Effets électroencéphalographiques du sévoflurane à l’induction chez le jeune enfant : étude prospective sur 20 cas

Effets électroencéphalographiques du sévoflurane à l’induction chez le jeune enfant : étude prospective sur 20 cas

Article original Ann Fr Anesth Réanim 2001 ; 20 : 438-45 © 2001 Éditions scientifiques et médicales Elsevier SAS. Tous droits réservés S0750765801003...

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Article original

Ann Fr Anesth Réanim 2001 ; 20 : 438-45 © 2001 Éditions scientifiques et médicales Elsevier SAS. Tous droits réservés S0750765801003938/FLA

Effets électroencéphalographiques du sévoflurane à l’induction chez le jeune enfant : étude prospective sur 20 cas F. Conreux1*, O. Best2, M.P. Preckel1, C. Lhopitault1, L. Beydon1, F. Pouplard3, J.C. Granry1 1

Département d’anesthésie-réanimation, CHU Angers, 49033 Angers cedex, France ; 2département de chirurgie pédiatrique, CHU Angers, 49033 Angers cedex, France ; 3service de neurologie pédiatrique, CHU Angers, 49033 Angers cedex, France

RE´SUME´ Objectif : Étudier chez l’enfant, les effets d’une induction au sévoflurane à forte concentration inspirée sur l’électrogenèse corticale. Patients : Vingt enfants ont été inclus dans l’étude (ASA I–II ; âge : 13–101 mois). Matériel et méthode : Étude prospective ; accord du CCPPRB ; recueil du consentement écrit parental ; induction anesthésique avec du sévoflurane à 8 % dans 100 % d’oxygène (pas de prémédication) jusqu’à l’intubation trachéale ; électrodes EEG non invasives et enregistrement continu de l’activité électrique corticale ; analyse descriptive des tracés EEG par un électro-encéphalographiste. Résultats : Deux enfants, sans antécédent, ont présenté des mouvements anormaux de type myoclonique au cours de l’induction, cédant spontanément ; l’analyse de ces tracés EEG a objectivé des anomalies paroxystiques à type de pointes-ondes ou de poly-pointes-ondes. Dans les 18 autres cas, les tracés EEG ont révélé, outre des modifications standard (apparition rapide d’ondes lentes, aiguës de grandes amplitudes correspondant à des ondes delta) des tracés exempts de paroxysmes (n = 18) ou des tracés isoélectriques (n = 4). Conclusion : À une concentration télé-expiratoire de 2 CAM, le sévoflurane peut entraîner des tracés isoélectriques et des paroxysmes électriques associés à des myoclonies cliniques. Chez le patient à risque (épilepsie, souffrance cérébrale) ou ayant des antécédents de mouvements anormaux lors d’inhalation de sévoflurane, il semble préférable de ne pas délivrer de sévoflurane à fortes concentrations, ces manifestations pouvant être la traduction d’un phénomène épileptique cortical ou sous-cortical.

Reçu le 11 octobre 2000 ; accepté le 18 février 2001. *Correspondance et tirés à part.

D’autres études chez l’enfant sain et épileptique paraissent indispensables. © 2001 Éditions scientifiques et médicales Elsevier SAS anesthésie / EEG myoclonie / enfant / sévoflurane

ABSTRACT Electroencephalographic effects of sevoflurane in paediatric anaesthesia: a prospective study of 20 cases. Objective: To study electroencephalographic (EEG) changes in children during induction of anaesthesia with 8% sevoflurane. Patients: Twenty patients were consecutively included (ASA I–II ; aged : 13–101 months). Material and method: Prospective study ; approved by the Ethics Committee ; written informed consent obtained from parents ; anaesthesia induced with 8% sevoflurane in oxygen ; no premedication was given ; to collect the EEG data, non-invasive electodes were installed before induction ; EEG was recorded continuously and stored on a computer for later analyses (descriptive analysis). Results: Myoclonics movements were observed during induction of anaesthesia in two boys. Myoclonics movements stopped spontaneously without therapy. Epileptiform EEG activity (spikes and poly-spikes, burst suppression) was observed. In the 18 others cases, during sevoflurane induction, EEG changed rapidly with an increase in the range of beta activity (> 13 Hz) (n=15) and in slow (< 8 Hz) and delta activity (< 4 Hz). In 14 patients, at time of laryngoscopy, the EEGs showed monophasic slow data activity (sharp high-voltage slow waves). Periods of EEG isoelectrical (burst suppression) were seen without spikes in four cases. Conclusion: At 2 MAC, epileptiform EEG activity has been observed during sevoflurane anaesthesia. In a short group of patients, this raises the question of avoiding sevoflurane

