Développement de la vision et nouvelles technologies

Développement de la vision et nouvelles technologies

Revue francophone d'orthoptie 2013;6:52–59 Dossier / Formation Développement de la vision et nouvelles technologies Vision development and new techn...

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Revue francophone d'orthoptie 2013;6:52–59

Dossier / Formation

Développement de la vision et nouvelles technologies Vision development and new technologies Christophe Orssaud

Consultation d'Ophtalmologie, Groupe Hopsitalier Paris Ouest, Hôpital Européen Georges Pompidou, AP–HP, 20, Rue Leblanc, 75015 Paris, France

Mots clés

RÉSUMÉ Les nouvelles technologies sont de plus en plus utilisées dans la vie courante. Elles peuvent aider à comprendre le développement du système visuel chez l'enfant. Tel est le cas des techniques d'imagerie cérébrale in vivo (tomographie par émission de positons, IRM fonctionnelle et tractographie, magnéto-encéphalographie,.) ou oculaire (OCT, PEV). D'autres technologies informatiques et vidéo, notamment les jeux vidéo, sont largement utilisées dans la vie quotidienne, y compris par les enfants et les adolescents. Or, elles entraînent de possibles conséquences sur le développement des systèmes visuel, oculomoteur et attentionnel. Mais, l'étendue de ces conséquences reste mal connue du fait de leur intrication et de l'intervention d'autres facteurs cognitifs ou réfractifs. Il en est de même en ce qui concerne les films en 3D et réalité virtuelle. Enfin, une attestation particulière doit être portée quant à l'utilisation de ces nouvelles technologies pour la rééducation des troubles de développement de la vision binoculaire. Les résultats préliminaires sont intéressants. Mais ces techniques modernes peuvent aboutir à des dérives de tout ordre. © 2013 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

SUMMARY New technologies increasingly apply in daily life. They can help us understand the development of sight in children. Such is the case of in vivo cerebral (position emission tomography, functional MRI, tractography, together with magneto-encephalography. . .) or ocular (OCT, PEV) imaging. Other computer and video technologies, notably video games, are widely used, particularly by children and adolescents in daily life. However, they lead to eventual consequences on the development of visual, ocular motor and attentional systems. Nevertheless, the extent of such consequences is not well known in view of their intricacy and the intervention of other cognitive or refractive factors. This is the same for that which concerns 3D films and virtual reality. Finally, a particular recommendation should be made regarding the use of new technologies for the rehabilitation of developmental problems of binocular sight. The preliminary results are interesting. However, these modern techniques may result in all sorts of excesses. © 2013 Elsevier Masson SAS. All rights reserved.

INTRODUCTION Les nouvelles technologies peuvent être utilisées pour mieux comprendre le développement de la vision. En effet, le système visuel n'a cessé de constituer un modèle permettant l'étude de la notion de période critique du développement cérébral et les mécanismes de son développement normal et

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pathologique ont été largement étudiés chez l'animal, notamment depuis les travaux d'Hubel et Wiessel. Mais ces travaux nécessitaient de sacrifier les animaux. L'utilisation des nouvelles techniques d'imagerie ont permis une approche in vivo de ces mécanismes chez l'animal. La transposition à l'homme des résultats chez l'animal pose des problèmes puisque leurs capacités visuelles et cognitives ne sont pas identiques. Là encore, l'évolution

Accommodation, œil/ physiologie Adolescent Adulte Amblyopie/physiopathologie Asthénopie/étiologie Cortex visuel/physiopathologie Développement de l'enfant Disparité visuelle Enfant Imagerie en résonnance magnétique fonctionnelle Imagerie en tenseur de diffusion/méthode Jeune adulte Jeux vidéo Magnéto-encéphalographie Ordinateur Perception du relief/physiologie Tomographie en cohérence optique Tomographie par émission de positrons

Keywords Accommodation Ocular/physiology Adolescent Adult Amblyopia/physiopathology Asthenopia/etiology Child Child Development Computer Depth Perception/physiology Diffusion Tensor Imaging/ methods Functional magnetic resonance imaging Magneto-encephalography Optical coherent tomography Positron-emission tomography Video games Vision Disparity Visual Cortex/physiopathology Young Adult

Adresse e-mail : christophe.orssaud@egp. aphp.fr

© 2013 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. http://dx.doi.org/10.1016/j.rfo.2013.05.003

