Diagnostic des infections virales et paras#aires transmissibles de la m#re ~ /'enfant au cours de la grossesse
DIAG NOSTIC ANTI'NATAL DES INFECTIONS RUBI OLIQUES Didier lngrand a,*
Resum6
Le diagnostic antenatal de la rubeole dolt 6tre mis en place chez toute femme enceinte ayant une infection rub6olique prouvee. Real/s6 dans un centre agree, son objectif est de demontrer I'eventuelle transmission m6re-enfant du virus, puis d'en evaluer ses consequences pour le futur nouveau-n& Ce diagnostic ant6natal de rubeole est aussi ~. evoquer face & certaines anomalies decelees in utero par I'imagerie medicale. La mise en evidence dans le sang foetal d'lgM rubeoliques ou, plus recemment, la detection du genome viral par biologie moleculaire dans le liquide amniotique signe I'infection foetale. Le risque malformatif consecutif a cette infection est alors evalu6 en fonction du stade (hombre de semaines d'amenorrh6e) de la grossesse. Rub~ole
- diagnostic antenatal
- amniocent~se
- infection
cong(~nitale.
Summary
Diagnosis of congenital rubella infection which is realized in authorized laboratory, must be established in pregnant women with proven acute rubella infection. This diagnosis should also be considered in any infant presenting evidence of intrauterine growth retardation, or with others consistent signs of congenital infection. Presence of rubella-specific IgM antibody in fetal blood or presence of viral genomic RNA in amniotic fluid confirms the diagnosis so that accurate counselling can be offered to pregnant woman about the risks and damage to the fetus. Rubella - prenatal diagnosis
- amniocentesis
- congenital
infection,
attendre la publication de Sir Norman McAIlister Gregg en 1941 pour remettre en cause cette assomption. Ce pediatre australien, ophtalmologiste de surcroft, 6tablissait pour la premiere fois un lien entre la survenue de cataracte congenitale chez des enfants et I'infection rub6olique de teur mere en cours de grossesse (68 des 78 nouveaunes ayant une cataracte avaient 6t6 exposes in utero au virus de la rubeole). Inutile de preciser qu'en cette p6riode trouble de I'histoire mondiale, sa publication n'eut pas I'impact escompte (pour memoire, en 1944, il fut ecrit dans le Lancet : ,, Gregg did notprove his case ~). Elle fut m6me, pendant de nombreuses annees, I'objet de debars contradictoires au sein des communautes medicales, en part/culler anglo-saxonnes. Cette relation causale fut definitivement confirmee & la suite de I'importante epidemie de rubeole qui en 1964 sevit aux I~tats-Unis. Durant celle-ci, plusieurs millions d'infections rubeoliques furent denombrees qui entrafnerent, en 1965-1966, plus de 20 000 cas de rubeoles congenitales malformatives (tableau I). Uanalyse de cette epidemie fut roccasion d'etudier in vivo la physiopathologie de I'infection virale maternelle en cours de grossesse, notamment sa transmissibilite, et ses effets sur le foetus ou I'embryon en fonction du terme de la grossesse. Cette epidemie et ses consequences deleteres amenerent les gouvernants & mettre en place, des 1969, une politique vaccinale de prevention de I'infection rubeolique aux I~tats-Unis. En 30 ans, I'incidence de cette infection fut reduite de 99 % et une diminution tout aussi importante du nombre de cas de rubeole congenitale fut notee. Fort de ce succes, les services de sante ont programme I'eradication de I'infection endogene et de la rubeole congenitale vers 2010 aux I~tats-Unis. Faut-il en conclure que les problemes lies & cette infection virale sont definitivement resolus ? Les changements epidemiologiques cons6cutifs & rinstauration de cette vaccination ne sont pas en faveur de cette hypothese. Alors qu'au debut des annees 1990, la majorit6 des infections rubeoliques survenaient chez des enfants de moins de 15 ans, en 2000 elles concernent 86 % des adultes et plus particulierement les migrant(e)s venant de pays n'ayant pas mis en place un programme
1. introduction E
ntite clinique individual/see au milieu du XVlll e siecle, puis formellement authentifiee par des auteurs anglais au debut du XlX e si6cle, la rubeole a ete consideree pendant pres d'un si6cle comme une maladie virale benigne d'int6r~t medical l/mite. II faudra Rubeole clinique Encephalite Rub6ole congenitale malformative a Laboratoire de microbiologie-immunologie biologique H6pital Antoine-B6cl6re 157, rue de la Porte-de-Trivaux 92141 Clamart cedex
12 500 000 2 084 20 000
Surdit6
6 250 8 055
Surdit6-c6cit6
3 580
Retard croissance foetale
* Correspondance
[email protected]
Retard mental
1 790
Autres malformations
6 575
article rec;u et acceptd le 13 mars 2003.
