Science & Sports (2016) 31, 355—358
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NOTE BRÈVE
Effets dose—réponse de la compression élastique sur la longueur de la foulée Dose—effect response of elastic compression on stride length M. Pirard a, J. Gellaerts a, J. Muzic b, M. Peseux b, A. Ménétrier c,∗ a
UFR sciences et montagnes, université Savoie Mont-Blanc, 73370 Bourget-du-Lac, France UPFR des sports, université de Franche-Comté, Besanc¸on, France c UE 3920 marqueurs pronostiques et facteurs de régulation des pathologies cardiaques et vasculaire, plateforme exercice performance santé, innovation, université de Franche-Comté, bâtiment Socrate, 19, rue Ambroise-Paré, 25030 Besanc¸on cedex, France b
Rec ¸u le 18 avril 2016 ; accepté le 15 juillet 2016 Disponible sur Internet le 1 novembre 2016
MOTS CLÉS Manchons de compression ; Longueur de la foulée ; Effet dose—réponse
KEYWORDS Compression sleeves; Stride length; Dose—effect response
∗
Résumé Objectif. — Vérifier que l’utilisation de manchons de compression diminue la foulée et déterminer s’il existe un effet dose—réponse. Synthèse des faits. — Treize sujets ont effectué 12 passages d’une minute sur tapis roulant : en courant à 6, 10, 14 ou 18 km/h, avec des manchons de compression appliquant 33,4 mmHg aux mollets et 20,4 mmHg aux cuisses ou 23,2 mmHg aux mollets et 10,8 mmHg aux cuisses ou sans manchon, le tout selon un ordre randomisé. La longueur de la foulée était enregistrée en continu à l’aide du système de mesure optique OptoJumpNext. Conclusion. — La foulée était significativement réduite avec la compression la plus élevée à 10 et 14 km/h (p < 0,05), mais pas avec la compression la plus faible. Il semblerait donc qu’il faille exercer un certain niveau de pression pour que la compression altère la foulée. © 2016 Elsevier Masson SAS. Tous droits r´ eserv´ es.
Summary Aim. — To verify the effects of the elastic compression on the stride length and to determine a possible dose—effect response. Synthesis. — Thirteen subjects ran 12 times (1 min each) on a treadmill: at 6, 10, 14 and 18 km/h, with compression sleeves applying a pressure level of 33.4 mmHg on calf and 20.4 mmHg on thigh or 23.2 mmHg on calf and 10.8 mmHg on thigh or without compression sleeves. The stride length was recorded with the optical measurement system OptoJump Next.
Auteur correspondant. Adresse e-mail :
[email protected] (A. Ménétrier).
http://dx.doi.org/10.1016/j.scispo.2016.07.006 0765-1597/© 2016 Elsevier Masson SAS. Tous droits r´ eserv´ es.
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M. Pirard et al. Conclusion. — The stride length was significantly reduced with the higher compression at 10 and 14 km/h (P < 0.05) but not with the lower compression. It seems that would be necessary to apply a certain level of pressure in order that the compression alters the stride length. © 2016 Elsevier Masson SAS. All rights reserved.
1. Introduction On note ces dernières années un intérêt croissant de la part des coureurs à pieds pour la compression élastique (CE). Son utilisation est justifiée pour ses nombreux prétendus effets que ce soit à l’effort ou en récupération. En période de récupération, elle est par exemple connue pour activer le retour veineux, améliorer l’oxygénation musculaire ou bien encore accélérer l’élimination des métabolites [1]. À l’effort, son utilisation repose davantage sur la diminution des oscillations musculaires, reflet des vibrations générées par les impacts au sol [1]. Il a été montré qu’en diminuant ces oscillations, la CE est associée à une moindre concentration des marqueurs liés aux dommages structuraux des sarcomères et des marqueurs de l’inflammation locale [2]. Elle pourrait ainsi réduire les microlésions induites par la répétition des chocs et jouer un rôle préventif sur l’apparition des courbatures ou bien encore des blessures [2]. Plusieurs hypothèses sont généralement avancées pour expliquer la réduction des oscillations et des blessures avec la CE [1]. Outre un meilleur maintien des muscles, la réduction de la foulée semble être une hypothèse plausible. En effet, une méta-analyse récente indique que lorsque la foulée est réduite, le taux de charge au moment de l’impact au sol est diminué [6]. En d’autres termes, la force avec laquelle le pied vient impacter le sol est atténuée et les vibrations sont réduites [6]. De plus, il a été suggéré qu’en diminuant la longueur de la foulée, le risque de blessures pourrait être réduit [6]. Les effets de la CE sur la foulée méritent donc d’être davantage étudiés. Par ailleurs, il est avéré que les effets de la CE dépendent directement de la pression appliquée, en d’autres termes qu’il existe un certain effet dose—réponse. Une pression de l’ordre de 30 mmHg au mollet réduit, par exemple, davantage les oscillations musculaires mesurées au niveau des muscles gastrocnémiens qu’une pression de 15 mmHg [5]. De la même fac ¸on, il existe une corrélation positive entre la pression appliquée par la CE et la saturation tissulaire en oxygène [3]. Enfin, à l’inverse une pression trop élevée peut altérer la circulation sanguine et devenir très inconfortable pour les coureurs à pied. L’enjeu pour les fabricants est alors d’appliquer une pression suffisamment forte pour optimiser les effets sans toutefois être désagréable. En résumé les objectifs de cette étude préliminaire étaient de vérifier que l’utilisation de la CE diminue la foulée et de déterminer s’il existe un effet dose—réponse.