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des techniques d'exploration cérébrale a permis d'appliquer à l'homme les données que ces travaux antérieurs avaient retrouvées chez l'animal, notamment grâce à l'imagerie cérébrale fonctionnelle in vivo [1]. De plus, ces nouvelles explorations ont également permis d'analyser au mieux les conséquences sur le développement cérébral des différents facteurs amblyogènes. Ces conséquences peuvent être différentes selon ces facteurs et retentir sur le schéma de rééducation. D'autre part, l'utilisation de nouvelles technologies est prônée par certains auteurs comme technique de rééducation des troubles de développement de la vision binoculaire [2–4]. Les études restent encore limitées et doivent être répétées pour qu'il soit possible d'en tirer des conclusions. Enfin, à des âges critiques ces nouvelles technologies pourraient interagir avec le développement du système visuel [5]. Mais celles-ci interviennent également sur de nombreux paramètres, notamment cognitifs [6]. C'est pourquoi l'analyse du retentissement de ces nouvelles technologies reste difficile. Les travaux actuels ne permettent pas de tirer des conclusions formelles quant à leur action.

NOUVELLES TECHNOLOGIES DANS L'ÉTUDE DU DÉVELOPPEMENT VISUEL Rappel sur le développement visuel normal Le développement visuel de l'enfant s'effectue lors de deux périodes successives. La première de ces périodes correspond à la mise en place des structures nécessaires à la vision d'un point de vue anatomique et histologique. Cette période se déroule pendant la vie intra-utérine. A la naissance, les voies optiques et les centres corticaux et sous-corticaux sont en place, mais encore immatures. C'est au cours de la seconde période du développement visuel de l'enfant que ces structures acquièrent des capacités fonctionnelles et anatomo-histologiques « adultes ». Cette phase, appelée période critique du développement, nécessite une utilisation normale de la vision et de l'oculomotricité. Il est clairement établi que toute anomalie empêchant l'enfant d'avoir une expérience visuelle ou oculomotrice normale est susceptible d'altérer la maturation du système visuel. C'est la base physio-pathogénique de l'amblyopie. Mais, c'est également pourquoi certains auteurs posent la question de l'impact de l'utilisation de systèmes informatiques considérés comme pouvant stimuler de façon anormale la vision et l'oculomotricité. D'importantes modifications histologiques se produisent tout au long des voies optiques et sont étagées dans le temps. Ces modifications vont de la macula qui se développe vers le troisième mois avec constitution de la dépression fovéolaire jusqu'au cortex visuel et aux aires associatives, immatures à la naissance. C'est ainsi que se mettent en place des cartes corticales occipitales qui participent à l'analyse de paramètres visuels aussi diverses que l'orientation d'un stimulus ou la dominance oculaire. Ces aires corticales présentent une phase de synaptogénèse intense durant quelques semaines avant que ne survienne une phase de stabilisation au cours de laquelle seules des synapses pertinentes sont conservées. La myélinisation débute vers le sixième mois au niveau des axones des cellules ganglionnaires se prolonge durant tout l'enfance.

Dossier / Formation Période critique du développement visuel Il est habituel de faire remonter aux travaux d'Hubel et Wiessel, chez le chaton, les premières données importantes concernant la notion de période critique du développement cérébral évoqué plus haut. En effet, cette notion de période critique n'est pas propre au système visuel mais s'applique au développement de la plupart des fonctions cérébrales. Ces travaux d'Hubel et Wiessel, puis ceux de nombreux auteurs à leur suite, ont bien démontré que durant une période plus ou moins longue après la naissance toute perturbation visuelle ou oculomotrice est susceptible d'interférer avec le développement du système visuel et des aires corticales associées, de le modifier ou de l'altérer. Cette période critique ou sensible du développement correspond à une phase de grande plasticité fonctionnelle, anatomique et biochimique cérébrales. Sa durée varie d'un paramètre du système visuel à un autre et, pour un même paramètre, d'une espèce à l'autre. La sensibilité aux perturbations n'est pas égale pendant toute sa durée [7]. Le système est plus malléable pendant une fenêtre de temps qui dépend du type de perturbation induite. Durant cette fenêtre de temps, des anomalies peuvent être très rapidement induites, alors qu'elles seront plus difficiles à provoquer en dehors. Toutes ces durées sont bien connues chez l'animal. Elles le sont moins chez l'homme puisque leur définition repose uniquement sur des données cliniques. Enfin, la plasticité cérébrale s'atténue progressivement avec l'âge mais reste présente à l'âge adulte [2,8]. Les mécanismes physio-pathogéniques de cette période critique sont complexes et mettent en jeu de nombreux neurotransmetteurs dont le Nerve Growth Factor (NGF) [9].