Avortement therapeutique
5 000
D6ces en p6riode p6rinatale
2 100
© Elsevier,Paris. RevueFrangaisedes Laboratoires,mai 2003, N° 353
41
Dossier scienfifique Diagnostic des infections virales et parasitaires transmissibles de la mare & /'enfant au cours de la grossesse
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Jours post-infection de vaccination. Selon I'Organisation mondiale de la Sante (OMS), en 1999, seuls 52 o/0 des pays avaient une politique de prevention de Finfection rubeolique. Ces donnees soulignent I'importance de suspecter, puis d'identifier toute rubeole clinique qui se devra d'etre systematiquement confirmee par son diagnostic biologique. C'est cette approche qui sera privileglee tout au long de cet article dans la prise en charge de la femme enceinte chez laquelle on suspecte une rubeole. En effet, ce n'est que Iorsque I'infection rubeolique sera 6tablie chez la mere, quelle qu'en soit la nature (primo-infection ou reinfection), qu'il faudra s'interroger sur sa transmission 6ventuelle & I'enfant. C'est & cette unique question que devra repondre le diagnostic antenatal par la mise en route de techniques appropriees. En cas de positivite de cette double demarche diagnostique, la determination du risque malformatif de la rubeole congenitale sera faite en fonction du terme de la grossesse. Quelles que soient les circonstances, le diagnostic biologique ne pouvant se concevoir sans une connaissance precise du virus responsable et de la physiopathologie de cette infection, quelques rappels sont necessaires. Toutefois, I'objet de cet article n'etant pas de rapporter la totalite des connaissances sur I'infection rubeolique, seules celles pouvant expliquer la survenue d'une rub6ole congenitale seront abordees ici.
2. La rubdole Virus enveloppe appartenant & la famille des Togaviridae et au genre rubivirus, sa capside de 40 nm de diametre, de forme icosa6drique, renferme I'ARN g6nomique lineaire de polarite positive. II code une proteine de capside (C) et deux autres proteines structurales (El et E2). Ces dernieres, apres glycosylation (gEl, gE2), herisseront de spicules I'enveloppe lipidique emanant des membranes cellulaires. L'utilisation d'anticorps monoclonaux a permis de preciser leur fonctionnalite. 42
Alors que I'activite hemagglutinante est portee par la seule gEl, les deux glycoproteines ont de multiples epitopes reconnus par des anticorps neutralisants. Toutefois, le virus de la rub6ole n'exprime qu'un seul serotype et deux g6notypes, temoignant de sa faible variabilit6 genomique [1]. 2.1. Transmission Le virus de la rub6ole, du fait de son enveloppe qui le rend sensible aux solvants organiques, aux detergents mais aussi a. la temp6rature (sa demi-vie est de 1 #, 2 heures & 37 °C), a une transmission interhumaine directe par inhalation de particules infectantes. L'homme constituant son seul reservoir connu, ce virus ubiquitaire se transmet tout au long de I'annee & bas bruit et engendre un pic 6pid6mique au printemps dans I'hemisph6re nord et les zones temp6rees. Avant l'ere de la vaccination, des 6pid6mies de plus vaste envergure etaient observ6es & travers le monde avec une periodicite de 10 & 30 ans. Leur origine, encore & ce jour mysterieuse, a 6te l'objet de nombreuses controverses (souche virale plus virulente, susceptibilite particuli6re de I'h6te, population plus r6ceptive, etc.). Apres pen6tration, le virus diffuse par vole lymphatique ou au cours d'une viremie transitoire