Réanimation 2001 ; 10 : 717-22 © 2001 Éditions scientifiques et médicales Elsevier SAS. Tous droits réservés S1624069301001931/FLA
COMMUNICATIONS DES EXPERTS
Déterminants cardio-vasculaires des échecs du sevrage V. Castelain, J.L. Teboul* Service de réanimation médicale, centre hospitalier universitaire de Bicêtre, 78, avenue du général-Leclerc, 94275 Le Kremlin Bicêtre cedex, France
sevrage / ventilation mécanique / œdème aigu du poumon cardiogénique / ischémie myocardique weaning / mechanical ventilation / acute cardiogenic pulmonary edema / myocardial ischemia
INTRODUCTION Alors que la ventilation mécanique (VM) peut être responsable d’effets hémodynamiques délétères chez un patient à cœur sain, essentiellement par diminution du retour veineux [1], elle a des conséquences cardiovasculaires bénéfiques chez les patients présentant une insuffisance cardiaque gauche [2]. C’est pourquoi, elle est utilisée, y compris dans ses modalités non-invasives [3], comme traitement de l’insuffisance cardiaque aiguë sévère. À l’inverse, le retentissement cardio-vasculaire de la mise en ventilation spontanée (VS) peut être à l’origine d’échecs du sevrage chez certains patients souffrant de cardiopathie gauche. CONSÉQUENCES PHYSIOLOGIQUES DU PASSAGE DE LA VENTILATION MÉCANIQUE À LA VENTILATION SPONTANÉE POUVANT INTERFÉRER AVEC LE FONCTIONNEMENT CARDIAQUE L’augmentation du travail des muscles respiratoires La VS, par la mise en jeu des muscles respiratoires, est responsable d’une élévation de la demande globale en oxygène de l’organisme [4, 5]. Il en résulte une augmentation du travail cardiaque et de la demande myocardique en oxygène, avec les risques de survenue d’une ischémie coronarienne chez les patients prédisposés. D’autre part, l’augmentation de la demande en oxygène des muscles respiratoires peut conduire à une redistri-
*Correspondance et tirés à part. Adresse e-mail :
[email protected] (J.L. Teboul).
bution du débit cardiaque à leur profit avec les risques d’hypoperfusion d’organes critiques [6-10]. Inversion du régime de pression intrathoracique Le sevrage de la VM résulte d’une inversion du régime de pression intrathoracique [11]. Les conséquences cardiovasculaires immédiates de cette inversion de pression sont une augmentation du gradient de pression du retour veineux systémique et une diminution du gradient de pression d’éjection ventriculaire gauche (VG) [1, 12]. L’augmentation du gradient de pression du retour veineux peut être à l’origine d’une augmentation du volume sanguin central [13] qui accroît le risque de survenue d’œdème pulmonaire (OAP). En réaction à la diminution de son gradient de pression d’éjection, le ventricule gauche doit élever sa pression intraventriculaire pour maintenir le débit cardiaque. L’augmentation de postcharge qui en résulte est responsable d’une élévation de la demande myocardique en oxygène et d’une élévation des pressions de remplissage VG. En cas de fonction contractile altérée, l’augmentation de postcharge peut abaisser le débit cardiaque [2]. L’hypertonie sympathique La sécrétion accrue de catécholamines au cours du sevrage [11, 13, 14] peut être expliquée par l’état de stress « émotionnel », provoqué par la mise en VS. Elle peut être responsable d’une tachycardie, d’une aug men-
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tation de la demande globale en oxygène [13], d’une augmentation du retour veineux systémique et d’une hypertension artérielle. PRINCIPALES CAUSES CARDIO-VASCULAIRES D’ÉCHEC DU SEVRAGE L’ischémie myocardique Mécanismes Le sevrage de la VM peut résulter d’un déséquilibre de la balance myocardique en oxygène et donc être à l’origine d’une ischémie myocardique gênant le sevrage, en particulier chez les patients coronariens [15]. La diminution des apports en oxygène du myocarde peut être secondaire à : – Une hypoxémie induite par le sevrage. Chez les patients atteints de bronchopneumopathie chronique obstructive (BPCO) une