Difficultés diagnostiques sur biopsies mammaires. Cas no 4 : carcinome papillaire infiltrant

Difficultés diagnostiques sur biopsies mammaires. Cas no 4 : carcinome papillaire infiltrant

Annales de pathologie (2017) 37, 385—388 Disponible en ligne sur ScienceDirect www.sciencedirect.com HISTOSÉMINAIRE DE LA SOCIÉTÉ FRANC ¸ AISE DE P...

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Annales de pathologie (2017) 37, 385—388

Disponible en ligne sur

ScienceDirect www.sciencedirect.com

HISTOSÉMINAIRE DE LA SOCIÉTÉ FRANC ¸ AISE DE PATHOLOGIE

Difficultés diagnostiques sur biopsies mammaires. Cas no 4 : carcinome papillaire infiltrant Diagnostic challenges on breast needle core biopsies. Case 4: Invasive papillary carcinoma Elisabeth Russ SENOPATH75, 115, rue du Château, 75014 Paris, France ut 2017 Accepté pour publication le 8 aoˆ Disponible sur Internet le 19 septembre 2017

Renseignements cliniques Il s’agit d’une patiente de 63 ans, opérée en février 2009 d’un carcinome de type intestinal du côlon droit, de stade pT2N0. En novembre 2015 apparaît un nodule du quadrant supérointerne du sein droit, multilobulé, à limites régulières, de structure interne hétérogène mesurant 15 × 8 mm, ACR4c selon la classification BIRADS.

Diagnostic proposé Carcinome papillaire infiltrant.

Description microscopique La tumeur est constituée de nombreuses structures papillaires et de quelques tubes. On visualise l’axe des papilles occupé par des vaisseaux capillaires. Les cellules tumorales sont cubiques et cylindriques et les atypies cytonucléaires sont modérées à marquées. Des mitoses sont présentes. Il n’existe pas de cellules myoépithéliales. La stroma-réaction est fibreuse. On ne note pas de composante de carcinome in situ, ni de plage de nécrose, ni de mucosécrétion.

Adresse e-mail : [email protected] http://dx.doi.org/10.1016/j.annpat.2017.08.004 0242-6498/© 2017 Elsevier Masson SAS. Tous droits r´ eserv´ es.

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Commentaires Clinique et imagerie Le carcinome papillaire infiltrant est rare et représente 1,5 % des carcinomes mammaires invasifs. Il correspond le plus souvent à une masse ACR5 ou ACR4 C. Il ne possède pas de caractéristiques cliniques ou radiologiques spécifiques.

Macroscopie Le carcinome papillaire infiltrant ne présente pas d’aspect spécifique en macroscopie. Il s’agit le plus souvent d’une tumeur étoilée. Dans notre cas clinique, la difficulté était représentée par un aspect nodulaire assez bien limité, multilobulé, pouvant évoquer un processus métastatique compte tenu des antécédents de la patiente.

Microscopie et immunohistochimie Dans la classification OMS 2012, le carcinome papillaire invasif doit présenter plus de 90 % de structures papillaires [1].

E. Russ C’est pourquoi le type histologique est évoqué sur biopsie et sera confirmé sur la pièce opératoire. Il est d’architecture arborescente, constitué de nombreuses papilles de disposition irrégulière, avec des axes conjonctifs tantôt grêles, tantôt plus larges (Fig. 1A et 1B) [2]. On note la présence d’un axe vasculaire dans les papilles. Il s’y associe quelques tubes (Fig. 1C et 1D). Les vaisseaux sont directement au contact des cellules tumorales, sans interposition de cellules myoépithéliales. Les cellules tumorales sont pluristratifiées. Les atypies cytonucléaires sont modérées à marquées (Fig. 1E et 1F). Il existe des mitoses. On classera le carcinome papillaire invasif selon le grade histopronostique. Une composante de carcinome canalaire in situ associée est rare [3]. Dans un premier temps, on réalisera des études immunohistochimiques qui vont nous permettre d’affirmer la nature invasive de la tumeur. On s’aidera de la P63 (Fig. 2A) ou des cytokératines de haut poids moléculaire (CK14 ou CK5/6) qui mettent en évidence l’absence de cellules myoépithéliales, ces marqueurs étant négatifs. Dans un second temps, certains anticorps vont nous aider à éliminer l’hypothèse d’une métastase, notamment dans ce

