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ScienceDirect Droit Déontologie & Soin 17 (2017) 78–81
Chronique d’actualité
Droits sociaux des patients Régis Durand (Avocat) 16 bis, rue Gasparin, 69002 Lyon, France Disponible sur Internet le 1 mars 2017
Résumé Actualités jurisprudentielles sur les droits sociaux des patients. Dans la fonction publique, principe de l’indemnisation globale d’un agent en cas d’accident fautif ; dans le secteur salarié, protection de la maternité et procédure de harcèlement.
1. Indemnisation globale d’un agent en cas d’accident fautif 䊏 CAA Bordeaux, 28 novembre 2016, no 14BX03453 Faits Une infirmière au centre hospitalier de Châtellerault a été blessée par la chute d’une plaque métallique d’un faux-plafond dans la nuit du 18 au 19 août 2009 alors qu’elle était en service sur son lieu de travail. Un expert a évalué le taux d’incapacité permanente partielle résultant des séquelles fonctionnelles qu’elle conserve, les souffrances endurées et les préjudices esthétique et d’agrément. En droit Les dispositions instituant la rente viagère d’invalidité et l’allocation temporaire d’invalidité ont pour objet de réparer les pertes de revenus et l’incidence professionnelle résultant de l’incapacité physique causée par un accident de service ou une maladie professionnelle. Ces chefs de préjudices sont réparés forfaitairement dans le cadre de l’obligation qui incombe aux collectivités publiques de garantir leurs agents contre les risques qu’ils peuvent courir dans l’exercice de leurs fonctions. Ces dispositions ne font, en revanche, obstacle ni à ce que le fonctionnaire qui subit, du fait de l’invalidité ou de la maladie, des préjudices patrimoniaux d’une autre nature ou des préjudices personnels, obtienne de la personne publique qui l’emploie, même en l’absence de faute de celleci, une indemnité complémentaire réparant ces chefs de préjudice, ni à ce qu’une action de droit
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commun pouvant aboutir à la réparation intégrale de l’ensemble du dommage soit engagée contre la personne publique, dans le cas notamment où l’accident ou la maladie serait imputable à une faute de nature à engager la responsabilité de cette personne ou à l’état d’un ouvrage public dont l’entretien lui incombait. Analyse La blessure subie dans la nuit du 18 au 19 août 2009 de l’infirmière a été occasionnée par la chute d’une plaque métallique d’un faux-plafond sur son bras gauche à la suite d’une manœuvre maladroite d’une collègue avec laquelle elle intervenait pour assécher une flaque d’eau qui s’était formée dans un couloir du service de gastroentérologie où elles étaient affectées. Cette action dommageable caractérise une faute de service imputable au centre hospitalier, de nature à engager la responsabilité de l’établissement. En l’absence d’imprudence particulière de sa part ou de méconnaissance d’une consigne spécifique, le fait que l’infirmière soit intervenue en vue d’éponger une flaque d’eau sur le sol des locaux du service où elle travaillait ne peut être regardé comme une faute de la victime, exonératoire de la responsabilité du centre hospitalier. Au surplus, son intervention en vue d’assécher le sol du couloir ne peut être regardée comme étant à l’origine de l’accident dû, comme il a été dit, à la chute d’une plaque de faux-plafond. De telle, sorte l’infirmière avait droit à l’indemnisation globale du préjudice subi. 2. Protection de la maternité Aux termes de l’article L. 1225-4 du code du travail, aucun employeur ne peut rompre le contrat de travail d’une salariée en état de grossesse médicalement constaté et pendant les périodes de suspension du contrat de travail auxquelles elle a droit au titre du congé de maternité, ainsi que pendant les quatre semaines subséquentes. Le licenciement est toutefois possible en cas de faute grave ou d’une impossibilité de maintenir ce contrat pour une cause étrangère à la grossesse, la rupture du contrat de travail ne pouvant recevoir effet pendant les périodes de suspension du contrat de travail. 2.1. Antériorité de la faute 䊏 Soc., 30 novembre 2016, no 14-18305 Une femme engagée le 4 mai 2006 par la société exploitant une résidence en qualité d’agent de service hospitalier, a été convoquée le 30 juin 2010 à un entretien préalable au licenciement. Le 3 juillet 2010, elle a informé son employeur de son état de grossesse, et le 30 juillet 2010, elle a été licenciée pour faute grave notifiée le 30 juillet 2010. Le 1er juillet 2010, à l’issue de son service, la salariée avait agressé l’une de ses collègues en dépit d’un avertissement notifié le 29 juin précédent. Ces manquements graves de l’intéressée à ses obligations contractuelles, qui étaient sans lien avec son état de grossesse, rendaient impossible son maintien dans l’entreprise, dans le respect de l’article L. 1225-4 du code du travail. 2.2. Discrimination après maternité 䊏 Soc. 28 septembre 2016, no 14-26387 Faits Une salariée a été engagée le 22 janvier 2007 en qualité de vendeur.