vers les ganglions lymphatiques regionaux lieu de la multiplication virale. Sept & neuf jours apres la contamination, les virus sont presents dans la circulation sanguine qui les achemine vers de multiples tissus. La viremie atteint son pic entre le 10 e et le 17ejour pour se terminer au moment de I'eruption maculopapuleuse qui survient en g6neral 16 & 18 jours apres le contage infectant. Pendant de ce temps, le virus est excrete massivement dans les secr6tions nasopharyngees ou il est pr6sent pendant les 2 semaines qui cernent 1'6ruption. De ce fait, la personne infectee est contagieuse de 7 jours avant & 7 jours apr6s cette eruption (figure 1). Au cours de la vir6mie, les virus entrent en contact avec le placenta qu'ils infectent et peuvent se transmettre au foetus. Quoique la majotit6 des transmissions soit observee au decours d'une primo-infection RevueFrangaisedes Laboratoires,mai 2003, N° 353
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++ ++
Coeur
Hypoplasie artere pulmonaire Persistance du canal arteriel
Oreilie
Hypoacousie Surdit6
+++ +++
CEil
Retinopathie Cataracte
++ ++
Retard de croissance
In utero Extra utero
+++ ++
Systeme nerveux central
Encephatite Microcephalie Bombement de la fontanelle Deficit neurologique
++ + + ++
Foie-rate
Hepatosplenomegalie
Systeme lymphatique
Adenopathies
++
Poumon
Pneumopathie interstitielle
4-+
Sang
Thrombocytopenie Leucopenie
++ +
Qs
Radiotransparence
++
+++ : 50-75 %
++ : 20-50 %
rubeolique chez la femme enceinte, de tres rares cas de transmission mere-enfant ont ete decrits suite ~. des reinfections maternelles. Le rele quantitatif de la viremie a 6te 6voque pour rendre compte de ces deux situations, sans qu'une preuve formelte n'ait ete & ce jour rapportee. 2~2. M a n i f e s t a t i o n s c l i n i q u e s La primo-infection rubeolique debute, apres une periode d'incubation silencieuse de 16 a 18 jours, par une eruption maculopapuleuse. D'emblee generalisee, non prurigineuse et constituee de petits elements rose p&le, elle est d'evolution fugace (2-3 jours). Elle s'accompagne en regle generale de multiples adenopathies, mobiles et non douloureuses, en particulier cervicales posterieures et d'une fi~vre moderee (38-38,5 °C). Ces manifestations sont spontanement resolutives en quelques jours et entrafnent une immunite durable qui n'emp~che pas cependant la survenue de reinfections exogenes asymptomatiques. Cette description traditionnelle ne dolt pas faire oublier que 50 % des primo-infections rubeoliques n'ont pas d'expression clinique et que I'eruption, Iorsqu'elle est presente, peut rev~tir de tres nombreux aspects non specifiques (polymorphe, purpurique, scarlatiniforme, morbiliforme) [5]. De fait, seul le diagnostic virologique, en particulier sa composante seroIogique, apportera les preuves de I'infection rubeolique. ,/k I'exception de la rubeole congenitale, les complications de la rubeole sont limitees et, comme beaucoup d'infections virales, plus frequemment presentes chez I'adulte que chez I'enfant. 2.3. R u b e o l e c o n g e n i t a ! e Les dommages cellulaires generes par le virus dans les tissus foetaux infectes sent encore mal connus. Ce virus est peu lytique in vitro, comme en temoigne I'absence d'effet cytopathique, en microscopie optique, des cellules permissives b. sa multiplication. Celle-ci s'accompagne in vivo d'une faible reaction inflammatoire (infiltrats de quelques lymphocytes) et d'un defaut de vascularisation qui serait & I'origine des manifestations cliniques observees. Celles-ci pourraient etre aggravees par un effet viral direct sur la mitose cellulaire RevueFrancaisedes Laboratoires,mai 2003, N° 353
