Maladies respiratoires : l’année 2003 en perspective
réanimation pour état de choc et/ou SDRA. Les patients (n = 676) ont été recrutés dans 36 services de réanimation sur une période de 29 mois (février 1999 à juin 2001). Les patients étaient inclus s’ils présentaient un choc septique évoluant depuis moins de 12 heures ou un SDRA évoluant depuis au moins 24 heures. Les principaux critères d’exclusion étaient l’existence d’un choc hémorragique ou d’un choc cardiogénique sur infarctus du myocarde, une thrombopénie profonde et une décision de limitation des soins actifs. Après randomisation, un CAP était mis en place chez les patients du groupe « CAP » et pas chez les patients du groupe « contrôle ». Le recours à l’échocardiographie était laissé au libre choix du médecin en charge du patient. De même, aucune consigne particulière n’était donnée pour l’interprétation des données issues du CAP et leur prise en compte dans l’adaptation des traitements. Les groupes étaient superposables en termes de gravité et de nombre de défaillances viscérales tant à l’admission en réanimation qu’à l’inclusion dans l’étude. Les principaux résultats sont exposés dans le tableau I. Les consignes issues de la randomisation furent très bien respectées puisqu’un CAP ne fut inséré que chez 15 (4,4 %) des 341 patients du groupe « contrôle » (4,4 %) et seulement 8 (2,4 %) des 335 patients du groupe « CAP » ne reçurent pas de CAP. Les complications associées au CAP furent : les ponctions artérielles (n = 17), les troubles du rythme et de la conduction lors de la pose (n = 60), la survenue de nœuds (n = 6), les septicémies (n = 2) sur infection du CAP (n = 10), l’hémothorax (n = 1). Commentaires Ces résultats apparaissent suffisamment convaincants pour considérer que le CAP n’induit pas, par lui-même, une surmortalité dans cette population de patients hospitalisés en réanimation et souffrant d’une détresse respiratoire et/ou hémodynamique grave. Ceci dit, d’autres études sont néces-
Tableau I.
Effets de l’utilisation (« CAP ») ou non (« Contrôle ») d’un cathéter artériel pulmonaire dans la prise en charge de patients hospitalisés en réanimation souffrant d’un état de choc et/ou d’un SDRA.
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saires pour apporter l’éventuelle démonstration qu’une stratégie thérapeutique particulière, utilisant les données issues du CAP puisse permettre d’améliorer le pronostic de ces patients.
Références 1
2
Connors AF, Speroff T, Dawson NV, Thomas C, Harrell FE, Wagner D, Desbien N, Goldman L, Wu AW, Califf RM, Fulkerson WJ, Vidaillet H, Broste S, Bellamy P, Lynn J, Knauss WA : The effectiveness of right heart catheterization in the initial care of critically ill patients. SUPPORT Investigators. JAMA 1996 ; 276 : 889-97. Bernard GR, Sopko G, Cerra F, Demling R, Edmunds H, Kaplan S, Kessler L, Masur H, Parsons P, Shure D, Webb C, Weidemann H, Weinmann G, Williams D : Pulmonary artery catheterisation and clinical outcomes: National Heart, Lung, and Blood Institute and Food and Drug Administration Workshop Report. JAMA 2000 ; 283 : 2568-72.
********** Difficultés de sevrage de la ventilation mécanique : pourquoi ne pas commencer par l’extubation suivie d’une ventilation non invasive ? Ferrer M, Esquinas A, Arancibia F, Bauer TT, Gonzales G, Carrillo A, Rodriguez-Roisin R, Torres A. Noninvasive ventilationduring persistent weaning failure. A randomized controlled trial. Am J Respir Crit Care Med 2003 ; 168 : 70-6. Introduction La prolongation de la ventilation artificielle du fait de difficultés de sevrage est associée à une importante morbidité et à une surmortalité significative. Cette morbidité est essentiellement attribuée à la présence prolongée de la prothèse endotrachéale à l’origine, entre autre, d’un risque accru de pneumopathie nosocomiale. Une extubation suivie de ventilation non invasive (VNI) pourrait permettre, dans cette circonstance, de raccourcir la durée de l’intubation et ainsi diminuer la morbidité qui lui est associée. C’est cette hypothèse qui a été testée par Ferrer et coll.
CAP (n = 335)
Contrôle (n = 341)
p
Mortalité à J28, n (%)
199 (59,4)
208 (61)
0,67
Méthodes et résultats
Mortalité à J90, n (%)
236 (70,7)
244 (72)
0,71
Jours vivants sans ventilation avant J28
5,2 ± 8,5
5,0 ± 8,5
0,72
Jours vivants sans médicaments vaso-actifs avant J14
3,8 ± 4,8
3,9 ± 4,9
0,78
Jours vivants sans épuration extra-rénale avant J14
7, 4 ± 6, 0
7,5 ± 5,9
0,93
Durée de séjour en réanimation, j
11,6 ± 10,1
11,9 ± 10,0
0,72
Quarante trois patients intubés et ventilés, présentant des difficultés de sevrage définies par 3 échecs consécutifs 3 jours de suite à une épreuve de ventilation spontanée sur pièce en T, et ne présentant pas de contre-indication à la VNI (traumatisme facial, chirurgie récente de la face ou de l’œsophage ou de l’estomac, hémorragie digestive haute, encombrement bronchique, absence de coopération) ont été inclus dans cette étude menée dans deux services de réanimation espagnols.