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in patients who have a history of epilepsy. © 2001 Éditions scientifiques et médicales Elsevier SAS anaesthesia / child / electroencephalogram / infant / myoclonic movement / sevoflurane

Le sévoflurane est désormais très largement utilisé pour l’induction anesthésique par inhalation chez l’enfant [1, 2]. Son caractère non irritant et son odeur agréable conduisent à une bonne acceptation du masque facial. Ses propriétés physico-chimiques et notamment sa faible solubilité sanguine permettent une induction rapide, associée à un réveil précoce [3]. Sa tolérance respiratoire mais surtout hémodynamique [4-6] lui confèrent un très net avantage sur l’halothane [7]. Le produit a la réputation d’avoir des effets sur le système nerveux central et le système cardiovasculaire très proches de ceux de l’isoflurane [1, 2]. Paradoxalement, il n’y a, à notre connaissance qu’une étude pédiatrique portant sur le retentissement EEG lors de l’induction par de fortes concentrations inspirées de sevoflurane [8]. Pourtant, des mouvements anormaux pseudo-convulsifs, non confirmés par enregistrement de l’EEG, ont été rapportés lors de l’utilisation du sévoflurane [9-13] Une hyperactivité EEG de type épileptoïde a été enregistrée lors d’anesthésie d’enfants épileptiques [14] ou non épileptiques [15-17]. L’objectif de notre travail était d’étudier chez l’enfant les effets sur l’électrogenèse corticale d’une induction au sévoflurane à forte concentration inspirée. MATÉRIEL ET MÉTHODES Après accord du CCPPRB (Pays de la Loire, no 1 Angers) et recueil du consentement parental, 20 enfants de moins de 9 ans (M/F ; ASA type I ou II) ont été inclus consécutivement dans l’étude. Ces enfants ont bénéficié d’une intervention chirurgicale non urgente (intervention programmée et autorisant une induction inhalatoire) essentiellement de nature uro-digestive. Parmi ces enfants, trois présentaient des antécédents comitiaux : un enfant avait développé un épisode de convulsion hyperthermique 12 mois avant l’inclusion dans notre étude, un autre une crise tonico-clonique généralisée un mois auparavant, leur examen neurologique et un EEG étaient normaux.

Figure 1. Électrodes EEG non invasives (Electro-cap™).

Le troisième enfant avait une encéphalopathie épileptique d’origine malformative. Seul ce dernier prenait un traitement anti-épileptique au long cours, la dernière crise convulsive datait de 48 heures. Les électrodes EEG étaient intégrées dans un bonnet spécialement adapté à ce type d’enregistrement (modèle Electrocapt, Laboratoire Delta-MED). Ce bonnet était mis en place alors que l’enfant se trouvait en salle de pré-induction (figure 1). Dans le cadre de notre étude, le montage utilisé comportait huit dérivations bipolaires. La qualité du signal recueilli était testée en mesurant l’impédance qui devait être inférieure à 5 kOhms. L’enregistrement de référence était réalisé par un système d’acquisition informatisé (Biopac systemt) dans la salle de pré-induction, pendant 30 minutes, alors que l’enfant était laissé dans le calme. Cet enregistrement, réalisé à la fréquence d’échantillonnage de 128 Hz, était poursuivi de manière ininterrompue pendant l’intervention, jusqu’au passage de l’enfant en salle de surveillance post-interventionnelle. Seule la période d’induction a été étudiée. L’enfant était admis au bloc opératoire sans prémédication. Les moyens de surveillance étaient installés avant l’induction anesthésique et comportaient : la mesure non invasive de la pression artérielle à intervalle régu-

