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Diagnostic bactériologique des infections chez les greffés Stéphan Cohen-Bacriea,*, Olivier Cointaultb, Danielle Clavéa, Maryse Archambauda, Nicole Martya
RÉSUMÉ L bactéries Les b té i sontt les l microorganismes i i les l plus l fréquemment fé t iimpliqués li é dans les infections du patient transplanté, le pronostic étant variable selon l’agent concerné et le contexte de survenue. Il existe deux cadres distincts qui exposent les malades à des risques relativement spécifiques et entraînent des attitudes préventives différentes : la greffe de cellules souches hématopoïétiques et les transplantations d’organes solides. Lors des greffes de cellules souches hématopoïétiques, la neutropénie, la présence de voies veineuses centrales à demeure, et la survenue de maladie du greffon contre l’hôte constituent les éléments majeurs du risque d’infection bactérienne. L’évolution des régimes de conditionnement et des stratégies de greffe vise à contrôler ce risque. Après les transplantations d’organes solides, les infections bactériennes surviennent principalement dans un contexte postopératoire, favorisées par les dispositifs médicaux. L’amélioration des techniques chirurgicales joue un rôle décisif dans la maîtrise de ces complications infectieuses. Quel que soit le type de greffe, les bactéries habituellement rencontrées sont des germes couramment isolés dans un environnement hospitalier. D’autres présentent un caractère opportuniste et leur pathogénicité dépend étroitement de l’état global d’immunodépression du patient, faisant du transplanté un terrain particulièrement fragile par rapport à ces bactéries. Dans tous les cas, la rapidité du diagnostic bactériologique conditionne le pronostic du patient, dans la mesure où l’antibiothérapie doit être adaptée dans les meilleurs délais. Transplantation – greffe de cellules souches hématopoïétiques – transplantation d’organe solide – post-opératoire – immunodépression – bactéries – infection – Nocardia – Mycobacterium – Listeria – Legionella – mucoviscidose – bactériémie.
1. Introduction Les infections représentent une cause majeure de morbimortalité chez les patients transplantés. Les bactéries sont les premiers agents pathogènes retrouvés lors des épisodes infectieux, aussi bien au cours des transplantations
Service de bactériologie-hygiène Service de néphrologie Centre hospitalier universitaire de Rangueil TSA 50032 31059 Toulouse cedex 9
SUMMARY Bacteriological diagnosis of infections in transplant recipients Bacterial agents are the most commonly pathogens responsible for transplant infections, and the prognosis depends on bacterial species as well as host’s conditions. Actually, we differentiate two pathological situations (haematopoietic stem cell transplantation: HSCT and solid organ transplantation: SOT) which expose patients to particular risks, leading to different preventive attitudes. When HSCT is carried out, neutropenia, central venous catheter, and graft versus host disease represent major risk factors for bacterial infections. Improvement in conditioning regimens and in graft proceedings reduces the risk. About SOT, bacterial infections mostly occur during the postoperative period, as a result to surgery and medical devices. Progress in surgical procedures has been crucial to avoid these complications. Whatever transplantation is considered, bacterial infections are mostly due to common nosocomial pathogens. In some cases, the patient’s net state of immunosuppression leads to opportunistic infections, relatively specific to the transplant recipient. As antibiotic therapy must be adapted without delay, rapid bacteriological diagnosis becomes essential for the prognosis. Transplantation – haematopoietic stem cell transplantation – solid organ transplantation – postoperative – immunosuppression – bacteria – infection – Nocardia – Mycobacterium – Listeria – Legionella – cystic fibrosis – bacteraemia.
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* Correspondance
[email protected] article reçu le 31 mars, accepté le 25 avril 2008. © 2008 – Elsevier Masson SAS – Tous droits réservés.
d’organes solides que des greffes de cellules souches hématopoïétiques. Cependant, leur incidence varie selon le site infectieux en cause. Les signes cliniques classiques font souvent défaut, ce qui entraîne des prélèvements plus systématiques, réalisés avec des méthodes plus invasives, permettant un rendement diagnostique supérieur. En effet, étant donné la gravité des infections bactériennes chez le transplanté, le traitement adapté doit être le plus précoce possible. REVUE FRANCOPHONE DES LABORATOIRES - JUIN 2008 - N°403 //
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Il est important de situer les facteurs de risque infectieux spécifiques à chaque type de greffe et de prendre en compte les différentes mesures prophylactiques mises en œuvre pour prévenir ces infections. Ces informations permettent ainsi de mesurer l’impact de la prise en charge du patient transplanté sur l’écologie bactérienne. Les infections du transplanté sont le plus souvent dues à des bactéries couramment isolées dans le cadre hospitalier. Pour le diagnostic bactériologique, elles seront envisagées en fonction des différents sites infectieux.
2. Greffe et infections bactériennes : variations selon le type de greffe 2.1. La greffe de cellules souches hématopoïétiques (GCSH) La chronologie du risque infectieux s’articule en trois périodes [2]. La première phase, du conditionnement prégreffe jusqu’à la greffe, est celle où le patient est le plus vulnérable. Le principal événement est la neutropénie, dont la durée et la sévérité conditionnent le risque d’infection bactérienne. De plus, la mucite prédispose le patient aux bactériémies par translocation à partir des flores digestive et oropharyngée. Enfin, les cathéters veineux centraux à demeure constituent une porte d’entrée quasi inéluctable pour certaines espèces bactériennes cutanées.
