Kinesither Rev 2012;12(127):78–84
Savoirs / Contribution originale
Effets d'un programme de réhabilitation respiratoire sur l'équilibre de patients atteints de BPCO Romain Pichon Marc Beaumont Loïc Peran Catherine Le Ber-Moy
Service de réhabilitation respiratoire, centre hospitalier des Pays-de-Morlaix, Kersaint-Gilly, 29600 Morlaix, France
Reçu le 28 décembre 2011 ; reçu sous la forme révisée le 13 février 2012 ; accepté le 5 avril 2012
RÉSUMÉ Objectif. – L'objectif de cette étude est de préciser les effets de la réhabilitation respiratoire (RR) sur l'équilibre des sujets atteints de broncho-pneumopathie chronique obstructive (BPCO). Méthode. – Une étude prospective longitudinale a été conduite. L'équilibre des patients est évalué par le timed up and go test (TUG), le test de Tinetti et le test d'équilibre unipodal. Résultats. – Dix-sept sujets atteints de BPCO ont participé à cette étude. A l'issue de la RR, le score au TUG et au test de Tinetti est amélioré de façon statistiquement significative (p < 0,0001 et p = 0,03 respectivement). Une corrélation modérée entre le TUG et la distance au test de marche avant RR (r = –0,67 ; p = 0,003) ainsi qu'entre l'évolution de ces deux variables après RR (r = –0.62 ; p = 0.01) a été retrouvée. Conclusion. – La RR améliore les scores de certains tests d'équilibre, bien que l'effet clinique de ces changements reste discutable. Le TUG apparaît être un test intéressant à utiliser en RR pour évaluer l'équilibre fonctionnel des patients. Niveau de preuve. – II.
Mots clés Broncho-pneumopathie chronique obstructive Chute Équilibre Réhabilitation respiratoire
Keywords Balance Chronic obstructive pulmonary disease Fall Pulmonary rehabilitation
© 2012 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
SUMMARY Objective. – The aim of this study was to investigate effects of pulmonary rehabilitation (PR) on balance in chronic obstructive pulmonary disease (COPD) patients. Methods. – A prospective longitudinal study has been performed. Balance was evaluated by timed up and go test (TUG), Tinetti test and unipedal stance test. Results. – Seventeen patients with COPD have been included in the study. After PR, TUG and Tinetti scores were significantly improved (P < 0.0001 and P = 0.03 respectively). We found that TUG was inversely correlated with six minute walk test distance before PR (r = –0.67; P = 0.003) and that the change within TUG was also correlated with the change in six minute walk test distance before and after PR (r = –0.62; P = 0.01). Conclusion. – We observed that PR improved some balance tests scores in moderate to very severe COPD patients. However the clinical effects of these changes remain debatable. In addition, TUG appears as an interesting and useful test in PR to assess functional balance in patients. Level of evidence. – II. © 2012 Elsevier Masson SAS. All rights reserved.
INTRODUCTION La broncho-pneumopathie chronique obstructive (BPCO) peut être définie
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comme une maladie générale à point de départ respiratoire [1]. Le caractère systémique de cette maladie est de plus en plus reconnu par la communauté
Auteur correspondant. Romain Pichon, Service de réhabilitation respiratoire, centre hospitalier des Pays-deMorlaix, Kersaint-Gilly, 29600 Morlaix, France. Adresse e-mail :
[email protected]
© 2012 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. http://dx.doi.org/10.1016/j.kine.2012.04.010
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scientifique [2]. Ainsi, différents systèmes sont atteints durant l'évolution de la BPCO. De façon non exhaustive, on peut recenser les atteintes musculaires, métaboliques, des anomalies nutritionnelles, cardiovasculaires, neurologiques et ostéoporotiques. Une des conséquences principale pour le patient souffrant de BPCO est la limitation fonctionnelle. Participant à cette limitation fonctionnelle, l'intolérance à l'effort est provoquée par des mécanismes complexes, mêlant dyspnée, atteinte musculaire, diminution d'activités ou encore anxiété des patients. Récemment, plusieurs auteurs ont mis évidence que l'équilibre des sujets atteints de BPCO était altéré comparé à celui de sujets sains [2,3]. Selon Beauchamp et al. [4], il semble que tous les éléments impliqués dans l'équilibre (récepteurs, intégrateurs et effecteurs) soient moins performants chez les patients atteints de BPCO. Une méta-analyse a pu mettre en évidence que l'altération de l'équilibre était le second plus important facteur de risque de chute [5]. Chez les patients atteints de BPCO, l'incidence des chutes est plus élevée que la normale [6]. Ainsi cette incidence serait de 1,2 chutes par personnes–années. De plus, la proportion de patients atteints de BPCO ayant subi une chute est évaluée à 31,7 % [6].
