Devenir à long terme des enfants atteints d’une atrésie de l’œsophage

Devenir à long terme des enfants atteints d’une atrésie de l’œsophage

Table ronde Atrésie de l’œsophage : du dépistage au devenir à long terme Devenir à long terme des enfants atteints d’une atrésie de l’œsophage L. Mic...

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Table ronde Atrésie de l’œsophage : du dépistage au devenir à long terme

Devenir à long terme des enfants atteints d’une atrésie de l’œsophage L. Michaud*, R. Sfeir, P. Fayoux, C. Thumerelle, L. Gottrand, L. Storme, M.-D. Lamblin, D. Seguy, F. Gottrand Centre de référence des affections congénitales et malformatives de l’œsophage, Pôle enfant, Hôpital Jeanne de Flandre, 2, avenue Oscar Lambret, 59037 Lille cedex et Faculté de Médecine, Université de Lille 2, Lille, France

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’atrésie de l’œsophage (AO) est une malformation rare touchant 150 à 160 nouveau-nés par an en France. Si le pronostic à court terme est lié à la présence éventuelle d’une prématurité, de malformations associées (surtout cardiaques), à la forme anatomique et la difficulté à l’anastomose chirurgicale, la majorité des enfants présentant une AO vont grandir, la survie actuelle étant de plus de 90 %. Des complications surviennent cependant de façon fréquente à moyen et long cours [1].

1. Devenir digestif La fréquence du reflux gastro-œsophagien (RGO) chez les enfants opérés d’une AO est supérieure à celle observée dans la population générale. La prévalence du RGO dans cette population varie selon les études et le mode d’exploration entre 26 et 70 % [2]. Le RGO peut se compliquer d’œsophagite peptique (dans 9 à 53 %), d’endobrachy-œsophage ( jusqu’à 15  % des patients). La métaplasie intestinale est un facteur de risque d’adénocarcinome de l’œsophage. À ce jour, 6 observations d’adénocarcinomes et de carcinomes épidermoïdes (au niveau de la cicatrice de l’anastomose) ont été rapportées chez des jeunes adultes opérés d’une AO, sans qu’il soit possible actuellement de confirmer un risque augmenté de cancer dans cette population [3]. Le RGO favorise également la survenue d’une sténose anastomotique, parfois récidivante et/ou très à distance de l’intervention initiale. Sa fréquence varie de 8 % à 49 % [4]. L’AO représente 25 % des causes d’impaction alimentaire chez l’enfant. Des dilatations œsophagiennes sont alors nécessaires ; leur nombre et leur fréquence dépendent du caractère serré ou non de la sténose, du délai et de l’efficacité de la dilatation précédente. Plusieurs techniques ont été proposées afin d’éviter la récidive de la sténose après dilatation, mais ne sont pas réalisées de façon courante : mise en place de prothèse œsophagienne, infiltration de corticoïdes ou tamponnement de mitomycine C  [5]. Les anomalies anatomiques et motrices de l’œsophage expliquent que la dysphagie est un symptôme fréquent, présent chez 45 % des enfants à l’âge de 5 ans [6].

*Auteur correspondant. e-mail : [email protected]

58 © 2012 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. Archives de Pédiatrie 2012;19:58-59

2. Devenir nutritionnel Même si les progrès récents ont permis une réduction importante de la dénutrition et des séquelles sur la croissance, un retard de croissance reste présent chez près d’un tiers des enfants à l’âge de 5 ans [6]. Les facteurs de dénutrition identifiés sont les formes chirurgicales à grand défect, les troubles de motricité et la dysphagie, les formes d’AO associées à des cardiopathies ou à des anomalies chromosomiques, le RGO, les sténoses œsophagiennes, ainsi que les remplacements œsophagiens.

3. Devenir ORL et respiratoire Les manifestations respiratoires sont particulièrement fréquentes, notamment dans les premières années. La morbidité respiratoire diminue habituellement avec l’âge. En dehors des malformations associées, cardiaques notamment, leur pathogénie met en cause divers facteurs, congénitaux ou acquis, qui s’intriquent. Le RGO, les troubles de la motricité œsophagienne, la sténose anastomotique sont d’importants facteurs de risque, en favorisant l’inhalation, et en aggravant la trachéomalacie. Une trachéomalacie est présente chez 75 % des patients avec AO et fistule œsotrachéale, dont l’expression clinique est variable, d’asymptomatique à des blockpnées parfois sévères  [7]. Elle a comme conséquence la stase des sécrétions et favorise les épisodes infectieux broncho-pulmonaires. Elle est aggravée par le RGO, les fausses routes, la distension sus-anastomotique de l’œsophage. Elle a tendance à s’améliorer avec la croissance et le traitement des facteurs associés. Dans les formes sévères, qui se traduisent par des manifestations respiratoires graves, notamment des malaises graves, la pose d’une prothèse endotrachéale ou plus souvent un traitement chirurgical par aortopéxie peuvent être nécessaires [7]. La fistule œsotrachéale récidive rarement, habituellement au cours des 2 à 18 mois après la chirurgie réparatrice initiale. Cette récidive s’observe plus fréquemment en cas de lâchage de la suture initiale, d’anastomose sous tension, ou de sténose congénitale associée. Un nouveau traitement chirurgical est dans ce cas nécessaire  ; l’injection de glue par voie bronchoscopique a aussi été proposée.

