Journal de Radiologie Diagnostique et Interventionnelle (2015) 96, 413—424
FORMATION MÉDICALE CONTINUE : LE POINT SUR. . .
Douleurs pelviennes chroniques夽 V. Juhan-Duguet Service d’imagerie médicale, hôpital européen, 6, rue Désirée-Clary, 13331 Marseille cedex 3, France
MOTS CLÉS Douleurs pelviennes chroniques ; Endométriose ; Endométriose profonde ; Congestion pelvienne
Résumé Les douleurs pelviennes chroniques sont des douleurs invalidantes qui durent depuis au moins 6 mois. Les causes sont souvent multifactorielles. Un interrogatoire et un examen clinique minutieux doivent orienter les examens d’imagerie. L’endométriose est une cause fréquente, mais il n’y a pas de corrélation entre la gravité des lésions et l’intensité de la douleur. L’échographie pelvienne est le premier examen à réaliser, à la recherche d’endométriose, d’adénomyose, de varices pelviennes, et de signes d’infection chronique. L’IRM permet de faire le diagnostic et le bilan d’extension des endométrioses. Elle est plus performante que l’échographie pour le diagnostic d’abcès tubo-ovarien devant une masse annexielle chronique. L’écho-Doppler, l’angio-IRM doivent permettre de conforter le diagnostic clinique de congestion pelvienne. Devant un syndrome du nerf pudendal l’imagerie en coupe peut éliminer une cause compressive. © 2015 Éditions franc ¸aises de radiologie. Publié par Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
Les douleurs pelviennes chroniques (DPC) correspondent à des douleurs localisées au niveau du pelvis, évoluant depuis au moins 6 mois, non cycliques, non calmées par les antalgiques usuels, assez sévères pour entraîner une incapacité fonctionnelle [1,2]. Il existe plusieurs définitions dans la littérature, mais c’est celle que nous retiendrons. La douleur est une expérience personnelle subjective et complexe. Les DPC sont souvent difficiles à interpréter et à traiter. Leur intensité doit être évaluée par des outils d’évaluation spécifique, notamment les échelles visuelles analogiques et numériques [3]. Les causes de DPC sont très variées et souvent multifactorielles. L’interrogatoire ciblé sur les symptômes digestifs, gynécologiques, urologiques, musculaires et ostéoarticulaires doit permettre d’orienter l’examen clinique et les explorations diagnostiques. La douleur psychogène doit être un diagnostic d’élimination. La variabilité et l’association des étiologies rendent parfois difficile la prise en charge de
DOI de l’article original : http://dx.doi.org/10.1016/j.diii.2015.07.010. Ne pas utiliser, pour citation, la référence franc ¸aise de cet article, mais celle de l’article original paru dans Diagnostic and Interventional Imaging, en utilisant le DOI ci-dessus. Adresse e-mail :
[email protected] 夽
http://dx.doi.org/10.1016/j.jradio.2015.08.008 2211-5706/© 2015 Éditions franc ¸aises de radiologie. Publié par Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
414 ce symptôme, mal supporté par les patientes, souvent frustrant pour le clinicien, et finalement très coûteux pour la société. Ce motif est évoqué chez 10 à 40 % des patientes qui consultent en gynécologie [4]. Les DPC seraient à l’origine d’environ 40 % des cœlioscopies et 15 % des hystérectomies [5]. Selon Neis un tiers des DPC seraient dû à une endométriose, et 1/3 à des adhérences[6]. L’échographie pelvienne est le premier examen d’imagerie à réaliser. Toutes les structures pelviennes peuvent être à l’origine de DPC. Seront abordés dans cet article, l’endométriose, l’adénomyose, les infections pelviennes chroniques, les adhérences, le syndrome de congestion pelvienne, et le syndrome du nerf pudendal.