baisse de la PaO2 résultant de l’aggravation de l’hétérogénéité des rapports ventilationperfusion a été rapportée [16] ; une hypoxémie peut également résulter de la survenue d’un OAP de sevrage (cf. infra) ou d’une diminution de PvO2, consécutive à une augmentation excessive des besoins en oxygène [17]. – La diminution du temps diastolique induite par la tachycardie conduisant à un raccourcissement de la durée de la perfusion coronarienne. L’augmentation des besoins en oxygène du myocarde peut être secondaire à : – la sécrétion accrue de catécholamines [11, 13, 14], – l’élévation de postcharge consécutive à la diminution de la pression intrathoracique, – l’augmentation du travail cardiaque nécessitée par l’élévation de la demande globale en oxygène. Études cliniques Il existe des arguments cliniques suggérant un rôle potentiel de l’ischémie myocardique dans certains échecs de sevrage. Dans une série de douze patients ventilés pour infarctus du myocarde compliqué d’OAP, Rasanen et al. [18] ont observé dans cinq cas, des aspects cliniques et électrocardiographiques évocateurs d’ischémie coronarienne, lors de la mise en VS. Dans une série de six patients avec BPCO et cardiopathie ischémique, en échec de sevrage du fait d’un OAP cardiogénique, des dyskinésies segmentaires suggérant une ischémie coronarienne, ont été retrouvées à l’angioscintigraphie chez trois de ces patients [11]. Dans une série de douze patients coronariens présentant des difficultés de sevrage, des défauts de perfusion myocardique ont été mis en évidence par scintigraphie au Thallium 201, lors d’une épreuve de VS chez sept de ces patients [19].
Dans une étude réalisée en post-opératoire d’une chirurgie générale, 62 patients à haut risque d’ischémie coronarienne ont été randomisés selon trois modalités différentes de sevrage de la VM [20] : – ventilation assistée–contrôlée intermittente (n = 19), – VS sur tube (n = 21), – VS avec pression positive continue (CPAP) (n = 22). Une ischémie silencieuse, systématiquement recherchée pendant toute la période du sevrage par le monitorage du segment ST, a été détectée chez respectivement aucun, trois, et deux des patients selon la modalité de sevrage employée [20]. Chatila et al. [21] ont examiné l’incidence de survenue des anomalies du segment ST, au cours du sevrage, dans une population de 93 patients, dont 49 avaient une cardiopathie ischémique. Seulement 6 % des patients ont présenté des anomalies du segment ST au cours d’une épreuve de sevrage. Cette anomalie était associée à un plus fort taux d’échec du sevrage (risque relatif : 1,8 ; intervalle de confiance à 95 % : 1,0 – 3,4) [21]. Des résultats similaires ont été rapportés par le même groupe d’investigateurs, dans une population de 83 patients atteints de cardiopathie ischémique (risque relatif d’échec du sevrage : 2,1 ; intervalle de confiance à 95 % : 1,4 – 3,1) [22]. L’œdème aigu du poumon Une forte élévation de la pression artérielle pulmonaire d’occlusion (PAPO) a été rapportée lors du passage de la VM à la VS chez des patients ayant une cardiopathie gauche préexistante [11, 17, 18, 23]. Cette élévation de pression de remplissage VG peut être le fait de plusieurs mécanismes souvent associés. Élévation de la postcharge VG induite par le sevrage Effets de la pression intrathoracique négative La diminution de la pression intrathoracique, au cours de l’inspiration spontanée, abaisse dans un premier temps la pression motrice d’éjection VG, alors que la pression dans les vaisseaux extra-thoraciques n’est pas modifiée relativement à la pression atmosphérique. Pour que le même volume de sang soit éjecté à l’extérieur du thorax, le ventricule gauche doit générer une pression intraventriculaire plus forte relativement à la pression juxtacardiaque (élévation de la pression transmurale). En d’autres termes, la diminution de la pression intrathoracique est équivalente à une élévation de pression artérielle périphérique, de même amplitude et ces deux conditions sont ressenties par le ventricule gauche comme une augmentation de sa postcharge [2, 12]. Une augmentation de la pression transmurale VG, concomitante d’une augmentation des volumes télésys
