Efficacité d’un entraînement à l’imitation sur le développement de la communication chez le jeune enfant avec trouble du spectre autistique

Efficacité d’un entraînement à l’imitation sur le développement de la communication chez le jeune enfant avec trouble du spectre autistique

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ARTICLE IN PRESS

ENCEP-845; No. of Pages 3

L’Encéphale xxx (2016) xxx–xxx

Disponible en ligne sur

ScienceDirect www.sciencedirect.com

Lettre à la rédaction Efficacité d’un entraînement à l’imitation sur le développement de la communication chez le jeune enfant avec trouble du spectre autistique Effectiveness of training imitation on communication development in young children with Autism Spectrum Disorder 1. Introduction L’imitation a fait l’objet de plusieurs recherches en psychologie et en psychopathologie du développement. Uzgiris [1] souligne que plus les enfants se développent, plus leurs intentions à imiter évoluent. Cette évolution se fait en harmonie avec deux fonctions : une fonction « d’apprentissage », qui permet aux jeunes enfants d’apprendre de nouvelles compétences en suivant un modèle ; et une fonction de « communication », qui conduit les enfants à interagir et à créer des échanges réciproques entre eux. On sait aujourd’hui que cette modalité de communication et d’apprentissage peut se présenter de fac¸on altérée ou déficitaire chez les personnes ayant un développement atypique, et plus particulièrement chez les enfants avec trouble du spectre autistique (TSA). La question de l’existence ou non d’un déficit imitatif chez les personnes avec TSA a été posée dès les premières études sur l’autisme. De Meyer et al. [2] ont soulevé pour la première fois l’existence d’un déficit de l’imitation chez ces personnes. Ils suggèrent que l’imitation représente un déficit central qui caractérise le syndrome autistique [3]. Contrairement à ce que ces chercheurs postulent, Nadel [4] confirme l’existence de l’imitation chez les enfants avec TSA, avec l’argument que certains d’entre eux arrivent à produire quelques formes d’imitation comme l’imitation vocale, appelée « écholalie ». De même, l’auteur a mis en évidence, à l’aide d’une épreuve d’imitation de gestes non significatifs, que des enfants avec autisme sont de bons imitateurs, seulement ils sont sélectifs dans ce qu’ils imitent. Pry [5] indique que « les résultats des études qui ont abordé la question de l’imitation et le développement de la communication montrent que, lorsqu’on prend la précaution de vérifier que ces enfants disposent des gestes pour imiter, quand on prend la précaution de vérifier que l’imitation fait sens pour eux, les enfants autistes “non verbaux” sont parfaitement capables de reproduire un mouvement, de fac¸on immédiate ou en différé, et qu’ils sont aussi très sensibles au fait que quelqu’un d’autre puisse les imiter ». Il écrit également qu’« il est grand temps que les programmes d’entraînement abordent cette question ».

2. Problématique et objectif de la recherche Notre travail vise à étudier le rôle de l’imitation dans le déclenchement ou l’amélioration de la communication non verbale chez les enfants avec TSA.

Cette recherche vise donc à répondre aux questions suivantes : • Est-ce qu’un entraînement à l’imitation peut avoir un effet positif sur le développement des performances imitatives chez un groupe d’enfants avec TSA ? • Une amélioration des conduites imitatives peut-elle induire une progression sur le plan de la communication non verbale, c’està-dire l’initiation et l’usage fonctionnel des modalités de la communication verbale (attention conjointe, tours de rôles, partage de thèmes et d’intérêts et utilisation du pointer et des gestes communicatifs et sociaux) ? Nous faisons l’hypothèse qu’un entraînement à l’imitation pourrait avoir un effet positif sur le développement de l’imitation et de la communication non verbale chez les enfants avec TSA. Cette hypothèse a déjà été testée et confirmée dans une étude pilote réalisée par Nadel [4]. L’objectif de cette étude était de conduire progressivement un groupe de 8 enfants avec autisme, âgés de 30 mois 7 ans, à alterner leurs rôles d’imitateur et de modèle, afin de les aider à maîtriser efficacement un moyen de communication non verbale. Les résultats ont révélé, d’une part, une augmentation significative du niveau de l’imitation et des comportements sociaux positifs confirmée par les appréciations des parents, et d’autre part, une baisse du degré de sévérité du trouble du spectre autistique. 3. Méthode 3.1. Participants Le groupe d’intervention se compose de 21 enfants avec TSA (15 garc¸ons et 6 filles). Le diagnostic d’autisme a été établi sur la base de trois critères de la Classification internationale de la maladie (CIM-10), du Diagnostic and Statistical Manual of mental Disorders (DSM-IV), de l’Autism Diagnostic Interview (ADI-R) et de l’Autism Observation Schedule (ADOS). L’âge chronologique des enfants varie de 4 à 10 ans. Ainsi, l’âge développemental varie de 17 à 70 mois. La recherche s’est déroulée dans un centre psychopédagogique pour enfants atteints d’autisme. Il s’agit d’une structure qui accueille des enfants de 4 à 10 ans. Ces derniers bénéficient d’une prise en charge quotidienne à raison de quatre heures par jour. 3.2. Matériels Nous avons utilisé l’échelle d’évaluation de l’imitation [4], et ce, dans le but de comparer les performances imitatives des enfants avant et après l’entraînement. Cet outil se compose de trois sous-échelles : échelle d’imitation spontanée ; échelle de la reconnaissance d’être imité et échelle d’imitation provoquée. Nous avons également utilisé le Profil Psycho-Éducatif-3 (PEP-3). Cet