La réhabilitation respiratoire (RR) est considérée comme un traitement de choix des patients atteints de BPCO [7]. Les bénéfices de la RR sont reconnus en termes d'amélioration de la tolérance à l'effort, de qualité de vie et de diminution des symptômes associés à la BPCO. Les effets d'un programme de RR sur l'équilibre des patients atteints de BPCO sont actuellement méconnus. L'objectif de cette étude est de savoir si un programme de RR a le potentiel d'améliorer l'équilibre des patients atteints de BPCO.
PATIENTS ET MÉTHODE Patients Dix-neuf patients atteints de BPCO de stade 2 à 4 selon la Global initiative for chronic obstructive lung disease (GOLD) hospitalisés pour un programme de réhabilitation respiratoire au Centre Hospitalier des Pays de Morlaix ont été inclus dans cette étude. Les critères de non-inclusion étaient les suivants : trouble connu de l'équilibre, timed up and go test (TUG) supérieur à 20 secondes, pneumonectomie, lobectomie ou segmentectomie datant de moins de six mois, patient ne souhaitant pas participer à l'étude ou absence de consentement écrit. Les critères d'exclusion de l'étude étaient les suivants : incapacité de suivre le programme de RR dans son intégralité (hospitalisation en service de
Savoirs / Contribution originale soins aigus, problème médical intercurrent). Deux patients ont été exclus de cette étude pour des exacerbations au cours du programme de RR. Les caractéristiques des patients inclus dans cette étude sont présentées dans le (Tableau I). Tous les patients sont majeurs et ont donné leur consentement écrit.
Intervention : programme de réhabilitation respiratoire (RR) Le programme de RR se déroule sur 21 jours en hospitalisation complète. Il est composé de séances de ré-entraînement à l'effort en endurance, de renforcement musculaire, de séances d'éducation thérapeutique, de séances de marche en extérieur et de séances de gymnastique. Une prise en charge nutritionnelle et psychologique peut également être proposée en fonction des besoins du patient.
Ré-entraînement à l'effort en endurance Les séances sont réalisées sur cyclo-ergomètre et tapis de marche. À l'entrée du patient, deux tests de marche de six minutes (T6) et une épreuve d'effort simplifiée (EFX) sont effectués. Les exercices sur tapis de marche sont réalisés à la fréquence cardiaque cible déterminée lors du T6. Les entrainements sur cyclo-ergomètre se déroulent à la charge correspondant au seuil de dyspnée lors de l'EFX. Les exercices sont réalisés
Tableau I. Caractéristiques des participants (n = 17). Caractéristiques Sex-ratio (F/H) Âge (ans) VEMS (% théo.) IMC MMRC DT6 (m) Index BODE Stades GOLD 2/3/4 SGRQ FQ (N)
6/11 68 8,4 40,8 13,8 26,3 5,8 2 (2–3,5) 327 100 4,7 1,9 4/7/6 51 22 238 111
Les résultats sont exprimés en moyenne écart-type ou en médiane (quartile 1–quartile3). F : femme ; H : homme ; VEMS : volume expiratoire maximal en une seconde ; % théo : pourcentage de la théorique. IMC : indice de masse corporelle ; MMRC : modified medical research council ; DT6 : distance parcourue au test de marche de six minutes ; m : mètre ; BODE : Body mass index ; Obstruction, Dyspnea, Exercise ; GOLD : Global initiative for chronic Obstructive Lung Disease ; SGRQ : Questionnaire SaintGeorge's Hospital ; FQ : force du quadriceps ; N : newton.
