Douleurs pelviennes isolées chez une jeune femme de 22 ans

Douleurs pelviennes isolées chez une jeune femme de 22 ans

3quel est votre diagnostic ? Feuillets de Radiologie 2009, 49, n° 5,359-362 © 2009. Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés Douleurs pelviennes is...

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3quel est votre diagnostic ?

Feuillets de Radiologie 2009, 49, n° 5,359-362 © 2009. Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés

Douleurs pelviennes isolées chez une jeune femme de 22 ans A. Sqalli Houssaini 1 S. Elbari 1, S. Elmouhadi 1 S. Alj 1, I. Chami 1 L. Jroundi 1, N. Boujida 1 H. Hafid 2, A. Bougatab 2 S. Benjelloun 2 1. Service de radiologie, 2. Service de chirurgie, INO, Rabat, Maroc. Correspondance : A. Sqalli Houssaini, avenue Imam-Ali, résidence Zeryab n° 7, appartement n° 5, V.N., Fès, Maroc. Email : [email protected]

Observation Une jeune femme âgée de 22 ans présente depuis deux mois des douleurs pelviennes isolées. Au toucher rectal, il existe une masse fixée en présacré non mobilisable qui refoule la paroi postérieure du rectum. Un examen TDM (fig. 1) a été demandé. Quel est votre diagnostic ?

Figure 1. TDM abdomino-pelvienne en coupe axiale après injection du produit de contraste.

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Douleurs pelviennes isolées chez une jeune femme de 22 ans

Diagnostic Ganglioneurome présacré.

Analyse de l’imagerie On retrouve la masse ovalaire de siége présacré, à contours bien définis, hypodense, homogène, et se rehausse de façon homogène après injection du produit de contraste. Elle est au contact du sacrum en arrière sans liseré évident de séparation ; en avant elle est responsable d’un refoulement du rectum, en dehors elle est au contact des muscles obturateurs et elle s’étend en hauteur le long du sacrum. Elle mesure 10 × 6,5 × 9 cm. Une exérèse chirurgicale a été réalisée. L’examen anathomopathologique retrouve une prolifération tumorale faite de faisceaux de cellules fusiformes au noyau ondulé normochromatique discrètement anisocaryotique et de cellules de plus grande taille grossièrement arrondies au noyau excentré et au cytoplasme abondant sur un fond œdémateux et fibrillaire sans signes de malignité ; certaines coupes renferment du tissu cartilagineux et osseux non tumoral.

Discussion Le ganglioneurome est une tumeur nerveuse bénigne rare [1, 2]. Il fait partie du groupe des tumeurs neurogènes [1, 3]. Il se développe aux dépens des chaînes ganglionnaires sympathiques, groupe incluant le ganglioneuroblastome et le neuroblastome [1, 3, 4]. Le ganglioneurome est une tumeur bien différenciée, composée de cellules ganglionnaires sympathiques matures, ce qui permet de la différencier des autres groupes [2, 3, 5]. Les localisations rétro péritonéales (32 %-52 %) et médiastinales (39 %-43 %) représentent les sites de prédilection du ganglioneurome, suivi par la glande surrénale (21 %) et la région cervicale (8 %). La localisation présacrée est très rare. Les sites inhabituels sont : le cordon spermatique, le cœur, l’os, l’intestin et l’estomac [2, 3, 5, 6]. Il touche fréquemment l’adulte jeune et l’enfant avec une légère prédominance féminine (sex-ratio = 0,74) [1, 4, 6]. Le plus souvent la tumeur est asymptomatique, même si elle est grande de taille, et de découverte fortuite. Elle peut être découverte à l’occasion d’une douleur abdominale, par la palpation d’une masse abdominale ou par la compression d’un organe de voisinage [2, 3, 5]. Les patients peuvent se présenter avec un tableau de constipation ou de douleurs par compression du rectum, des racines sacrées ou du plexus lombo-sacrée [3, 7].