http://dx.doi.org/10.1016/j.encep.2016.02.013 0013-7006/© L’Encéphale, Paris, 2016.

Pour citer cet article : Bendiouis S, et al. Efficacité d’un entraînement à l’imitation sur le développement de la communication chez le jeune enfant avec trouble du spectre autistique. Encéphale (2016), http://dx.doi.org/10.1016/j.encep.2016.02.013

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T1

T2

Evaluation

Intervention

- Niveaux d’imitation - Age développementaux

T3 Réévaluation

- Passation du protocole de l’imitation

-Niveaux d’imitation

étalé sur 20 séances d’entraînement

en communication

-Age développementaux en communication

Fig. 1. Les différentes étapes de la procédure.

Tableau 1 Scores moyens en imitation et en communication avant-après l’entraînement. Les trois sous-échelles d’imitation (Nadel, 2011) Échelle d’imitation

Imitation spontanée Reconnaissance à être imité Imitation provoquée

Âges développementaux en communication (PEP-3) *

Valeur du p*

Moyenne (écart-type) Avant

Après

14,23 (12,35) 17,9 (12,00) 9,28 (8,85) 21,7 (9,58)

24,09 (11,59) 27,14 (10,03) 15,14 (11,59) 27,05 (10,01)

.000 .001 .006 .020

p < 0,05.

instrument nous a permis de calculer des âges développementaux dans le domaine de la communication avant et après l’entraînement. 3.3. Procédure Nous avons suivi une procédure en trois temps : évaluation ; intervention ; puis réévaluation (Fig. 1).

4. Résultats Une comparaison des scores obtenus avant–après entraînement a été effectuée, et ce, concernant les deux variables : les performances imitatives et l’âge développemental dans le domaine de la communication. L’ensemble des analyses a été réalisé par le test-t de Student. L’analyse statistique révèle que les scores moyens ont significativement évolué dans les trois épreuves de l’échelle d’imitation (Tableau 1). En ce qui concerne l’épreuve d’imitation spontanée, on note une augmentation des scores moyens après la passation du protocole d’entraînement (t(20) = 4,33, p < 0,05). Les scores ont également évolué après l’entraînement pour l’épreuve de la reconnaissance à être imité (t(20) = 5,17, p < 0,05), ainsi que pour l’épreuve d’imitation provoquée (t(20) = 3,08, p < 0,05). En ce qui concerne la variable de la communication, on note une augmentation significative des âges moyens du développement de la communication après les séances d’entraînement (t(20) = 2,52, p < 0,05). L’âge moyen des en communication est passé de 20,6 mois à 25,7 mois.

L’analyse statistique des données montre que les âges développementaux en communication, évalués au moyen du PEP-3, ont significativement évolué après les séances d’entraînement. Cette augmentation des scores en communication semble correspondre à une amélioration des niveaux imitatifs à l’échelle d’imitation. Les résultats de notre étude rejoignent les données de la littérature, en particulier l’étude pilote, menée par Nadel [4], portant sur l’imitation et la communication non verbale dans le cas de l’autisme. En effet, l’étude de Nadel avait pour objectif de conduire progressivement des enfants avec autisme à alterner les rôles d’imitateurs et de modèles, de fac¸on à maîtriser un moyen efficace de communication non verbale. Les résultats, tout comme ceux de notre étude, indiquent une augmentation des imitations produites évaluées avec l’échelle d’imitation ainsi qu’avec le PEP-R. De même, l’auteur a constaté une amélioration spectaculaire des comportements sociaux positifs évalués par la grille des comportements physiques, sociaux et émotionnels (CPSE), ainsi qu’une baisse de la sévérité de l’autisme pour 7 enfants sur 8. Des programmes de prise en charge de type comportementale, comme la méthode analyse de comportement appliquée (ABA), utilisent l’imitation ou les « guidances par modelage », comme procédures d’enseignement de nouveaux comportements. D’autres interventions, telles que l’ESDM (le modèle de Denver pour jeunes enfants avec autisme) estiment que les jeunes enfants atteints d’autisme sont capables d’apprendre à imiter un large éventail de comportements, et ce, dans une variété de domaines, à savoir l’imitation bucco-faciale, l’imitation gestuelle ou l’imitation vocale. Cet apprentissage ciblé doit avoir pour objectif de développer les modalités de communication non verbale chez les enfants avec autisme, qu’il s’agisse de gestes conventionnels, de l’usage du pointer, des tours de rôles ou de l’attention conjointe.

