92202 Neuilly-sur-Seine cedex, France

MOTS CLÉS Membres inférieurs ; Thrombose veineuse profonde ; Échographie doppler

KEYWORDS Lower limbs; Deep vein thrombosis; Doppler ultrasound

Résumé L’échodoppler veineux des membres inférieurs a acquis ces dernières décennies une place prépondérante dans la stratégie diagnostique et thérapeutique de la maladie thromboembolique veineuse (MTEV). Après une sélection clinique et biologique (Ddimères) des patients, les explorations ultrasonores effectuées avec rigueur par un opérateur entraîné permettent de préciser les caractéristiques de la thrombose lorsqu’elle existe (sensibilité et spécificité voisines de 95 %) et parfois d’en retrouver l’origine. Dans un grand nombre de cas, l’échodoppler peut mettre en évidence une autre pathologie responsable de la symptomatologie. De la prise en charge rapide et bien orientée du patient dépendent son pronostic vital et l’importance d’éventuelles séquelles post-thrombotiques. © 2004 Elsevier SAS. Tous droits réservés. Abstract Over the past decades, Doppler ultrasound of the lower limbs has become a method of choice for diagnostic and management of venous thromboembolic disease (VTED). Patient selection is based on clinical data and D-dimer test criteria. The ultrasound examination is perfomed by a well- trained specialist allowing the identification of thrombosis when present (sensitivity and specificity close to 95%), as well as its origin in some patients. In several cases, the Doppler ultrasound may detect another disease likely to play a role in the symptomatology. Vital prognosis greatly depends on rapid management and the importance of potential persistent thrombosis sequels. © 2004 Elsevier SAS. Tous droits réservés.

Introduction La maladie thromboembolique veineuse est une pathologie fréquente dont une des expressions cliniques est la thrombose veineuse profonde des membres inférieurs (TVPMI) ; son incidence est de 1 à 2 pour 1 000 habitants par an. Les explorations Adresse e-mail : [email protected] (C. Ribadeau Dumas).

des veines par les ultrasons ont commencé à se répandre dans les années 1970 avec le Doppler continu. Ce dernier ne fournissant que des données acoustiques d’interprétation parfois difficile fut rapidement complété dans les années 1980 par l’imagerie échotomographique en mode B visualisant les veines.1 Quelques années plus tard le couplage de l’imagerie et du Doppler pulsé (Duplex) puis l’apparition du codage couleur permirent d’améliorer encore la technique.

1762-6137/$ - see front matter © 2004 Elsevier SAS. Tous droits réservés. doi: 10.1016/j.emcaa.2004.07.006

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Durant ces dernières années, l’incidence de la maladie thromboembolique veineuse a augmenté en grande partie du fait du nombre croissant de sujets âgés dans les services médicaux. Parallèlement, la prévalence de la maladie, dans un collectif de patients suspects adressés dans les centres d’explorations vasculaires, a diminué (56 % en 1980, 25 % en 1999).2 Cette baisse importante de la prévalence a pour principales origines la relative facilité d’obtention d’un examen ultrasonore et la polyvalence de ses possibilités d’exploration. En conséquence de nombreux patients sont adressés dans les centres avec une faible suspicion de thrombose. Une sélection attentive des patients grâce à la clinique et au dosage des D-dimères de la fibrine permet de lever cet inconvénient en établissant une gradation des urgences relatives et absolues.3

Examen clinique et dosage des D-dimères

Figure 1 Suspicion clinique des thromboses veineuses profondes des membres inférieurs. IRM : imagerie par résonance magnétique.

Avec une sensibilité et une spécificité médiocres dans cette pathologie, l’interrogatoire et l’examen clinique ne permettent pas de confirmer ni d’infirmer le diagnostic. L’évaluation de la probabilité clinique peut être quantifiée grâce à des critères auxquels un score est attribué. Le plus répandu est le score de Wells (Tableau 1).4,5 Les études récentes ont montré la forte augmentation de la prévalence lorsque le score s’élève de moins de 0 à plus de 3 prouvant l’efficacité de cette présélection.6–8 Sans barème chiffré, une appréciation clinique rigoureuse doit donner les mêmes résultats.