Rappel du développement visuel anormal L'amblyopie constitue le modèle type du développement visuel anormal. Ce trouble du développement de l'ensemble du système visuel, depuis la rétine jusqu'au cortex strié et extra-strié est retrouvé chez 4 % des enfants environ. Il se manifeste principalement par une acuité visuelle anormalement basse sur un œil ou sur les deux. Mais, des explorations plus fines de la fonction visuelle permettent de mettre en évidence de nombreuses autres anomalies telles que des déficits de la sensibilité aux contrastes, de la localisation spatiale, de la vision binoculaire ou de la stéréoscopie. Il est admis qu'il existe une diminution du nombre de cellules à réponse binoculaire associée à une augmentation du nombre de cellules répondant au seul œil dominant au niveau l'aire visuelle primaire V1depuis les travaux d'Hubel et Wiessel, réalisés chez le chat à l'aide d'enregistrements corticaux et cellulaires. Mais, il semble bien exister, chez l'animal, des différences d'anomalies fonctionnelles et/ou histologiques, et par là même de déficit visuel, selon le type d'amblyopie considéré. Ainsi, une amblyopie anisométropique semble être la conséquence d'une seule diminution de la sensibilité aux contrastes alors que ce mécanisme semble être secondaire en cas d'amblyopie strabique. D'autres mécanismes ont été évoqués (anomalies de la perception globale des formes, anomalies de perception ou de codage de la position de l'objet) pouvant être en rapport avec des anomalies de connections neuronales au sein des cartes corticales comme tendent à le prouver des études d'imagerie in vivo [10]. L'existence de telles différences est évoquée chez l'homme. L'utilisation des techniques d'exploration neuro-radiologique

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Dossier / Formation fonctionnelle, in vivo, a permis de mieux préciser la nature des anomalies cérébrales en fonction du type d'amblyopie.

Imagerie en résonnance magnétique fonctionnelle (IRMf)

Développement visuel anormal et nouvelles technologies d'imagerie De nombreuses études ont été menées dans le cadre de l'amblyopie, quelle qu'elle soit utilisant différentes technologies nouvelles. Les résultats, parfois contradictoires, ouvrent la voie à différentes questions sur le développement du système visuel. Il semble important, dans un premier temps, de rapporter les principaux résultats publiés.

OCT et ERG multifocal Les études en OCT confirment l'existence d'anomalies rétiniennes qui diffèrent selon le type d'amblyopie. Il s'agit notamment d'une augmentation de l'épaisseur fovéale [11,12]. Mais, certaines équipes ont retrouvé une telle augmentation en cas d'amblyopie strabique mais non en cas d'amblyopie anisométropique, alors que d'autres ont retrouvé des résultats inverses ou n'ont retrouvé aucune différence significative. Il a été rapporté une normalisation de cette épaisseur maculaire anormale de l'œil amblyope après rééducation de l'amblyopie et amélioration de l'acuité visuelle [13]. L'existence d'une telle normalisation n'a pas été confirmée dans toutes les études. Néanmoins, son existence corroborerait la théorie de Yen qui suggérait qu'il existait un arrêt de l'apoptose des cellules ganglionnaires rétiniennes dans les yeux amblyopes. Mais cette théorie ne fait pas l'unanimité et dépend peut-être du type d'amblyopie considérée. De même, une augmentation de la couche des fibres optiques a été retrouvée, par certains auteurs, dans les yeux ayant une amblyopie anisométropique ou mixte, alors qu'il y aurait une diminution d'épaisseur de cette couche en cas d'amblyopie strabique. Mais, là encore, des résultats contradictoires ont été publiés [14–16]. L'absence de consensus, quant aux modifications rétiniennes observées, pourrait être due aux techniques d'examen utilisées ou à des différences de populations étudiées. Il n'existe qu'une étude en ERG multifocal qui tend à retrouver une diminution de la réponse centrale et paracentrale, mais non de la périphérie maculaire.

Tomographie par émission de positon (TEP) Cette technique d'imagerie fonctionnelle a été la première utilisable chez l'homme. Les études réalisées après injection de fluoro-désoxyglucose radioactif, ou d'eau radioactive, avaient permis de retrouver une diminution de l'activation du cortex visuel lors d'une stimulation du seul œil amblyope. Ces résultats sont concordants avec les données classiques concernant la diminution de volume des colonnes de dominance activées par l'œil amblyopie [17,18]. Une étude a également suggéré que ce déficit cortical fonctionnel porte principalement sur la voie parvocellulaire. Ces études ont traité ensemble tous les formes d'amblyopie. Elles n'apportent donc aucun renseignement quant à d'éventuelles différences pouvant exister en fonction du type d'amblyopie. De plus, la TEP reste difficile à utiliser et ces résultats sont moins précis que ceux de l'imagerie en résonnance magnétique fonctionnelle (IRMf). C'est pourquoi, elle a été supplantée par cette dernière.

