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Erreur de l’expert dans l’évaluation de la valeur des droits sociaux
Mais le tiers de l’article 1843-4 fixe le prix selon les critères qui lui semblent opportuns sans être tenu de suivre les consignes des parties ou du juge, ce qui limite les cas d’erreur grossière. En revanche, le tiers désigné en vertu de l’article 1592 doit suivre les prescriptions des parties, qu’il peut toutefois interpréter si elles ne sont pas claires et précises. En ignorant ces consignes, ce tiers excède ses pouvoirs, ce qui peut constituer une erreur grossière. Dans le cas que nous rapportons*, la désignation du tiers était organisée contractuellement en dehors de toute référence aux textes précités. Aussi la Cour d’appel a-t-elle estimé que modifier la méthode comptable utilisée au cours des négociations, et donc choisie par les parties, était une erreur grossière. En conséquence, le rapport de l’expert ne s’imposait ni aux parties, ni au juge. Le cas d’espèce est le suivant : l’intégralité du capital social d’une société exploitant une agence de photojournalisme avait été cédée pour un euro symbolique. Le cédant avait garanti que les capitaux propres atteignaient un certain montant (environ 1 million d’euros) tandis que l’acquéreur s’était engagé à faire établir une situation comptable pour contrôler ce point. Les parties étaient convenues, en cas de désaccord, de recourir à un expert pour fixer le montant de ces capitaux, montant qui s’imposerait à elles sauf erreur grossière commise par l’expert. Comme le comptable de l’acquéreur, l’expert ainsi désigné avait évalué les capitaux propres à la moitié du montant garanti par le cédant. L’acquéreur avait alors réclamé à ce dernier le paiement de la différence. La Cour d’appel de Paris a écarté cette demande, faute de preuve de l’insuffisance des capitaux propres, après avoir écarté le rapport de l’expert qui avait commis une erreur grossière. Elle considère que si l’acte de cession ne prévoit pas que le calcul des capitaux propres et l’établissement de la situation comptable doivent se faire conformément aux méthodes comptables antérieurement suivies au sein de la société Sipa Press, le contraire n’est pas non plus prévu ; que la méthode comptable suivie par la société
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Lorsque les parties ne sont pas d’accord pour fixer le prix, ils font appel à un expert en application de l’article 1592 du Code civil, ou de l’article 1843-4 du même Code. Dans ces deux cas, l’évaluation du tiers s’impose aux parties et au juge sauf notamment s’il a commis une erreur grossière.
Sipa Press au jour de la cession est celle qui a présidé aux calculs et à l’expression des divers paramètres comptables figurant dans le protocole d’accord du 13 avril 2011 et l’acte de cession du 1er juillet 2011 ; que ce sont des capitaux propres calculés en vertu de cette méthode que la société Sud Communication s’est engagée à garantir et ce, au su de la cessionnaire qui a eu connaissance de la pratique consistant à mentionner les droits d’auteurs sur factures non encaissés en annexe aux comptes annuels et ne l’a remise en cause à aucun stade des négociations des conditions de la cession au motif, aujourd’hui invoqué, qu’elle ne donnerait pas une image comptable fidèle des charges de la société Sipa Press ; que l’emploi de cette méthode a donc résulté de la volonté commune des parties ; que son changement pour la réalisation de la situation comptable en litige devait, par suite, faire l’objet d’un accord spécifique entre cédant et cessionnaire qui fait défaut ; que l’établissement de la situation comptable dans les quatre mois de la cession et l’évaluation des capitaux propres y figurant devaient donc se faire à méthode comptable constante, principe, par ailleurs, posé par l’article L 123-17 du Code de commerce.
OptionBio | Mercredi 24 septembre 2014 | n° 513
Elle estime que la méthode de comptabilisation des droits d’auteurs sur factures non encaissées par mention en annexe utilisée par la société Sipa Press n’est contraire à aucune disposition légale ou règle comptable, n’a jamais été remise en cause par le commissaire aux comptes de l’intéressée et n’est pas condamnée par l’expert qui a relevé qu’aucun article spécifique du plan comptable général (PCG) et aucune doctrine de l’autorité des normes comptables ou de la compagnie nationale des commissaires aux comptes ne traite du provisionnement des droits d’auteurs. Elle considère que l’expert, en utilisant une autre méthode, n’avait pas respecté la volonté et les prévisions des parties, permettant à l’une d’elles de s’affranchir de celles-ci, et a commis, dans l’accomplissement de la mission qui lui avait été confiée une erreur grossière qui conduit à écarter son rapport et à rejeter les demandes de la société Sipa Press dès lors que la preuve de l’insuffisance des capitaux propres n’est pas établie. | GÉRARD GUEZ -
[email protected] * CA Paris 25 mars 2014 n° 13-04134, ch. 5-8, Selarlu Catherine Poli ès qual. c/SA Sud Communication.
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