Endocardites fongiques : quelle prise en charge thérapeutique optimale ?

Endocardites fongiques : quelle prise en charge thérapeutique optimale ?

La revue de médecine interne 26 (2005) 441–443 http://france.elsevier.com/direct/REVMED/ Éditorial Endocardites fongiques : quelle prise en charge t...

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La revue de médecine interne 26 (2005) 441–443 http://france.elsevier.com/direct/REVMED/

Éditorial

Endocardites fongiques : quelle prise en charge thérapeutique optimale ? What is the optimal therapeutic management for fungal endocarditis? A. Lefort Service des maladies infectieuses et tropicales, hôpital Necker, 149, rue de Sèvres, 75015 Paris, France Reçu le 7 mars 2005 ; accepté le 9 mars 2005 Disponible sur internet le 12 avril 2005

Mots clés : Endocardites fongiques ; Antifongiques ; Chirurgie cardiaque Keywords: Fungal endocarditis; Antifungal agents; Cardiac surgery

Les endocardites fongiques sont des infections rares mais de pronostic redoutable, puisque le taux global de mortalité est supérieur à 50 % [1,2]. Parmi les nombreux microorganismes responsables de cette pathologie prédominent les levures du genre Candida spp. (53 % des cas) et les champignons filamenteux du genre Aspergillus spp. (24 % des cas). Les endocardites à champignons filamenteux sont associées à une mortalité plus importante (82,1 %) que les endocardites à levures (59,7 %) [2]. La gravité particulière des endocardites fongiques résulte de l’intrication de multiples facteurs, tels que : • le retard diagnostique fréquent lié à la méconnaissance de ces infections et aux difficultés d’isolement du microorganisme fongique par les méthodes microbiologiques classiques ; • la fréquence particulièrement élevée de complications emboliques, retrouvées dans 61 % des cas [2] ; • la difficulté de stérilisation des végétations du fait de leur taille souvent importante et de la faible efficacité intrinsèque des traitements antifongiques classiques dans ce foyer infectieux profond en situation de neutropénie locale ; • et le terrain sous-jacent, ces endocardites concernant volontiers des sujets immunodéprimés ou présentant d’importantes comorbidités, soumis à des procédures invasives et/ou porteurs de prothèses valvulaires. Le traitement des endocardites fongiques est très mal codifié. En l’absence d’études thérapeutiques prospectives de grande envergure chez l’homme, le clinicien se trouve souvent contraint à orienter ses choix thérapeutiques en fonction de données in vitro ou issues des modèles animaux. Adresse e-mail : [email protected] (A. Lefort). 0248-8663/$ - see front matter © 2005 Elsevier SAS. Tous droits réservés. doi:10.1016/j.revmed.2005.03.003

1. Peu de recommandations documentées... Les endocardites à Candida sp. ont fait l’objet de recommandations, établies par l’Infectious Disease Society of America [3]. Celles-ci préconisent l’utilisation de l’amphotéricine B ou de formulations lipidiques de l’amphotéricine B en 1re intention, associées à la 5-fluorocytosine, le fluconazole représentant une alternative possible. Elles proposent également un traitement chirurgical systématique, que l’endocardite survienne sur prothèse valvulaire ou sur valve native, et la poursuite du traitement médical pour une durée minimale de six semaines après la chirurgie. En cas d’impossibilité de réaliser un traitement chirurgical, un traitement médical prophylactique au long cours voire à vie par le fluconazole est proposé. Il faut noter que ces recommandations reposent sur un degré d’évidence modéré à pauvre, et sont issues de l’expérience clinique, de séries descriptives et d’opinions d’experts, alors qu’aucune étude prospective ne les a validées. Les modèles animaux utilisent des posologies, souches et combinaisons très variables selon les études, n’autorisant aucune conclusion quant à la supériorité de telle ou telle association. Par ailleurs les recommandations en vigueur ne tiennent pas compte du développement récent de nouvelles molécules présentant des propriétés pharmacocinétiques et une puissante activité intrinsèque les rendant particulièrement attractives pour le traitement de cette pathologie, notamment le maintien d’une fongicidie de la caspofungine sur les Candida sécréteurs de biofilms. Les recommandations concernant les endocardites aspergillaires restent très générales et succinctes. Elles font appel à l’utilisation de l’amphotéricine B et proposent un recours