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R. Pichon et al.
Savoirs / Contribution originale à intensité continue sur une durée de 30 minutes. Le réentraînement en endurance consiste en une séance sur cyclo-ergomètre et une séance sur tapis de marche quotidienne, cinq jours par semaine, pour un total de 30 séances. L'évolution de l'intensité de l'exercice au cours du séjour est fonction de la dyspnée et de la fréquence cardiaque de fin d'effort.
Renforcement musculaire Il est réalisé un travail analytique des membres supérieurs et des membres inférieurs sur banc de musculation, une fois par jour. Il est demandé au patient de réaliser des séries de dix répétitions entre 50 et 70 % de la force maximale volontaire. De plus, les patients ayant une pression inspiratoire maximale (PiMax) inférieure à 60cmH2O à leur entrée, bénéficient d'un entraînement des muscles inspiratoires (EMI). L'EMI est réalisé grâce à un appareil à seuil réglable (Threshold IMT®) à 40 % de la PiMax, à raison de deux fois 15 minutes par jour.
Education thérapeutique Un entretien éducatif est réalisé par les kinésithérapeutes du service au début du séjour pour chaque patient. Le patient bénéficie de séances d'éducation thérapeutique individuelles et collectives en fonction des objectifs thérapeutiques établis à partir de l'entretien initial. Les séances d'éducation sont réalisées par les pneumologues, les infirmières et les kinésithérapeutes.
Marche en extérieur Il est réalisé deux séances de marche en extérieur chaque semaine. Les patients évoluent à vitesse de marche confortable pendant 30 minutes sur un parcours bitumé de 400 mètres. Le parcours comporte une pente de 2 à 4 %. La surveillance de chaque séance est effectuée par deux kinésithérapeutes se déplaçant sur le parcours.
Gymnastique Trois séances sont réalisées chaque semaine. Un travail musculaire global, fonctionnel (relevé du sol, travail des escaliers) et des assouplissements composent les séances.
Figure 1. Timed up and go test (TUG).
(Fig. 1). Dans cette étude la hauteur de la chaise était de 47 cm. Le patient réalise un test de familiarisation puis un second TUG, le meilleur test est retenu. Il n'est pas décrit de différence minimale cliniquement importante (DMCI) pour le TUG chez les patients atteints de BPCO. Néanmoins, Wright et al. [9] ont évalué une DMCI pour le TUG par trois méthodes différentes pour des patients souffrant de coxarthrose : la DMCI est évaluée entre 0,8 et 1,4 secondes.
Critères de jugement secondaires Test de Tinetti Ce test est un outil permettant d'évaluer l'équilibre statique et dynamique des sujets [10]. Le test de Tinetti comprend neuf items évaluant l'équilibre statique (Fig. 2) et sept items évaluant les paramètres de marche du patient. Cette version du test fournit un score sur 28 points. Un score inférieur à 26 traduit une altération de l'équilibre [10].
Critères de jugement Critère de jugement principal Timed up and go test (TUG) Le TUG est un test utilisé pour évaluer l'équilibre, la mobilité, et les risques de chute [8]. Le patient est assis sur une chaise, au signal de l'examinateur, le patient se lève, marche sur trois mètres jusqu'à une marque au sol, fait demi-tour puis retourne jusqu'à la chaise et s'assoit 80
Équilibre unipodal Ce test est un moyen simple pour objectiver l'équilibre statique des patients. Il est demandé au sujet de tenir en équilibre sur le pied de son choix le plus longtemps possible. Le patient réalise trois essais, le meilleur score est retenu. Selon Hurvitz et al. [11], un score inférieur à 30 secondes au test d'équilibre unipodal traduit un risque de chute plus important.