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lier de 3 minutes et l’enregistrement continu de la fréquence cardiaque (FC) et de la saturation de l’hémoglobine en oxygène (SpO2) par oxymètre de pouls. La pression artérielle partielle en CO2 était estimée de façon non invasive par enregistrement de la concentration télé-expiratoire en gaz carbonique (FETCO2) par capnomètre (Bruel et Kjaër 1304), calibré au préalable. Cet appareil permettait également la mesure des concentrations fractionnelles inspirées et expirées d’oxygène et de sévoflurane. L’induction anesthésique se faisait, après préremplissage du circuit d’induction, au masque facial avec du sévoflurane à 8 % dans 100 % d’oxygène (évaporateur : Penlon vaporisateur, Sigma Elite, Abingdon, Royaume-Uni). Après canulation d’une veine périphérique, l’intubation orotrachéale était réalisée sans l’aide d’un curare ni autre hypnotique ou morphinomimétique, quand la profondeur de l’anesthésie était jugée cliniquement suffisante : relâchement musculaire complet, perte du réflexe cornéen, pupilles centrées en myosis. La période anesthésique étudiée prenait fin avec l’intubation trachéale. Les paramètres hémodynamiques (FC, PA) et respiratoires (FR, SpO2) mesurés avant l’induction constituaient les valeurs de base. À chaque temps de l’étude (T0 : avant induction ; T1 : début d’inhalation du sévoflurane ; T2 : canulation veineuse ; T3 : laryngoscopie et intubation) et lors de tout événement clinique (T* : mouvement spontané), ces paramètres étaient relevés. Un électro-encéphalographiste expérimenté procédait, pour chaque patient, à une analyse descriptive des tracés EEG (8 dérivations). L’analyse statistique a été réalisée de la façon suivante : l’existence d’une distribution normale a été évaluée par un test de Kolmogorov-Smirnov. Une analyse de variance à deux facteurs avec comparaison multiple paramétrique ou non paramétrique a été réalisée selon le type de distribution observée. Les résultats sont exprimés sous forme de moyenne et ± écart type ou de médiane avec un interquartile range (25 %–75 %) selon que la distribution est normale ou non. RÉSULTATS Vingt enfants âgés de 36 mois (M/F : 16/4 ; âge extrême : 13–101 mois) ont été inclus. Ces données démographiques sont représentatives des enfants

anesthésiés dans notre service. La laryngoscopie a été facile, sans toux, laryngospasme, bronchospasme ni vomissement. Au moment de l’intubation trachéale, la concentration télé-expiratoire de sévoflurane était en moyenne de 5,20 ± 0,50 % soit de l’ordre de 2,0 ± 0,2 CAM. Aucune complication hémodynamique (trouble du rythme, bradycardie) n’est survenue malgré l’inhalation de fortes concentrations de sévoflurane. Aucune variation tensionnelle significative n’a été mise en évidence durant l’induction. Deux enfants, exempt de tout antécédent, ont présenté des mouvements anormaux, stéréotypes, de type myoclonique, en dehors de toute stimulation, au cours de l’induction et avant que l’intubation orotrachéale ne soit réalisée. Chez le premier enfant (36 mois, 14 kg, sans antécédent), ces mouvements anormaux sont apparus deux minutes après le début de l’administration du sévoflurane, alors que la concentration téléexpiratoire de sévoflurane était de 5,6 %. La FETCO2 était alors de 25 mmHg, la fréquence cardiaque de 136 b·min–1 et la pression artérielle systolodiastolique de 78/38 mmHg. Ces mouvements correspondaient à une ascension bilatérale et symétrique des deux épaules et ont duré 1,5 minute. Ils ne se sont pas reproduits par la suite. Chez le second enfant (48 mois, 19 kg, sans antécédent), les mêmes mouvements n’intéressaient que l’épaule droite. Ils étaient survenus tout aussi soudainement, 1,5 minute après l’ouverture de l’évaporateur, tandis que la concentration télé-expiratoire de sévoflurane était de 5,4 % et celle du CO2 de 32 mmHg. La fréquence cardiaque était de 96 b·min–1 et la pression artérielle systolo-diastolique de 104/49 mmHg. Ces mouvements ont cessé spontanément 30 secondes plus tard et ne sont pas réapparus. Dans les deux cas, aucune variation hémodynamique n’a pu être mise en évidence au cours de l’induction anesthésique. Les paramètres ventilatoires recueillis chez ces patients sont présentés dans le tableau I. L’analyse descriptive des tracés EEG des 18 enfants n’ayant présenté aucun mouvement anormal (ce groupe incluait les trois enfants ayant des antécédents comitiaux), révélait après l’ouverture du vaporisateur, l’apparition de façon rapide (en 20 à 60 s) d’ondes lentes, bilatérales et symétriques, d’amplitudes croissantes (150 à 400 µV). Ces ondes

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Tableau I. Mouvements anormaux et paramètres ventilatoires.