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Des anomalies ont été retrouvées au niveau du corps genouillé latéral à l'aide de l'IRMf à haut champ (4 teslas) [19]. En effet, chez un groupe d'adultes amblyopes strabiques ou anisométropiques, l'équipe de Mullen a mis en évidence un déficit d'activation des corps genouillés latéraux par l'œil dominé [20]. Ce déficit prédomine lorsqu'est préférentiellement mise en jeu la voie parvocellulaire. Barnes a également montré qu'il y a une diminution de la substance grise dans les corps genouillés latéraux de patients amblyopes [21]. Ces résultats démontrent que l'amblyopie n'est pas qu'une pathologie corticale mais qu'elle retentit sur l'ensemble de la voie visuelle. Mais, ces études ne permettent pas de préciser si les altérations du corps genouillé latéral sont primitives, ou secondaires, aux anomalies corticales retrouvées à l'aide de ces différentes techniques d'imagerie. Les explorations en IRMf ont également permis de retrouver une diminution de l'activité cérébrale au niveau de l'aire V1, et principalement dans la région de projection de l'aire fovéolaire, lors de la stimulation de l'œil amblyope [22,23]. Chez 6 patients ayant une amblyope précoce et, à l'aide d'enregistrements IRMf à haut champ, Goodyear a retrouvé des différences dans l'épaisseur des zones activées par stimulation de l'œil dominant ou dominé [24]. Ces différences sont interprétées comme témoignant d'une différence d'épaisseur des colonnes de dominance oculaire. Un tel réarrangement n'a pas été retrouvé chez deux patients dont l'amblyopie était apparue après l'âge de 2 ans. Ainsi, l'âge d'apparition de l'amblyopie pourrait induire différentes anomalies fonctionnelles corticales (sans qu'il soit possible de dire s'il existe des différences histo-anatomiques). Cette anomalie d'activation corticale s'atténue lors des périodes de rééducation par occlusion monoculaire de son œil dominant. Mais, Il peut être reproché à ces études en IRMf de ne considérer que l'ensemble du cortex occipital. Une telle analyse ne permet pas de retrouver des réarrangements de l'activation au sein du cortex. D'autres limites à l'ensemble de ces études doivent être signalées. D'une part, un grand nombre de ces études en IRMf a été réalisé chez des patients amblyopes dont le traitement n'a pas permis de recouvrer une acuité visuelle normale. Il existe peu de donnés chez des patients ayant recouvré une acuité visuelle normale. D'autre part, les différentes études réalisées utilisent des protocoles de stimulation et/ou d'imagerie différents. Il est ainsi difficile d'extrapoler les résultats obtenus par les différentes équipes et, de ce fait, de conclure quant à une possible différence de réponse cérébrale en fonction du type d'amblyopie chez l'homme. Certains auteurs n'ont pas montré de différence en cas d'amblyopie strabique ou anisométropique, alors que d'autres travaux ont objectivé des réponses différentes selon qu'on étudie des patients amblyopes strabiques ou anisométropiques [23]. L'activation de la région calcarine est réduite dans tous les cas. Mais cette diminution d'activité serait plus marquée pour les stimuli de moyennes fréquences en cas d'étiologie strabique et de basses fréquences dans le second groupe [22]. Des différences entre les patients porteurs d'amblyopie strabique ou anisométropique ont également été retrouvées lorsqu'est étudiée, non plus la fréquence de stimulation mais la direction de déplacement de points aléatoires [25].

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Des anomalies d'activation des aires extra-striées ont également été retrouvées en IRMf lors des rares études publiées [26,27]. Ces anomalies portent sur les aires V2, d'une part, et sur les régions d'intérêts pouvant correspondre aux aires V3A, V5 et MT sensibles aux mouvements [25,28]. De même, une augmentation de l'activation des aires visuelles temporales et pariétales a été retrouvée lors de la stimulation du champ de vision périphérique de l'œil amblyope par rapport à ce qui est retrouvé pour l'œil dominant, ou chez les sujets sains. Il est suggéré, sans que cela puisse être encore démontré, que les diminutions d'activation objectivées dans ces aires extrastriées puissent expliquer les diverses anomalies de la fonction visuelle qui peuvent être retrouvées chez les sujets amblyopes avec des tests spécifiques. Mais ceux-ci restent du domaine de la recherche.