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Savoirs / Contribution originale du Saint-George's Hospital (SGRQ), échelle Hospital Anxiety and Depression (HAD) et bilan éducatif partagé.
Analyse statistique La distribution des différentes variables est vérifiée par le test de Kolmogorov et Smirnov. Les résultats des variables suivant une distribution normale sont exprimés en moyenne écart-type. Les résultats des variables ne suivant pas une distribution normale sont exprimées en médiane (quartile 1–quartile 3). L'évolution d'une même variable est analysée grâce au test t de Student pairé pour les variables distribuées normalement et grâce au test des rangs signés de Wilcoxon pour les variables non normalement distribuées. Les corrélations entre variables sont examinées grâce au test de corrélation de Pearson et Spearman, selon leur distribution et leur caractère négatif. Les données sont considérées comme statistiquement significatives pour un p inférieur à 0,05. L'analyse statistique a été réalisée avec le logiciel Graph Pad Prism version 4.01.
RÉSULTATS Effets de la réhabilitation respiratoire sur l'équilibre
Figure 2. Poussée sternale lors du test de Tinetti.
Confiance du patient en son équilibre Le patient est invité à évaluer sa propre confiance en son équilibre sur une échelle visuelle analogique (EVA) adaptée (0 = peur permanente de tomber, 10 = confiance absolue en son équilibre). Tests classiquement réalisés en réhabilitation respiratoire Parallèlement aux tests attestant l'équilibre, les bilans suivant sont réalisés : T6, EFX, force des quadriceps (FQ), PiMax, spirométrie, questionnaire de qualité de vie
L'évolution des tests d'équilibre avant et après le programme de RR sont présentées dans le (Tableau II). Il n'est retrouvé aucune différence significative pour l'équilibre unipodal et la confiance des patients en leur équilibre. Néanmoins, pour le TUG et le test de Tinetti, il est retrouvé une amélioration statistiquement significative (p < 0,0001 et p = 0,03 respectivement). L'amélioration pour le TUG est de 1,9 secondes en moyenne (Fig. 3). Cliniquement, cette différence est supérieure à la DMCI qui est de 1,4 secondes pour le TUG.
Relations entre tests d'équilibre et critères de jugement de réhabilitation respiratoire Avant la RR, il existe une corrélation négative entre le TUG et la distance au test de marche (DT6) (r = –0,67 ;
Tableau II. Évolutions des scores des tests d'équilibre avant et après la réhabilitation respiratoire (RR).
TUG Test de Tinetti Equilibre Unipodal Confiance équilibre
Avant RR
Après RR
Valeur p
Différence avant-après RR
IC 95 %
11,4 2,4 27 (26–28) 19,1 (6,7–30) 7,2 1,9
9,5 2,3 27 (27–28) 19,4 (7,7–30) 7,7 1,9
< 0,0001 0,03 NS NS
–1,9 1,4 0 (0–1) 0 (0–1,9) 0,5 2,8
–1,1 à –2,6 ND ND 0,1 à 0,8
Les résultats sont exprimés en moyenne écart-type ou en médiane (Q1–Q3). NS : non significatif ; IC 95 % : intervalle de confiance à 95 % ; ND : non disponible.
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R. Pichon et al.
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Figure 3. Evolution du score de chaque patient au timed up and go test (TUG) et comparaison avec la DMCI. Figure 5. Corrélation entre l'évolution au timed and go test (TUG) et l'évolution de la distance au test de marche de six minutes (DT6) avant et après programme de réhabilitation respiratoire.
Tableau III. Corrélations entre le timed up and go test (TUG) et différentes variables avant la réhabilitation respiratoire (RR).