Figure 1. Tumeur constituée de nombreuses structures papillaires. L’axe des papilles est occupé par des vaisseaux capillaires et de la fibrose (A, B). Présence de quelques tubes (C, D). Les cellules tumorales sont cubiques et cylindriques et les atypies cytonucléaires sont modérées à marquées. Il n’existe pas de cellules myoépithéliales (E, F). Numerous papillae with a fibrovascular core (A, B). Tubular pattern (C, D). Tumor cells are cuboid and cylindrical, with moderate to severe atypia. Myoepithelial cells are absent (E, F).

Difficultés diagnostiques sur biopsies mammaires

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Figure 2. Pas d’expression de P63, confirmant l’absence de cellules myoépithéliales ; à noter le témoin interne positif au niveau des cellules myoépithéliales des glandes normales (A). Pas d’expression de CDX2 (B). Marquage nucléaire intense et diffus de GATA3, en faveur de l’origine primitive mammaire (C). Absence de marquage pour PAX8 (D). Negative staining of P63 antibody confirms the absence of myoepithelial cells; check the positive internal control of myoepithelial cells in normal glands (A). Negative staining of CDX2 (B). Strong and diffuse positive nuclear staining of GATA3 in favor of a breast cancer (C). Negative staining of PAX8 (D).

cas clinique, la métastase du carcinome de type intestinal du côlon, CDX2 étant négatif (Fig. 2B). Le couple GATA3/PAX8 permet de prouver la nature primitive mammaire en cas de positivité de GATA3 [4] (Fig. 2C), et d’exclure l’hypothèse d’une tumeur primitive ovarienne devant la négativité de PAX8 (Fig. 2D). S’il s’agissait de la métastase du cancer colique connu, GATA3 et PAX8 seraient négatifs et CDX2 serait positif. En cas de phénotype inversé, GATA3-/PAX8+, on pourra évoquer la métastase d’une tumeur ovarienne notamment d’un adénocarcinome séreux, endométrioïde ou à cellules claires ou encore la métastase d’un cancer de la thyroïde. En cas de positivité de l’anticorps anti-TTF1, PAX8 est utile pour différencier la métastase d’un adénocarcinome pulmonaire d’un cancer thyroïdien, PAX8 étant positif dans la thyroïde et négatif dans le poumon. Une publication récente reflète la rareté du carcinome papillaire invasif. Elle relate les difficultés diagnostiques rencontrées lors d’un test d’assurance qualité en GrandeBretagne à propos du diagnostic des tumeurs papillaires mammaires. L’un des cas cliniques proposés intéressait un carcinome papillaire invasif. Parmi les référents organisant le test, 68 % (13/19) avaient porté le diagnostic de carcinome infiltrant et 32 % (6/19) le diagnostic de carcinome canalaire in situ d’architecture papillaire. Parmi les 671 pathologistes inscrits au test, 478 (71 %) avaient porté le diagnostic de carcinome invasif et 186 (28 %) avaient diagnostiqué un carcinome canalaire in situ d’architecture papillaire. Sept inscrits (1 %) ont considéré la tumeur comme bénigne/atypique [5]. Parmi les diagnostics de carcinome invasif, 71 % ont retenu le diagnostic de carcinome papillaire infiltrant, 14 % de carcinome infiltrant de type canalaire (NST) et 15 % de carcinome tubuleux.