Tractographie IRM Il existe plusieurs études en tractograhie IRM qui permettent de mettre en évidence les caractéristiques des faisceaux de substance blanche intra-cérébraux. Celles-ci ont ainsi retrouvé une diminution du nombre de voxels au niveau de la portion postérieure des radiations optiques (reliant le corps genouillé latéral au cortex strié) chez les patients amblyopes [29]. Il est actuellement envisagé qu'elles puissent être en partie la cause des anomalies du corps genouillé latéral retrouvées histologiquement ou en imagerie.

Magnéto-encéphalographie (MEG) Cette technique permet d'enregistrer des champs magnétiques témoignant du fonctionnement cortical sous-jacent [30]. Dans le cadre de l'amblyopie, les rares études utilisant la MEG sont en faveur d'une des désynchronisations des réponses des neurones des aires extra-striées, pouvant rendre compte des anomalies objectivées en IRMf.

Conclusion Les limites de ces différentes technologies dans l'exploration du développement visuel anormal ont été signalées, de même que l'absence d'harmonisation dans les protocoles de stimulation ou de recueil des données d'imagerie. Il existe souvent des données contradictoires. Mais, les différents résultats permettent d'une part de confirmer qu'une perturbation du développement visuel, quelle qu'en soit la cause, a un retentissement diffus, affectant l'ensemble du système visuel et probablement oculomoteur. Il faut probablement tenir compte des perturbations de l'ensemble de la fonction visuelle, et non seulement de l'acuité visuelle, lors de l'évaluation d'un patient suspect de troubles du développement visuel. De plus, les études ayant porté sur le corps genouillé latéral sont en faveur d'une interaction rétrograde du cortex vers cette structure sous-corticale, en plus d'une stimulation anormale de celleci par les neurones provenant de l'œil dominé. Ce feed-back est sans doute important dans le développement harmonieux du système nerveux. D'autre part, les anomalies retrouvées au niveau des structures visuelles cérébrales diffèrent en fonction, non seulement du type de perturbation induite (strabique, privatif, anisométropique,. . .), mais aussi de son âge de survenue. Cette dernière donnée n'est pas surprenante puisque la plasticité cérébrale évolue avec l'âge. Elle devrait ouvrir la voie à des traitements plus ciblés.

Dossier / Formation EFFET DE L'UTILISATION DES NOUVELLES TECHNOLOGIES ET DÉVELOPPEMENT VISUEL Quelles études ? Les études concernant le retentissement des ordinateurs ou des jeux vidéo sur les jeunes sont très disparates. Certaines se sont attachées au retentissement psychologique de ces technologies. Ainsi, une étude s'est attachée à déterminer s'il y avait un plus grand risque que des jeunes de 10 à 13 ans acquièrent un comportement agressif en regardant des programmes télévisés violents (condition passive), ou en jouant à de tels jeux (condition active). Elle a effectivement retrouvé une plus grande propension à l'agressivité chez les garçons soumis à la condition active de cette étude, par rapport à ceux étant sous la condition passive [6]. Par contre, une telle différence de comportement n'a pas été retrouvée chez les filles. D'autres travaux ont mis en évidence l'intérêt de certains jeux pour favoriser l'amélioration des relations au sein des groupes et des équipes [31]. Les études portant sur les conséquences visuelles ou visuomotrices de la télévision, ou des consoles de jeux sont plus rares. Les premières, ayant trait à ce sujet ne sont pas récentes puisqu'elles remontent aux années 1990. Les auteurs avaient déjà noté plusieurs anomalies retrouvées chez les enfants jouant plus d'une heure sur une console de jeu branchée à la télévision. Ils signalaient, en particulier, un taux plus important de plaintes visuelles et des mouvements oculaires plus rapides et fréquents [32]. Ces constatations avaient été effectuées sur un type de console « de salon » nécessitant de se tenir assez proche de l'écran. Il semble que les systèmes actuels soient conçus pour être regardés à une distance plus grande, notamment en ce qui concerne les jeux interactifs au cours desquels il faut faire des mouvements. Enfin, les résultats de cette étude ne sont peut-être pas transposables aux consoles personnelles sur lesquelles l'enfant joue à une vingtaine de centimètres et dont il faut rapprocher les tablettes numériques, ni aux ordinateurs, utilisés en vision intermédiaire. Il existe, en fait, une grande hétérogénéité de nouvelles technologies (ordinateur et internet, consoles de salon, consoles de jeu portables, jeux 3D, télévision et film 3D) ayant probablement des conséquences visuelles et visuomotrices différentes. En effet, leur technologie et leurs conditions d'utilisation ne sont pas identiques. Une autre particularité des études portant sur ces nouveaux modes de jeu ou de communication concerne l'âge des populations étudiées. De nombreux travaux ont été réalisés chez des adultes jeunes ou de grands enfants (préadolescents). Les études menées chez les très jeunes enfants, à l'âge où le système est le plus plastique, sont nettement moins nombreuses. Pourtant, il existe déjà des consoles « adaptés » ergonomiquement aux enfants les plus jeunes qui utilisent également les ordinateurs de leurs parents. . .. Cet âge moyen relativement élevé ne constitue pas nécessairement une limite pour étudier les conséquences de ces technologies sur ce système visuel puisque son développement, ou l'amélioration de ces performances, se poursuit tout au long de la vie.