Patient 1

Patient 2

T1 T* T3 T1 T* T3

FR

FESevo

FISevo

FECO2

FICO2

FEO2

FIO2

27 44 30 24 29 25

5,5 5,6 5,6 5,5 5,4 6,2

7 6,8 6,1 7 7,4 7

31,5 25 33 36 32 29,5

00 01 01 00 00 00

85 88 89 89 89 91

91 92 93 92 92 93

CAM corrigée 2,15 2,15 2,16 2,48

T1: Ouverture de l’évaporateur de sévoflurane ; T*: Mouvements myocloniques constatés ; T3: Temps t d’intubation orotrachéale ; FR: Fréquence respiratoire (c·min–1) ; FE/FI Sevo: Concentration télé expiratoire/inspiratoire de sévoflurane (vol.%) ; FE/FI CO2: Concentration télé-expiratoire/inspiratoire de CO2 (mmHg) ; FE/FI O2: Concentration télé expiratoire/inspiratoire d’O2 (%)

étaient précédées d’une courte période faite d’un rythme rapide dans 15 cas. Au temps d’intubation trachéale, le tracé électrique était stable et caractéristique « de la profondeur de l’anesthésie » : il se composait dans 14 cas d’onde delta de 150 à 500 µV (figure 2) et d’un tracé iso-électrique sans paroxysme (figure 3) dans quatre cas. L’analyse descriptive des tracés EEG des patients ayant présenté des mouvements anormaux au cours de l’induction révélait des anomalies électriques paroxystiques à type de pointes-ondes ou de polypointes ondes. Le tracé du patient ayant manifesté des myoclonies bilatérales est présenté sur la figure 4. Chez ce patient, le tracé de référence était symétrique et qualifié de normal (figure 4A). Les ondes lentes d’amplitude croissantes (jusqu’à 500 µV)

apparaissaient dès la 30e seconde d’inhalation de sévoflurane. À la seconde minute, des pointes-ondes typiques et contemporaines des mouvements constatés étaient mises en évidence (figure 4B). Immédiatement avant l’intubation orotrachéale, de nouvelles périodes de pointes-ondes et de polypointes-ondes bilatérales étaient constatées, suivies de quelques aplatissements de tracé (durée maximale 18 secondes). Au moment de la laryngoscopie, le tracé était plat avec quelques bouffées de pointes isolées (burst suppression) (figure 4C). La reprise d’une activité électrique sous forme d’ondes Delta était acquise après l’intubation. Le tracé de l’enfant ayant présenté une myoclonie d’épaule unilatérale est présenté figure 5. Le tracé de référence de cet enfant était de structuration symé-

Figure 2. Modification EEG typique au cours de l’induction : apparition rapide d’ondes δ (0–4 Hz).

Figure 3. Tracé isoélectrique au cours de l’induction (2 CAM).

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Figure 4. Myoclonies bilatérales et anomalies paroxystiques électriques. A : Le tracé EEG de référence est symétrique et qualifié de normal ; B : A la seconde minute d’inhalation, des pointes-ondes typiques et contemporaines des mouvements constatés sont survenues ; C : Immédiatement avant l’intubation orotrachéale, de nouvelles périodes de pointes-ondes et de polypointes-ondes bilatérales étaient constatées, suivies d’un tracé plat avec quelques bouffées de pointes isolées (burst suppression).