Endométriose pelvienne Elle est définie par la présence de tissu endométrial fonctionnel (glande et stroma) en dehors de l’utérus. Trois types de localisation sont décrits : l’endométriose ovarienne (kystique), superficielle péritonéale, et profonde proliférative. Des lésions d’endométriose pelviennes sont retrouvées en cœlioscopie chez 1/3 des femmes explorées pour DPC [7]. Mais 25 % des femmes avec une endométriose histologique sont asymptomatiques. Les douleurs liées à l’endométriose comprennent : DPC, dysménorrhée, dyspareunie, dysurie, et dyschésie. Il est maintenant reconnu que plusieurs mécanismes sont à l’origine de ces douleurs, avec l’intervention de médiateurs inflammatoires (production de cytokines proinflammatoires et pro-angiogéniques), et participation des systèmes nerveux central, périphérique, et proprioceptif [8]. La sécrétion de facteurs de croissances neurogènes et de facteurs de prolifération vasculaire auraient aussi un rôle dans la genèse de la douleur de l’endométriose. Les microsaignements répétés dans les lésions d’endométriose profonde, et une autonomisation de l’innervation de ces lésions peuvent expliquer parfois la discordance entre des douleurs importantes et des lésions macroscopiques peu volumineuses. Il n’y a pas de parallèle entre la gravité macroscopique des lésions et les symptômes douloureux [9].
Endométriose ovarienne Le kyste endométriosique ovarien ou endométriome a un contenu hémorragique. Isolé, il est souvent peu douloureux. Dans sa forme typique il est en échographie isoéchogène homogène (fin piqueté homogène) avec parfois des pseudocloisons ou des caillots. Le diagnostic différentiel avec une autre lésion kystique peut parfois se poser (kyste fonctionnel hémorragique, kyste dermoïde. . .). L’atteinte est parfois multiple ou bilatéral dans 30 à 50 % des cas [10]. En IRM l’endométriome est le plus souvent en hypersignal en T1, supérieur ou égal au signal de la graisse sous cutanée, avec un signal qui persiste après saturation de graisse (différent du kyste dermoïde) (Fig. 1). En T2 le signal est intermédiaire (shading), avec parfois un niveau [11]. Le signal peut être différent en fonction de l’âge de l’endométriome (produits de dégradation de l’hémoglobine). L’injection de chélates de gadolinium peut être utile pour distinguer un caillot, d’une végétation d’une tumeur épithéliale. La paroi de l’endométriome peut se rehausser après injection. La taille
V. Juhan-Duguet des endométriomes est variable, d’implants millimétriques intra-ovariens ou sur la surface, à des kystes parfois de plus de 5 cm. L’IRM est plus sensible que l’échographie pour la détection de petits implants ovariens. L’endométriome peut être associé à un hématosalpynx.
Endométriose profonde Le tissu endométrial ectopique infiltre le péritoine de plus de 5 mm, et les structures sous-péritonéales. La lésion est composée d’une hyperplasie fibro-musculaire parfois associée à des implants liquidiens ou hémorragiques. L’endométriose profonde intéresse l’espace sous-péritonéal postérieur, et ou l’espace péritonéal antérieur vésicoutérin.
Endométriose profonde postérieure Elle se développe le plus souvent à partir du péritoine, au niveau du cul-de-sac de Douglas. La lésion infiltre ensuite l’espace sous-péritonéal, intéresse le torus uterinum qu’elle épaissi, les ligaments utérosacrés (LUS). Elle peut s’étendre en arrière vers la jonction rectosigmoïdienne (Fig. 2). Il existe alors des adhérences au contact de la séreuse digestive, parfois une atteinte pariétale superficielle ou transpariétale. L’atteinte de la muqueuse digestive est importante à connaître pour pouvoir adapter le traitement chirurgical. Les lésions d’endométriose digestive sont le plus souvent localisées au niveau de la jonction rectosigmoïdienne. L’atteinte isolée du rectum est beaucoup plus rare. L’échographie par voie endovaginale doit s’attacher à rechercher un épaississement hypoéchogène du torus, des LUS (Fig. 3) et une atteinte de la paroi sigmoïdienne [12]. La disparition de la musculeuse hypoéchogène signe une atteinte musculaire pariétale. En IRM les lésions profondes sont en hyposignal T2, en raison de la composante fibreuse, elles peuvent être associées à des inclusions liquidiennes en hypersignal T2 (implants kystisés). Elles contiennent parfois des hypersignaux en T1 (implants hémorragiques), ce qui facilite leur détection [13]. L’atteinte des LUS est fréquente. Les séquences en pondération T2, avec des coupes fines dans le plan des ligaments sont les plus performantes. Un nodule, un épaississement, une asymétrie des LUS sont évocateurs d’une endométriose postérieure [14,15] (Fig. 3, 4, 5). L’échoendoscopie rectale peut être utile dans le bilan préopératoire pour préciser l’atteinte muqueuse. L’endométriose vaginale est souvent associée à une atteinte du torus ou des LUS. Elle peut être responsable d’une oblitération du cul-de-sac vaginal postérieur. L’examen peut être sensibilisé par le balisage vaginal avec du gel d’échographie. L’atteinte de la cloison rectovaginale est quasiment toujours en continuité avec une lésion profonde postérieure du Douglas, du vagin ou des LUS. L’atteinte profonde postérieure, l’oblitération du culde-sac de Douglas, sont souvent responsables de DPC, de dyspareunies, par compression ou infiltration des nerfs de l’espace sous-péritonéal [16].