Le dosage des D-dimères (DDI) peut être obtenu en 1 heure, sa valeur prédictive négative est supérieure à 95 % (85 % pour les thromboses distales isolées) lorsque son taux est inférieur à 500 lg l–1. Sa faible spécificité, voisine de 40 % du fait de sa positivité dans d’autres affections, le rend surtout utilisable en ambulatoire. L’association d’une probabilité clinique faible (score = 0 ou inférieur à 0) et d’un DDI négatif rend la thrombose très peu probable (Fig. 1) ; la recherche échographique d’une autre pathologie par les ultrasons est cependant souhaitable sans le contexte d’urgence.

Tableau 1 Probabilité clinique de thrombose veineuse profonde (TVP). Score de Wells. Critères cliniques Cancer « actif » (traitement en cours ou datant de moins de 6 mois) Antécédent de thrombose veineuse documentée Thrombophilie (At3, protéine C, protéine S, résidu protéine C activée, mutation du facteur II...) Paralysie, parésie, immobilisation plâtrée du membre suspect Alitement récent de plus de 3 jours ou chirurgie lourde Pathologie médicale fréquemment compliquée de maladie thromboembolique veineuse (MTEV) Dyspnée récente, douleur pleurétique Douleur localisée sur un trajet veineux profond Gonflement de tout un membre Gonflement d’un mollet de plus de 3 cm par rapport au côté opposé Œdème prenant le godet Collatéralité superficielle non variqueuse Diagnostic alternatif probable Total Score supérieur ou égal à 3 : probabilité forte (prévalence 75 %). Score égal à 1 ou 2 : probabilité modérée (prévalence 17 %). Score égal à 0 ou inférieur à 0 : probabilité faible (prévalence 3 %).

Score 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 -2

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L’association d’une probabilité clinique faible et d’un DDI positif impose un contrôle ultrasonore. L’association d’une probabilité clinique forte et d’un DDI négatif doit, elle aussi, entraîner un contrôle ultrasonore, l’échodoppler peut être indiqué en première intention. Enfin l’association d’une probabilité clinique modérée à forte et d’un DDI positif impose un échodoppler en urgence avec mise en route du traitement. En milieu hospitalier, du fait de la faible spécificité des DDI, les ultrasons sont le plus souvent prescrits en première intention en adaptant le degré d’urgence au bilan clinique.

Matériel et méthode Matériel Contrairement aux explorations artérielles, le Doppler continu indépendant n’est pas indispensable lors de la recherche d’une thrombose veineuse. Les échographes actuels disposent de plusieurs sondes multifréquences de 2 à 15 Mhz dont la pénétration et la focalisation sont variables en fonction de la profondeur du vaisseau. Les Dopplers continu, pulsé, couleur et énergie sont couplés à l’imagerie en duplex ou triplex. L’imagerie d’harmonique permet d’optimiser la résolution des images en profondeur et depuis peu en superficie. Le « mode panoramique » reconstruit en temps réel un long segment veineux en mode B.9 Les reconstructions tridimensionnelles (3D) disponibles sur les machines de dernière génération permettent une appréciation en volume de la thrombose et de son adhérence. Les échographes portables existent depuis longtemps, leur qualité d’imagerie n’atteint pas celle des machines classiques, cependant, l’élargissement récent de leurs possibilités techniques (multisondes, pulsé, couleur) les rend très utiles dans les explorations au lit du malade.

Méthode L’examen est pratiqué sur un patient en décubitus dorsal, les jambes sont fléchies pour l’exploration des veines distales. L’ensemble du réseau veineux des membres inférieurs est accessible, les positions assise jambes pendantes ou debout peuvent permettre, grâce à la pression orthostatique, de visualiser les petites veines distales invisibles en décubitus. Par prudence, il est préférable de débuter l’exploration par les veines proximales, la découverte

Figure 2 A. Fémorale commune avant compression. B. Fémorale commune après compression.

d’un thrombus menaçant entraînant la limitation des manœuvres intempestives. Tous les groupes veineux sont explorés à l’échographie et au Doppler pulsé/couleur, loge par loge, en comparant la droite et la gauche par des coupes transversales étagées. Les coupes longitudinales permettent d’apprécier la longueur et l’adhérence du thrombus. La veine large, aplatie, souple, à paroi fine, au flux modulé par la respiration réalise avec l’artère contiguë moins large, cylindrique, à paroi épaisse, aux battements et flux rythmés par le cœur, une image bi- ou tricanalaire (si la veine est dédoublée) caractéristique. Une pression modérée de la sonde fait disparaître la lumière de la veine lorsqu’elle est libre (Fig. 2). Manœuvres de sensibilisation Les manœuvres de sensibilisation sont : • les manœuvres de chasse d’amont : une pression manuelle de la voûte plantaire ou des masses musculaires fait apparaître ou augmente le flux veineux sus-jacent ;

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Figure 3 Doppler pulsé, modulation respiratoire du flux veineux.