De la greffe à J100, le risque d’infection bactérienne est en majorité conditionné par la présence du cathéter veineux central. Au-delà de J100, le pronostic infectieux est déterminé par la présence ou l’absence de maladie du greffon contre l’hôte (GVHD pour graft versus host disease). C’est l’immunité à médiation cellulaire qui est fortement altérée lors de la GVHD et de son traitement, ce qui expose surtout le patient à des infections virales et fongiques, mais aussi à des microorganismes comme les mycobactéries ou Listeria. L’immaturité persistante de l’immunité humorale explique la survenue d’infections par des bactéries capsulées (pneumocoque…).
2.2. Les transplantations d’organe solide (TOS) La problématique posée au cours des TOS est différente de celle des GCSH, car est associé à l’immunodépression le risque infectieux lié au geste chirurgical lui-même, et à la prise en charge post-chirurgicale lourde réalisée dans les unités de soins intensifs (figure 1). L’incidence des infections bactériennes est significativement plus élevée pendant la période précoce (3,5 épisodes pour 1 000 jours de transplantation au cours des 6 premiers mois) par rapport à la phase tardive (0,4 épisodes pour 1 000 jours de transplantation au-delà du 6e mois) (p < 0,0001) [22]. En réalité, ces infections diminuent de façon très nette au-delà du premier mois posttransplantation.
Figure 1 – Chronologie des infections bactériennes lors des transplantations d’organes solides.
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Au cours du premier mois, les infections bactériennes ont schématiquement trois origines [12]: r celles liées à l’acte chirurgical et à la prise en charge dans les unités de soins intensifs (pneumonies, infections urinaires, infections de site opératoire, infections sur cathéter ou drain) ; plus de 95 % des infections sont de ce type [21] ; r la contamination de l’organe transplanté (rare mais potentiellement fatale, due à une bactériémie chez le donneur, ou à une contamination du liquide de transport) ; r une infection préexistante à la transplantation chez le receveur. Entre les 2e et 6e mois, l’immunodépression expose le patient à des infections opportunistes telles que nocardiose, listériose… Celles-ci sont relativement rares et dépendent de l’intensité du traitement immunosuppresseur. La réactivation d’une infection antérieure à la transplantation peut encore émerger (Mycobacterium tuberculosis…). Au-delà du sixième mois, le patient est surtout soumis aux pathogènes communautaires (pneumocoque…). Les sites infectieux préférentiels dépendent du type de transplantation, ce qui amène à appréhender chaque TOS comme une entité particulière.
2.2.1. La transplantation hépatique Les bactériémies constituent la complication infectieuse la plus fréquente après greffe hépatique et ont été rapportées chez 25 à 35 % des patients. Leur incidence varie en fonction de la source : les cathéters (9 %), le tractus biliaire (7 %), les infections intra-abdominales (3 %), le tractus respiratoire (5 %) [23]. La mortalité globale à 30 jours associée aux bactériémies est de 28 % (24,4 % pour les Gram- et 31,3 % pour les Gram+). Les stratégies de décontamination digestive ont montré leur inefficacité sur l’incidence des épisodes bactériémiques. Les péritonites sont également une complication majeure des greffés hépatiques (incidence de 10 %). Elles sont associées à des complications biliaires (35 %), des hémorragies intra-abdominales (27 %), ou des perforations digestives (18 %). Ces infections sont polymicrobiennes dans 60 % des cas, avec une flore regroupant des entérobactéries, entérocoques, Pseudomonas aeruginosa, et Staphylococcus sp. Elles s’accompagnent de septicémies dans 37 % des cas. La survenue d’une péritonite chez le transplanté hépatique est associée à une surmortalité ou un risque augmenté de perte du greffon (risque multiplié par 2,7) [17]. Une antibioprophylaxie péri-opératoire à large spectre de 3 à 5 jours permet de prévenir les abcès de la paroi abdominale.
2.2.2. La transplantation rénale Les infections bactériennes concernent environ 40 % des patients au cours des 6 premiers mois de la greffe rénale (30 à 80 % selon les pays). Le tractus urinaire représente le 1er site infectieux, avec une incidence variant de 35 à 80 % selon les centres. Une pyélonéphrite sur le greffon survient dans 20 à 30 % des cas. Les infections urinaires sont le plus souvent non compliquées. Leur fréquence est probablement sousestimée car elles sont souvent asymptomatiques et de découverte fortuite sur l’examen cytobactériologique des
urines. Les facteurs favorisants fréquemment retrouvés sont l’âge avancé, le sexe féminin (risque multiplié par 2), un reflux vésico-urétéral préexistant à la transplantation, un greffon issu de donneur cadavérique. Au-delà du sixième mois, le risque d’infection urinaire est comparable à celui de la population générale, en dehors d’évènements particuliers. Les deux antibiotiques ayant un impact réel sur l’incidence de ces infections sont le sulfométhoxazoletriméthoprime (SMX-TMP) et la ciprofloxacine, mais la prophylaxie par SMX-TMP a entraîné une augmentation de la résistance des Klebsiella à cette molécule. Le tractus respiratoire est le 2e site infectieux chez le transplanté rénal, avec une incidence de 5 à 16 %. Les infections de site opératoire sont les 3e en fréquence (< 5 %). Elles regroupent les abcès de loge, les lymphocèles, hématomes et urinomes surinfectés, les infections de cicatrices [16].
