Revue des Maladies Respiratoires Actualités (2013) 5, 183-187 ISSN 1877-1203
Revue des
Maladies
Respiratoires Organe Officiel de la Société de Pneumologie de Langue Française
Disponible en ligne sur
Actualités Congrès de Pneumologie de Langue Française 2013 Lille, Grand Palais Numéro coordonné par O. Sanchez
www.sciencedirect.com
Plèvre pariétale
Plèvre viscérale
Cavité pleurale Poumon
83343
Numéro réalisé avec le soutien institutionnel de Novartis.
www.splf.org
Juin Vol 5 2013
N°
3
SESSION A51 : LA PLÈVRE INFECTIEUSE
Diagnostic d’une plèvre infectieuse Diagnosis of an infectious pleura Présidents : F. Le Pimpec Barthes (Paris), A. Parrot (Paris) Orateur : K. Risso (Nice)* Article rédigé par : C. Hussenet (Paris) *CCA Maladies infectieuses, CHU Nice, France
MOTS-CLÉS Pleurésie purulente ; pH pleural ; Glycopleurie
KEYWORDS Infectious pleurisy / Empyema ;
Résumé Le diagnostic de pleurésie parapneumonique compliquée (PPC) par l’examen microbiologique (examen direct et culture) du liquide pleural est souvent pris à défaut. L’analyse biochimique du liquide pleural, en particulier la mesure du pH, de la glycopleurie, et des LDH, permet de différencier les épanchements pleuraux parapneumoniques non compliqués dits « réactionnels » des PPC avec une sensibilité et une spéciÀcité très insufÀsantes, à l’origine d’un retard fréquent de prise en charge thérapeutique spéciÀque par drainage ou chirurgie thoracique. Une amélioration du rendement diagnostique est possible par des techniques simples et rapides comme l’ensemencement systématique de Áacons d’hémocultures ainsi que l’utilisation d’autres marqueurs pleuraux rapidement accessibles, comme la protéine C-réactive (CRP) pleurale. Un certain nombre de marqueurs pleuraux sont à l’étude, leur place dans la stratégie diagnostique reste à évaluer. © 2013 SPLF. Publié par Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. Summary To diagnosis infectious pleural effusion, the practitioner may use some biochemical analysis such as pleural pH, glucose, LDH. They are useful to distinguish simple para-
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K. Risso
Physiopathologie et épidémiologie de la pleurésie infectieuse La pleurésie infectieuse évolue selon trois phases : exsudative, correspondant à un épanchement parapneumonique non compliqué (EPPNC) dit « réactionnel », Àbrino-purulente correspondant à un épanchement parapneumonique compliqué (PPC) qui peut évoluer vers un empyème (pus franc à la ponction), et enÀn organisée (Tableau 1) [1]. Le milieu anaérobie de l’espace pleural et les conditions de pH favorisent l’ensemencement de certaines bactéries. L’épidémiologie des PPC est différente selon l’acquisition communautaire ou nosocomiale (Tableau 2) [2,3]. Dans les pleurésies communautaires, les germes mis en évidence sont Streptococcus spp. dans 50 % des cas (S. milleri, pneumoniae, intermedius), Staphylococcus aureus dans 11 %, bactéries gram négatif aérobies dans 9 %, enÀn anaérobies dans 20 % (Fusobacterium, Bacteroïdes, Peptostreptococcus, ou association plurimicrobienne). Chez l’enfant, S. pneumoniae est à l’origine de 80 % des pleurésies. Le mécanisme d’ensemencement de la plèvre retrouvé dans les pleurésies nosocomiales peut être différent, par exemple par mécanisme emboligène septique à partir d’une infection de cathéter, par continuité sur une infection hépatobiliaire, ou post-chirurgicale. Staphylococcus aureus est retrouvé dans 35 % des cas, avec une prévalence croissante de résistance à la méticilline, les bactéries à gram négatifs dans 17 % (E. Coli, P. aeruginosa, K. pneumoniae), et les anaérobies dans 8 %. L’incidence de la pleurésie a globalement augmenté dans le monde. Aux États-Unis, le taux d’hospitalisation pour ce motif a été multiplié par deux entre 1996 et 2008, Streptococcus non pneumoniae et S. aureus sont le plus souvent responsables. La mortalité associée aux pleurésies a également augmenté. De manière générale, on estime que 20 à 40 % des pneumonies communautaires se compliquent de pleurésies, dont 5 à 10 % évoluent vers un empyème.