trique (figure 5A). Les ondes lentes typiques apparaissaient 40 secondes après l’ouverture de l’évaporateur de sévoflurane et étaient d’amplitude croissante. De façon brutale, apparaissait une activité paroxystique à type de pointes-ondes (figure 5B) suivie d’un aplatissement du tracé contemporain du mouvement observé (figure 5C). DISCUSSION Deux enfants, exempt d’antécédent comitial, ont présenté des mouvements anormaux de type myoclonique au cours de l’induction anesthésique, cédant spontanément ; l’analyse de ces tracés EEG a objectivé des anomalies paroxystiques à type de pointesondes ou de poly-pointes-ondes. Mouvements anormaux, électroencéphalographie et sévoflurane L’analyse de la littérature permet de recenser des cas de mouvements pseudo-convulsifs, non confirmés par enregistrement EEG, lors de l’inhalation de sévoflurane [9-13] tandis qu’une hyperactivité EEG de type épileptoïde lors d’anesthésie de patients épilep-

tiques [14] ou non [15-18]. La première observation de mouvements tonico-cloniques généralisés de type convulsif au cours d’une induction anesthésique inhalatoire au sévoflurane a été rapportée en 1992 [9]. Plusieurs autres cas, chez l’adulte [10] ou l’enfant [11-13], ont par la suite été signalés. Komatsu et al. [14] ont été les premiers à fournir la preuve électro-encéphalographique d’une activité électrique paroxystique généralisée au cours de deux anesthésies inhalatoires chez des enfants épileptiques. Dans les deux observations rapportées, aucune manifestation clinique n’a accompagné les paroxysmes électriques enregistrés au cours de l’induction de l’anesthésie. En 1997, Woodforth et al. [15] ont enregistré chez une patiente sans antécédent, des pointes-ondes puis une décharge électrique généralisée (bouffées de poly-pointes ondes sur 30 s). Ce paroxysme était suivi d’un tracé iso-électrique, entrecoupé de pointes occasionnelles pendant 45 minutes tandis qu’aucune indication clinique ou paraclinique ne laissait présager le déroulement d’une telle crise. Enfin, plusieurs activités électriques épileptoïdes et tracés iso-électriques ont été enregistrées chez des patients curarisés, pour des concentrations de sévoflurane administrées supérieures à 5 % [16].

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Figure 5. Myoclonies unilatérales et anomalies paroxystiques électriques. A : Le tracé de référence était de structuration symétrique ; B : De façon brutale, apparaît une activité paroxystique à type de pointes-ondes ; C : Aplatissement du tracé contemporain du mouvement observé.

Dans la plupart des cas rapportés, les auteurs n’ont observé ni hypocapnie, ni hypoxémie, ni hypothermie, ni trouble hémodynamique ou métabolique susceptibles d’induire une crise comitiale. Études électro-encéphalographiques cliniques Chez des volontaires sains non prémédiqués [19, 20] aucune anomalie EEG significative n’a pu être mise en évidence : l’introduction du sévoflurane puis l’augmentation des concentrations inspirées se traduisent par un rythme dominant fait d’ondes lentes aiguës : ondes δ (0–4 Hz). À notre connaissance, la première étude pédiatrique [8] traitant des modifications EEG lors d’une anesthésie au sévoflurane (7 % d’emblée ou à doses croissantes) concluait à l’absence d’activité épileptiforme ; toutefois, les enfants avaient bénéficié d’une prémédication par midazolam. Le tracé EEG typique d’une anesthésie au sévoflurane y est confirmé : tracé constitué d’ondes lentes aiguës de grande amplitude (onde delta δ : 0–4 Hz). Récemment, Yli-Ankala et al. [18] ont mis en évidence chez des adultes, lors d’induction inhalatoire au masque facial (sévoflurane et protoxyde d’azote), des activités électriques paroxystiques à type de poin-

tes, pointes-ondes et poly-pointes ondes et des tracés iso-électriques. Quatre patients ont présenté des mouvements anormaux au cours de l’induction. Ces auteurs ont pu conclure que ces événements électroencéphalographiques étaient associés à une accélération inattendue de la fréquence cardiaque ou de la pression artérielle systémique (suggérant des crises électriques sous-corticales) et survenaient essentiellement chez des patients hyperventilés. À la différence de nos observations, les enregistrements EEG des enfants ayant présentés des mouvements anormaux révèlent une activité épileptoïde à type de pointes et de poly-pointes ondes qui n’apparaissaient qu’après la survenue des mouvements. Les mécanismes pour expliciter la mise en évidence d’activité EEG paroxystique sous sévoflurane ne sont pas clairs. Dans les deux cas observés, il existe une corrélation électrico-clinique (myoclonies-anomalies paroxystiques électriques). Ces manifestations sont survenues alors que la concentration de sévoflurane était à l’acmé (2 CAM). Elles ont disparu dès que la concentration inhalée de sévoflurane était réduite à 1 CAM. Ces anomalies, qualifiables « d’anomalies épileptoïdes » ont, à chaque fois, été associées à un aplatissement de tracé bref ou à une burst suppression comme l’a rapporté Woodforth et al. [15]. Pour