2.2.3. La transplantation du poumon et cœur/poumon La mucoviscidose fait partie des maladies pulmonaires où le patient est exposé à des complications infectieuses particulières qui seront détaillées par la suite. Les infections respiratoires constituent la complication majeure des transplantations pulmonaires, avec une incidence globale de 35 à 66 %. Contrairement à d’autres types de TOS, les greffons pulmonaires portent une flore bactérienne, ce qui impose de réaliser des prélèvements des voies aériennes aussi bien chez le donneur que chez le receveur au moment de l’intervention. Cela permet d’orienter l’antibiothérapie de première intention chez le patient transplanté. La bronchiolite oblitérante (7 à 54 % des patients), secondaire au rejet chronique du greffon, favorise la survenue de pneumonies récurrentes impliquant le plus souvent Pseudomonas sp. Le taux de survie globale est significativement plus faible pour les patients qui développent une bronchiolite oblitérante (30 % vs 60 %). Les bactériémies ont une incidence de 11,5 % chez le transplanté pulmonaire. L’infection pulmonaire est la source majoritaire (50 %) au cours de la 1re année après transplantation ; par la suite, elle n’est impliquée que dans 27 % des cas et les cathéters deviennent alors la cause principale (53 %). Les autres sources bactériémiques, rares, sont les infections de site opératoire, urinaires et abdominales. La mortalité globale des bactériémies à 28 jours est de 25 % [10]. Les médiastinites, bien que caractéristiques de ce type de greffe, sont rares (2,7 %). Elles sont de mauvais pronostic, en raison du caractère extensif de la suppuration (30 % de mortalité). L’infection est monomicrobienne dans 90 % des cas. Staphylococcus aureus est impliqué dans la moitié de ces infections [1]. Lorsque la transplantation est réalisée dans le cadre d’une maladie pulmonaire comme la mucoviscidose ou la bronchectasie, l’antibioprophylaxie est dictée par les prélèvements respiratoires préopératoires du receveur, puis adaptée aux résultats des prélèvements péri-opératoires et maintenues au moins 2 semaines ou jusqu’à l’obtention d’une culture négative. Dans les autres cas, elle doit couvrir un large spectre bactérien (notamment P. aeruginosa et S. aureus), et peut être arrêtée au bout de 3 à 5 jours REVUE FRANCOPHONE DES LABORATOIRES - JUIN 2008 - N°403 //
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en cas de négativité des prélèvements du donneur et des prélèvements péri-opératoires du receveur.
2.2.4. La transplantation cardiaque L’incidence des infections bactériennes est d’environ 40 % chez le transplanté cardiaque. Les sites infectieux les plus fréquents sont le sang (29 %), le poumon (21 %), la peau (18 %), les plaies sternales superficielles et profondes (9 %), et les urines (8 %). Les assistances ventriculaires mises en place en pré-opératoire ont été corrélées à un risque accru de médiastinite et d’infection de suture au niveau de l’aorte. Les staphylocoques sont responsables de près de la moitié des infections bactériennes. Staphylococcus aureus résistant à la méthicilline est le pathogène le plus souvent retrouvé (30 % des infections bactériennes). Klebsiella pneumoniae et Pseudomonas aeruginosa sont les bactéries à Gram- les plus fréquentes et sont à l’origine de 39 % des infections bactériennes [9]. Une antibioprophylaxie périopératoire de 48 heures diminue le risque d’infection de site opératoire ; il s’agit d’une antibiothérapie active en premier lieu sur Staphylococcus aureus.
2.2.5. La transplantation du pancréas ou rein/pancréas Ce type de transplantation est fréquemment compliqué d’infections bactériennes dans la mesure où le chirurgien manipule des organes creux non stériles (duodénum associé au pancréas).
Le drainage entérique du pancréas expose à des infections intra-abdominales plus sévères que le drainage vésical en cas de fuite anastomotique. En revanche, le drainage vésical entraîne plus de complications urologiques, notamment des infections urinaires récurrentes (10 à 20 %), avec plusieurs sources infectieuses possibles : cathéter vésical, contamination à partir du duodénum transplanté, foyers infectieux persistants au niveau des agrafes ou des sutures de l’anastomose. Les bactériémies surviennent chez 16 % des patients, avec comme origines principales, les infections intraabdominales et les cathéters [3]. Les infections de site opératoire sont plus fréquentes après transplantation du pancréas, avec une atteinte monomicrobienne habituellement par des bactéries à Gram+ en l’absence d’infection intra-abdominale associée. Dans le cas contraire, l’infection sera le plus souvent polymicrobienne.
3. Transplantation et infections bactériennes : selon le type d’infection Le diagnostic bactériologique résulte avant tout de l’examen d’un prélèvement qui sera analysé à la lumière des particularités propres à chaque type de greffe.
Figure 2 – Démarche bactériologique dans le cadre des infections respiratoires chez le patient greffé.