2. Matériel et méthodes 2.1. Sujets Treize sujets (âge 25,8 ± 2,2 ans ; taille 177,1 ± 2,4 cm ; poids 68,7 ± 2,0 kg) ont participé à ce protocole de
recherche. Au préalable, tous ont signé un consentement éclairé avant de participer à l’étude qui s’est déroulée en accord avec les recommandations éthiques de la déclaration d’Helsinki.
2.2. Protocole Chaque sujet réalisait 12 passages d’une minute à plat sur tapis roulant. L’ordre des passages était randomisé : en courant à 6, 10, 14 ou 18 km/h, sans manchon de compression (situation contrôle—CON) ou avec des manchons de compression sur les cuisses et les mollets (ForQuad et R2, Compressport, Nyon, Suisse) appliquant des pressions différentes (2 compressions pour évaluer l’effet dose—réponse). Les sujets étaient préalablement habitués aux allures de course sur tapis roulant et n’avaient pas connaissance du but de l’étude. Il leur était demandé de courir le plus naturellement possible et à chaque fois avec le même chaussage. Les allures de courses choisies pour cette étude correspondent aux vitesses moyennes soutenues par les coureurs à pied lors d’épreuves comme le trail, le marathon, le 10 km sur toute et le 5 km sur piste. La longueur de la foulée était enregistrée en continu pendant chaque passage d’une minute à l’aide du système de mesure optique OptoJumpNext (Microgate, Bolzano, Italie). Ce système comprend 2 barres (100 cm × 3 cm × 4 cm) placées de part et d’autre du tapis roulant, contenant 32 diodes lumineuses positionnées à 0,3 cm de hauteur et à 3,1 cm d’intervalle. Les diodes de la barre émettrice communiquent en continu avec celle de la barre réceptrice. Les variables mesurées sont déterminées à partir de la rupture des faisceaux lumineux du système (lorsque le pied vient couper le faisceau).
2.3. Manchons de compression La taille des manchons a été choisie selon les circonférences de cuisses et de mollets des sujets. La pression appliquée par les manchons a été mesurée à l’aide d’un système pneumatique (Picopress, Microlabitalia, Padoue, Italie). Un ballonnet en plastique de 5 cm de diamètre, rempli d’air, est placé entre la peau et le manchon. Les fluctuations de pression au niveau du ballonnet sont ensuite transformées en signal électrique. Les valeurs obtenues sur l’écran de contrôle renseignent la pression d’interface. Les manchons de compression appliquaient en moyenne 33,4 mmHg aux mollets et 20,4 mmHg aux cuisses pour la condition de compression la plus élevée (COMP+) et 23,2 mmHg au mollet et 10,8 mmHg aux cuisses pour la condition de compression plus faible (COMP).
La compression élastique réduit la foulée
2.4. Statistiques Les statistiques descriptives sont présentées sous forme de moyenne ± déviation standard. L’ensemble des données suivait une loi normale. L’analyse statistique utilisait une Anova deux voies (vitesse x compression) à mesures répétées et le test LSD de Fisher pour les comparaisons post hoc. Le seuil de significativité a été fixé à p < 0,05. L’ensemble des analyses a été effectué grâce au logiciel SigmaStat 12 pour Windows (Systat Software Inc., San Jose, CA, États-Unis).