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tolique et télédiastolique (et donc évocateurs d’une élévation de postcharge VG) a été documentée au cours de manœuvres de Muller (inspiration forcée à glotte fermée) chez le patient coronarien [12]. Au cours du sevrage, l’augmentation de postcharge VG, a été suggérée par la constatation d’une diminution franche de la fraction d’éjection VG chez des patients avec BPCO, sans cardiopathie gauche préalable et sans ischémie coronarienne détectée lors de la mise en VS [24]. Outre l’augmentation de la demande en oxygène qu’elle impose, l’augmentation de postcharge VG peut conduire à une élévation des pressions de remplissage cardiaque et favoriser le risque d’OAP chez des sujets avec cardiopathie préexistante. Il est probable que ce mécanisme explique en partie, l’élévation de PAPO observée chez des patients en échec de sevrage [11, 17, 18, 23]. Effets de l’hypertonie sympathique Indépendamment de toute variation de pression intrathoracique, la décharge catécholaminergique consécutive au sevrage peut élever la pression artérielle systémique et donc la postcharge VG [25]. Elévation de la précharge VG induite par le sevrage La diminution de la pression intrathoracique est responsable de l’élargissement du gradient de pression du retour veineux du fait de la diminution de la pression auriculaire droite alors que la pression veineuse périphérique reste inchangée relativement à la pression atmosphérique. L’augmentation de précharge ventriculaire droite (VD) qui en résulte, conduit en cas de « précharge–dépendance » VD à une augmentation du volume d’éjection droit, du retour veineux pulmonaire et du remplissage VG. Ceci produit nécessairement une élévation des pressions de remplissage VG surtout marquées en cas de cardiopathie préexistante. En effet, en présence d’une cardiopathie dilatée, une augmentation supplémentaire du volume télédiastolique ventriculaire résultera en une augmentation substantielle de la pression de remplissage ventriculaire, même si la compliance intrinsèque n’est pas réduite. En cas de cardiopathie avec compliance intrinsèque ventriculaire basse, l’augmentation supplémentaire du volume télédiastolique ventriculaire résultera en une augmentation substantielle de la pression de remplissage ventriculaire, même si le volume ventriculaire télédiastolique demeure peu élevé. Ces mécanismes expliquent en partie l’élévation de PAPO constatée chez des patients avec cardiopathie préexistante, chez lesquels une augmentation de volume télédiastolique VG a été effectivement mesurée lors du sevrage [11].
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Diminution de la compliance du VG induite par le sevrage Le passage de la VM à la VS peut diminuer la compliance VG et résulter en une élévation de la PAPO dès lors que le retour veineux pulmonaire est maintenu ou augmenté. Ce phénomène peut résulter de la survenue d’une ischémie myocardique ou d’un mécanisme d’interdépendance biventriculaire, possible surtout en présence d’une élévation de l’impédance à l’éjection VD au cours du sevrage. Ce dernier mécanisme peut se rencontrer lors du sevrage lorsque la pression artérielle pulmonaire s’élève substantiellement du fait [26] : – d’une aggravation de l’hypoxémie, – de l’apparition d’une acidose respiratoire, – d’une élévation de la PAPO, – d’une compression des vaisseaux alvéolaires par l’induction d’une hyperinflation pulmonaire dynamique favorisée par une forte tachypnée. L’augmentation de postcharge VD qui en résulte, associée à l’accroissement du remplissage ventriculaire droit peut considérablement dilater le ventricule droit. Une gène au remplissage VG et une élévation de la PAPO en résultent. Ce phénomène est à