BCYE : buffered charcoal yeast extract. CNR : Centre national de référence. SB : sécrétions bronchiques. TBC : mycobactéries du groupe tuberculosis.
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3.1. Diagnostic bactériologique d’une infection broncho-pulmonaire
Le patient atteint de mucovisicidose présente des caractéristiques physiopathologiques particulières, nécessitant de le considérer comme un cas à part entière.
3.1.1. Les prélèvements Étant donné la gravité des infections, on aura plus fréquemment recours à un prélèvement de type lavage bronchoalvéolaire. Outre le diagnostic bactériologique, il permet l’étude cytologique (signes de rejet) et de réaliser un bilan infectieux exhaustif. Il ne faut pas oublier l’apport des hémocultures, de la ponction pleurale, et des antigénuries (figure 2). Le diagnostic indirect par sérologie, permettant un diagnostic rétrospectif, est souvent pris à défaut dans ce contexte d’immunodépression ; la séroconversion, lorsqu’elle existe, peut être retardée.
3.1.2. Les bactéries standards Au cours des premiers mois, toutes les bactéries sont prises en considération (exception faite pour les staphylocoques à coagulase négative et les streptocoques oraux). Les bacilles à Gram- (BGN) sont retrouvés dans environ trois quarts des pneumonies bactériennes, avec une nette prédominance de Pseudomonas aeruginosa. Staphylococcus aureus est le cocci à Gram+ (CGP) le plus fréquemment isolé. Les pneumopathies à Acinetobacter baumanii et Stenotrophomonas maltophilia surviennent préférentiellement chez des patients hospitalisés pendant des périodes prolongées, traités par des antibiothérapies multiples [2]. Les bactéries responsables de pneumonies tardives sont Streptococcus pneumoniae, Haemophilus influenzae, Mycoplasma pneumoniae. S. pneumoniae est décrit comme le pathogène le plus fréquent au cours des pneumonies tardives. L’incidence globale des infections pneumococciques est de 7 pour 1 000 GCSH, avec un risque accru pour les GCSH allogéniques et en cas de GVHD. 93 % de ces infections surviennent de façon communautaire, après J100 de la greffe. Les infections à pneumocoque se présentent sous forme de pneumonie dans 80 % des cas, le plus souvent avec une bactériémie concomitante. La mortalité globale est de 13 % [26]. L’incidence de S. pneumoniae est plus faible au cours des TOS que des GCSH, et la mortalité associée est également plus basse. Les manifestations les plus courantes sont les pneumonies et les bactériémies. La vaccination antipneumococcique (23 valences) est recommandée chez l’adulte et l’enfant de plus de 2 ans. La première injection se fait avant la transplantation, un rappel est nécessaire tous les 5 ans. Chez l’enfant ≤ 10 ans, la 2e injection peut se faire 3 ans après la 1re dose. Concernant M. pneumoniae, sa recherche ne se fait jamais à partir d’une expectoration (prélèvement trop contaminé), mais sur frottis rhinopharyngé réalisé avec un écouvillon en dacron, le meilleur prélèvement restant le lavage bronchoalvéolaire ; comme la culture est de réalisation difficile, le diagnostic de pneumopathie à M. pneumoniae se fait souvent par biologie moléculaire et par la sérologie. Certains germes ne présentent pas de prédominance stricte dans le délai de survenue, mais l’infection résulte plus de la confrontation entre un patient immunodéprimé et des sources infectieuses présentes dans l’environnement.
3.1.3. Legionella Les infections à Legionella surviennent autant dans un contexte nosocomial que communautaire, étant donné que la contamination dépend avant tout d’un contact avec une source environnementale de légionelles. Elles sont plus fréquemment rapportées plusieurs semaines après la greffe. Leur recherche doit être spécifiée car elle nécessite un ensemencement sur milieu de culture spécial au charbon, le BCYE (pour buffered charcoal yeast extract), avec une atmosphère contrôlée en CO2 (2,5 %). Il existe habituellement un inoculum bactérien faible dans les sécrétions du patient, justifiant l’étalement de grosses quantités de produit pathologique. La bactérie se conservant bien dans le prélèvement, la mise en culture peut être différée. La croissance s’obtient en moyenne entre 4 et 10 jours. La détection des antigènes urinaires est un outil qui s’est fortement imposé, en raison de son aptitude à détecter L. pneumophila sérogroupe 1 et de sa simplicité d’obtention au cours de la phase aiguë de la maladie. Le test immuno-enzymatique est capable de détecter différents sérogroupes de L. pneumophila et d’autres espèces de légionelles à des degrés variables, mais il n’est validé que pour L. pneumophila sérogroupe 1. Helbig et al. [8] ont montré que, lors des légionelloses communautaires, la sensibilité du test immuno-enzymatique est de 86,5 %, la grande majorité des souches étant des légionelles de sérogroupe 1 positives pour l’épitope mAb 3/1 ; elle chute à 44 % lors des légionelloses nosocomiales, où plus de 50 % des cas sont dues à L. pneumophila sérogroupe 1 non mAb 3/1 ou à des souches d’autres sérogroupes. L’antigénurie, même si elle permet une présomption diagnostique précoce, ne dispense pas de la culture ; cette dernière est la seule technique permettant un diagnostic d’espèce et de groupe (envoi au centre national de référence). La recherche de légionelles par biologie moléculaire est toujours en cours d’évaluation et ne permet pas de définir un cas de légionellose confirmé. Le traitement repose avant tout sur les quinolones, les macrolides et la rifampicine.