Rev Mal Respir 2004 ; 21 : 5S176-5S180
Réanimation respiratoire
Après randomisation les patients étaient soit sevrés de manière conventionnelle (épreuves de ventilation spontanée quotidiennes) (groupe « sevrage conventionnel », n = 22) soit extubés et placés en VNI initialement pendant 24 heures, puis pendant des durées quotidiennes progressivement décroissantes en fonction de la tolérance de la ventilation spontanée (groupe « VNI », n = 21). Le critère de jugement principal était la durée totale de ventilation invasive. L’étude a été arrêtée après une analyse intermédiaire réalisée après inclusion de 50 % de l’effectif prévu, devant la constatation d’une différence significative. Les deux groupes étaient superposables en termes d’âge (environ 70 ans en moyenne) et de gravité à l’admission. Les principaux motifs de la mise sous ventilation mécanique étaient des exacerbations de BPCO (n = 19), des œdèmes pulmonaires cardiogéniques (n = 9) et des pneumopathies communautaires (n = 6). Ces différents motifs étaient répartis de manière équilibrée entre les deux groupes. La durée moyenne de ventilation mécanique à l’inclusion était de 7 jours dans les deux groupes. Le tableau I expose les principaux résultats. Les patients du groupe « VNI » ont présenté significativement moins de complications durant leur séjour en réanimation que ceux du groupe « sevrage conventionnel ». Ainsi, 5 (24 %) des patients du groupe « VNI » ont présenté une pneumopathie nosocomiale contre 13 (59 %) dans le groupe « sevrage conventionnel » (p = 0, 04). Commentaires Ces résultats spectaculaires sont en accord avec ceux rapportés précédemment par Nava et coll. [1]. Ils suggèrent que l’extubation précoce suivie de VNI peut permettre de diminuer très significativement la morbidité associée à l’intubation prolongée pour cause de sevrage difficile. Des résultats encourageants, mais moins spectaculaires ont été rapportés par Girault et coll. [2]. Ces trois études mono ou bicentriques portent cependant sur des effectifs limités et ont été menées par des équipes particulièrement impliquées dans la VNI. Aussi, avant d’intégrer la VNI dans la stratégie de prise en
Tableau I.
Résultats d’une extubation suivie de VNI versus sevrage conventionnel chez 43 patients présentant des difficultés de sevrage. «VNI » « Sevrage p (n = 21) conventionnel » (n = 22) Durée de ventilation invasive, j
9,5 ± 8,3
20,1 ± 13,1
0,003
Durée totale de ventilation, j
11,4 ± 8,0
20,1 ± 13,1
0,012
Durée de séjour en réanimation, j 14,1 ± 9,2
25,0 ± 12,5
0,002
Réintubation, n (%)
3 (14)
6 (27)
0,457
Trachéotomie, n (%)
1 (5)
13 (59)
< 0,001
Mortalité en réanimation, n (%)
2 (10)
9 (41)
0,045
charge des patients en échec de sevrage, apparaît-il prudent d’attendre les résultats de l’étude multicentrique française en cours [3].
Références 1
2
3
Nava S, Ambrosino N, Clini E, Prato M, Orlando G, Vitacca M, Brigada P, Fracchia C, Rubini F : Noninvasive mechanical ventilation in the weaning of patients with respiratory failure due to chronic obstructive pulmonary disease: a randomized, controlled trial. Ann Intern Med 1998 ; 128 : 721-8. Girault C, Daudenthum I, Chevron V, Tamion F, Leroy J, Bonmarchand G : Noninvasive ventilation as a systematic extubation and weaning technique in acute-on-chronic respiratory failure : a prospective, randomised controlled study. Am J Respir Crit Care Med 1999 ; 160 : 86-92. Girault C, Chajara A, Dachraoui F, Chambaretaud V, Hellot MF, Benichou J, Bonmarchand G, Groupe d’étude VENISE : Ventilation non invasive au cours du sevrage de la ventilation mécanique des insuffisants respiratoires chroniques. Une étude prospective contrôlée randomisée multicentrique. Rev Mal Respir 2003 ; 20 : 940-5.
********** Syndrome de détresse respiratoire aiguë : les survivants ont peu de séquelles respiratoires, mais restent longtemps très fatigués Herridge MS, Cheung AM, Tansey CM, Matte-Martyn A, Diaz-Granado N, Al-Saidi F, Cooper AB, Guest CB, Mazer CD, Mehta S, Stewart TE, Barr A, Cook D, Slutsky AS, for the Canadian Critical Care Trials Group. One-year outcomes in survivors of the acute respiratory distress syndrome. N Engl J Med 2003 ; 348 : 683-93. Introduction Les progrès accomplis ces 20 dernières dans la prise en charge des patients atteints de syndrome de détresse respiratoire aiguë (SDRA) ont permis de faire passer la mortalité hospitalière d’environ 60 % à 40 % [1]. Dans leur très grande majorité, les grands essais thérapeutiques récents ont évalué les effets à court terme des thérapeutiques testées [2-5]. Quelques études se sont intéressés aux séquelles respiratoires et neuropsychiques du SDRA ainsi qu’à la qualité de vie des survivants, mais aucune étude prospective n’a évalué dans sa globalité l’état de santé des patients ayant survécu à un SDRA. Méthodes et résultats Dans cette étude menée entre mai 1998 et mai 2002 dans 4 unités de réanimation de Toronto, Herridge et coll. ont suivi pendant un an 109 patients ayant survécu à un © 2004 SPLF, tous droits réservés
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