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Elle a été en congé de maternité du 1er novembre 2009 au 10 mai 2010, suivi d’un congé pathologique jusqu’au 31 mai 2010. Après avoir pris acte de la rupture de son contrat de travail, le 12 octobre 2010, elle a saisi la juridiction prud’homale de demandes en requalification de celle-ci en licenciement sans cause réelle et sérieuse, soutenant qu’elle avait fait l’objet d’une mesure de discrimination. Cour d’appel S’agissant du retrait d’une partie significative de la clientèle, qui pourrait revêtir un caractère discriminatoire, l’employeur justifie par des éléments objectifs, tenant notamment au départ, pendant le congé de maternité, de sa collègue qui en assurait le suivi, son transfert à un autre collaborateur récemment recruté, la circonstance que ce dernier ait pu manœuvrer pour conserver la charge de cette clientèle en dépit du retour de l’intéressée, en n’étant pas imputable à l’employeur, ne peut laisser supposer de ce fait une discrimination. La circonstance que les conditions d’exercice des fonctions de la salariée aient été impactées par la perte d’une partie de son portefeuille et l’attribution de clients allemands, alors que son contrat de travail indique précisément qu’elle est affectée à une clientèle franc¸aise, est certes de nature à justifier de sa part un refus d’une telle modification mais ne permet pas en soi de supposer qu’elle résulte d’une discrimination à son égard. Cassation En statuant ainsi, alors qu’elle avait constaté que la salariée s’était vue, à son retour de congé de maternité, retirer une part significative de sa clientèle, élément laissant supposer l’existence d’une discrimination en raison de sa grossesse, la cour d’appel n’a pas tiré les conséquences légales de ses constatations et a commis une erreur de droit. 2.3. Notification des motifs 䊏 Soc. 3 novembre 2016, no 15-15333, Publié Faits Engagée à compter du 17 décembre 2007 par l’association Amicale et patronage des écoles laïques de Bègles en qualité de professeur de danse, la salariée à l’issue d’un congé de maternité, a été placée en arrêt de travail pour maladie à compter du 4 mars 2009. Le 12 mars 2009, lors de la visite médicale de reprise, le médecin du travail l’a déclarée inapte à tout poste dans l’entreprise en un seul examen avec mention d’un danger immédiat. Par lettre du 7 mai 2009, la salariée a informé son employeur de son état de grossesse en lui adressant un certificat médical l’attestant. Elle a été licenciée le 30 juillet 2009 pour inaptitude et impossibilité de reclassement. La cour d’appel a annulé le licenciement. Il résulte des dispositions combinées des articles L. 1232-6 et L. 1225-4 du code du travail que l’employeur est tenu d’énoncer le ou les motifs de licenciement dans la lettre de licenciement et qu’il ne peut résilier le contrat de travail d’une salariée en état de grossesse médicalement constatée que s’il justifie d’une faute grave de l’intéressée non liée à l’état de grossesse ou de l’impossibilité où il se trouve, pour un motif étranger à la grossesse, à l’accouchement ou à l’adoption, de maintenir le contrat. Ayant constaté que la lettre de licenciement ne mentionnait aucun des motifs limitativement exigés par l’article L. 1225-4 du code du travail, la cour d’appel en a exactement déduit que le licenciement était nul.
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3. Licenciement postérieur à une plainte pour harcèlement 䊏 Soc., 2 novembre 2016, no 15-20916 Faits Une femme de chambre engagée le 1er octobre par la société Hôtel Le Collet, en qualité de femme de chambre a déposé plainte le 13 décembre 2010 pour harcèlement moral à l’encontre de sa responsable hiérarchique. Elle a été licenciée le 18 octobre 2011, la lettre de licenciement étant ainsi rédigée : « Cet entretien faisait suite à ma convocation à la gendarmerie de Corcieux suite à un dépôt de plainte de votre part à l’encontre d’une salariée de l’entreprise. N’ayant pas été informé ni du conflit existant entre vous, ni de votre démarche auprès des services de gendarmerie, j’estime ce comportement fautif ». En droit Aux termes de l’article L. 1152-2 du code du travail, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l’objet d’une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, notamment en matière de rémunération, de formation, de reclassement, d’affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat, pour avoir subi ou refusé de subir des agissements répétés de harcèlement moral ou pour avoir témoigné de tels agissements ou les avoir relatés. Selon l’article L. 1152-3 du code du travail, toute rupture de contrat de travail intervenue en méconnaissance des articles L. 1152-1 et L. 1152-2 du code du travail, toute disposition ou tout acte contraire est nul. Il s’en déduit que le salarié qui relate des faits de harcèlement moral ne peut être licencié pour ce motif, sauf mauvaise foi, laquelle ne peut résulter de la seule circonstance que les faits dénoncés ne sont pas établis. Cour d’appel L’examen de ces motifs permet de se convaincre que si le licenciement est postérieur à la plainte déposée par la salariée pour harcèlement moral et à l’audition du gérant de l’hôtel par les services de gendarmerie, il n’est en revanche pas fondé sur cette plainte elle-même, mais sur le fait que la salariée, avant de se rendre à la gendarmerie, n’a pas informé son employeur des faits de harcèlement qu’elle prétendait subir de la part d’une autre salariée. L’employeur a un intérêt particulier à être informé des faits de harcèlement moral susceptibles d’être commis dans son entreprise dans la mesure où il est débiteur envers ses salariés d’une obligation de sécurité de résultat en matière de protection de la santé des travailleurs dans l’entreprise, l’absence de faute de sa part n’étant pas de nature à l’exonérer de sa responsabilité. Cassation Pour rejeter la demande de la salariée en nullité du licenciement et dire que ce licenciement était fondé sur une cause réelle et sérieuse, la cour a jugé que s’il est postérieur à la plainte déposée par la salariée pour harcèlement moral et l’audition du gérant de l’hôtel par les services de gendarmerie, le licenciement n’est pas motivé par cette plainte elle-même, mais par le fait que la salariée, avant de se rendre à la gendarmerie n’a pas informé son employeur des faits de harcèlement qu’elle prétendait subir de la part d’une autre salariée. En statuant ainsi, alors que le salarié qui dépose plainte pour harcèlement moral n’est pas tenu d’en informer préalablement l’employeur, la cour d’appel a violé les textes susvisés.