3.1.4. Nocardia Dans la population des transplantés, les infections à Nocardia surviennent le plus souvent entre les 1 er et 6e mois après TOS et dans la période précoce post-greffe des GSCH. La fréquence moyenne des nocardioses avoisine habituellement 2 à 3 % selon le type de transplantation. La grande majorité des patients ont une pneumopathie inaugurale ; dans un tiers des cas, il existe une dissémination à la présentation (système nerveux central dans 15-20 % des cas, peau et tissus mous dans 15-20 % des cas, os et articulations dans 2 à 5 % des cas) [2]. L’examen microscopique montre des bacilles irréguliers à Gram+ se présentant typiquement sous la forme de filaments plus ou moins longs, souvent groupés ; il peut exister une fragmentation, surtout en culture, avec apparition de petits bâtonnets. REVUE FRANCOPHONE DES LABORATOIRES - JUIN 2008 - N°403 //
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La culture peut être réalisée sur milieux usuels. La croissance nécessite une incubation plus ou moins prolongée selon l’espèce et le milieu de culture, mais elle est généralement supérieure à 48 heures. Même si les caractères morphologiques des colonies dépendent de l’espèce en cause, on retrouve fréquemment une incrustation de ces colonies dans la gélose et une odeur caractéristique de « terre humide » [18]. Les hémocultures peuvent être positives lors d’un foyer pulmonaire. L’identification phénotypique et chimiotaxonomique ne permet seulement qu’une présomption diagnostique précoce, néanmoins indispensable en raison de la gravité potentielle de l’infection. Cependant, l’identification précise de l’espèce de Nocardia par biologie moléculaire et l’antibiogramme sont le fait de laboratoires spécialisés de référence. Le traitement de référence est imipenème et amikacine, avec relai oral par le triméthoprime-sulfaméthoxazole ; la durée totale du traitement est d’au moins 3 mois (12 mois dans les atteintes disséminées ou en cas d’atteinte neurologique).
3.1.5. Les mycobactéries Le problème lié à la tuberculose est double : sa fréquence en raison du terrain fragilisé, mais surtout le risque accru de dissémination à partir du foyer primitif en l’absence de traitement adapté. Les infections à mycobactéries (atypiques ou du complexe tuberculeux) semblent répondre favorablement au traitement, pourvu que ce dernier soit instauré le plus précocement possible. Il importe donc d’optimiser la démarche diagnostique au laboratoire, l’étape cruciale étant de pouvoir identifier rapidement les mycobactéries du complexe tuberculeux. L’incidence des infections à mycobactéries au cours des GSCH, bien qu’elle soit plus élevée que dans la population générale, est nettement inférieure à celle rencontrée au cours des TOS et des syndromes d’immunodéficience acquise. Ceci s’explique en partie par la course transitoire de l’immunodépression lors des GSCH, le rétablissement des fonctions immunitaires se faisant habituellement dans un délai de 9 à 12 mois (en l’absence de GVHD). Les infections par Mycobacterium tuberculosis concernent entre 0,5 et 2 % des transplantés en Europe, et jusqu’à 15 % dans les zones endémiques. Les infections à mycobactéries atypiques restent des complications rares chez le transplanté, atteignant surtout les articulations et les tissus mous. L’intervalle de temps entre la transplantation et la survenue de l’infection à mycobactérie est assez variable (moyenne de 48 mois pour les TOS), mais semble plus court pour les GCSH [2]. La présentation clinique est souvent atypique étant donné l’altération de la réaction immunitaire du patient. Le tractus respiratoire est impliqué dans 70 % des cas de tuberculose et 33 % des patients ont une tuberculose disséminée [25]. Les deux techniques permettant d’obtenir un résultat en quelques heures sont l’examen microscopique (directement sur le produit pathologique ou après fluidificationdécontamination) et la biologie moléculaire. La sensibilité de l’examen microscopique, que ce soit après coloration de Ziehl-Neelsen ou à l’auramine, est de l’ordre de 50 % pour les échantillons d’origine pulmonaire, et encore moindre pour les échantillons extra-pulmonaires [13]. L’examen
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direct ne permet pas de distinguer les différentes espèces de mycobactéries. Lorsque l’examen microscopique (EM) est positif, l’avantage de la biologie moléculaire sur produit pathologique est la caractérisation précoce des mycobactéries du complexe tuberculosis. Cela permet d’entreprendre un traitement adapté dans les meilleurs délais. La sensibilité des différentes techniques moléculaires varie entre 96 et 100 % pour les échantillons pulmonaires dont l’EM est positif. En revanche, elle est beaucoup plus faible en cas de prélèvement pauci-bacillaire (sensibilité de l’ordre de 50 % en cas d’EM négatif) [13]. Dans tous les cas, une réponse négative par technique de biologie moléculaire ne permet pas d’exclure le diagnostic de tuberculose. La culture reste donc la technique de référence ; l’adjonction de milieux liquides aux milieux solides et l’utilisation de moyens de détection de croissance plus sensibles permettent de gagner du temps. L’identification des bacilles du complexe tuberculeux peut être réalisée à partir de la culture en quelques heures grâce à des tests d’hybridation moléculaire. Pour le traitement anti-tuberculeux, la plupart des centres utilisent l’association isoniazide-rifampicine pendant au moins 12 mois, à laquelle sont ajoutés deux autres antituberculeux au cours des 2-3 premiers mois (éthambutol, pyrazinamide). Malgré l’efficacité rapportée du traitement dans ce contexte, le clinicien est confronté à l’hépatoxicité problématique de l’isoniazide, surtout au cours des transplantations hépatiques, et au pouvoir inducteur de la rifampicine.