• les manœuvres de compression d’aval : une pression abdominale ou des masses musculaires, en augmentant la pression d’aval, permet de mettre en évidence la veine sous-jacente et un éventuel reflux ; • l’inspiration forcée et la manœuvre de Valsalva ont un effet comparable à la compression abdominale et permettent d’apprécier la modulation respiratoire du flux (le flux veineux spontané diminue avec l’augmentation de la pression intrathoracique) (Fig. 3). Trois étages d’exploration Iliocave Les veines abdominopelviennes ne sont pas d’accès facile surtout si le patient n’est pas à jeun, les compressions avec la sonde peuvent être peu efficaces, voire inefficaces. La veine cave inférieure, modulée par la respiration, est rythmée par le cœur dans sa portion sus-rénale (vitesse maximum de l’ordre de 30 cm s–1). Les veines iliaques, incurvées dans le bassin, sont souvent d’accès malaisé. Les hypogastriques sont repérables mais leurs branches pelviennes sont mal visualisées. Le repérage de l’artère contiguë localise la veine aplatie, l’analyse du flux veineux et de la lumière (Fig. 4) au Doppler pulsé/couleur en coupes longitudinales et transversales a une grande importance.10 Les signes indirects tels que la modulation respiratoire des flux dans les fémorales communes et le repérage des collatérales sont essentiels. Fémoropoplité Seul étage exploré par la méthode anglo-saxonne,11 son accès est facile. Les fémorales communes sont

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Figure 4 Artère et veine iliaques, coupe longitudinale.

modulées par la respiration, les fémorales superficielles et les poplitées peuvent être dédoublées (Fig. 5), leur flux est moins modulé par la respiration (vitesse maximum 10 à 20 cm s–1). Il est important de ne pas méconnaître la fémorale profonde. Sural Les veines jambières sont nombreuses, de petit calibre, très souvent dédoublées, non modulées par la respiration, souvent invisibles en décubitus, réparties en trois profondeurs (superficielles, musculaires et profondes). Le repérage des artères soléaires, jumelles, tibiales et péronières aide à leur localisation. Leur vitesse maximum est très lente : 3 à 5 cm s–1. La position assise peut être nécessaire à leur visualisation. Les veines du pied et de la cheville peuvent être thrombosées sans extension surale.

Figure 5 Veine poplitée dédoublée, coupe transversale.

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Objectifs et résultats Objectifs Le but des explorations ultrasonores est d’infirmer ou de confirmer la thrombose veineuse en précisant : • sa localisation et son pôle supérieur ; • ses dimensions : étendue et diamètre antéropostérieur ; • son caractère complet ou partiel, adhérent ou mobile, homogène ou hétérogène, récent ou ancien ; • son évolution. L’échodoppler doit aussi rechercher une éventuelle compression responsable de la thrombose et une autre pathologie si l’exploration veineuse est négative.

Résultats Signes directs de thrombose La veine thrombosée est incompressible ou partiellement compressible sous la sonde, elle est plus ou moins dilatée. Le thrombus, le plus souvent visible dans la lumière, d’une échogénicité variable, peut être différent selon les cas. Complet La veine est incompressible sans aucun flux au Doppler pulsé et couleur spontanément et lors des manœuvres (Fig. 6). Son calibre moyen est de 5 mm au niveau sural et de 12 mm au niveau iliocave.

Figure 6 Thrombose des veines fémorales superficielle et poplitée.

Partiel adhérent La veine est partiellement compressible, un flux circulant spontané ou provoqué est visible dans un secteur du vaisseau, le thrombus est fixé à la paroi. Cet aspect doit être particulièrement recherché à l’étage iliocave car il est le plus souvent asymptomatique (Fig. 7). Partiel flottant La queue du thrombus est fréquemment mobile,12 sa longueur doit être estimée en coupe longitudinale, un flux circulant spontané ou provoqué est visible en coupe transversale en périphérie de la veine sur tout son pourtour (Fig. 8, 9). La compression partielle du vaisseau doit être effectuée avec précaution car des migrations emboliques ont été décrites en cours d’exploration.13,14 Comme précédemment, cet aspect doit être recherché avec la plus grande attention à l’étage iliocave car il est souvent méconnu et les embolies pulmonaires qu’il peut provoquer sont, du fait de leur taille, les plus graves.

