Nouvelle classe thérapeutique pour l’insuffisance cardiaque ? L’insuffisance cardiaque touche des millions de sujets dans le monde. À côté de la prise en charge étiologique de l’affection, les seuls traitements capables d’améliorer la fonction systolique restent aujourd’hui les inotropes, molécules difficiles à utiliser car associées à de nombreux effets secondaires. Deux études publiées dans le Lancet ouvrent un nouvel espoir thérapeutique. Ces deux études, qui émanent d’une même équipe, évaluent l’omecamtiv mecarbil, qui est le premier agent d’une nouvelle classe thérapeutique : les activateurs de la myosine cardiaque, à être évalué chez l’humain. La première étude est un essai de phase 1 en escalade de dose, menée chez 34 hommes sans affection cardiovasculaire. L’essai a été conduit en double aveugle contre placebo, en utilisant un protocole en cross-over, avec un produit qui n’est actuellement actif que par voie intraveineuse. L’étude a évalué des doses allant de 0,005 à 1 mg/kg/h, administrées sur 6 heures et pendant 4 semaines, à raison d’une perfusion par semaine. L’omecamtiv mecarbil est bien toléré jusqu’à la dose maximale de 0,5 mg/kg/h et s’associe à une amélioration dose-dépendante des fonctions cardiaques. À la dose maximale tolérée, l’allongement moyen de la systole est de 85 ms, l’augmentation du débit cardiaque de 15 mL, et l’augmentation de la fraction d’éjection ventriculaire gauche (FEVG) de 7 %, toutes ces améliorations étant significatives (p < 0,0001) comparées au placebo. La seconde étude est un essai de phase 2 mené chez 45 patients souffrants d’insuffisance cardiaque stable sous traitement médical classique (bêtabloquant, inhibiteurs de l’enzyme de conversion). Comme dans l’essai de phase 1, différentes doses d’omecamtiv mecarbil ont été administrées en double aveugle contre placebo, avec cross-over. Au total, 151 perfusions ont été réalisées, avec de nouveau une améliora-
tion dose-dépendante des paramètres systoliques après injection de l’inhibiteur. Ainsi, des concentrations sériques supérieures à 300 ng/mL de l’inhibiteur entraînent un allongement de la durée d’éjection de 80 ms, une augmentation de 9,7 mL de la fraction d’éjection et un ralentissement du rythme cardiaque (p < 0,001 pour les 3 paramètres). Audelà de 500 ng/mL, des diminutions significatives des volumes résiduels diastoliques et systoliques sont également constatées.
Amélioration nette des trois paramètres clés de la fonction pompe cardiaque, on attend la forme orale pour confirmer les premiers résultats constatés. En dépit de rares signes d’ischémie, constatés chez 2 patients qui présentaient des taux sériques particulièrement élevés (supérieurs à 1 350 ng/mL), l’inhibiteur paraît présenter un meilleur profil de tolérance que les inotropes. Comme le souligne néanmoins l’éditorial prudent du Lancet, il faut maintenant attendre la forme orale de cette molécule, qui est en cours de développement, et la réalisation d’essais de phase 3 avec des critères cliniques d’évaluation, avant de se convaincre qu’il s’agit bien d’une classe thérapeutique d’avenir pour l’insuffisance cardiaque chronique et stable.
Teerlink JR, Clarke CP, Saikali KG, et al. Lancet 2011;378(9792):667-75. Cleland JGF, Teerlink JR, Roxy Senior R, et al. Lancet 2011;378(9792):676-83.
DRACO : de nouveaux antiviraux à très large spectre Hormis quelques exceptions, les antiviraux actuellement disponibles sont dirigés contre des protéines très spécifiques des virus ciblés. Cette sélectivité, au départ recherchée pour une meilleure tolérance, fait que leur spectre d’action est en général étroit, limité à un virus ou à une famille de virus… au mieux. Une approche novatrice et audacieuse est aujourd’hui rapportée dans la revue scientifique on line PlosOne. La voici : l’idée est d’induire la mort par apoptose de toute cellule hébergeant dans son cytoplasme de l’ARN viral double brin. Les chercheurs ont pour cela fabriqué différents petits oligonucléotides nommés DRACO (pour double-stranded RNA activated caspase oligomerizer), qui activent le système-clé de l’apoptose : celui des caspases, mais uniquement si ces fameux ARN viraux double brin sont présents dans la cellule. Le résultat en est une mort rapide de la cellule infectée, sans activité néfaste sur la cellule qui ne l’est pas. Ces molécules ingénieuses ont ensuite été associées à différentes protéines transporteuses, leur permettant d’entrer rapidement et efficacement dans une cellule. In vitro, ces DRACO se sont avérés non toxiques sur 11 différents types cellulaires, et en revanche efficaces sur 15 virus à ARN différents, dont le virus de la dengue, le Bunyavirus et le virus le la grippe H1N1. Une première preuve du concept a enfin été apportée in vivo, sur un modèle murin subissant une infection expérimentale par voie intra-nasale par le virus H1N1. Injectés par voie péritonéale, les DRACO se concentrent rapidement dans différents organes, dont le poumon, et parviennent à sauver la majorité des animaux infectés, en diminuant la production virale au niveau respiratoire. Ces résultats restent préliminaires, mais cette approche très novatrice mérite d’être poursuivie et optimisée, avant de pouvoir être testée chez l’homme.
Rider TH, Zook CE, Boettcher TL, et al. Plos One July 2011.
REVUE FRANCOPHONE DES LABORATOIRES - JANVIER 2012 - N° 438 //
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