+++
+ : < 20%
dent le temps de realisation est allong& Ces faits expliqueraient le devenir des foetus infectes, en particulier le retard de croissance intra uterin frequent Iors de rubeole congenitale. En fonction de la date de contamination par rapport au d¢but de la grossesse, les consequences pour le foetus sont diverses. Precoce, I'infection virale peut s'associer & un avortement spontane, une mort in utero, puis par la suite & une embryopathie - qui elle-meme peut s'associer & une foetopathie revelee a. la naissance par une hepatosplenomegalie, un purpura ou un ictere. L'embryopathie rubeolique se traduit par des malformations faites de cardiopathies, d'atteintes oculaire et auditive. Une des caracteristiques de la rubeole congenitale, dej~. notee par Sir N. McA. Gregg dans sa publication princeps, est la diversite des manifestations cliniques, dont aucune n'est par elle meme pathognomonique (tableau II).
3. Diagnostic bioiogique de I'infection rubeolique L'etablissement du diagnostic biologique de I'infection virale chez la mere impose la realisation de techniques qui visent & isoler le virus ou & identifier ses composants et/ou & etudier la cinetique des anticorps (figure 1). 3.1. D i a g n o s t i c direct La recherche du virus par isolement en culture cellulaire apres inoculation d'un prelevement est en pratique peu realiste. Les proprietes intrinseques de sa multiplication au sein de cellules permissives, mais aussi les longs delais d'obtention des resultats, sont parfois incompatibles avec une prise de decision telle qu'une interruption therapeutique de grossesse. On lui pr~fere dans ce cas la recherche de I'ARN genomique du virus de la rubeole par la technique de RT-PCR. Les resultats dependent 43
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toutefois de la nature du prelevement analyse et de son mode d'acheminement. A titre d'exemple, il est imperatif que le liquide amniotique soit immediatement congele & - 80 °C au decours de I'amniocentese et qu'il parvienne dans cet etat au laboratoire o0 il sera manipul& La thermofragilite des virus, mais aussi la charge @ale souvent faible de ces liquides peuvent rendre compte des resultats faussement negatifs parfois observes malgre des conditions operatoires rigoureuses. En pratique, cette approche diagnostique n'est pas retenue chez la femme enceinte.
3.4. M e s u r e de I'avidite d e s I g G r u b e o l i q u e s Les IgG initialement synth6tisees au cours d'une primo-infection ont une avidite faible pour I'antigene. Par la suite, celle-ci augmente, en raison de la maturation des immunoglobulines, ce qui permet de differencier la primo-infection d'autres situations, telles que les reinfections ou les reactivations serologiques par stimulation polyclonale non specifique. En pratique, la dissociation des complexes antigene-anticorps par un agent denaturant tel que I'uree sera d'autant plus facile & realiser que leur liaison est moins forte. La methode d'elution permet une meilleure discrimination que la methode de dilution dans la datation de I'infect/on. Notons cependant que cette methode n'est pas standard/see et se dolt d'etre pratiquee dans des laboratoires specialises ayant regu I'agrement pour realiser le diagnostic antenatal de ces infections.