3.1.6. Mucoviscidose et transplantation pulmonaire La mucoviscidose est une pathologie chronique où l’altération fonctionnelle et l’inflammation persistante des voies aériennes constituent un environnement particulier. Le patient acquiert une flore bactérienne pathogène évoluant avec la maladie ; celle-ci contribue à l’inflammation chronique des voies aériennes, mais provoque également des décompensations infectieuses aiguës. En conséquence, les antibiothérapies à répétition provoquent l’apparition de germes multirésistants, ce qui restreint l’arsenal thérapeutique après la transplantation. Au cours de la mucoviscidose, les premières bactéries fréquemment isolées sont Staphylococcus aureus et Haemophilus influenzae non groupables. Puis survient précocement l’infection par Pseudomonas aeruginosa, qui est le germe dont le potentiel pathogène est le plus marqué chez le patient mucoviscidosique non transplanté. Les souches de P. aeruginosa présentes dans les voies aériennes de ces malades subissent des changements phénotypiques au cours du temps : l’acquisition fréquente d’un caractère mucoïde, la résistance aux antibiotiques, la perte des chaînes polyosidiques du LPS portant l’antigène O (ce qui entraîne une absence de réactivité au sérotypage), la perte de la mobilité flagellaire, un accroissement de l’auxotrophie. Les autres bactéries qui surviennent plus tardivement dans l’évolution de la maladie respiratoire sont Burkholderia cepacia, Stenotrophomonas maltophilia, Achromobacter xylosoxidans, et des mycobactéries non tuberculeuses [20]. Burkholderia cepacia est un germe opportuniste de l’environnement (eau, sol, …), responsable de pneumopathies
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sévères chez le patient transplanté. Il s’agit en réalité d’un complexe de 9 espèces dont B. cepacia stricto sensu correspond au génomovar I. En France, Burkholderia multivorans (génomovar II) et Burkholderia cenocepacia (génomovar III) représentent respectivement 52 et 45 % des souches de Burkholderia isolées [4]. Selon Aris et al., 17 % des patients mucoviscidosiques sont infectés par Burkholderia sp en préopératoire. Il existe une surmortalité de ces patients au cours des 6 premiers mois par rapport aux non infectés (33 % vs 12 %). Dans l’étude, tous les décès liés à une infection par le complexe B. cepacia ont été corrélés au génomovar III. Les recommandations internationales considèrent ainsi la présence de germes du complexe cepacia comme une contre-indication relative à la transplantation. Il est primordial de déterminer le profil de la flore respiratoire propre à chaque patient avant la transplantation. Dans ce but, l’utilisation de milieux de culture sélectifs permet d’isoler les germes potentiellement pathogènes pour la période post-transplantatoire, et leur résistance. Les prélèvements bactériologiques péri-opératoires guident également les prises en charge prophylactique et curative adaptées à chaque cas.
3.2. Diagnostic bactériologique d’une infection urinaire 3.2.1. Les prélèvements Les prélèvements urinaires seront réalisés de façon systématique dans un certain nombre de cas étant donné le nombre important d’infections urinaires asymptomatiques. Le seuil de numération bactérienne retenu pour le diagnostic peut être abaissé chez le transplanté. La présence de germes dans les hémocultures traduit une atteinte parenchymateuse.
3.2.2. Les bactéries rencontrées Les infections du tractus urinaire concernent tous les transplantés, mais représentent l’infection prédominante après transplantation rénale. Même si Escherichia coli reste le 1er microorganisme en cause, il n’est retrouvé que dans 29 % des cas chez le greffé rénal (vs 80-90 % dans la population générale). Les bactéries uropathogènes autres que E. coli sont proportionnellement plus fréquentes dans ce contexte. Les entérocoques représentent les 2es agents en cause (24 %), contrastant avec leur survenue inhabituelle chez les non-transplantés (< 10 %) [5]. Les autres germes rencontrés sont ceux habituellement impliqués dans les infections urinaires nosocomiales (Pseudomonas aeruginosa, Staphylococcus aureus, Klebsiella spp) [11]. La prophylaxie par SMX-TMP diminue la prévalence de nombreuses bactéries uropathogènes, mais sélectionne des germes résistants à cette molécule, notamment les klebsielles. Après le sixième mois, les patients transplantés présentent les mêmes risques que la population générale, mais avec une vulnérabilité particulière aux infections urinaires à pneumocoque (incidence de 5 % chez les transplantés rénaux contre < 1 % dans la population générale) [6]. Ceci montre l’importance des renseignements cliniques pour le biologiste, afin d’ensemencer des milieux de culture plus adaptés (gélose au sang pour le pneumocoque).