Figure 7 Thrombose partielle de la veine iliaque externe.

Deux critères associés permettent d’évaluer l’ancienneté de la thrombose : elle se rétracte et devient échogène et hétérogène (un thrombus très récent peut, lui aussi, être échogène et hétérogène, la veine est alors dilatée).

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Figure 10 Absence de modulation respiratoire du flux veineux.

manence (Fig. 10). La veine peut être plus difficile à comprimer que son homologue controlatérale. En périphérie de l’obstacle, les collatérales (veines saphènes, fémorales profondes, sous-cutanées abdominales, sus-pubiennes, circonflexes, obturatrices, hypogastriques, gonadiques, rénale gauche, azygos et/ou lombaires) se développent progressivement et deviennent vicariantes ; au Doppler elles présentent un flux spontané continu.

Figure 8 Thrombus flottant de la veine fémorale commune, coupes transversale et longitudinale.

Absence de conclusion Lorsqu’une portion plus ou moins importante des veines est inaccessible ou invisible (plâtre, grossesse, post-partum, compression abdominale) et que les ultrasons ne sont pas conclusifs, d’autres explorations doivent être pratiquées selon les disponibilités : phlébographie, phléboscanner ou phlébo-imagerie par résonance magnétique (IRM). Ces dernières sont aussi indiquées lorsque la probabilité clinique est forte, le dosage des DDI positif et le résultat de l’échodoppler négatif (Fig. 1). Patients asymptomatiques hospitalisés La recherche systématique d’une TVPMI asymptomatique dans un service de médecine a mis en évidence une prévalence de l’affection de 5,5 % tous âges confondus et de 17,8 % chez les patients de plus de 80 ans.15 Une exploration ultrasonore systématique de tous les patients hospitalisés n’étant pas possible, il faut insister sur la grande importance de la prophylaxie.

Figure 9 Thrombus flottant de la veine poplitée.

Signes indirects de thrombose En amont de l’obstacle, la stase dilate la veine et peut laisser apparaître dans sa lumière des turbulences et volutes d’éléments figurés. La modulation respiratoire du flux s’atténue ou disparaît car la pression d’aval est élevée en per-

Diagnostic différentiel et étiologie Diagnostic différentiel ultrasonore16,17 Atteintes artérielles Les artériopathies ne devraient pas présenter de difficultés diagnostiques cliniques. Leur explora-

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Figure 11 Faux anévrisme de l’artère fémorale commune.

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Figure 12 Léiomyosarcome de la veine fémorale superficielle.

tion ultrasonore en même temps que les veines est immédiate. Le Doppler continu, l’échographie, le pulsé et la couleur peuvent mettre en évidence les lésions athéromateuses, inflammatoires, thrombosantes, éctasiantes (Fig. 11) et les malformations artérielles à l’origine de la symptomatologie. L’association d’une vasoconstriction artérielle et d’une thrombose veineuse étendue (phlegmatia caerulea) est une urgence thérapeutique absolue. Atteintes veineuses Les thromboses superficielles peuvent être cliniquement trompeuses, l’atteinte d’une crosse ou d’une perforante est fréquente et impose la même prise en charge qu’une thrombose profonde. Dans 29 % des cas18 une thrombose profonde peut être associée. Le « syndrome post-thrombotique » peut entraîner des symptômes évoquant une récidive, l’échographie et le doppler retrouvent les thromboses fibreuses rétractées séquellaires, l’épaississement pariétal et/ou le reflux dû à l’altération des valvules. Sa prévalence est de l’ordre de 2,5 %.19 Les veinites se traduisent par un épaississement isoéchogène de la paroi sans image intraluminale. Les varices, dilatations, agénésies, malformations, dysplasies, fistules, tumeurs veineuses (Fig. 12), compressions musculotendineuses, cathéters, filtres posent peu de problème différentiel ultrasonore avec la TVP. Atteintes articulaires Les atteintes articulaires sont : • le kyste synovial poplité non rompu : sa cavité liquidienne, anéchogène, en croissant de taille variable, est visible à l’angle du creux poplité (Fig. 13). Il est rarement compressif mais peut cependant entraîner une symptomatologie douloureuse et un œdème ;

Figure 13 Kyste poplité non rompu.

• le kyste poplité rompu : sa clinique évoque fortement une thrombose. Le kyste d’origine n’est pas toujours visible, le liquide synovial et l’hématome fusent vers les espaces interaponévrotiques du mollet (Fig. 14). Le contact de la sonde doit être doux car une pression trop forte

Figure 14 Kyste rompu, extension surale.