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facile à la chirurgie, tout particulièrement en cas d’endocardite sur prothèse [4]. Les modèles animaux mettent en évidence la remarquable efficacité du voriconazole, supérieure à celle de l’itraconazole, pour des posologies journalières équivalentes [5], mais pour l’instant l’utilisation de cette molécule n’est pas officiellement recommandée pour le traitement des endocardites chez l’homme, en l’absence de données cliniques disponibles. Cependant, son efficacité a largement été démontrée par plusieurs études prospectives, dont une randomisée dans le traitement de première intention de l’aspergillose invasive prouvée ou probable des sujets immunodéprimés [6].

2. Quels facteurs prendre en compte dans le choix des molécules ? Face à la pauvreté des recommandations disponibles, le clinicien est la plupart du temps obligé d’élaborer le traitement de l’endocardite fongique en fonction de son expérience personnelle et de ses connaissances théoriques, issues de résultats obtenus in vitro et chez l’animal. Son raisonnement logique l’amènera à réunir un ensemble de critères lui laissant supposer une bonne efficacité thérapeutique, bien que la pertinence clinique de ces critères n’ait pas été validée. Il paraît tout d’abord pertinent d’utiliser des molécules possédant des caractéristiques pharmacocinétiques et pharmacodynamiques adaptées à ce foyer infectieux profond. Ainsi, la diffusion des antifongiques, ainsi que leur efficacité vis-à-vis des biofilms sécrétés par les agents fongiques constituent autant de propriétés qui semblent devoir être prises en compte dans le choix thérapeutique. La diffusion des antifongiques au sein des végétations d’endocardite fongique n’a jamais été étudiée, hormis pour l’amphotéricine B qui diffuse médiocrement [7]. Quelques travaux se sont attachés à étudier l’efficacité des antifongiques vis-à-vis des biofilms sécrétés par Candida sp. Ils ont permis d’établir la bonne activité des formulations lipidiques d’amphotéricine B et de la caspofungine vis-à-vis de ces biofilms [8], rendant leur utilisation intuitivement intéressante, en particulier en cas d’endocardite fongique sur prothèse. Il est clairement établi pour les endocardites bactériennes que l’utilisation de molécules bactéricides est corrélée à une meilleure efficacité en termes de stérilisation des végétations et de prévention de la mortalité. La nécessité absolue d’utiliser des molécules fongicides en cas d’endocardite fongique n’a jamais été démontrée. Ainsi, les azolés, pourtant fongistatiques vis-à-vis de Candida sp., se sont montrés efficaces pour le traitement d’endocardites, y compris en monothérapies [9,10]. La détermination du caractère fongicide ou fongistatique d’une molécule vis-à-vis d’un microorganisme donné résulte d’ailleurs la plupart du temps d’études menées in vitro et ne corrèle pas toujours avec les résultats obtenus in vivo [11]. Par ailleurs, le clinicien sera tenté d’utiliser des associations d’antifongiques permettant l’obtention d’une synergie.