Diagnostics différentiels Les études immunohistochimiques vont permettre d’exclure les deux hypothèses principales, d’une part de carcinome canalaire in situ d’architecture papillaire (p63 et CK14CK5/6 négatives) et d’autre part de métastase du carcinome colique connu (GATA3 fortement positif/CDX2 négatif). À l’imagerie, la cible du carcinome canalaire in situ d’architecture papillaire (Fig. 3A) est différente, représentée par des microcalcifications. L’étude immunohistochimique à l’aide de la protéine P63 est ici positive, soulignant la présence de cellules myoépithéliales (Fig. 3B). L’hypothèse de la métastase de l’adénocarcinome colique de type intestinal connu est moins probable devant une lésion unique, sans nécrose, ni mucosécrétion. L’étude immunohistochimique permet d’éliminer ce diagnostic, ou celui de la métastase d’un autre cancer (adénocarcinome ovarien, pulmonaire, thyroïdien ou d’un autre site). On pourra évoquer un carcinome papillaire encapsulé (Fig. 3C) ou un carcinome papillaire solide (Fig. 3D). Ils sont parfois associés à une composante invasive en périphérie. Le carcinome micropapillaire infiltrant (Fig. 3E) présente un aspect spongiforme, l’absence d’axe fibrovasculaire et une inversion de polarité des cellules tumorales.

Anomalies génomiques/profils moléculaires Il existerait une plus forte prévalence de mutations de PIK3CA/AKT1 et un taux plus faible d’aberrations génomiques dans toutes les formes de carcinomes papillaires (carcinome papillaire encapsulé, carcinome papillaire solide

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E. Russ

Figure 3. Carcinome canalaire in situ d’architecture papillaire avec positivité de la P63 au niveau des cellules myoépithéliales (A, B). Carcinome papillaire encapsulé (C). Carcinome papillaire solide (D). Carcinome micropapillaire infiltrant (E). Ductal carcinoma in situ with papillary pattern; nuclear staining of myoepithelial cells with p63 antibody (A, B). Encapsulated papillary carcinoma (C). Solid papillary carcinoma (D). Invasive micropapillary carcinoma (E).

et carcinome papillaire infiltrant) quand on les compare à des carcinomes infiltrants luminaux de type NST de grade identique [6].

Déclaration de liens d’intérêts

Pronostic

Références

Il n’existe pas de données suffisantes dans la littérature concernant le pronostic du carcinome papillaire invasif, c’est pourquoi il conviendra de tenir compte de la taille de la tumeur, de son grade histopronostique, des biomarqueurs (récepteurs hormonaux, Ki67 et HER2) et du stade.

[1] World Health Organization. WHO Classification of tumors of the Breast. In: Lakhani SR, Ellis IO, Schnitt SJ, Tan PH, Van de Vijner MJ, editors. Intraductal papillary lesions. Lyon: France IARC Press; 2012. p. 98—109. [2] Agoumi M, Giambattista J, Hayes M. Practical considerations in breast papillary lesions: a review of the literature. Arch Pathol Lab Med 2016;140:770—90. [3] Ni YB, Tse G. Pathological criteria and practical issues in papillary lesions of the breast—a review. Histopathology 2016;68:22—32. [4] Cimino-Mathews A. GATA3 expression in breast carcinoma: utility in triple negative, sarcomatoid and metastatic carcinomas. Human Pathol 2013;44:1341—9. [5] Rakha EA, Ahmed MA, Ellis IO. Papillary carcinoma of the breast: diagnostic agreement and management implications. Histopathology 2016;69:862—70. [6] Duprez R, Wilkerson PM, Lacroix-Triki M, Lambros MB, MacKay A. Immunophenotypic and genomic characterization of papillary carcinomas of the breast. J Pathol 2011;226:427—41.

Points importants à retenir • Le carcinome papillaire infiltrant est une forme rare de carcinome infiltrant. • La négativité des marqueurs des cellules myoépithéliales (P63, CK14, CK5/6) permet d’affirmer le caractère invasif de la tumeur. • L’hypothèse d’une métastase d’une tumeur intestinale, ovarienne, pulmonaire ou thyroïdienne peut être exclue à l’aide des immunomarquages GATA3/CDX2/PAX8/TTF1. • Il ne faut pas confondre le carcinome papillaire infiltrant avec le carcinome papillaire encapsulé ou le carcinome papillaire solide qui sont parfois associés à une composante invasive en périphérie.

L’auteur déclare ne pas avoir de liens d’intérêts.