Versant oculomoteur et attentionnel L'utilisation des ordinateurs chez les très jeunes patients est objectivée par plusieurs travaux. Sur un groupe de 122 enfants, des chercheurs américains ont déterminé que

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Dossier / Formation plus de la moitié ont un accès régulier à un ordinateur [33]. De même, une étude australienne ayant porté sur plus de 1500 enfants australiens, âgés de 5 ans, a retrouvé que 56 % d'entre eux utilisaient régulièrement un ordinateur [34]. Par contre, l'utilisation des jeux vidéo est moins élevée (28 % pour les consoles et 9 % pour les jeux portables). Les auteurs ont démontré une corrélation forte entre l'utilisation d'un ordinateur, les jeux vidéo ou le fait de regarder la télévision. Par contre, il existait une corrélation négative entre l'utilisation d'un ordinateur et l'exercice physique intense. (Il faut noter que les adolescents utilisant un ordinateur ont également des troubles du comportement vis-à-vis du sommeil. . .) [35]. Du fait des données existant chez l'adulte, les auteurs signalent un risque de troubles musculo-squelettiques liés à l'utilisation des ordinateurs à cet âge. De fait, ils rapportent que près d'1 % des enfants de cet âge se sont déjà plaints de tels troubles en relation avec un usage trop important de l'ordinateur [34]. Ces troubles musculo-squelettiques peuvent être à l'origine de troubles posturaux qui, associés à un plus grand degré de sédentarité, pourraient retentir sur le développement des capacités visuomotrices. Cependant, il faut souligner qu'une autre étude n'a pas retrouvé de relation entre l'utilisation d'un ordinateur et les aptitudes motrices ou oculomotrices [33]. Enfin, la présence de signes d'asthénopie est deux fois plus élevée chez les jeunes enfants utilisant un ordinateur. Malheureusement, les travaux rapportant ces données ne se sont pas intéressés à la réfraction de ces jeunes enfants ayant une plus grande activité en vision de près ou intermédiaire. De plus, il faut noter plusieurs autres limites à ces différents travaux. Ces études ne tiennent pas compte de l'aide et des conseils que les adultes peuvent apporter dans l'utilisation des ordinateurs. Elle n'intègre pas non plus le contrôle que les adultes peuvent assurer lors de l'utilisation de ces systèmes informatiques. Or, cette aide joue sur le positionnement de l'enfant. De même, il est difficile de prendre en compte le niveau socio-économique des parents qui est significativement associé aux facilités d'accès à l'informatique. Or, celuici peut retentir sur l'environnement intellectuel et physique de l'enfant ainsi que sur son développement cognitif. C'est pourquoi, il faut analyser avec précaution les données concernant le meilleur développement cognitif des enfants ayant accès à un ordinateur. Celui-ci est sans doute supérieur à celui des enfants utilisant des jeux vidéo, mais dépend des logiciels utilisés. L'impact des jeux vidéo (console XBOX 360 ou Nintendo DS, Nitendo Wii) sur la coordination œil-main a été étudié chez des internes et comparé à des systèmes d'entraînement à des activités visuomotrices fines (entraînement à la laparoscopie) [31]. Les études ont montré une plus grande efficacité des jeux vidéo nécessitant l'utilisation de manettes similaires aux instruments chirurgicaux de laparoscopie, dans l'acquisition d'une meilleure coordination visuelle et de capacités motrices supérieures. De plus, cette étude révèle que les jeux vidéo ont également un retentissement sur le stress de leurs utilisateurs qu'il tend à diminuer. Cet élément est important puisqu'il peut exister une interaction de ce paramètre sur les capacités motrices en elles-mêmes, en l'absence de leur amélioration. En effet, une meilleure gestion du stress lors d'un geste technique précis peut également améliorer sa réalisation ainsi que la coordination œil-main [31]. Les relations entre performances visuelles et visuospatiales sont ainsi à prendre en compte. Bien que réalisée chez de jeunes adultes, cette étude n'en