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Figure 1. Endométriome ovarien gauche en IRM. Signal intermédiaire en pondération T2 (shading) (a), hypersignal en pondération T1 sans (b) et avec saturation de graisse (c).
Figure 2. Endométriose profonde postérieure. IRM en pondération T2 (a, b, c) et T1 avec saturation de graisse (d). Endométriose profonde postérieure avec épaississement fibreux rétro-cervical associé à une lésion fibro-hémorragique pariétale de la jonction rectosigmoïdienne (flèche). Inclusion hémorragique pariétale avec niveau (flèche) (c, d).
L’endométriose profonde sous-péritonéale antérieure Elle est plus rare, représente 2 à 6,4 % des endométrioses pelviennes [17]. Elle se situe surtout au niveau du cul-de-sac vésico-utérin. Elle doit être recherchée en échographie suspubienne vessie pleine et par voie endovaginale. La lésion est hypoéchogène, peut atteindre la paroi vésicale. Elle peut s’accompagner d’une dilatation urétérale. En IRM les lésions sont souvent en hyposignal T2, avec des spots hyperintenses en T2 et/ou T1.
Les lésions d’endométriose profonde peuvent être associées à une atteinte de contiguïté du myomètre externe (adénomyose externe). D’autres sites peuvent être concernées par l’endométriose et participer aux DPC (lésions ligamentaires, pariétales. . .).
Endométriose péritonéale La sensibilité de l’IRM pour la détection des implants est très médiocre. La cœlioscopie reste la référence pour le
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Figure 3. Épaississement nodulaire de la partie proximale du ligament utérosacré gauche en échographie endovaginale (flèche) (a). Vue sagittale oblique. Très discret épaississement du ligament droit (b).
Figure 4. Jeune femme âgée de 28 ans se plaignant de DPC et de dyspareunie. T2 axial (a,b) : les ligaments utérosacrés sont épaissis, réguliers (flèche). Petite lame liquidienne péritonéale postérieure. Pas de lésion d’endométriose ovarienne ou profonde sur les autres séquences. Cœlioscopie : lésions d’endométriose sur les ligaments sacrés.
Figure 5. Patiente âgée de 32 ans, GOPO. Dyspareunie et DPC. IRM en pondération T2 dans le plan sagittal (a) et axial (b). Épaississement nodulaire du LUS droit. Aspect rigide et horizontal des deux tiers proximaux du LUS droit associé à un petit nodule fibreux (flèche). Endométriose profonde et superficielle confirmée en cœlioscopie.
diagnostic. Les lésions péritonéales superficielles incluent les lésions classiques (bleues, noires) et les moins classiques ou subtiles (claires, brunes ou jaunes, blanches, ou mixtes) [18]. En IRM on recherchera sur la séquence en saturation de graisse des implants en hypersignal T1, notamment au niveau des culs-de-sac péritonéaux et des ligaments larges.
