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pouvoir recommander en routine l’utilisation de ces marqueurs, trois questions demeurent : • quel marqueur choisir ? Pour l’instant, à l’évidence, plutôt un marqueur de la résorption, c’est-à-dire les télopeptides du collagène de type 1 (CTX ou NTX) qui sont les plus sensibles. Leur dosage plasmatique, de développement récent, va diminuer la variabilité inter et intra-individuelle qui était le point faible des dosages urinaires utilisés jusqu’à présent. Mais rappelons que les conditions techniques du dosage (heure prélèvement, stockage...) sous-tendent la fiabilité du résultat. Il est probable que dans un avenir proche, de nouveaux marqueurs plus spécifiques du mécanisme d’action cellulaire de chaque agent anti-ostéoclastique deviennent disponibles [5]. Enfin, l’apparition des traitements stimulant la formation osseuse va rapidement reposer la question du meilleur marqueur à utiliser ; • quel niveau de diminution du marqueur dois-je me fixer pour considérer que le traitement est efficace ? La réponse est conditionnée par ce que j’attends du résultat : être sûr (à 90 %) que mon patient n’a pas de perte osseuse ou au contraire, ne considérer que mon patient est bien traité que si un gain osseux est obtenu. La synthèse de différents travaux [6] a permis de dégager qu’une diminution à six mois des télopeptides urinaires de l’ordre de –45 % pour l’alendronate et de –65 % pour le THS était associée à un gain densitométrique vertébral de plus de 3 % à deux ans. En pratique cependant, et comme le montre le travail de Colette et al., au mieux 50 % des patientes traitées répondent à ces critères. Faut-il pour autant en conclure que leur schéma thérapeutique est inefficace et en changer ? Certainement pas je crois, l’objectif essentiel des traitements antiostéoclastiques étant avant tout de freiner la perte osseuse avec des gains densitométriques qui restent le plus souvent minimes. Dans cette situation, je préfère donc privilégier la sensibilité du test à sa spécificité, c’est-à-dire, en pratique, fixer un seuil de diminution moins important, qui peut varier selon la « puissance » de l’action antirésorptive de chaque traitement (par exemple, de l’ordre de –40 % pour le THS), me permettant lorsque ce seuil n’est pas atteint de dépister alors les « non-répondeurs » et d’adapter la conduite à tenir. Il faut cependant être conscient que, dans ce cas, atteindre ou dépasser le seuil de diminution n’est pas une garantie absolue d’une réponse osseuse positive et ne dispense pas d’un contrôle densitométrique ultérieur ; • enfin, quelle signification pronostique à long terme faut-il accorder à ce résultat ? Pour le moment, restons modestes. Une diminution substantielle du marqueur indique que le traitement freine effectivement la résorption osseuse et donc témoigne du fait que le traitement est pris et bien absorbé. C’est déjà un résultat important. Quant à l’extrapolation à une efficacité antifracturaire à long terme, la question reste des plus aléatoires dans l’état actuel de nos connaissances.
RÉFÉRENCES [1]
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C. Ribot Unité Ménopause et maladies osseuses métaboliques, Hôpital Paule-de-Viguier, 330, avenue de Grande-Bretagne, 31059 Toulouse cedex 9, France Adresse e-mail :
[email protected] (C. Ribot). >
doi of original article 10.1016/S1297-9589(03)00118-8.
Gynécologie Obstétrique & Fertilité 31 (2003) 1079–1080 doi:10.1016/j.gyobfe.2003.10.011
Réponse de P. Barrière à l’éditorial de F. Olivennes Doit-on diaboliser la FIV ?> Gynécol Obstét Fertil 2003 ; 31 : 405–407. La réaction de François Olivennes aux propos du ministre de la Santé et au dernier avis du Comité national d’éthique est justifiée. En m’interrogeant sur son caractère plutôt isolé chez les professionnels de l’assistance médicale à la procréation (AMP), je m’inquiète des motivations de ce relatif silence. Quels démons aurions nous, quelles erreurs aurions nous commises, quelles insuffisances souhaiterions nous cacher, quels effets délétères sur la santé physique ou psychique des couples et des enfants nés ne voudrions nous pas voir au point de ne pouvoir oser débattre publiquement de notre pratique ? La liberté de ton et de parole est culturellement peu habituelle et j’apprécie que François Olivennes en ait fait usage. L’expression me semble parfois trop allusive et s’il me paraît bon de dénoncer ce qui est critiquable, je ressens vis-à-vis de cet article une certaine frustration qui relève probablement d’une légitime retenue. Les propositions effectuées ne ressortent pas aussi clairement que la vigueur de certaines critiques le rendrait à mon sens nécessaire.