Figure 4. Corrélation entre le score au timed up and go test (TUG) et la distance au test de marche de six minutes (DT6) avant le programme de réhabilitation respiratoire.
p = 0,003) (Fig. 4) et une corrélation positive entre le TUG et l'âge des participants (r = 0,64 ; p = 0,006). Comme indiqué dans le (Tableau III), il n'est pas retrouvé de corrélation entre les autres variables mesurées et le TUG avant le programme de RR. L'évolution du score au TUG au cours de la RR est corrélée négativement avec l'évolution de la DT6 (r = –0,62 ; p = 0,01) (Fig. 5). Les corrélations entre l'évolution au TUG et l'évolution de différentes variables au cours de la RR sont présentées dans le (Tableau IV).
DISCUSSION Évolution des tests d'équilibre : Parmi les tests d'équilibre employés dans cette étude, seuls le TUG et le test Tinetti attestent d'améliorations statistiquement significatives. Dans la première étude réalisée sur l'effet d'un programme de RR sur l'équilibre des patients atteints de BPCO, Beauchamp et al. [12] 82
Variable
r
Valeur p
DT6 Âge Index BODE FQ SGRQ
–0,67 0,64 0,47 –0,25 0,21
0,003 0,006 NS NS NS
DT6 : distance au test de marche de six minutes ; FQ : force des quadriceps ; SGRQ : questionnaire du SaintGeorge's Hospital.
rapportaient une amélioration de 1,5 secondes au TUG, ce qui est proche de nos résultats en valeur absolue. Néanmoins, le score de départ des patients inclus dans l'étude de Beauchamp était plus élevé que celui de nos patients (15,7 contre 11,4 respectivement). Ainsi, l'évolution retrouvée dans notre étude est de 15,7 % contre seulement 9,5 % dans l'étude canadienne. Si pour nos patients le changement moyen au TUG est supérieur à la plus haute DMCI évaluée par Wright et al. [9], l'effet clinique reste incertain pour plusieurs raisons. Tout d'abord, la DMCI pour le TUG a été évaluée avec des patients souffrant de coxarthrose, dont le score de départ était plus bas que dans notre étude (7,4 contre 11,4 secondes respectivement). De plus, les consignes données aux patients dans l'étude de Wright et al. étaient de marcher de façon « aussi rapide mais aussi sécurisée que possible », alors que dans notre étude, il était demandé au sujet de marcher « à vitesse confortable, comme dans la vie de tous les jours ». Enfin, l'évaluation de la DMCI a été faite selon trois approches différentes et les auteurs proposent donc trois DMCI
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Tableau IV. Corrélations entre l'évolution du timed up and go test (TUG) avant et après réhabilitation respiratoire (RR) et différentes variables. Variable
r
Valeur p
D DT6 D FQ D SGRQ
–0,62 –0,23 0,43
0,01 NS NS
D : différence avant-après programme de RR ; DT6 : distance au test de marche de six minutes ; FQ : force des quadriceps ; SGRQ : questionnaire du Saint-George's Hospital.
pour le TUG (0,8, 1,2 et 1,4 secondes). Dans notre étude, si la moyenne des améliorations est bien supérieure à la DMCI de 1,4 secondes, la limite inférieure de l'intervalle de confiance à 95 % est inférieure à cette DMCI. Cela corrobore l'idée que l'amélioration clinique au TUG demeure ici incertaine. Nous avons également noté que les patients inclus dans notre étude améliorent de façon statistiquement significative leur score au test de Tinetti. Néanmoins, le changement semble faible et il n'existe aucun outil attestant les changements intéressants cliniquement pour ce test. Concernant l'évaluation des patients souffrant de BPCO au cours d'un programme de RR, le test de Tinetti semble peu discriminatif. La confiance des participants en leur équilibre ne varie pas de manière significative. Évalué dans notre étude par une EVA adaptée, cela corrobore les données de Beauchamp et al. [12] qui évaluaient la confiance dans l'équilibre par l'échelle Activities-specific Balance Confidence (ABC).