3.2. D i a g n o s t i c indirect ou s e r o l o g i q u e Cette etape, assurement la plus connue, est pourtant la principale source d'erreur d'interpretation. Pour memo/re, le diagnostic seroIogique fait appel & la cinetique d'apparition des ant/corps sur deux prelevements sanguins preleves le premier ($1) precocement par rapport aux signes cliniques et le second ($2) plus tardivement (en general 2-3 semaines apres $1 ). La comparaison des titres d'anticorps specifiques dans ces deux serums met en evidence, Iors d'infection rubeolique, soit une seroconversion, soit une elevation significative du titre des ant/corps. II est ¬er que ces deux situations sont aussi decrites Iors de stimulation polyclonale non specifique du systeme immunitaire. Ces definitions, simples dans leur 6criture, se revelent en pratique difficiles & interpreter. En tout premier lieu, Iors de seroconversion, I'absence d'anticorps dans $1 ne sign/fie pas necessairement que I'organisme concerne est vierge de toute infection anterieure par le virus de la rubeole. Cette non-detection est en effet technique et hete dependants. Dans le premier cas, la non-detection d'anticorps peut signifier que son titre est en-deg& du seuil de sensibilite de la technique utilisee. II est d'ailleurs ¬er que le Guide de bonne execution des analyses (GBEA) impose pour chaque resultat d'analyse serologique de preciser la technique utilisee et son seuil de sensibilit& Dans le second cas, la diminution progressive des ant/corps specifiques suite & une reponse humorale d'intensite faible Iors d'une primo-infection survenue dans I'enfance peut, apres quelques annees ou decennies, se traduire par une negativat/on des tests serologiques. De plus, I'etevation significative du titre des ant/corps peut etre masque par un prelevement sanguin $1 fait tardivement. L'elevation du titre des ant/corps jusqu'& la phase de plateau etant tres variable d'un sujet & I'autre, l'on ne saurait conclure, face & un titre stable d'anticorps de $1 et de $2, & I'absence d'infection rubeolique. Ces deux exemples temoignent de la necessite pour le biologiste d'interpreter les resultats de ces analyses, c'est une obligation legale, en fonction des donnees cliniques dont il dispose. Dans certaines circonstances, il devra mettre en oeuvre des techniques complementaires telles que la recherche d'immunoglobulines rubeoliques de type IgM pour mieux definir la nature de I'infection (primo-infection, reinfection).
4. Diagnostic de I'infection rub(~olique chez la femme enceinte En pratique, le clinicien et le biologiste sont conduits & evoquer ce diagnogtic chez une femme enceinte, Iors des trois circonstances suivantes : (i) une eruption rubeoliforme, (ii) la notion de contage avec une personne suspecte d'etre infectee par ce virus, (iii) un depistage serologique en cours de grossesse. 4.1. D i a g n o s t i c b i o l o g i q u e f a c e & une e r u p t i o n r u b e o l i f o r m e La presence de signes cliniques evocateurs de rubeole facilite la prise en charge biologique de ces patientes. II est classique et prudent d'ecrire que ,, toute ~ruption chez une femme enceinte dolt @re consideree comme rub~olique jusqu'~ preuve du contraire ,,.
Les methodes utilisees sont essentiellement serologiques. Pour peu que I'on dispose d'un premier serum reellement precoce, la mise en evidence d'une seroconversion ou d'une elevation significative du taux des anticorps associee & la presence d'lgM rubeoliques sur le premier serum sont tres en faveur d'une primo-infection dont les consequences pour le produit de la conception seront evaluees secondairement (cf. infra).