Adénomyose et myomes L’adénomyose est une pathologie fréquente qui concerne surtout les femmes de 40—50 ans. Elle est définie en histologie par la présence de glandes endométriales ectopiques dans le myomètre à 2,3 mm de l’interface endomètre myomètre. Deux tiers des patientes sont symptomatiques,
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Figure 6. Douleurs pelviennes et ménorragie. IRM pelvienne. Adénomyose : hypersignaux en pondération T2 au niveau du tiers interne du myomètre (a,b). Pas d’inclusion hémorragique (c).
et présentent des douleurs pelviennes, des ménométrorragies et des dysménorrhées [19]. L’adénomyose peut être diffuse ou focale. En échographie la présence de lacunes intramyomètriales non vascularisées est spécifique. L’utérus est souvent volumineux, hétérogène, avec une asymétrie des parois, parfois des stries linéaires hyper ou hypoéchogène. En IRM la zone jonctionnelle est épaissie en pondération T2 (> 11 mm), elle contient parfois des spots en hypersignal T2 (Fig. 6), et en iso ou hypersignal T1 [20]. L’adénomyose focalisée ou adénomyome est une zone focalisée, en contact avec la zone jonctionnelle, souvent fundique, en hyposignal avec des spots hyperintenses. Parker rapporte que les DPC chez les patientes opérées pour endométriose sont plus fréquentes chez celles qui ont une zone jonctionnelle supérieure à 11 mm sur l’IRM préopératoire [21]. La présence de myomes utérins peut aussi être responsable de DPC, souvent à type de pesanteur. La compression des organes de voisinage intervient dans l’étiopathogénie de ces douleurs.
Malpositions utérines Les prolapsus sont très rarement source de douleurs pelviennes. C’est surtout l’hystéroptose qui est responsable de pesanteur pelvienne douloureuse majorée à la station debout. Le traitement est chirurgical. Les rétro-déviations
utérines, souvent associées à une rétroflexion ne sont généralement pas symptomatiques. Seules les rétro-déviations fixées (séquelles inflammatoires ou lésions d’endométriose), ou le syndrome de Master-Allen peuvent être douloureux. Le syndrome de Master et Allen correspond à une déchirure du ligament large. Il associe une dyspareunie profonde et une douleur pelvienne chronique permanente exagérée à la fatigue et à la station debout. La douleur est atténuée en décubitus ventral. Le port d’un tampon à visée antalgique est un argument diagnostique. Au toucher, le col est très mobile, le corps utérin est douloureux à la mobilisation. On retrouve souvent dans les antécédents un accouchement traumatique. La cœlioscopie montre la déchirure du feuillet postérieur du ligament large, souvent associé à des varices pelviennes et un gros utérus. Le traitement est chirurgical. Le diagnostic n’est pas radiologique.
Pathologie inflammatoire pelvienne chronique Les infections annexielles chroniques sont responsables de douleurs pelviennes au long cours. Souvent secondaires à une salpingite, un avortement septique ou à une complication infectieuse de l’accouchement, ces infections chroniques sont souvent la conséquence de pelvipéritonites insuffisamment traitées. L’évolution est marquée par des poussées subaiguës fébriles. Les douleurs sont souvent diffuses, aggravées par les rapports sexuels. L’échographie
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Figure 7. Douleurs pelviennes. Échographie peu contributive. IRM : coupes en pondération T2 (a,b), T1 avec saturation de graisse sans et après injection de produit de contraste (c,d). Abcès tubo-ovarien droit, aspect pseudo tumoral avec infiltration du myomètre et de la paroi vésicale (a). Actinomycose.
est le premier examen radiologique à réaliser, à la recherche d’hydrosalpynx, d’abcès annexiels chroniques ou de pseudo-kystes péritonéaux qui sont des signes indirects d’adhérences. L’atteinte bilatérale est fréquente [22]. Le scanner peut aider pour faire le diagnostic différentiel avec une pathologie digestive inflammatoire. Devant une masse pelvienne complexe, le diagnostic différentiel avec un cancer de l’ovaire peut être difficile, d’autant plus que la symptomatologie infectieuse à ce stade est peu présente. Le caractère tubulé de la trompe n’est pas retrouvé. L’IRM est plus spécifique que l’échographie. En IRM l’abcès tubo-ovarien est en hyposignal ou en signal intermédiaire en T2, avec parfois une couronne en hypersignal T1. La paroi est rehaussée après injection [23,24], avec une prise de contraste précoce et une accumulation tardive de produit de contraste souvent supérieur au myomètre adjacent. La présence de gaz dans la lésion est rare mais spécifique. Les signes péri-annexiels renforcent le diagnostic : aspect « sale » de la graisse en pondération T2, adhérences rehaussées après injection, aspect épaissi des fascias, adénopathies. Le contenu de l’abcès tubo-ovarien (pus) est en hypersignal en diffusion avec un ADC bas [25]. Ces infections chroniques entraînent des séquelles qui peuvent être responsables d’infertilité : hydrosalpynx, adhérences, faux kystes péritonéaux. L’actinomycose (infection par le germe Actinomyces israeli) est une forme particulière d’atteinte inflammatoire chronique, qui survient plutôt chez les femmes porteuses de stérilet. La clinique est peu spécifique. Elle se manifeste
souvent par une atteinte pseudo-tumorale, avec des masses annexielles et péritonéales (Fig. 7).