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autant, elles n’ont pas été suivies de décharges soutenues comme on peut en enregistrer lors d’une crise comitiale tonico-clonique. Dans les deux cas, il n’a été observé ni hypoxémie, ni hypothermie, ni variation hémodynamique ou métabolique susceptible d’induire une crise comitiale. Seule une possible alcalose ventilatoire peut être incriminée pour un de nos patients. Cependant, n’ayant pas mesuré de façon invasive la pression partielle artérielle en CO2, nous ne pouvons pas juger de l’équilibre acido-basique de nos patients. Notre étude comprend un biais concernant le recueil des concentrations télé-expiratoires de sévoflurane et de CO2 (FESevo et FECO2) avant l’intubation : des valeurs exactes auraient nécessité une parfaite étanchéité du masque sur le visage et l’absence de contamination du gaz expiré par le gaz frais, ce qui a pu ne pas toujours être le cas. Les constatations de mouvements anormaux se sont produites avant toute injection de morphinomimétique. Il ne peut donc pas s’agir de myoclonies non épileptiques liées à un blocage des récepteurs opioïdes situés sur les voies corticales inhibitrices [21]. Le protocole anesthésique excluait d’emblée le protoxyde d’azote du fait des études contradictoires menées chez l’animal et de la polémique qui existe quant à la capacité du protoxyde d’azote à entraîner une activité cérébrale de type épileptique [22] ou au contraire à diminuer l’hyperactivité EEG induite par l’enflurane [23, 24]. De même, aucune prémédication n’était administrée afin de ne pas interférer avec l’étude des effets EEG du sévoflurane. Il est habituel de prémédiquer les enfants de cet âge avec du midazolam. En pratique quotidienne, cette prémédication a peut être des effets protecteurs qui peuvent atténuer les effets mis en évidence dans notre travail. La rapidité de l’induction avait été invoquée devant la constatation d’événements paroxystiques électriques lors d’induction au propofol [25]. Une hypothèse retenue était un déséquilibre brutal des systèmes excitateurs et inhibiteurs au niveau central. Toutefois, les inductions avec le desflurane, agent inducteur tout aussi rapide et dénué d’effet convulsivant, ne sont pas en faveur d’une telle hypothèse [26]. Enfin, il faut garder à l’esprit, d’une part qu’un agent inducteur peut ne pas induire de crise d’épilepsie chez un patient sain et décompenser un patient épileptique et, d’autre part, qu’une crise comitiale

sous-corticale peut ne pas être enregistrée par des électrodes de surface [27]. Il faut par ailleurs faire une distinction entre l’enregistrement des silences électriques et les anomalies électriques enregistrées de manière concomitante aux mouvements anormaux constatés. En effet, l’enregistrement d’un tracé isoélectrique sous sévoflurane est fréquemment obtenu lors des études animales, à des concentrations alvéolaires minimales variables : 1 CAM chez le lapin [28], 2,15 CAM chez le chien [29]. Ces études animales ont en effet mis en évidence une diminution de la consommation cérébrale d’oxygène de 50 % chez le porc, 30 % chez le chien et 50 % chez le lapin [29] de façon concomitante. Cette diminution de la consommation cérébrale d’oxygène n’est en cette circonstance aucunement pathologique, mais semble correspondre à l’effet cérébral EEG maximal (suppression de l’activité de l’activité fonctionnelle cellulaire mais pas de l’activité structurelle). On peut penser que si les études réalisées sur le sévoflurane ne révèlent que peu de tracés EEG de silences électriques [1, 16, 18], c’est parce ce qu’elles ont été réalisées à des concentrations inhalées de sévoflurane insuffisantes pour générer de telles observations. La poursuite des investigations, alors que l’induction inhalatoire à forte concentration de sévoflurane est recommandée, devrait permettre de déterminer à partir de quelles concentrations alvéolaires minimales ces silences électriques surviennent chez l’adulte et chez l’enfant. Chez le chat de laboratoire, Osawa et al. [30] concluaient que le sévoflurane à forte concentration, s’il réduisait l’activité électrique corticale de fond (apparition d’ondes lentes, suppression et tracé isoélectrique), favorisait sa capacité à répondre à des stimulations périphériques. En cela, ils rapprochaient le sévoflurane de l’enflurane et considéraient que le sévoflurane pouvait donc avoir des propriétés proconvulsivantes. L’enflurane était effectivement capable, entre les périodes de suppression, d’entraîner une activité épileptiforme (décharge de grandes pointes). Entre 2 et 3 CAM, des convulsions électriques franches, de type grand mal, pouvaient survenir. Des mouvements anormaux (simples secousses de groupes musculaires isolés ou crises tonico-cloniques généralisées) ont ainsi été souvent observés et rapportés lors d’anesthésie inhalatoire avec l’enflurane [23, 24] et on dispose de nombreux enregistrements EEG [27, 31].