4.2. D i a g n o s t i c b i o l o g i q u e suite & un c o n t a g e a v e c une p e r s o n n e ayant (ou s u s p e c t ) la r u b e o l e II est essentiel de prelever le plus rap/dement possible (moins de 10 jours apres le contage) et de rechercher sur le serum la presence d'anticorps totaux rubeoliques. Si le resultat est posit/f, situation la plus courante (la seroprevalence de I'infection rubeolique est superieure & 95 % en France), cette femme enceinte est immunisee, ce qui exclut une primo-infection suite & ce contage. -
3.3. D e t e c t i o n d e s IgM r u b e o l i q u e s Elle est fondee sur le fait que les ant/corps rubeoliques au cours de la primo-infection sont & la fois des IgM, fugaces, et des IgG durables. II serait toutefois errone de croire que la presence d'lgM rubeoliques signe la primo-infection, puisqu'elles sont parfois presentes Iors de reinfections rubeoliques ou Iors de stimulation non specifique du systeme immunitaire. Cette erreur, frequemment admise, peut s'averer tres deletere et dolt inciter le biologiste & une interpretation extremement prudente de leur presence en s'aidant, si necessaire, ~. la mesure de I'avidite des IgG rubeoliques pour dater plus precisement I'infection virale. Dans le cadre du diagnostic antenatal de l'infection rubeolique, il etait usuel de rechercher la presence d'lgM rubeolique dans le sang foetal. Si la sensibilite et la specificite de cette technique sont excellentes, on lui prefere dorenavant la recherche du genome viral par RT-PCR sur liquide amniotique, examen tout aussi performant effectue sur un prelevement d'obtention plus a/see que le sang foetal. 44
-Si le resultat est negatif, un deuxieme prelevement (S2) dolt etre effectue 3 & 4 semaines apres le contage. S'il n'existe pas d'anticorps rubeoliques totaux dans S2, on peut conclure & I'absence de contamination Iors de ce contage. Uest souhaitable dans cette situation d'effectuer une troisieme serologie rubeole aux alentours de la 20 e semaine pour verifier I'absence de seroconversion & une periode critique de la transmission mere-enfant. Si, en revanche, le resultat de S2 est posit/f, la recherche d'lgM rubeoliques est effectuee sur ce deuxieme prelevement. Leur absence exclut une primo-infection, alors que leur presence temoigne soit d'une primo-infection rubeolique, soit d'une reactivation serologique [3]. On s'aidera pour preciser la nature de cette infection de la mesure de I'avidite des IgG rubeoliques du S2 qui sera faible Iors de la primo-infection.
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4.3. D i a g n o s t i c b i o i o g i q u e lots d ' u n e x a m e n s y s t e m a t i q u e Sans notion d'eruption ou de contage, I'eventualite d'une primo-infection rubeolique est fort peu probable. De plus, le depistage systematique des IgM rubeoliques est d'un interet limite ; presentes, leur signification est difficile puisqu'elles sont detectees tant Iors de primoinfection que lors de reinfection ou de stimulation non specifique du syst~me immunitaire ; absentes, elles ne permettent pas de conclure b. I'absence d'infection rubeolique en raison de leur fugacit& De fait, en pratique, en dehors de tout contexte clinique infectieux evocateur de rubeole,l'examen systematique ne peut pretendre a rien de plus que de depister les femmes enceintes seronegatives eta les inciter & se faire vacciner en post partum.
5. Diagnostic antenatal Celui-ci se dolt d'etre evoqu6 Iorsque (i) le diagnostic d'infection rubeolique est porte chez la femme enceinte, (ii) si des manifestations cliniques d'une grossesse pathologique se manifestent ou bien, situation la plus frequente, (iii) Iorsque une atteinte foetale, tel qu'un retard de croissance intra-uterin, est revele par I'imagerie medicale. 5.1. I g M r u b e o t i q u e s Leur recherche dans le sang foetal par sa sensibilite (95 %) et sa specificite (100 %), pour peu que I'on utilise une technique d'immunocapture pour mettre en evidence ces IgM specifiques, demeure une technique essentielle du diagnostic antenatal. Effectuee & partir de la 22 e semaine d'amenorrhee (SA), leur presence dans ce compartiment sanguin signe I'infection foetale. Si clans la serie de 135 sangs foetaux, analyses de 1983 & 1997 dans le laboratoire de microbiologie-immunologie biologique de I'h6pital Antoine-Beclere, aucun resultat faussement positif n'a ete observe, quelques tres rares resultats (4) faussement negatifs ont ete notes. Pour deux d'entre eux, ce resultat fut rapporte soit a un prelevement effectue avant la 20 e SA soit & un possible delai trop court (inf6rieur & 6 semaines) entre I'infection maternelle et le pr61evement de sang foetal [4]. 5.2. G e n o m e viral p a r R T - P C R Des Iors que le prelevement est effectue dans les temps, que son acheminement et que son stockage (cf. supra) sont rigoureux, la detection du genome viral dans le liquide amniotique est une technique sensible et specifique. Ces deux parametres exigent la realisation apres retrotranscription d'une amplification genique ,, nichee ,, (nested PCR) suivie syste-
erere ce° [1] Chantler J., Wolinsky J.S., Tingle A.. Rubella virus. In : Knipe D.M., Howley RM. (Eds.), Fields Virology, Lippincott Williams&Wilkins publishers 2001, pp. 963-990.