Adhérences Elles sont retrouvées après chirurgie pelvienne, ou sont la conséquence d’une inflammation pelvienne chronique, infectieuse, ou lié à une endométriose. Ces adhérences génèrent par elles-mêmes des douleurs pelviennes chroniques qu’il est parfois difficile de diagnostiquer par des méthodes non invasives. L’hystérographie réalisée lors des bilans pour infertilité met en évidence un mauvais brassage péritonéal. Les faux kystes péritonéaux sont diagnostiqués en échographie (kystes moulés sur les structures adjacentes, mobiles à la palpation) [22] ou en imagerie en coupes. Elles peuvent être rehaussées après injection si elles sont inflammatoires. En IRM la visualisation des adhérences est parfois possible si elles sont épaisses, ou soulignées par un épanchement intrapéritonéal (Fig. 8). Un aspect de pseudo-distorsion de l’architecture pelvienne peut être un signe indirect d’adhérences pelviennes.
Syndrome de congestion pelvienne ou insuffisance veineuse pelvienne Il concerne plutôt les femmes multipares. La douleur chronique est surtout une pesanteur, exacerbée en position
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Figure 8.
T2 sagittal. Adhérences vésico-utérine chez une patiente symptomatique de 32 ans GOPO. Image linéaire en hyposignal (flèche).
Figure 9.
Échographie endovaginale. Varices paramétriales, en coupe transverse (a, b), en continuité avec les veines arquées (c, d).
debout, en fin de journée, et par les activités qui augmentent la pression abdominale. Elle est surtout présente avant ou pendant les règles, en post-coïtale et pendant la grossesse. Elle s’accompagne parfois d’algopareunie, de dysménorrhée, pertes vaginales, dysurie et constipation. À l’examen clinique on recherchera des varices périnéales et des membres inférieurs, un col utérin sensible à la mobilisation. Les causes sont souvent multifactorielles et la physiopathologie mal connue. Dans les facteurs prédisposant, on peut noter une histoire familiale de varices, des antécédents de chirurgie pelvienne, un utérus rétroversé, et une influence hormonale. Cette influence est certaine. En effet
le syndrome de congestion pelvienne est pratiquement absent chez les femmes ménopausées, les œstrogènes fragilisent la paroi veineuse, et la symptomatologie disparaît avec les traitements de suppression ovarienne. Des phénomènes de compression veineuse peuvent aussi être responsables : veine rénale gauche rétro-aortique, syndrome de Nutcracker (compression de la veine rénale gauche dans la pince aortico-mésentérique), ou malposition utérine. La veine ovarienne gauche est le plus souvent concernée, en raison de sa position anatomique. L’insuffisance veineuse est le plus souvent acquise, mais une absence congénitale des valves des veines ovariennes peut aussi être en cause.
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Figure 10. Pesanteur pelvienne, dyspareunie. IRM pelvienne. T2 sagittal (a), T2 axial (b), T1 axial (c), T1 avec saturation de graisse après injection de produit de contraste. Association d’une adénomyose utérine (a et b) et de varices pelviennes, bien visibles en pondération T2 (flèche).