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Je partage avec l’auteur son analyse sur les enjeux de l’AMP et sur le poids négatif des dérives de certains trop fortement médiatisées. Sans doute devrions nous communiquer plus largement sur les services rendus quotidiennement sans spectacularisme afin que le système médiatique fasse mieux la part de la règle et la part de l’exception. La réglementation en vigueur prévoit effectivement un encadrement peu commun dans les usages de la médecine française. Cependant si François Olivennes regrette violemment l’absence de publication des résultats individuels des centres, je soulignerai la nécessité au préalable de combler le retard de la révision de la loi de1994 et de doter la Commission nationale de médecine et biologie de la reproduction et du diagnostic prénatal (CNMBRDP) des moyens humains et matériels inhérents aux missions qui lui avaient été dévolues ou de mettre en place une structure telle qu’une agence ainsi qu’il avait été envisagé dans le processus de révision. Oui, il est nécessaire de professionnaliser les structures d’évaluation autrement que par le bénévolat de certains. De même la crédibilité d’un fichier national passe aussi par une saisie des données en temps réel et en ligne dès le début de la stimulation et par sa gestion par des professionnels indépendants. Il est bien sûr nécessaire d’investir dans la réalisation de bases informatiques et les centres doivent en faire l’effort financier sans attendre tout du sponsoring pharmaceutique ou de l’administration centrale. Nous devons faire des efforts collectifs pour l’amélioration des résultats français. François Olivennes le souligne mais ne donne pas les pistes pour y aboutir ce qui pourrait diminuer la portée de son plaidoyer. Il dénonce aussi les résultats médiocres de certains centres. Il n’en évoque pas plus les causes possibles et il aurait été profitable au débat d’effectuer des propositions de progression au lieu de rester dans ce qui peut alors apparaître comme une simple dénonciation. Nous proposons que chacun d’entre nous accepte de faire une analyse critique de sa propre pratique et ne recherche plus d’excuses extrinsèques si les résultats ne sont pas à la hauteur attendue. Une rigueur absolue doit être l’objectif sur toute la chaîne de réalisation des tentatives et nous ne devons plus tolérer ni les approximations, ni l’intervention de professionnels non seniorisés. Les investissements nécessaires en moyens humains, matériels et consommables sont considérables dans les laboratoires qui n’ont pas tous intégré la dimension thérapeutique de la pratique. L’auteur évoque les moyens des centres mais omet de rappeler que l’amélioration des résultats qui diminuera le nombre total de tentatives ira à l’encontre de la rentabilité des structures tant que le système de financement actuel perdurera. François Olivennes évoque les prises en charge humaine et psychologique. Il me paraît opportun de rappeler que celles-ci devraient débuter avant le recours aux centres d’AMP, lors des premiers bilans ou traitements mis en place. Il n’existe pour cette étape aucune structure ni moyen d’évaluation. La majorité des grossesses multiples en France n’est pas liée à la FIV et l’on estime le nombre de stimulations autour de 200 000 cycles annuels. Les inséminations
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artificielles entre conjoints, dont les résultats sont souvent très moyens, sont très insuffisamment évaluées alors qu’elles sont presque aussi nombreuses que les cycles de FIV. La dimension affective et les réflexions sur le projet parental ne débutent pas avec l’indication d’AMP et l’on pourrait espérer que leur prise en compte initiale pourrait améliorer le vécu, la compréhension et les informations sur l’ensemble du processus de reproduction. La description du parcours des couples décrite de manière caricaturale par B. Fanny-Cohen [1] dans son ouvrage doit nous inciter à la verbalisation et aux efforts d’information. Une approche plus humaniste, plus respectueuse des individus et qui leur permette de se réapproprier les décisions, aidera certainement à réduire un des aspects négatifs reprochés à la médecine de la reproduction. J’agrée avec l’auteur qu’elle passe par une professionnalisation de l’accueil et par l’investissement dans une médecine lente et de disponibilité. Comme le souligne bien François Olivennes, le médecin doit être capable d’humilité face aux situations que nous ne savons pas gérer avec efficacité. La verbalisation des insuffisances thérapeutiques par le soignant favorise les processus de deuil et diminue les risques de culpabilisation par les couples. Le médecin doit être capable de le faire et de prendre le temps nécessaire aux explications adaptées afin de ne pas laisser des couples dans des espoirs injustifiés et de les accompagner dans le renoncement. Les limites techniques de l’AMP existent et