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Les manifestations respiratoires sont décrites à tout âge de la vie. Dans une étude Finlandaise, 41  % des adolescents âgés en moyenne de 14  ans présentaient des symptômes respiratoires (22  % considérés comme asthmatiques)  [8]. Les mêmes auteurs ont récemment évalué une cohorte de 101 adultes âgés en moyenne de 36  ans qui présentaient plus de symptômes respiratoires, d’infection, d’asthme et d’allergie que des adultes contrôles, associés à une moins bonne qualité de vie liée aux symptômes respiratoires. Les infections respiratoires sont fréquentes dans les premières années de vie, rapportées chez 29  % des enfants suivis jusque l’âge de 5 ans [6]. Elles touchent plus particulièrement les lobes inférieurs et le lobe moyen. La toux chronique ou récidivante, favorisée par les épisodes infectieux, est également fréquente et persistante. De tonalité rauque, elle est un symptôme de la trachéomalacie. À terme les séquelles respiratoires de l’AO pourraient constituer un terrain à risque de bronchopathie chronique obstructive. La fonction respiratoire est le plus souvent dans les limites de la normale. Toutefois, un syndrome restrictif est retrouvé chez 20 à 49  % des patients, favorisé par les synostoses costales séquellaires de thoracotomie, la scoliose, et le RGO. Le syndrome obstructif est également décrit avec des fréquences variables de 12 à 54 %.

4. Devenir orthopédique Une déformation de la cage thoracique est rapportée chez 20 % des patients, et une scoliose chez 10 % à 50 % des patients. La scoliose est d’autant plus fréquente qu’il existe des anomalies vertébrales, que le patient a subi une thoracotomie, une résection de côtes ou des muscles dorsaux [1]. Le risque de scoliose est 13 fois supérieur dans la population d’AO par rapport à la population générale et est associé dans près de 50 % à des anomalies vertébrales [9]. La scoliose peut être associée à des anomalies de la fonction ventilatoire ; elle nécessite rarement une correction chirurgicale. Le choix de l’abord chirurgical lors de la réparation initiale de l’atrésie de l’œsophage (thoracoscopie, voie axillaire) est important pour la prévention de cette complication.

5. Transition à l’âge adulte La nécessité d’organiser la transition à l’âge adulte des affections chroniques de début dans l’enfance est de reconnaissance récente. Ceci est particulièrement vrai dans l’AO où les progrès

des dernières décennies font que la majorité des enfants opérés à la naissance d’une AO deviendront des adultes. L’âge idéal et les modalités de cette transition nécessitent une collaboration étroite entre équipes pédiatriques et de médecins d’adulte acceptant de prendre en charge ces jeunes adultes présentant une affection qu’ils connaissent peu au départ.

6. Conclusion Même si le pronostic actuel de l’AO est bon dans l’ensemble, la fréquence des complications à distance de l’intervention initiale et la nécessité d’une surveillance des lésions œsophagiennes secondaires au RGO et à l’AO, justifient qu’un suivi systématique, multidisciplinaire et prolongé soit proposé à tout patient opéré d’une AO.

Références [1] Sistonen SJ, Pakarinen MP, Rintala RJ. Long-term results of esophageal atresia  : Helsinki experience and review of literature. Pediatr Surg Int 2011;27:1141-9. [2] Morabito A, Plummer NT, Bianchi A. Clinically significant gastrooesophageal reflux following oesophageal flap repair for oesophageal atresia and tracheo-oesophageal fistula. Pediatr Surg Int 2006;22:240-2. [3] Pultrum BB, Bijleveld CM, de Langen ZJ, et al. Development of an adenocarcinoma of the esophagus 22 years after primary repair of a congenital atresia. J Pediatr Surg 2005;40:e1-4. [4] Serhal L, Gottrand F, Sfeir R, et al. Anastomotic stricture after surgical repair of esophageal atresia: frequency, risk factors, and efficacy of esophageal bougie dilatations. J Pediatr Surg 2010;45:1459-62. [5] Uhlen S, Fayoux P, Vachin F, et al. Mitomycin C  : an alternative conservative treatment for refractory esophageal stricture in children? Endoscopy 2006;38:404-7. [6] Little DC, Rescorla FJ, Grosfeld JL, et al. Long-term analysis of children with esophageal atresia and tracheoesophageal fistula. J Pediatr Surg 2003;38:852-6. [7] Fayoux P, Sfeir R. Management of severe tracheomalacia. J Pediatr Gastroenterol Nutr 2011;52(Suppl 1):S33-4. [8] Malmström K, Lohi J, Lindahl H, et al. Longitudinal follow-up of bronchial inflammation, respiratory symptoms, and pulmonary function in adolescents after repair of esophageal atresia with tracheoesophageal fistula. J Pediatr 2008;153:396-401. [9] Sistonen SJ, Helenius I, Peltonen J, et al. Natural history of spinal anomalies and scoliosis associated with esophageal atresia. Pediatrics 2009;124:e1198-204.

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