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chasse le liquide anéchogène en périphérie le rendant invisible. Atteintes neuromusculaires Les élongations, déchirures, ruptures et hématomes apparaissent dans un contexte clinique particulier (exercice physique, traumatisme, hypocoagulabilité) mais peuvent être provoqués par un effort minime ou être spontanés. L’aspect échographique est en rapport avec l’importance de l’hématome, sa situation intra- ou extra-aponévrotique et son âge. Il est d’abord échogène durant quelques jours puis anéchogène durant sa lyse puis se rétracte en redevenant échogène, il est peu mobile (Fig. 15). Les tendinobursites (exemple : patte d’oie) entraînent une irrégularité de l’épaisseur du tendon, des microkystes et des microcalcifications intratendineuses. Les structures fibrillaires s’estompent, les limites sont moins nettes avec un épaississement de la lame synoviale. Le syndrome des loges20 survient après un effort, la loge antérieure de jambe est la plus souvent concernée, les manœuvres dynamiques de contrac-

Figure 16 Schwannome du nerf saphène externe.

tion musculaire mettent en évidence l’amortissement du flux artériel distal au Doppler. Le syndrome du soléaire est caractérisé par la déviation de la poplitée au niveau de l’arche du soléaire et par une dilatation des veines sousjacentes. Les tumeurs : les tumeurs musculaires bénignes (lipome, léiomyome) ou malignes (sarcome) ont des aspects échographiques très variables. Plus ou moins échogènes, aux limites mal définies, parfois cloisonnées, polylobées, anéchogènes en cas de nécrose, leur vascularisation artérioveineuse est très souvent visible en couleur. Les tumeurs neurogènes (neurofibrome, schwannome) (Fig. 16) sont distinctes du paquet vasculaire et des muscles, elles présentent un aspect en fuseau plus ou moins homogène, bien limité, vascularisé, centré ou non par rapport à l’échostructure fibrillaire hyperéchogène normale du nerf. Atteintes dermohypodermiques L’érysipèle et les autres dermo-hypodermites21 infectieuses ou inflammatoires se traduisent à l’échographie par un épaississement de l’hypoderme qui s’infiltre, s’indure et devient échogène, homogène sans structure identifiable. Un exsudat lymphatique sous-cutané est souvent associé. En cas d’infection, les adénopathies sus-jacentes sont visualisées. L’hypodermite nodulaire peut évoquer cliniquement une thrombose superficielle. La lipodystrophie (improprement appelée cellulite ou lipœdème) se caractérise par des dépôts lipidiques sous-cutanés homogènes, échogènes, réguliers, bien limités, d’épaisseur très variable (7 à 20 mm et plus), circonférentiels, bilatéraux et douloureux à la pression.

Figure 15 A. Hématome du jumeau. B. Hématome en voie de lyse.

Atteintes lymphatiques Le lymphœdème entraîne un derme et un hypoderme épaissis à l’échographie, des lacs lymphati-

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Figure 17 Lymphœdème.

ques anéchogènes, trabéculés, en nappes, dissocient le tissu cellulaire sous-cutané sur le pourtour de la jambe (Fig. 17). Les adénopathies abdominopelviennes, inguinales ou plus rarement poplitées infectieuses, tumorales ou dysimmunitaires apparaissent comme des formations ovoïdes, bien limitées, plus ou moins échogènes, parfois organisées en strates concentriques. Leur vascularisation, d’une importance variable, est visible en couleur (Fig. 18, 19). Leur échogénicité, qui peut être proche de celle d’un thrombus, impose de s’assurer de l’absence de continuité avec une veine grâce aux manœuvres. La lymphangite peut évoquer une thrombose veineuse superficielle par son trajet rouge, parfois en nappe, l’échographie retrouve les adénopathies inguinales et l’épaississement inflammatoire dermohypodermique. Le lymphocèle apparaît dans les suites d’une intervention chirurgicale, notamment vasculaire, des membres inférieurs ou rétropéritonéale. À l’échographie, il réalise une image liquidienne anéchogène, bien limitée, de taille variable, non compressible, indépendante du trajet vasculaire. Compressions abdominopelviennes De nombreux processus abdominopelviens peuvent être l’origine d’une compression iliocave et d’un œdème de stase des membres inférieurs uni- ou bilatéral (tumeur maligne ou bénigne, fibrome, thécome, hématome, kyste, anévrisme, fibrose rétropéritonéale, syndrome de Cockett, grossesse) plus ou moins facilement identifiables à l’échographie. Insuffisance cardiaque L’élévation des pressions dans les cavités droites du cœur se traduit par l’augmentation du diamètre

Figure 18 Adénopathies inguinales.