Il n’y a pas de consensus sur les critères diagnostics. La présence de varices pelviennes n’est pas suffisante pour poser le diagnostic. Ce n’est pas la présence de varices, mais l’incompétence valvulaire qui est responsable de la symptomatologie. Plusieurs signes sont décrits en imagerie. Les veines péri-utérines et péri-ovariennes sont dilatées. En échographie certaines ont un diamètre de plus de 4 mm, avec un flux Doppler ≤ 3 cm/s. Les veines arquées sont dilatées, et communiquent avec les varices pelviennes [26] (Fig. 9). Le syndrome de congestion pelvienne peut être associé à des ovaires polykystiques, et un utérus augmenté de taille. Coakley et al. ont proposé des critères en imagerie en coupes : au moins 4 veines para-utérines homolatérales de calibre variable, une des veines a un calibre supérieur à 4 mm, ou une veine ovarienne de plus de 8 mm [27]. Les veines dilatées pelviennes et la veine ovarienne sont tortueuses, en isosignal, ou parfois en hyposignal vide de signal en T1, et en hypersignal, ou hétérogène en T2, en raison du flux lent (Fig. 10). Après injection de produit de contraste elles sont mieux visibles au temps veineux. Les varices peuvent s’étendre au niveau des paramètres, du périnée, des membres inférieurs. Une opacification rétrograde des veines ovariennes au temps artériel tardif ou un reflux pendant des manœuvres de Vasalva traduit une incompétence veineuse. Ce reflux peut être mis en évidence en échographie Doppler ou en angio-IRM dynamique. La phlébographie (Fig. 11) peut être réalisée à but diagnostic, seulement si les autres techniques d’imagerie sont insuffisantes. Elle est surtout réalisée à
but thérapeutique, pour emboliser les varices et la veine ovarienne incompétente. Le diagnostic d’insuffisance veineuse pelvienne est donc essentiellement clinique, renforcé par des critères radiologiques. Les examens d’imagerie permettent aussi d’éliminer les autres causes de DPC. Le traitement est médical, ou endovasculaire, plus rarement chirurgical [28—30].
Névralgie du nerf pudendal Ce nerf issu des branches antérieures de S2, S3, S4 chemine dans un dédoublement de l’aponévrose du muscle obturateur interne (canal d’Alcock). C’est surtout à ce niveau qu’il peut subir des traumatismes à l’origine de DPC. Les douleurs sont périnéales parfois avec des irradiations vers le périnée antérieur ou postérieur. Elles sont aggravées en position debout. Il n’y a classiquement pas de troubles sensitifs. L’électrophysiologie périnéale montre l’augmentation caractéristique de la latence motrice distale du nerf pudendal du côté douloureux. L’imagerie par scanner ou IRM élimine une origine tumorale qui est en fait rarissime. Le traitement repose souvent sur des infiltrations de corticoïdes sous scanner.
Autres causes La recherche d’une infection urinaire est systématique avant d’évoquer le diagnostic de cystite interstitielle ou
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Figure 11. Patiente âgée de 42 ans. Dyspareunie progressive. Phlébographie : varices pelviennes et incompétences valvulaires avec distension de la veine ovarienne gauche. Nette amélioration de la symptomatologie après embolisation.
cystalgies à urines claires. Cette pathologie s’observe chez la femme jeune ou plus souvent en période ménopausique. Elle se manifeste par des cystalgies associées à une pollakiurie avec des urines stériles. Son étiopathogénie est mal connue. Elle serait liée à une inflammation de la paroi vésicale. Elle est souvent associée à des douleurs vulvaires, une endométriose et un dysfonctionnement périnéal [31]. Le scanner peut être utile pour éliminer une cause digestive. Le diagnostic des douleurs pelviennes chroniques d’origine neurologiques, rhumatologiques et musculaires est essentiellement clinique. L’imagerie permet surtout d’éliminer une lésion tissulaire ou inflammatoire.
Conclusion Les causes des douleurs pelviennes chroniques sont nombreuses et parfois multifactorielles, ce qui rend leur diagnostic parfois difficile Une approche multidisciplinaire est souvent indispensable. Les explorations radiologiques doivent être orientées par un interrogatoire et un examen clinique minutieux. L’échographie pelvienne, et endovaginale, reste le premier examen à réaliser. L’IRM est plus performante pour le diagnostic et le bilan d’extension des endométrioses, pour le diagnostic des inflammations pelviennes chroniques. L’échographie Doppler et l’imagerie en coupes permettent de conforter le diagnostic de congestion pelvienne et de rechercher d’autres causes de DPC.