3.3. Diagnostic bactériologique des infections intra-abdominales 3.3.1. Les prélèvements Les prélèvements de liquide d’ascite sont le plus souvent obtenus par paracentèse, et dans certains cas au moment de la laparotomie. Ce type de prélèvement est plus informatif sur le processus infectieux que les prélèvements issus de drains, plus fréquemment contaminés. Les hémocultures représentent encore une fois un complément utile au diagnostic.
3.3.2. Les infections intra-abdominales à point de départ urinaire Elles résultent des collections liquidiennes secondaires aux fistules urinaires observées au cours des transplantations rénales ; les microorganismes rencontrés sont à rapprocher de ceux des infections du tractus urinaire.
3.3.3. Les infections intra-abdominales à point de départ digestif Les péritonites après transplantation hépatique sont secondaires à une source intra-abdominale identifiable et le plus souvent polymicrobiennes (60 % des cas), contrairement aux infections spontanées du liquide d’ascite. Elles sont généralisées ou localisées, associées dans ce dernier cas à un hématome, un abcès, ou une cholangite. La cytologie du liquide d’ascite montre une polynucléose supérieure à 250 cellules/mm3 dans 91,5 % des cas. Au niveau bactériologique, les cocci à Gram+ (CGP), les bacilles à Gram- (BGN) aérobies, et les anaérobies sont retrouvés respectivement dans 92,6 %, 38 %, et 12 % des péritonites. Les entérocoques et les staphylocoques à coagulase négative (SCN) sont les CGP les plus fréquents. Pseudomonas sp et Bacteroides sp sont respectivement les BGN aérobies et anaérobies les plus souvent isolés. Une résistance multiple est mise en évidence pour 77 % des bactéries, avec notamment des staphylocoques résistants à la méthicilline et des BGN résistants aux fluoroquinolones. Il existe ainsi une proportion élevée de CGP (particulièrement Enterococcus sp et Staphylococcus sp) dans la flore responsable des péritonites du transplanté hépatique. L’utilisation de piperacilline/tazobactam, comme antibioprophylaxie péri-opératoire, a probablement un rôle dans la prévalence de ces germes. En revanche, les drains abdominaux ne semblent pas impliqués : les taux de SCN retrouvés dans les cultures d’ascite sont comparables chez les patients avec ou sans drain abdominal. Lors des péritonites récurrentes, l’infection est causée par les mêmes bactéries dans 75 % des cas, mais est plus fréquemment polymicrobienne (88 % lors des péritonites récurrentes vs 56 % lors du 1er épisode). La plupart des péritonites récurrentes surviennent après perforation digestive, ce qui explique l’augmentation de prévalence des BGN et anaérobies dans ce contexte. L’augmentation de la résistance des bactéries isolées est probablement due à l’antibiothérapie précédant le nouvel épisode de péritonite [17]. Lors des transplantations pancréatiques, les infections intra-abdominales sont monomicrobiennes dans 2/3 des REVUE FRANCOPHONE DES LABORATOIRES - JUIN 2008 - N°403 //
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cas sous prophylaxie périopératoire par piperacilline/ tazobactam et ciprofloxacine. Les CGP sont retrouvés dans 75 % de ces infections : les germes prédominants sont les SCN, suivis de Staphylococcus aureus (SA) et les entérocoques en proportions équivalentes. La résistance à la méticilline concerne un tiers des SCN et la moitié des SA. Les BGN, isolés dans 23 % des cas, appartiennent majoritairement à la famille des entérobactéries [3].
3.3.4. Les colites à C. difficile (CD) Au cours des TOS, les colites à CD surviennent chez 1,74 % des patients, avec un délai de survenue très variable selon les cas. L’évolution vers un mégacolon toxique concerne 11 % de ces colites mais la mortalité globale liée à CD est de 2,33 % [24]. Au cours des GCSH, l’incidence des colites à CD est de 4 à 13 % au cours des 100 premiers jours. Il n’est pas rapporté de complication particulière pourvu que le traitement ne soit pas retardé. Quel que soit le type de greffe, les colites à CD s’expriment le plus souvent par une diarrhée, manifestation qui peut aussi être secondaire au traitement immunosuppresseur ou à d’autres microorganismes (virus, champignons, parasites). Cependant, la détection des toxines directement dans les selles par technique immuno-enzymatique permet un diagnostic rapide et un traitement adapté précoce.