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matiquement d'une hybridation moleculaire des amplicons & I'aide d'une sonde biotinylee specifique du gene amplifi& Vu I'importance des conditions operatoires et la difficulte de sa realisation, cette technique, comme la precedente, est reservee aux seuls centres agrees pour le diagnostic antenatal.
6, Rubeole congenitale I'evaluation du risque de rub6ole cong6nitale ne peut se concevoir sans les resultats positifs des analyses precedentes, analyses qui etablissent sans ambiguTte I'infection rubeolique chez la femme enceinte et sa transmission & son foetus. Cette evaluation statistique repose essentiellement sur la date de I'infection maternelle par rapport a la date du debut de sa grossesse. - Lorsque l'infection maternelle survient avant la 12 ° SA, les risques d'infection foetale et de malformations sont tres importants. Certains I'estiment proche de 100 o/0 [2], ce qui justifierait de proposer une interruption therapeutique de grossesse. Lorsque I'infection maternelle survient entre la 1 2 e et la 18 e semaine, I'aide du diagnostic antenatal est precieuse pour evaluer I'infection foetale sans que I'on puisse & ce stade predire avec certitude les malformations congenitales qui pourraient 6tre consecutives & cette infection. Une attention particuliere sera port6e sur les troubles de I'audition, (hypoacousie, surdite) qui sont parfois detectees tardivement au cours des premieres annees de vie. -
- Enfin, passee la 18 e semaine (plut6t la 20e), si le risque d'infection foetale demeure tout au long de la grossesse, le risque de rubeole malformative semble quasi nul.
7, Conclusion eserve & quelques laboratoires sp6cialis6s, le diagnostic antenatal se dolt d'6tre 6voqu6 chaque fois que le diagnostic d'infection rubeolique maternelle est port& Celui-ci est sous la responsabilite du medecin, du gyn6cologue-obstetricien et du biologiste, comme en temoignent de r6centes affaires juridiques. Pour cela, ils doivent appliquer une demarche exploratoire Iogique (motif de la demande) et s'aider des out/Is traditionnels de la virologie m6dicale et ceux plus recents de la biologie mol6culaire.
R
Une fois etablies la transmission mere-enfant et I'infection foetale, I'evaluation des risques malformatifs dolt 6tre systematiquement entreprise avec cette femme enceinte. Ce n'est qu'en possession de la totalite de ces donnees qu'elle sera alors en mesure de prendre une decision raisonnee quant au devenir de sa grossesse.
[2] Cooper L.Z. Preblud S.R. Alford Jr C.A.. Rubella. In: Infectious diseases of the fetus and newborn infant. Remington J.S. & Klein J.O. (Eds.), W.B. Saunders Compagny, 1995. pp. 268311. [3] Grangeot-Keros L.. Audibert F.. Rub6ole. Inl Grangeot-Keros L.. Audibert E. Infections virales et toxoplasmose maternofoetales: prise en charge cli-
nicobiologique. Collection M6di/Bio. l~ditions Elsevier, 2001, pp. 60-71. [4] Grangeot-Keros L.. Virus de la rubeole. In : Les virus transmissiblesde la mere & I'enfant,John Libbey Eurotext (Eds),1999, pp. 345-364. [5] Huraux J.M., Togaviridae : virus de la rubeole. I_0n i A. Mammette. Virologle m6dicale Presse Universitaire de Lyon (Eds), 2002, pp. 315-322.
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