l’évidence à craindre chez les patients porteurs d’une cardiopathie droite préexistante. Un tel phénomène d’interdépendance biventriculaire a été incriminé comme cause d’OAP de sevrage chez certains patients avec BPCO où une élévation de la pression artérielle pulmonaire transmurale et du volume télédiastolique ventriculaire droit a été observée en association avec une forte élévation de la PAPO sans augmentation du volume télédiastolique VG [11]. Diminution de la contractilité VG Lors du sevrage, une diminution de contractilité VG peut théoriquement être la conséquence de la survenue d’une hypoxémie, d’une acidose respiratoire ou d’une ischémie coronarienne [26]. A contrario, l’hypersécrétion de catécholamines devrait maintenir l’inotropisme ventriculaire. En fait, il n’y a pas d’arguments forts dans la littérature en faveur de la responsabilité de ce mécanisme dans la survenue d’OAP de sevrage. Au total, plusieurs mécanismes peuvent concourir à l’élévation de la PAPO lors de la mise en VS. Cependant, en l’absence de cardiopathie gauche, l’augmentation de PAPO reste modeste [5, 27]. En revanche, de fortes élévations de PAPO ont été constatées chez des patients atteints de cardiopathie gauche en échec de sevrage finalement attribué à un OAP cardiogénique [11, 17, 18, 23]. Hypoperfusion viscérale Pour faire face à l’accroissement des besoins en oxygène lors de la mise en VS, l’organisme réagit en augmentant
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le débit cardiaque et en redistribuant préférentiellement le débit sanguin vers les muscles respiratoires [6]. L’élévation du débit cardiaque est produite par la tachycardie (décharge de catécholamines) et par l’augmentation du volume d’éjection systolique secondaire à l’augmentation de la précharge VG lorsque le ventricule gauche est « précharge–dépendant ». Dans certains cas, le volume d’éjection VG ne s’élève pas : – Soit du fait d’une « précharge-indépendance » du ventricule gauche et/ou d’une trop forte élévation de postcharge VG induite par le sevrage. Ceci peut survenir particulièrement en cas de cardiopathie systolique gauche. – Soit du fait de l’absence d’augmentation de précharge VG, elle-même liée à une « précharge– indépendance » VD et/ou à une trop forte élévation de postcharge VD induite par le sevrage. Ces mécanismes peuvent volontiers survenir chez les sujets atteints d’insuffisance respiratoire chronique. En cas d’augmentation insuffisante du débit cardiaque et du fait de la redistribution du débit vers les muscles respiratoires, une hypoperfusion viscérale, en particulier digestive, peut survenir lors du sevrage [8]. Plusieurs études [7-10] ont montré un lien entre la diminution, au cours d’un test de sevrage, du pH intramuqueux gastrique – traduisant une hypoperfusion digestive – et l’échec du sevrage. Il est probable que l’hypoperfusion muqueuse gastrique, était simplement un marqueur plutôt qu’un élément promoteur de l’échec du sevrage. Quels sont les patients à risque d’échec du sevrage d’origine cardio-vasculaire ? – Au vu des mécanismes physiopathologiques, les patients à risque d’échec du sevrage d’origine cardiovasculaire sont ceux ayant une cardiopathie gauche préalable et une BPCO. Concernant la première condition, le rôle de l’ischémie myocardique paraît central. Concernant la seconde condition, tiennent probablement une place importante : – l’obstruction des voies aériennes, car elle génère une dépression inspiratoire et un travail respiratoire plus marqués, – le phénomène d’interdépendance biventriculaire. Il est possible d’imaginer que chez un patient avec cardiopathie gauche, une élévation des résistances des voies aériennes (quel qu’en soit le primum movens) puisse promouvoir par les mécanismes déjà détaillés, un œdème pulmonaire et bronchique, lui-même à l’origine d’une élévation supplémentaire des résistances bronchiques, créant un cercle vicieux résultant en l’échec du sevrage de la ventilation.