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reste pas moins intéressante en démontrant la plasticité du système visuel ou visuomoteur qui peut être affecté à tout âge par les nouvelles technologies. Mais, de nombreuses autres études ont confirmé les relations existant entre les performances aux jeux vidéo et celles retrouvées dans des tâches fines, qu'elles soient chirurgicales dans les domaines du pilotage. Les jeux dits d'action peuvent également augmenter les capacités attentionnelles. Une étude a testé les capacités à porter son attention et son regard sur des cibles (poissons) que celles-ci soient, ou non, associées à des distracteurs de même nature [36]. Elle a ainsi retrouvé que, chez des jeunes âgés de 7 à 22 ans, ces jeux d'action permettent une détection plus rapide de l'orientation de cibles sans être perturbé par la présence de distracteurs à proximité de celles-ci. Par contre, jouer à ces jeux n'améliore pas les capacités d'anticipation. Un résultat voisin a été retrouvé par une équipe américaine. Celleci a montré que les jeunes habitués aux jeux d'action tolèrent une plus petite distance entre une cible (un T) dont il faut repérer l'orientation et un distracteur [37]. Cette équipe a interprété ce résultat comme une altération des capacités de la résolution spatiale sur l'ensemble du champ visuel. Les joueurs deviennent incapables de percevoir des éléments perturbateurs lorsqu'ils sont à distance trop importante de la cible. Ces résultats peuvent également être compris comme une amélioration des capacités attentionnelles qui se retrouvent, quel que soit l'âge des sujets. Cette hypothèse est d'autant plus probable que les non-joueurs obtiennent des résultats similaires après s'être exercés aux jeux vidéo.

Retentissement postural Nous avons déjà évoqué le risque de troubles musculo-squelettiques lié à l'utilisation des ordinateurs chez les enfants [34]. En dehors de ces effets "chroniques'', les jeux vidéo retentissent également de façon plus "dynamique'' sur le système postural. Mais, cet effet varie d'un joueur à l'autre et peut, au maximum, être responsable de phénomènes voisins du mal des transports. De tels troubles nauséeux sont constatés chez 67 % des adultes et 56 % des enfants, âgés de 10 ans, inclus dans une étude menée à Taiwan [38]. Mais, ce taux peut monter à près de 100 % selon les conditions chez l'adulte. Cette différence de retentissement s'explique par un comportement moteur qui n'est pas identique chez tous les sujets. Plusieurs études ont confirmé que les mouvements de la tête ou du torse sont plus ou moins notables, d'un sujet à l'autre, et sont plus importants chez ceux ressentant des nausées. Cette différence posturale induite par les jeux vidéo s'accentue avec la durée d'utilisation. Elle serait accentuée par les jeux nécessitant de jouer debout (comme certains jeux de sport ou de combat virtuel) [39]. Il est intéressant de noter que l'attention joue probablement ici, aussi, un grand rôle. En effet, lorsque deux personnes sont testées en simulateur de conduite, le passager passif est plus sujet au mal des transports que le conducteur, alors que ce dernier effectue un plus grand nombre de mouvements de la tête et du torse.

Et les écrans et films 3D ? Il existe de grandes craintes vis-à-vis de possibles dangers liés à l'utilisation de « la 3D » chez le jeune enfant. En France, un groupe de travail est chargé d'étudier ce risque sous l'égide de l'ANSES. Mais, en Italie, les films en relief sont interdits aux