l’attitude compassionnelle doit trouver un équilibre entre l’aide que le soignant doit apporter à toute souffrance et la nécessité de respecter les seuils raisonnables de faisabilité. À ce titre je partage les réserves de l’auteur sur la nécessité de mettre un terme aux prises en charge inefficientes et sur le non développement des techniques ayant prouvé leur dangerosité chez l’animal. Il convient ainsi de veiller simplement au respect du code de déontologie [2] qui aurait pu être cité par l’auteur car il rappelle les règles de base tout à fait applicables à l’AMP et qui rend à mon sens superfétatoire une partie des réglementations spécifiques : « Information », « consentement » (articles 35 et 36), « thérapeutique non éprouvée » (articles 39 et 40), « acharnement non justifié » (article 37). Cependant le code rappelle que le médecin doit ses soins à tous sans condition d’origine, d’ethnie, de mœurs, de conviction ou de handicap (article 7). À ce titre la loi de 1994 impose de vérifier les conditions réglementaires de l’AMP comme le rappelle l’article 17 du code de déontologie, le décret de 1999 autorise le médecin à faire valoir sa clause de conscience, mais, de grâce, trouvons le juste équilibre entre le bon sens et l’analyse avec le couple de son projet parental sans verser dans l’excès de pouvoir de jugement des choix individuels de couples responsables. Ces limites et leur fragilité sont justement pesées dans l’éditorial. Le bilan des naissances après ICSI que nous publierons prochainement à la demande de la Société française de médecine périnatale [3] confirme qu’il est prudent et souhaitable de publier les anomalies observées, d’apporter une information loyale aux couples et de poursuivre les analyses épidémiologiques. Le bilan retrouve la réalité des risques
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fœtaux liés à l’excès de grossesses multiples. Nos conclusions sur ces deux items rejoignent l’analyse positive de François Olivennes, mais pour le dernier je crains qu’il soit très difficile d’écrire un arrêté limitant le nombre d’embryons transférés utilisable au quotidien au bénéfice des couples. Pourquoi faudrait-il penser que la voie d’une professionnalisation progressive par des seniors spécifiquement formés et investis ne serait pas plus efficace que de laisser utiliser un mode d’emploi réducteur par de non véritables spécialistes. Vis-à-vis de l’ICSI, je souhaite souligner que l’article, comme aucun des auteurs alarmistes, n’a repris ni soulevé les risques potentiels d’utilisation en ICSI du polyvinylpirrolidone (PVP), agent toxique et potentiellement mutagène mais facilitant la pratique biologique de l’ICSI et dont nous sommes une des rares équipes internationales à avoir toujours refusé l’utilisation [4]. En revanche les pouvoirs publics ont considérablement limité l’AMP à risque viral et la globalisation dans un même décret de la pratique vis-à-vis de virus aussi différents que ceux du VIH, des hépatites B et C, a placé les très nombreux couples séropositifs pour l’hépatite C dans une situation de discrimination d’accès à l’AMP probablement injustifiée vis-à-vis des expertises virologiques actuelles. Il m’aurait semblé justifié d’en faire état dans un tel éditorial chargé de prolonger les débats sur l’AMP. Comme l’auteur, nous conclurons que les contraintes réglementaires entourant l’AMP et voulues par le législateur représentent un cadre acceptable nécessitant différents amendements. Si les centres doivent investir dans leurs moyens pour améliorer la pratique, les pouvoirs publics doivent se doter des
moyens nécessaires aux analyses épidémiologiques et à l’évaluation des résultats. Oui, nous devons aussi progresser dans l’humilité des limites de notre métier, dans l’humanisation des prises en charge et dans l’apport des informations préalables. Mais nous pouvons aussi communiquer sur les résultats quotidiens obtenus et sur notre vigilance à diminuer les risques pour les femmes et à évaluer les risques pour l’enfant. Dans un monde idéal... RÉFÉRENCES [1] [2] [3]
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Fanny-Cohen Brigitte. « Un bébé mais pas à tout prix ». Les dessous de la Médecine de la Reproduction. Paris: JC Lattes Editeur; 2001. Ordre national des médecins : Décret 95-1000 du 06/09/95 portant sur le code de déontologie médicale. Barrière P, Al Hussein Y, Mirallie S, Thibault E, Jean M. Bilan des naissances après ICSI. In : Médecine périnatale Reuil-Malmaison : Arnette Éditeur, 2003. p. 283–289. Jean M, Mirallie S, Boudineau M, Tatin C, Barrière P. ICSI with PVP: a potential risk. Fertil Steril 2001;76(2):419–20.
P. Barrière Médecine et biologie de la reproduction, HME, CHU Nantes, 44093 Nantes cedex 01, France Adresse e-mail :
[email protected] (P. Barrière). >
doi of original article 10.1016/S1297-9589(03)00137-1.
Gynécologie Obstétrique & Fertilité 31 (2003) 1080–1082 doi:10.1016/j.gyobfe.2003.10.013