• L’endométriose pelvienne est une cause fréquente de DPC. L’intensité des douleurs n’est pas liée au volume lésionnel. Des signes discrets en IRM, comme un épaississement isolé des LUS, peuvent être très symptomatiques. Ce sont les lésions profondes postérieures qui sont « les plus bruyantes ». Les endométriomes isolés sont souvent peu douloureux. • Rechercher systématiquement des lésions d’endométriose digestive en échographie et en IRM. • L’adénomyose peut être responsable de DPC. • La pathologie inflammatoire chronique est souvent responsable d’une symptomatologie frustre. Rechercher en échographie des séquelles infectieuses (adhérences, hydrosalpynx, faux kyste péritonéal. . .). Devant une masse ovarienne complexe, l’IRM doit permettre de faire le diagnostic entre une lésion néoplasique et un abcès annexiel chronique. • Le syndrome de congestion pelvienne ou insuffisance veineuse peut être responsable de DPC. L’insuffisance veineuse peut être congénitale ou acquise. Le diagnostic est clinique et radiologique (critères diagnostiques en écho-Doppler et en imagerie en coupes). La phlébographie est souvent réalisée en préthérapeutique juste avant l’embolisation. • En cas de névralgie pudendal l’imagerie en coupes peut éliminer une cause compressive.
Cas clinique Points à retenir • Une douleur pelvienne chronique (DPC) doit être explorée après un interrogatoire minutieux et un examen clinique orienté. Ces douleurs sont souvent très invalidantes. Les causes sont multiples, il faut les connaître pour savoir les rechercher. • L’échographie pelvienne est le premier examen à réaliser.
Jeune femme âgée de 32 ans, G1P1, se plaignant de douleurs pelviennes chroniques, médianes, exacerbées avant les règles. Pas de dysurie, pas de méno-métrorragie.
Questions Une IRM est réalisée. 1 - Quelles séquences faites-vous ?
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Figure 12.
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IRM pelvienne. Séquence en pondération T2, plan sagittal.
Figure 13. IRM pelvienne en pondération T2 axial (a), T1 axial (b), et T1 axial avec saturation de graisse (c). Endométriomes ovariens bilatéraux en signal intermédiaire en pondération T2, et en hypersignal en pondération T1 sans et avec saturation de graisse. Lésion sigmoïdienne pariétale fibro-hémorragique (spots visibles en pondération T1 et T1 fat sat). Lésion nodulaire fibreuse au niveau de l’espace vésico-utérin.
2 - Y a-t-il des anomalies sur la Fig. 12 ? Quel est le diagnostic évoqué ? 3 - Quel est le signal des lésions ovariennes souvent associées sur la séquence avec saturation de graisse ? 4 - Fallait-il demander un autre examen avant l’IRM ?
Réponses 1 - Séquences en pondération T2 dans les plans sagittal et axial, en pondération T1 sans et avec saturation de graisse dans le plan axial. À compléter si nécessaire par une séquence en pondération T2 en coupes fines en axial oblique T2 dans le plan des ligaments utérosacrés. Un balisage
rectal et/ou vaginal peut être fait. L’injection de produit de contraste n’est pas systématique. 2 - Adhérences rétro-utérines associées à une lésion pariétale de la jonction rectosigmoïdienne. Lésion au niveau de l’espace vésico-utérin. Diagnostic évoqué : une endométriose pelvienne profonde. 3 - Les endométriomes sont en hypersignal en pondération T1 avec saturation de graisse (kyste contenant du sang). Cijoint quelques autres images de l’examen (Fig. 13a, b, c). 4 - Oui, une échographie pelvienne (Fig. 14). Premier examen morphologique à réaliser après l’examen clinique devant des douleurs pelviennes chroniques. Suffisant dans ce cas pour faire le diagnostic d’endométriose ovarienne et profonde. L’IRM permet de faire un diagnostic d’extension plus précis.
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Figure 14. Échographie pelvienne. a : voie sus-pubienne. Lésion échogène qui refoule la paroi vésicale postérieure. Par voie endovaginale (b—e), l’épaississement du torus utérinum est bien visible. La lésion se poursuit en arrière par une lésion hypoéchogène de la paroi du sigmoïde (b, c). La lésion d’endométriose profonde antérieure est visible par voie endovaginale, en retirant un peu la sonde. Elle est isoéchogène.
Déclaration d’intérêts L’auteur déclare ne pas avoir de conflits d’intérêts en relation avec cet article.
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