Comment diagnostiquer la cause cardiaque de l’échec du sevrage ? Il est clair que le diagnostic de « dysfonction » cardiaque aiguë lors du sevrage ne peut se concevoir que chez les patients à risque lorsque les autres causes classiques d’échec du sevrage ont été éliminées. Le diagnostic de « dysfonction » cardiaque aiguë lors du sevrage n’est pas codifié. Il est raisonnable d’envisager la réalisation d’un test de sevrage sous la forme d’une épreuve d’une heure de VS sur pièce en T ou en aide inspiratoire avec de bas niveaux de pression d’insufflation (7 à 10 cm H2O). Le diagnostic d’ischémie myocardique de sevrage peut être porté à partir du monitorage du segment ST [15, 16, 21, 22]. La détection d’un OAP de sevrage peut nécessiter le recours au cathéter artériel pulmonaire, en raison de la sémiologie clinique souvent trompeuse chez ce type de patients. Le cathéter artériel pulmonaire est le seul moyen accessible au lit du malade qui permet de poser le diagnostic de certitude d’OAP en révélant une élévation substantielle de la PAPO au cours de l’épreuve [11, 17]. Les précautions d’usage concernant la mesure de la PAPO doivent être scrupuleusement respectées, en particulier chez les patients avec obstruction des voies aériennes [28]. La diminution de la SvO2 lors du test de sevrage – traduisant une inadéquation globale entre apport et consommation d’oxygène – pourrait également être évocatrice d’une cause d’échec du sevrage d’origine cardiovasculaire [17]. L’échocardiographie est utile avant la réalisation de l’épreuve de sevrage, pour rechercher une cardiopathie gauche préexistante. En revanche, sa place au cours d’un test de sevrage est moins bien établie. En effet, l’approche transthoracique peut d’être d’interprétation difficile en raison des fréquents problèmes d’échogénécité dans de telles conditions alors que la voie transœsophagienne est à rejeter pour des raisons évidentes. QUELLE THÉRAPEUTIQUE ? Il n’existe aucune étude dans la littérature permettant de préconiser formellement l’utilisation de telle ou telle thérapeutique en cas d’échec du sevrage d’origine cardiovasculaire. Ceci n’interdit pas d’envisager une stratégie thérapeutique en fonction du mécanisme présumé. On conçoit donc la nécessité d’une analyse physiopathologique individuelle précise, dans cette situation complexe où les mêmes effets (échec du sevrage d’origine cardiovasculaire) ne sont pas toujours produits par les mêmes causes.
Hémodynamique et sevrage
Thérapeutique médicamenteuse Les diurétiques peuvent être envisagés lorsque l’OAP de sevrage est supposé en rapport avec une forte élévation de la précharge VG. Dans l’étude de Lemaire et al. [11], neuf des 15 patients en échec de sevrage du fait d’un OAP, purent être sevrés après traitement d’une semaine par furosémide (bilan hydrique négatif de cinq litres). En VS, la PAPO était significativement plus basse après traitement en comparaison avec la valeur mesurée huit jours auparavant (9 ± 3 contre 25 ± 15 mmHg). Les dérivés nitrés pourraient être envisagés en cas d’OAP de sevrage supposé en rapport avec une forte élévation de la précharge VG et/ou une ischémie coronarienne. Les vasodilatateurs artériels du type inhibiteurs de l’enzyme de conversion pourraient être envisagés lorsqu’une forte élévation de la postcharge est supposée jouer un rôle délétère sur le sevrage. Les agents β1-agonistes ne paraissent pas logiques dans la mesure où le sevrage s’accompagne d’une forte sécrétion de catécholamines [11, 13] et où peu d’arguments plaident en faveur d’une réduction de la contractilité pendant le sevrage. De plus, ces agents peuvent favoriser la survenue d’une ischémie coronarienne en augmentant la demande myocardique en oxygène. Un agent inodilatateur comme l’énoximone (inhibiteur de la phosphodiestérase) a été testé chez neuf patients de chirurgie cardiothoracique en échec de sevrage supposé en rapport avec la forte élévation de la PAPO observée lors de la mise en VS [23]. Sous énoximone, la PAPO ne s’élevait plus lors du test de sevrage alors que le débit cardiaque s’élevait encore [23]. Sept des patients de l’étude ont ainsi pu être sevrés [23]. Des résultats similaires ont été rapportés chez des patients « médicaux » avec cardiopathie ischémique [29]. Les bronchodilatateurs pourraient jouer un rôle utile car ils agissent sur l’éventuel facteur aggravant ou déclenchant représenté par l’augmentation des résistances bronchiques. Le rapport coût/bénéfice doit cependant être évalué individuellement : l’existence d’un bronchospasme ou de râles sibilants peut encourager la prescription de tels agents ; la présence d’une coronaropathie et/ou d’une forte hypertonie sympathique devrait au contraire constituer un frein à leur emploi. Stratégie « ventilatoire » du sevrage Aucune étude ne permet de recommander un mode ventilatoire particulier permettant de prévenir une « dysfonction » cardiaque aiguë lors du sevrage. Devant des difficultés de sevrage d’origine cardiaque, il est logique d’envisager une stratégie progressive laissant le temps au système cardiovasculaire de s’adapter à un
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nouvel état d’équilibre. D’un autre point de vue, une extubation précoce suivie de l’utilisation immédiate de la ventilation non invasive mériterait d’être évaluée dans ce contexte [3], ce d’autant que la CPAP [3] ou l’aide inspiratoire [24] peuvent exercer des effets cardiovasculaires bénéfiques. CONCLUSION La possibilité d’une cause cardio-vasculaire d’échec du sevrage de la VM doit être envisagée chez des patients atteints de cardiopathie préexistante, surtout lorsqu’une obstruction des voies aériennes ou une cardiopathie droite est associée. Les mécanismes complexes et intriqués sont dominés par l’ischémie myocardique et l’élévation de postcharge VG générés par une forte mise en jeu des muscles respiratoires. La détection d’un tel phénomène peut par un traitement spécifique permettre le succès du sevrage. RE´FE´RENCES 1 Morgan BC, Martin WE, Hornberger JF, Crawford FW, Guntheroth WC. Hemodynamic effects of intermitent positive pressure respiration. Anesthesiology 1966 ; 27 : 584-90. 2 Teboul JL, Lenique F. Comment ventiler un patient atteint d’OAP cardiogénique ? In : Brochard L, Mancebo J, Eds. Ventilation artificielle : Principes et applications. Paris : Arnette ; 1994. p. 313-30. 3 International consensus conferences in intensive care medicine: Noninvasive positive pressure ventilation in acute respiratory failure. Am J Respir Crit Care 2001 ; 163 : 283-91. 4 Field S, Kelly SM, Macklem PT. The oxygen cost of breathing in patients with cardiorespiratory disease. Am Rev Respir Dis 1982 ; 126 : 9-13. 5 De Backer D, Haddad PE, Preiser JC, Vincent JL. Hemodynamic responses to successful weaning from mechanical ventilation after cardiovascular surgery. Intensive Care Med 2000 ; 26 : 1201-6. 6 Viires N, Sillye G, Aubier M, Rassidakis A, Roussos C. Regional blood flow distribution in dog during induced hypotension and low cardiac output. Spontaneous breathing versus artificial ventilation. J Clin Invest 1983 ; 72 : 935-47. 7 Mohsenifar Z, Hay A, Hay J, Lewis MI, Koerner SK. Gastric intramural pH as a predictor of success or failure in weaning patients from mechanical ventilation. Ann Intern Med 1983 ; 119 : 794-8. 8 Bocquillon N, Mathieu D, Neviere R, Lefebvre N, Marechal X, Wattel F. Gastric mucosal pH and blood flow during weaning from mechanical ventilation in patients with chronic obstructive pulmonary disease. Am J Respir Crit Care Med 1999 ; 160 : 1555-61. 9 Uusaro A, Chittock DR, Russell JA, Walley KR. Stress test and gastric-arterial PCO2 measurement improve prediction of successful extubation. Crit Care Med 2000 ; 28 : 2313-9. 10 Hurtado FJ, Beron M, Oliviera W, Garrido R, Silva J, Caragna E, et al. Gastric intramucosal pH and intraluminal PCO2 during weaning from mechanical ventilation. Crit Care Med 2001 ; 29 : 70-6. 11 Lemaire F, Teboul JL, Cinotti L, Giotto G, Abouk F, Steg PG, et al. Acute left ventricular dysfunction during unsuccessful weaning from mechanical ventilation. Anesthesiology 1988 ; 69 : 171-9.
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