3. Résultats Les longueurs de foulée moyennes mesurées à 6, 10, 14 et 18 km/h en condition CON, COMP et COMP+ sont illustrées sur la Fig. 1. Aucune différence n’était observée entre les trois conditions à 6 km/h. Comparées à CON, la foulée était
357 significativement réduite avec COMP+ à 10 et 14 km/h (respectivement −2,8 ± 1,9 cm et −3,2 ± 1,2 cm ; p < 0,05), mais pas avec COMP (respectivement −2,2 ± 1,6 cm ; p = 0,12 et −1,7 ± 1,2 cm ; p = 0,33). Enfin à 18 km/h la foulée était identique entre CON et COMP (p = 0,62). Elle réduisait de 2,1 ± 1,8 cm avec COMP+ sans atteindre le seuil de significativité (p = 0,21).
4. Discussion Les objectifs de cette étude préliminaire étaient de vérifier que l’utilisation de la CE diminue la foulée et de déterminer s’il existe un effet dose—réponse. Nos résultats indiquent que la foulée est significativement réduite avec COMP+ (33,4 mmHg aux mollets et 20,4 mmHg aux cuisses) à 10 et 14 km/h mais pas avec COMP (23,2 mmHg aux mollets et 10,8 mmHg aux cuisses). Il semblerait donc qu’il faille
Figure 1 Longueurs de foulée moyennes à 6, 10, 14 et 18 km/h en condition CON, COMP et COMP+. * : significativement différent de CON (p < 0,05).
358 appliquer un certain niveau de pression pour que la CE altère la foulée. D’autres auteurs se sont auparavant intéressés aux effets de la CE sur la foulée. Récemment Lucas-Cuevas et al. (2015) n’ont pas montré de différence entre la CE (pression moyenne de l’ordre de 21 mmHg aux mollets) et la condition contrôle (un placebo) à environ 12,6 km/h [4]. Les résultats de la présente étude concordent avec ces observations puisque COMP (23,2 mmHg aux mollets et 10,8 mmHg aux cuisses) ne réduisait pas significativement la foulée comparée à CON. Ces observations suggèrent encore un peu plus que la foulée n’est altérée qu’à partir d’un certain niveau de pression. Les études portant sur la foulée indiquent pour la plupart qu’une diminution de cette dernière induit une réduction du taux de charge lors de la course [6]. Il est bon de rappeler que cette réduction est associée dans de nombreuses études à une réduction des vibrations, à une moindre étendue de la fatigue musculaire ou encore à un risque de blessure plus faible [4]. Reste cependant à savoir si la réduction observée avec la CE (environ 3 cm) dans cette étude est suffisante pour induire de tels effets. En effet, il est intéressant de noter que dans les études précédemment citées, la réduction de la foulée est en général de l’ordre de 5 à 10 % [4]. Il serait intéressant à l’avenir d’étudier davantage ce phénomène. Cela permettrait de dégager des recommandations pratiques pour les coureurs à pied désirant se lancer sur des épreuves de longue durée (trail, ultra-trail, marathon) dans de bonnes conditions.
5. Conclusion Cette étude préliminaire indique que la foulée est significativement réduite avec COMP+ à 10 et 14 km/h (33,4 mmHg aux mollets et 20,4 mmHg aux cuisses) mais pas avec COMP
M. Pirard et al. (23,2 mmHg aux mollets et 10,8 mmHg aux cuisses). Il semblerait donc qu’il faille appliquer un certain niveau de pression pour que la CE altère la foulée.
Déclaration de liens d’intérêts Les auteurs n’ont pas précisé leurs éventuels liens d’intérêts.
Remerciements Les auteurs remercient la société Compressport International qui a distribué les manchons de compression.
Références [1] Born DP, Sperlich B, Holmberg HC. Bringing light into the dark: effects of compression clothing on performance and recovery. Int J Sports Physiol Perform 2013;8(1):4—18. [2] Borràs X, Balius X, Drobnic F, Til L, Turmo A. Effects of lower body compression garment in muscle oscillation and tissular injury during intense exercise. Port J Sport Sci 2011;11(2):685—8. [3] Dermont T, Morizot L, Bouhaddi M, Menetrier A. Changes in tissue oxygen saturation in response to different calf compression sleeves. J Sports Med 2015;2015(2015):857—904. [4] Lucas-Cuevas AG, Priego-Quesada JI, Aparicio I, Gimenez JV, Llana-Belloch S, Perez-Soriano P. Effect of 3 weeks use of compression garments on stride and impact shock during a fatiguing run. Int J Sports Med 2015;36(10):826—31. [5] Lussiana T, Terrillon A, Raynaud JL, Tordi N, Mourot L, Ménétrier A. Dose-effect response of elastic compression on muscular vibrations. Sci Sports 2014;30(2):101—4. [6] Schubert AG, Kempf J, Heiderscheit BC. Influence of stride frequency and length on running mechanics: a systematic review. Sports Health 2014;6(3):210—7.