3.4. Diagnostic bactériologique d’une bactériémie (figure 3) 3.4.1. Les bactéries standards 3.4.1.1. Au cours des GCSH Mensa et al. [15] ont recensé sur une période de dix ans des épisodes bactériémiques chez environ 40 % des patients suivis. Les germes à Gram positif (G+) prédomi-
nent sur les bactéries à Gram négatif (G-), avec un ratio G+/G- diminuant au cours du temps (3,3 en 1991 contre 1,8 en 2000). Les anaérobies ne représentent que 4 % des bactériémies recensées, Fusobacterium spp étant le plus souvent en cause. Les voies veineuses centrales constituent nécessairement un site infectieux local majeur pour les staphylocoques, avec une propension aux épisodes bactériémiques variable selon l’espèce staphylococcique en cause. Ainsi, les staphylocoques à coagulase négative sont de loin les germes les plus fréquents (43 % des bactériémies). Staphylococcus aureus n’est impliqué que dans 6 % des bactériémies mais son potentiel pathogène est plus important. L’existence d’une mucite chez des patients neutropéniques permet la translocation de germes de la flore oro-pharyngée tels que les Streptococcus viridans (5 % des bactériémies), Rothia mucilaginosa, les anaérobies. Il est important de rappeler le caractère potentiellement pathogène et invasif des Streptococcus viridans chez ces patients. Dans certains cas, ils sont responsables de tableaux septiques sévères, avec une mortalité conséquente (6 à 30 % selon les études) : les deux espèces prédominantes sont S. mitis et S. sanguis. Les bactériémies par translocation digestive impliquent les entérocoques (7 % des bactériémies) et les bacilles à G-, parmi lesquels Escherichia coli et Pseudomonas aeruginosa sont les plus fréquemment isolés (respectivement 8 % et 5 % des bactériémies). Enterococcus faecalis est la bactérie à G+ associée à la mortalité la plus élevée (19 %) ; parmi les bactéries à G-, Klebsiella pneumoniae et Acinetobacter lwoffi (< 1 % des bactériémies) ont le taux de mortalité le plus important (respectivement 20 % et 13 %). Certains services réalisent ainsi au cours de la période d’aplasie une coproculture quantitative, permettant de rechercher et dénombrer les germes potentiellement dangereux, et d’étudier leur résistance afin de supprimer le portage digestif. Les bactéries d’intérêt sont dans ce
Figure 2 – Démarche bactériologique dans le cadre des infections respiratoires chez le patient greffé.
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contexte les entérobactéries, les Pseudomonas aeruginosa multirésistants, les entérocoques vancomycine-résistant, les Staphylococcus aureus méthicilline résistant. Des mycobactéries atypiques à croissance rapide ont également été impliquées dans plusieurs cas d’infections sur des VVC ; toutes se sont résolues sous traitement [7]. 3.4.1.2. Au cours des TOS Les bactériémies après TOS dépendent des sites infectieux préférentiels associés à chaque type de greffe. L’incidence des bactéries isolées dans les hémocultures est identique à celle des germes retrouvés dans les infections focales décrites précédemment.
3.4.2. Listeria monocytogenes Presque tous les patients transplantés ayant une listériose documentée ont une bactériémie, alors que seulement deux tiers d’entre eux ont une méningite. Les abcès cérébraux à Listeria sont plus fréquents dans cette population, l’implication du tronc cérébral étant caractéristique de cette pathologie. Le mode de contamination principal est l’ingestion de nourriture contaminée. Cependant, l’infection endogène à partir d’un portage digestif asymptomatique peut être prise en considération chez ces patients immunodéprimés. Bien que la listériose soit plus fréquente chez les transplantés par rapport à la population générale, elle ne représente pas une complication très fréquente dans ce contexte. Après transplantation, les infections bactériennes impliquant le système nerveux central sont rares, le plus souvent dues à des staphylocoques et des bacilles à Gram-, compliquant les procédures chirurgicales et la prise en charge hospitalière (cathéters veineux à demeure…). L’examen du liquide céphalorachidien peut révéler la présence du bacille à Gram+ mais la réaction cellulaire peut être minime. Par ailleurs, diverses atteintes à Listeria ont été rapportées dans la littérature : péritonite, arthrite, endophtalmie, endocardite [2].
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3.4.3. Mycoplasma hominis Des infections à Mycoplasma hominis ont été rapportées après tous les types de TOS, ce pathogène n’étant retrouvé que ponctuellement à partir de bactériémies. La présentation la plus fréquente est une suppuration superficielle ou profonde dans les semaines qui suivent la transplantation, dont le site dépend du type de chirurgie. M. hominis a également été isolé dans des arthrites, et au niveau du système nerveux central [2]. Le clinicien doit avertir le laboratoire de sa recherche car il nécessite l’utilisation de milieux de culture particuliers, l’identification se faisant sur des caractères métaboliques (hydrolyse de l’arginine) et l’aspect des colonies. Cependant, la croissance peut être visible sur gélose au sang frais, si celle-ci est conservée au moins 4 ou 5 jours. On observera alors de minuscules colonies translucides et un examen microscopique négatif. La détection de M. hominis par biologie moléculaire est réalisée pour les échantillons où sa mise en évidence est difficile.
4. Conclusion La plupart des bactéries rencontrées chez le patient transplanté ne sont pas différentes des bactéries couramment isolées dans un laboratoire hospitalier, mais les infections qu’elles entraînent ont une gravité particulière en raison de la fragilisation du patient. Le diagnostic bactériologique ne nécessite pas habituellement l’utilisation de techniques spécialisées dans ce contexte, mais le biologiste est amené à rendre un résultat le plus rapide possible pour permettre un traitement adapté dans les meilleurs délais. L’émergence de la biologie moléculaire permet de répondre à cet objectif dans un nombre croissant de cas. De même, la diversification des outils (immuno-enzymatiques, moléculaires..) permet d’isoler dans des délais de plus en plus raisonnables des germes rares et de culture difficile, la communication entre le clinicien et le biologiste restant un élément primordial dans ces situations.
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