échographique de tout le réseau veineux profond sous-jacent en décubitus. La compression des veines est plus difficile.

Diagnostic différentiel non ultrasonore De nombreuses autres causes de douleur ou d’œdème des membres inférieurs, plus ou moins évocatrices cliniquement, n’ont pas de traduction échographique : atteinte neurologique centrale, médullaire, radiculaire, plexique ou tronculaire, polyneuropathie, algoneurodystrophie, myosite, arthrose, arthrite, ostéonécrose, goutte, chondrocalcinose, fracture de fatigue, douleurs psychogènes ; œdème statique, cyclique, endocrinien, hypoprotéinémique, hypokaliémique, idiopathique.

Étiologie La clinique et l’interrogatoire mettent aisément en évidence des étiologies fréquentes : grossesse, accouchement, post-partum, alitement prolongé,

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C. Ribadeau Dumas plet est adapté au terrain (échographie, fibroscopie, scanner, imagerie par résonance magnétique [IRM]).22

Surveillance évolutive

Figure 19 Lymphome du scarpa.

chirurgie, paralysie, plâtre, brûlure, voyage, médicaments, cathéter, filtre, injection intraveineuse, traumatisme. Certaines pathologies médicales peuvent se compliquer de thrombose veineuse : infarctus du myocarde, insuffisance cardiaque ou respiratoire, sepsis, maladie de système. La biologie permet de retrouver les anomalies hématologiques et les défaillances des mécanismes fibrinolytiques : polyglobulie, hyperleucocytose, hyperplaquettose, hyperfibrinémie, thrombophilie.22 Les ultrasons peuvent mettre en évidence les pathologies expansives et compressives susceptibles de se compliquer d’une thrombose. La plupart des anomalies énumérées lors du diagnostic différentiel ci-dessus (tumeur, kyste, hématome, lymphocèle, anévrisme, faux anévrisme, fibrose rétropéritonéale, Cockett...) peuvent entraîner l’apparition secondaire d’une thrombose dans les suites de la stase. La recherche d’un cancer occulte est basée en première intention sur la clinique, incluant les touchers pelviens, la radiographie de thorax et la biologie standard. Un bilan paraclinique plus com-

La thrombose veineuse profonde des membres inférieurs présente quatre risques évolutifs à maîtriser : l’extension, l’embolie pulmonaire, la récidive, les séquelles. Les risques d’extension et d’embolie sont limités par la précocité du traitement, toutes les études23,24 ne s’accordent pas pour reconnaître le potentiel emboligène accru du thrombus flottant par rapport au thrombus fixé. La récidive doit être évitée par une durée du traitement (de 6 semaines au traitement à vie) adaptée à la cause de la thrombose, en contrôlant si possible les facteurs étiologiques et en tenant compte du risque hémorragique.25,26 Un arrêt précoce est possible si trois conditions sont réunies : origine de la thrombose connue et réversible, normalisation de l’echodoppler et normalisation des D-Dimères.27 Un contrôle ultrasonore est indiqué si l’évolution paraît défavorable sous traitement et avant l’arrêt des anticoagulants. Les ultrasons permettent à terme d’évaluer les éventuelles lésions séquellaires post-thrombotiques limitées par la contention : thrombose complète rétractée persistante, recanalisation partielle, irrégularité et épaississement pariétal, dévalvulation, reflux, dilatation en orthostatisme, incontinence des perforantes et veines superficielles.28 L’échodoppler s’assure, en outre, de la bonne perméabilité d’un filtre cave.

Conclusion La thrombose veineuse profonde des membres inférieurs est une pathologie fréquemment rencontrée en ambulatoire et en milieu hospitalier, elle peut engager le pronostic vital en cas de migration et le pronostic fonctionnel en cas de séquelles. La sélection, la simplification, la rapidité et l’efficacité de la prise en charge diagnostique et thérapeutique faisant intervenir la clinique, la biologie, les ultrasons et les héparines de bas poids moléculaire (HBPM) permettent une nette amélioration de ces risques. Les rapides progrès des techniques d’explorations non invasives et des traitements29 vont permettre, dans un proche avenir, d’améliorer encore le pronostic de la maladie.

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