In vitro, vis-à-vis de Candida sp., la revue de la littérature montre un antagonisme de l’association amphotéricine B/azolé et une synergie ou une indifférence de l’association amphotéricine B/flucytosine ou fluconazole/flucytosine. Visà-vis de Aspergillus sp., les travaux mettent en évidence une synergie ou une indifférence pour l’association amphotéricine B/flucytosine. La combinaison fluconazole/flucytosine donne des résultats indifférents. Plus problématique est l’antagonisme observé dans l’association in vitro amphotéricine B/azolé rapporté avec le kétoconazole et l’itraconazole. Des travaux émanant du Centre National de Référence Mycologie et Antifongiques de l’Institut Pasteur ont évalué l’efficacité in vitro de différentes associations d’antifongiques sur Aspergillus fumigatus. L’association voriconazole/flucytosine était soit indifférente, soit antagoniste. L’association caspofungine/amphotéricine B était soit synergique, soit additive, soit indifférente. L’effet de l’association voriconazole/ caspofungine était surtout additif et la triple association caspofungine/flucytosine/amphotéricine B était constamment synergique sur différents isolats d’Aspergillus fumigatus [12]. Toutefois il convient là aussi de rester prudent dans l’extrapolation à l’homme de ces résultats. Par exemple, l’association de fluconazole et d’amphotéricine B a récemment montré un bénéfice en terme d’éradication microbiologique par rapport au fluconazole seul pour le traitement de candidémies chez l’homme, malgré un antagonisme constaté in vitro et dans les modèles animaux entre ces deux molécules [13]. Quelques autres critères non moins importants sont à considérer. Il faudra bien sûr tenir compte de la toxicité des différentes molécules ainsi que de leur voie d’administration, sources potentielles de prolongations d’hospitalisations. Un autre critère important est le coût des différentes molécules. En effet, celui-ci limite souvent les choix thérapeutiques, notamment au niveau d’établissements dépourvus de moyens financiers permettant la prescription de traitements onéreux de manière prolongée. Enfin, il faudra bien garder à l’esprit que la prescription d’un traitement antifongique présente un impact en terme d’émergence possible d’isolats résistants, pouvant parfois conduire à une impasse thérapeutique.

3. La chirurgie pour tous ? Il est classique de considérer que le traitement optimal d’une endocardite fongique repose sur une association médicochirurgicale, d’autant plus que l’infection survient sur prothèse valvulaire [14,15]. Le pronostic des patients ayant reçu une association médicochirurgicale tend à être meilleur (55 % de survie) que celui des patients traités exclusivement médicalement (36 % de survie) [1]. Toutefois l’interprétation de ces résultats doit être très prudente du fait du caractère rétrospectif des études évaluant l’efficacité de la chirurgie [1] ; on peut ainsi penser que seuls les patients pouvant supporter a priori une intervention chirurgicale ont été confiés au chirurgien. À noter cependant quelques observations de succès d’un

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traitement médical seul. Par exemple, une étude portant sur six cas d’endocardites sur prothèse à Candida analysés de manière prospective et sur 12 cas rapportés dans la littérature indique qu’en l’absence de complication la mortalité chez les patients traités par traitement médical prolongé seul (40 %) n’est pas plus élevée que celle des patients traités par une association médicochirurgicale (33 %) [16]. On peut fortement supposer que le développement de nouveaux antifongiques, tels que la caspofungine ou le voriconazole, dont la place exacte dans le traitement des endocardites fongiques n’a pas encore été définie, pourrait remettre en cause le dogme de la nécessité d’une association médicochirurgicale systématique. Quelques observations récemment publiées supportent ainsi cette interrogation [17].

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4. Conclusion [9]

Beaucoup d’inconnues persistent dans le traitement des endocardites fongiques. Notamment, le choix des molécules et tout particulièrement la place précise des nouveaux antifongiques systémiques, l’intérêt d’associations d’antifongiques, les indications de la chirurgie, la durée optimale du traitement et l’intérêt d’un traitement prophylactique méritent une évaluation plus précise. La plupart des éléments guidant le choix thérapeutique émanent de l’extrapolation souvent hasardeuse de données issues de travaux réalisés in vitro ou chez l’animal, ou encore de résultats obtenus dans des études concernant d’autres pathologies fongiques. L’incidence des endocardites fongiques est croissante, du fait de leur meilleure reconnaissance, de l’augmentation des procédures invasives et des traitements immunosuppresseurs facilitant leur émergence et du développement d’outils diagnostiques moléculaires et sérologiques facilitant leur diagnostic. La mise en place récente par notre équipe d’une étude prospective concernant cette pathologie en France (étude MYCENDO) pourrait permettre d’apporter des éléments de réponse aux nombreuses questions encore en suspens concernant le traitement de cette pathologie.

Références [1]

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