Les facteurs de risque d’évolution vers une PPC sont différents de ceux retrouvés dans les scores de sévérité prédictifs de la mortalité des pneumonies communautaires : âges extrêmes de la vie, hypo-albuminémie inférieure à 30 g/l, protéine C-réactive (CRP) > 100 mg/l, thrombocytose, hyponatrémie < 130 mmol/l, usage de drogues intraveineuses, éthylisme chronique, diabète, immunodépression, notamment corticothérapie systémique et reÁux gastro-œsophagien. À l’ère de la vaccination anti-pneumococcique, de manière notable et quasi épidémique, l’incidence des infections à pneumocoque des sérotypes 1 et 3, non couverts par le vaccin conjugué heptavalent (Prévenar 7), a augmenté. Ces sérotypes sont liés de manière indépendante aux complications Tableau 2. Étiologie bactérienne des pleurésies purulentes [2,3]. Communautaire
Nosocomiale
Streptococcus sp. § 50 %
Staphylococcus 35 %
– S. milleri
– MRSA 25 %
– S. pneumoniae – S. intermedius Staphylococcus aureaus 11 %
BGN aérobies 17 %
Émergence EU ca-SARM
– E. coli – P. aeruginosa – K. pneumoniae
BGN aérobies 9 %
Anaérobies 8 %
Anaérobies 8 %
Enfants 80% de S. pneumoniae
– Fusobacterium sp. – Bacteroides sp. – Peptostrptococcus sp. – Association
Tableau 1. Phases évolutives et physiopathologie des pleurésies purulentes [1]. Phases
Physiopathologie
Liquide pleural
Exsudative
↑ Perméabilité vasculaire + plèvre viscérale
Non visqueux
↑ VEGF
Aisément drainé
« épanchement parapneumonique non compliqué – EPPNC »
Libre Stérile
Diagnostic d’une plèvre infectieuse
suppuratives et nécrotiques, et sont retrouvés dans les PPC en particulier chez l’adulte jeune sans comorbidité, modiÀant ainsi les caractéristiques épidémiologiques habituelles de la PPC.
Place et modalités de la ponction pleurale exploratrice La persistance de Àèvre et de frissons dans le cadre d’une pneumopathie communautaire ainsi que l’existence d’une douleur pleurale doivent faire craindre l’évolution vers une pleurésie compliquée. La précocité de la prise en charge spéciÀque est déterminante en termes de morbi-mortalité, elle dépend des renseignements fournis par la ponction pleurale. Un épanchement pleural de moins de 1 cm d’épaisseur sur une radiographie thoracique réalisée en décubitus latéral justiÀe une simple surveillance. Au-delà, il requiert une ponction, de préférence guidée par échographie, qui permet une réduction du taux de complications et une amélioration du rendement. L’incidence du pneumothorax post-ponction varie de 10 à 39 % en fonction des séries. L’échec de la ponction est rapporté dans 12 à 15 % des cas. La ponction guidée par échographie diminue le taux de complications, estimé à seulement 0,5 %, et améliore le rendement diagnostique. La ponction sous scanner est à réserver aux ponctions non accessibles en échographie.
Intérêt de l’imagerie La radiographie thoracique est l’examen de dépistage de référence. Elle a une sensibilité et une spéciÀcité de 80 % dans les pneumonies. Elle comporte, cependant, des limites : elle est d’interprétation difÀcile chez le patient en décubitus dorsal, et de sensibilité diminuée pour les pneumonies des lobes inférieurs, pour les épanchements cloisonnés, postérieurs, scissuraux ou paramédiastinaux. L’échographie est un examen beaucoup plus sensible, rapide, réalisable en décubitus, au lit du patient, non irradiant, permettant d’identiÀer des lobulations, et de donner des éléments d’orientation diagnostique. Le scanner est un examen irradiant mais donne des renseignements complémentaires morphologiques et permet de préciser la cartographie de l’épanchement, la présence de cloisons et d’apprécier le parenchyme sous-jacent [4]. Aucun critère tomodensitométrique ni échographique n’est discriminant pour conÀrmer l’infection de l’épanchement
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L’ensemencement du liquide pleural sur Áacons d’hémocultures augmente le rendement diagnostique de l’ordre de 20 %, quelque soit le volume (de 2 à 10 ml) avec une utilité plus particulière du Áacon anaérobie. La PCR a une excellente sensibilité et spéciÀcité, une étude regroupant 454 pleurésies purulentes met en évidence une augmentation de la sensibilité de 55 à 70 % [3]. Dans une série récente de cas pédiatriques, cette technique a permis d’identiÀer 32 % de co-infections bactériennes, principalement à bactéries anaérobies, particulièrement difÀciles à mettre en évidence en culture [5]. Le pyroséquençage, évalué dans une seule étude, semble aussi particulièrement prometteur en termes de sensibilité et spéciÀcité. L’antigène pneumocoque pleural par immuno-chromatographie, examen rapide et accessible, possède une bonne valeur prédictive positive pour l’infection S. pneumoniae. Quelques cas de réactions croisées entre différents streptocoques ont été publiés.