Effets électroencéphalographiques du sévoflurane

CONCLUSION Le sévoflurane, à une concentration alvéolaire de 2 CAM, apparaît capable de générer des tracés isoélectriques comme les autres gaz halogénés [22, 26, 31, 32]. Toutefois, à cette même concentration, il apparaît susceptible de produire un tracé EEG paroxystique fait de pointe-ondes et de poly-pointes ondes, souvent accompagné de myoclonies, comme l’a été l’enflurane par le passé [23, 24, 27, 31]. Si les résultats de notre étude se confirment, le sévoflurane ne devrait pas être utilisé à fortes concentrations chez les enfants épileptiques, atteints d’une souffrance cérébrale ou ayant eu des mouvements anormaux lors de précédentes anesthésies au sévoflurane. D’autres études chez l’enfant sain et épileptique apparaissent nécessaires. RE´ FE´ RENCES 1 Murat I, Dubois MC, Piat V. Le sévoflurane. Ann Fr Anesth Réanim 1995 ; 14 : 489-501. 2 Lerman J. Sevoflurane in pediatric anesthesia. Anesth Analg 1995 ; 81 : S4-S10. 3 Lerman J, Sikich N, Kleinman S, Yentis S. The pharmacology of sevoflurane in infants and children. Anesthesiology 1994 ; 80 : 814-24. 4 Piat V, Dubois MC, Johannet S, Murat I. Induction and recovery characteristics and hemodynamic responses to sevoflurane and halothane in children. Anesth Analg 1994 ; 79 : 840-4. 5 Wodey E, Copin C, Pladys P, Joly A, Écoffey C. Effets hémodynamiques comparatifs du sévoflurane et de l’halothane à la concentration télé-expiratoire d’intubation chez le nourrisson. Ann Fr Anesth Réanim 1998 ; 17 : 108-13. 6 Holzman RS, Vandervelde ME, Kaus SJ, Soriano SG, Body SC, Sullivan RN. Sevoflurane depresses myocardial performance less than halothane during induction of anaesthésia anaesthesia in pediatric patients. Anesthesiology 1996 ; 85 : 1260-8. 7 Epstein RH, Mendell HG, Garnieri KM, Staudt SR, Lessin JB, Maar AT. Sevoflurane versus halothane for general anesthesia in pediatric patients. A comparative study of vital signs, induction and emergence. J Clin Anesth 1995 ; 7 : 237-44. 8 Constant C, Dubois MC, Piat V, Moutard ML, Mc Cue M, Murat I. Changes in electroencephalogram and automatic cardiovascular activity during induction of anesthesia with sevoflurane compared with halothane in children. Anesthesiology 1999 ; 91 : 1604-15. 9 Adachi M, Ikemoto Y, Kubo K, Takuma C. Seizure-like movements during induction of anaesthesia with sevoflurane. Br J Anaesth 1992 ; 68 : 214-5. 10 Terasako K, Ishii S. Postoperative seizure like activity following sevoflurane anaesthesia. Acta Anaesthesiol Scand 1996 ; 40 : 953-4. 11 Zacharias M. Convulsive movements with sevoflurane in children [letter]. Anaesth Intensive Care 1997 ; 25 : 727. 12 Bösenberg AT. Convulsions and sevoflurane [letter]. Paediat Anaesth 1997 ; 7 : 477-8.

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