Corrélations entre tests d'équilibre et différentes variables Il apparaît que le TUG est corrélé de façon modérée avec le T6, de même que l'évolution du score au TUG est corrélée à l'évolution de la distance au T6 après un programme de RR. Il semble donc que l'amélioration des capacités fonctionnelles des sujets se traduise également par une amélioration du score au TUG. Au vu de la valeur prédictive du risque de chute du TUG, une augmentation du périmètre de marche au T6 diminuerait le risque de chute des sujets. Ces corrélations montrent que le TUG est un test intéressant à employer dans le cadre de la RR pour objectiver les capacités fonctionnelles et l'équilibre des patients atteints de BPCO. Les patients atteints des BPCO les plus sévères sont plus faibles musculairement et seraient donc plus exposés à un risque de chute [5]. Néanmoins, il n'a pas été retrouvé de corrélation entre les tests d'équilibre et les indices de sévérité de la maladie (stades GOLD et index
BODE), contrairement à Rocco et al. [13]. De plus, nous n'avons pas mis en évidence de corrélation entre la force des quadriceps et les différents tests d'équilibre.
Équilibre et dépense énergétique des patients broncho-pneumopathie chronique obstructive (BPCO) La dépense énergétique des patients atteints de BPCO est plus élevée que celle de sujets sains au cours des activités de la vie quotidienne [14]. Cette dépense énergétique plus importante est à l'origine de la fatigue excessive et de la limitation éprouvée par les sujets atteints de BPCO dans la réalisation de ces activités [14]. Selon Houdjik et al. [15], des perturbations de l'équilibre induisent une augmentation de la dépense énergétique. Ainsi il est probable que l'altération de l'équilibre participe à l'augmentation de la dépense énergétique des patients atteints de BPCO lors des activités quotidiennes. On peut postuler qu'une amélioration de l'équilibre des patients atteints de BPCO pourrait diminuer cette dépense énergétique et diminuer la limitation fonctionnelle de ces sujets. Selon nos résultats, un programme de RR aurait une incidence positive sur l'équilibre des sujets même si l'effet clinique demeure incertain.
L'amélioration de la fonction d'équilibration des patients atteints de BPCO pourrait donc être un enjeu en RR. Ainsi, il semblerait intéressant d'investiguer l'apport d'exercices spécifiques d'équilibre à un programme de RR et sa relation avec l'évolution de la dépense énergétique des patients.
Limites de l'étude Il existe certaines limites dans cette étude. Tout d'abord, il n'a pas été réalisé au préalable de calcul du nombre de sujets nécessaires à l'étude. Le faible nombre de patients inclus (n = 17) limite donc la puissance de l'étude. Par ailleurs, l'évaluation de la confiance des patients en leur équilibre n'a pas été réalisée par une échelle validée. Cela limite la valeur de l'analyse de cette variable. Pour finir, nous n'avons pas évalué les éventuelles chutes passées des participants à cette étude.
CONCLUSION Si les scores des patients au TUG et lors du test de Tinetti sont améliorés au décours d'un programme de RR, il n'existe pas encore de certitude quant à l'effet clinique d'un programme de RR sur l'équilibre des 83
Savoirs / Contribution originale patients atteints de BPCO. De plus, au vu des corrélations observées, le TUG semble être un test intéressant pour l'évaluation fonctionnelle de l'équilibre des sujets souffrant de BPCO, y compris au cours de la RR. Déclaration d'intérêts Les auteurs déclarent ne pas avoir de conflits d'intérêts en relation avec cet article.
Points à retenir Un programme de RR améliore statistiquement les scores de certains tests d'équilibre. L'effet clinique de ces changements demeure incertain. Le TUG est un test intéressant à employer pour l'évaluation de l'équilibre fonctionnel des patients atteints de BPCO y compris dans le cadre de la réhabilitation respiratoire.
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R. Pichon et al.
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