Paramètres biochimiques Plusieurs paramètres biochimiques peuvent être utilisés comme outils décisionnels aÀn de différencier PPNC et PPC, et poser l’indication d’un drainage thoracique (Fig. 1) [6].L’analyse du pH est intéressante. Elle est validée sur analyseur de pH sanguin, les bandelettes urinaires n’étant pas valables. Elle est recommandée [2], en dehors de la présence de pus franc à la ponction. Les limites de ce paramètre doivent être connues par l’opérateur. En effet le pH pleural est très variable : sa valeur est diminuée par la xylocaïne, augmentée en cas de bulles d’air et si le délai d’acheminement au laboratoire est trop long. Par ailleurs le pH peut être très différent d’une logette à l’autre lorsqu’il existe un cloisonnement. D’après Heffner et al., c’est le marqueur biochimique le plus puissant pour poser une indication de drainage, avec un seuil choisi < 7,20 [7]. Une glycopleurie basse < 2,2 mmol/l est également un bon marqueur d’infection bactérienne, sauf dans les cas exceptionnels d’infection à Proteus mirabilis où elle est augmentée. La polyarthrite rhumatoïde est une cause non infectieuse de diminution de la glycopleurie. La mesure du LDH pleural est un bon élément d’orientation, avec un seuil de 1000 UI/l. Dans une étude comparant 159 PPNC et 79 PPC, excluant les empyèmes avec examen direct positif, qui ne posent pas de problèmes diagnostiques, le pH < 7,15 était le meilleur indicateur, le taux de LDH n’ayant pas une valeur discriminante indépendante. Toutefois, ces dosages améliorent le rendement diagnos-
K. Risso
1,0
pH
a
0,9
True positive fraction
0,8 0,7
LRs
IC95%
pH
12,44
6,99-22,16
Glucose
7,30
4,5-11,83
LDH
3
2,27-3,95
Volume
1,7
1,37-2,10
0,5 0,4 0,3 0,2
0 0
0,1 0,2 0,3 0,4 0,5 0,6 0,7 0,8 0,9 1,0 False positive fraction
Glucose b 1,0 0,9 0,8 True positive fraction
Test
Figure 1. Performances diagnostiques des paramètres biochimiques d’analyse du liquide pleural [6].
0,6
0,1
0,7
associant un pH < 7,20 ou une CRP pleurale > 100 mg/dl permet d’augmenter la sensibilité à 80 % sans trop modiÀer la spéciÀcité. Le marqueur sTREM-1 (Soluble triggering receptor expresses on myeloid cells) actuellement à l’étude, récepteur de la famille des immunoglobulines, ampliÀe la réponse inÁammatoire en activant les polynucléaires neutrophiles, les monocytes/macrophages. Il permet en théorie de distinguer l’infection pleurale bactérienne de la pleurésie tuberculeuse, son prix est peu élevé. Des études complémentaires aÀn de juger de la valeur de ce test sont nécessaires. Le dosage de la procalcitonine est couteux et n’a aucun intérêt dans le liquide pleural. Le dosage du LPS binding protein (LBP) semble être prometteur et a été évalué par Porcelet et al. [8]. Il semble aussi discriminant que la glycopleurie et le pH pleural.
0,6 0,5
Conclusion
0,4 0,3 0,2 0,1 0 0 LDH 1,0 0,9 0,8
True positive fraction
▼
186
0,7 0,6
0,1 0,2 0,3 0,4 0,5 0,6 0,7 0,8 0,9 1,0 False positive fraction c
En conclusion, les épanchements parapneumoniques compliqués représentent une problématique croissante à l’origine d’une morbi-mortalité marquée. La précocité d’une prise en charge spéciÀque adaptée est pronostique. Celle-ci repose sur les résultats microbiologiques de la ponction pleurale très souvent pris à défaut, engendrant un retard de prise en charge. Des techniques simples comme l’ensemencement du liquide pleural sur des Áacons d’hémocultures, permettent d’améliorer le rendement diagnostique. L’utilisation de marqueurs biochimiques (pH, glycopleurie, LDH) est utile mais insufÀsant. L’évaluation de stratégies diagnostiques associant aux examens microbiologiques et biochimiques usuels, des marqueurs complémentaires prometteurs comme la CRP, sTREM-1 et le LBP, ainsi que les techniques de PCR et pyroséquençage est nécessaire.
Diagnostic d’une plèvre infectieuse
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