5. Discussion

6. Limites de l’étude

Notre étude avait pour objectif de tester l’efficacité d’une intervention focalisée sur l’imitation, sur le développement de la communication chez un groupe d’enfant avec TSA. De fac¸on intéressante, les scores d’imitation ont remarquablement évolué pour la majorité des enfants, et ce, dans les trois formes d’imitation (spontané, provoquée et la reconnaissance à être imitée).

Des limites méthodologiques devraient être prises en considération dans notre travail. Tout d’abord, l’échantillon de la population n’est peut-être pas représentatif (21 participants), il serait judicieux d’appliquer le protocole d’entraînement à l’imitation et d’évaluer son efficacité sur un échantillon beaucoup plus large. Toutefois, au moment de recherche, les enfants examinés bénéficiaient d’une

Pour citer cet article : Bendiouis S, et al. Efficacité d’un entraînement à l’imitation sur le développement de la communication chez le jeune enfant avec trouble du spectre autistique. Encéphale (2016), http://dx.doi.org/10.1016/j.encep.2016.02.013

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prise en charge éducative et comportementale. Cette intervention de type « globale » pourrait influencer certains paramètres de notre recherche à savoir le niveau de communication ou l’intensité du trouble autistique. De ce fait, il aurait été préférable d’effectuer une comparaison intragroupe : un groupe témoin (enfants autistes avec entraînement à l’imitation) et un groupe témoin (enfants autistes sans entraînement à l’imitation). Cette hypothèse n’a pas pu être testée à cause de la taille réduite de notre population. 7. Conclusion et perspectives L’examen des données recueillies permet d’approfondir les résultats de la littérature concernant la place de l’imitation dans le développement de la communication chez les enfants avec TSA. Améliorer les conduites imitatives de ces enfants leur permet d’acquérir de nouvelles actions et de nouveaux gestes s’inscrivant dans un cadre d’apprentissage d’actes communicatifs et sociaux. Les perspectives offertes par ce travail peuvent contribuer, à l’avenir, à l’élaboration des programmes de prise en charge essentiellement ciblés sur le développement des compétences imitatives chez les enfants avec trouble du spectre autistique. Déclaration de liens d’intérêts Les auteurs déclarent ne pas avoir de liens d’intérêts.

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Références [1] Uzgiris I, Hunt J. Assessment in infancy: ordinal scales of psychological development. Urbana: University of Illinois Press; 1975. [2] De Meyer M, Alpern G, Churchill DW. Imitation in autistics, early schizophrenic and nonpsychotic subnormal children. J Autism Child Schizophr 1972;2:264–87. [3] Rogers S, Pennington BF. A theoretical approach to the defidits in infantile autism. Dev Psychopathol 1991;4:126–37. [4] Nadel J. Imiter pour grandir : développement du bébé et de l’enfant avec autisme. Paris: Dunod; 2011. [5] Pry R. 100 idées pour accompagner un enfant avec autisme dans un cadre scolaire. Montpellier: TomPousse; 2012.

S. Bendiouis a,∗ Y. Bendiouis a A. Mecherbet a R. Pry b a Université Abou Bekr Belkaid, 22, rue Abi Ayad Abdelkrim, Faubourg Pasteur, BP 119, Tlemcen, Algérie b Université Lumière Lyon 2, 86, rue Pasteur, 69007 Lyon, France ∗ Auteur

correspondant. Adresse e-mail : [email protected] (S. Bendiouis) Disponible sur Internet le xxx

Pour citer cet article : Bendiouis S, et al. Efficacité d’un entraînement à l’imitation sur le développement de la communication chez le jeune enfant avec trouble du spectre autistique. Encéphale (2016), http://dx.doi.org/10.1016/j.encep.2016.02.013