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La plupart du temps le bilan de sécrétion hormonal est normal, ainsi la sécrétion des catécholamines, de la VIP (vasoactive intestinal polypeptid) ou des hormones androgéniques est responsable de diarrhée, d’hypertension artérielle et de virilisation [2, 5, 8]. Le ganglioneurome possède un diamètre de 7 cm en moyenne [3]. L’IRM représente l’examen de choix pour l’étude préopératoire de ce type de lésions [3]. À l’échographie, cet examen est peu spécifique, et montre une masse homogène hypoéchogène bien limitée [2, 6]. Au scanner et à l’IRM ces tumeurs apparaissent sous forme de masse ovalaire, à contours bien définis, entourant ou refoulant les gros vaisseaux avec une prise de contraste retardée [1, 5]. À la TDM, les calcifications sont présentes dans 42 à 60 % des cas et sont typiquement fines. Avant injection de produit de contraste le ganglioneurome est hypodense homogène et se rehausse de façon homogène ou hétérogène avec une prise de contraste variant de faible à modérée [1, 2, 6]. En IRM, le ganglioneurome est en hyposignal T1 homogène. En T2 la tumeur peut prendre deux aspects, soit un signal intermédiaire soit être en hypersignal en fonction de la quantité du stroma myxoide contenu dans la lésion. Le rehaussement après injection de gadolinium est variable, allant d’une faible prise de contraste à une forte prise [2, 5, 6]. L’imagerie seule est insuffisante pour différencier le ganglioneurome des autres tumeurs issues du système nerveux sympathique. La ponction-biopsie permet d’établir un diagnostic. Le diagnostic de certitude ne peut être affirmé qu’après une étude histologique de la pièce chirurgicale d’exérèse [1, 2]. Le traitement du ganglioneurome est chirurgical. Il consiste en une résection complète dans les limites du possible. Dans la localisation présacrée, l’abord par laparotomie antérieure transpéritonéale avec mobilisation du rectum est préféré du fait qu’elle permet le plus souvent une résection complète. L’abord par voie présacrée reste difficile du fait du risque iatrogène sur le sac dural et des racines de la queue-de-cheval [1, 3, 6]. Le pronostic est lié à la compression des organes de voisinage et aux problèmes infectieux. La récidive locale a été rapportée, ainsi la surveillance radiologique périodique doit être réalisée après la résection [2, 6].

Références 1.

2.

3.

Pelletier F, Manzoni P, Heyd B, Algros MP, Ringenbach F, Delroeux D, et al Ganglioneurome rétropéritonéal révélé par une colique néphrétique compliquée. Revue de médecine interne 2006;27:409-13. Dubois C, Jankowski A, Gay-Jeune C, Chabre O, Pasquier D, Ferretti G. Imagerie du ganglioneurome surrénalien : à propos d’un cas. J Radiol 2005;86:659-62. Cerullo G, Marrelli D, Rampone B, Miracco C, Caruso S, Marianna DM, et al. Presacral ganglioneuroma: A case report and review of literature. World J Gastroenterol 2007;13:2129-31.

2 quel est votre diagnostic ?

A. Sqalli Houssaini et al.

4. 5.

6.

Modha A, Paty P, Bilsky MH. Presacral ganglioneuromas. Report of five cases and review of the literature. J Neurosurg Spine 2005;2: 366-71. Rha SE, Byun JY, Jung SE, Chun HJ, Lee HG, Lee JM. Neurogenic tumors in the abdomen: tumor types and imaging characteristics. Radiographics 2003;23:29-43. Lonergan G, Schwab C, Suarez E, Carlson C. Neuroblastoma, ganglioneuroblastoma, and ganglioneuroma: Radiologic-pathologic correlation. Radiographics 2002;22:911-34.

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7.

8.

Ghali VS, Gold JE, Vincent RA, Cosgrove JM. Malignant peripheral nerve sheath tumor arising spontaneously from retroperitoneal ganglioneuroma: A case report, review of the literature, and immunohistochemical study. Hum Pathol 1992;23:72-5. Radin R, David CL, Goldfarb H, Francis IR. Adrenal and extra-adrenal retroperitoneal ganglioneuroma: imaging findings in 13 adults. Radiology 1997;202:703-7.

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Douleurs pelviennes isolées chez une jeune femme de 22 ans

2test de formation médicale continue

Qu’avez-vous retenu de cet article ? Testez si vous avez assimilé les points importants de cet article en répondant à ce questionnaire sous forme de QCM. 1. Le ganglioneurome présacré est une tumeur : A : Nerveuse bénigne ; B : Fréquente ; C : Qui fait partie du groupe des tumeurs neurogènes ; D : Bien différencié ; E : Qui touche fréquemment le sujet âgé. 2. Les sites inhabituels sont représentés par : A : Le cordon spermatique ; B : Le cœur ; C : Le médiastin ; D : L’os ; E : L’estomac. 3. Le ganglioneurome présacré : A : Est souvent symptomatique ; B : Est souvent asymptomatique ; C : Dont le bilan de sécrétion hormonal est souvent normal ; D : Dont le diagnostic de certitude ne peut être affirmé qu’après une étude histologique ; E : De traitement chirurgical.

Réponses p. 371

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4. Dans le ganglioneurome présacré : A : L’imagerie seule est suffisante pour différencier le ganglioneurome des autres tumeurs issues du système nerveux sympathique ; B : L’échographie est un examen peu spécifique ; C : L’échographie montre une masse homogène hypoéchogène bien limitée ; D : Au scanner et à l’IRM ces tumeurs apparaissent sous forme de masse ovalaire, à contours bien définis, entourant ou refoulant les gros vaisseaux avec une prise de contraste retardée ; E : Au scanner les calcifications sont présentes dans 2 % des cas et elles sont typiquement grossières.