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enfants de moins de trois ans. Cette interdiction fait suite à la publication de certains articles s'interrogeant sur les conséquences de cette vision en relief sur un écran en 2 dimensions. Mais, elle fait suite à l'observation d'un taux important d'inconfort suivant des projections de films en 3D. La fréquence de ces manifestations, évoquant le mal des transports ou à type de fatigue visuelle de vision floue ou d'instabilité, est difficile à évaluer dans la littérature et semble comprise entre 20 et 25 %. Une étude récente évoque un taux plus élevé de ces troubles chez les sujets de moins de 40 ans [40]. Mais, leur importance varie également selon l'angle sous lequel le film est vu. Ceci est sans doute dû au fait que le relief est alors moins bien perçu. De plus, regarder un film en 3D (selon une disparité croisée qui fait apparaître le relief en avant de l'écran) perturbe l'accommodation, puisque cette technique entraîne la mise en jeu d'une vergence fusionnelle pour réunir les deux images différentes présentées devant chaque œil. Du fait des mécanismes de syncinésie, cette convergence s'accompagne d'une accommodation inappropriée [41,42]. La vision 3D interfère également avec la taille de l'aire de Panum et les capacités de fusion. Une étude japonaise avait démontré l'existence d'une sur-accommodation lors de la présentation d'images stéréoscopiques, selon une disparité croisée. Il a été rapporté des modifications du rapport AC/A [43]. Une étude coréenne a mis en évidence l'apparition d'une myopie transitoire induite par le visionnage, pendant plusieurs heures, d'un écran 3D à 50/70 cm lorsque l'image est présentée selon une disparité croisée [43]. Cette myopisation induite persiste près de 15 minutes après l'arrêt du film. Par contre, cette myopisation est moindre lorsque l'image est présentée selon une disparité directe (induisant des mouvements de divergence). D'autres systèmes de vision 3D tels que les écrans autostéréoscopiques entraînent un découplage de l'accommodation qui est réglée à la distance de vision (une quarantaine de cm), et la convergence qui varie selon la scène vue [44]. Ces modifications transitoires ont été étudiées chez des adultes ou des adolescents. Mais, certains auteurs se posent la question de savoir ce qu'il pourrait se passer chez un jeune enfant ayant un système visuel immature et utilisant des systèmes 3D pour de longues périodes, comme cela risque de survenir avec la commercialisation d'ordinateurs ou de consoles de jeu équipées de ce système. L'âge auquel la maturation du système visuel est terminée est difficile à déterminer. Rappelons que certaines consoles possèdent un système permettant un contrôle parental de la durée d'utilisation. Il faut donc, pour l'instant, attendre les conclusions du groupe de travail pour savoir quelle attitude avoir vis-à-vis de cette vision virtuelle, notamment chez l'enfant et l'adolescent. Cependant, l'évolution de l'informatique vers de telles techniques de réalité virtuelle, en particulier dans le domaine professionnel, risque de poser des problèmes à des personnes ayant des troubles de la vision stéréoscopique mais qui n'en éprouve aucune gêne, du moins au départ.

Dossier / Formation le signale Pallas, qu'on lui interdise de jouer à la console [44]. Par contre, ces systèmes sont également préconisés comme outils de rééducation. L'utilisation de jeux vidéo d'action ou de réflexion pendant deux heures par jour chez des sujets amblyopes de plus de 15 ans permettrait d'améliorer l'acuité visuelle de 1,4 à 1,6 lignes (représentant une amélioration de l'ordre de 25 à 30 % en terme d'acuité angulaire) [45]. Une normalisation a été observée chez trois patients ayant une amblyopie modérée. Cette amélioration de la fonction visuelle a également porté sur l'attention spatiale et sur le sens du relief (de l'ordre de 58 %). Une équipe anglaise a utilisé un système de réalité virtuel proposant des jeux (Pac-man ou course automobile) et des clips vidéo [3]. Une amélioration d'amblyopies modérées à sévères a pu être obtenue chez cinq de six enfants traités, âgés de 6 ans en moyenne, après une durée moyenne de traitement de 4 h 40. Cette amélioration s'est maintenue le plus souvent après 22 mois de surveillance [46]. Cette évolution est intéressante mais elle ouvre la voie à certaines dérives puisque certains constructeurs de tablettes, ou d'autres systèmes informatiques portables, envisagent de développer des logiciels de traitement des troubles oculomoteurs et visuels. Certaines équipes proposent des techniques de rééducation en se basant sur des notions physio-pathogéniques qui peuvent être sujets à discussion.

CONCLUSION Ce qu'il est convenu d'appeler les nouvelles technologies a permis un essor de l'imagerie médicale in-vivo et, de ce fait, a été d'un grand apport pour la compréhension de nombreux mécanismes physiopathogéniques, notamment en ce qui concerne le développement de la vision et de l'oculomotricité. Par contre, les conséquences de l'utilisation de ces systèmes informatiques, qu'il s'agisse des ordinateurs, des consoles de jeux vidéo ou de tout autre système sur le développement visuel, attentionnel et postural, restent l'objet de discussion. Néanmoins, ces systèmes semblent favoriser l'attention, parfois au prix de conséquences posturales en cas d'une utilisation "trop intensive''. L'éclosion de la vision 3D amène à se poser de nouvelles questions quant à d'éventuels risques pour le système visuel et visuomoteur de l'enfant et du jeune adulte. Il est encore trop tôt pour répondre à cette question et cette réponse pourra dépendre du mode de production de cette sensation de relief. Rappelons que l'ANSES devrait apporter un éclairage sur ce sujet dans les mois prochains. Déclaration d'intérêts Membre du groupe de travail de l'ANSES sur la vision 3D.

NOUVELLES TECHNOLOGIES ET PRISE EN CHARGE Il faut rappeler que certains auteurs considèrent que la 3D constitue un formidable outil de dépistage des troubles visuels. Néanmoins, encore faut-il que l'enfant prenne le risque de signaler la survenue d'un trouble visuel avec le risque, comme

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