Enquête sur la prévalence des facteurs de risque de maladies cardiovasculaires à Tlemcen (Algérie)

Enquête sur la prévalence des facteurs de risque de maladies cardiovasculaires à Tlemcen (Algérie)

42 Épidémiologie, coûts et organisation des soins 1ères Rencontres Franco-Algériennes en diabétologie Épidémiologie, coûts et organisation des soin...

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Épidémiologie, coûts et organisation des soins 1ères

Rencontres Franco-Algériennes en diabétologie

Épidémiologie, coûts et organisation des soins

épidémiologie, coûts et organisation des soins

Enquête sur la prévalence des facteurs Enquête sur la prévalence Enquête prévalence des facteurs de risquesur de la maladies cardiovasculaires des facteurs de risque de deTlemcen risque de maladies cardiovasculaires à (Algérie) maladies cardiovasculaires à Tlemcen (Algérie) Prevalence of cardiovascular risk factors: A survey at Tlemcen (Algeria) à Tlemcen Prevalence of cardiovascular risk factors: (Algérie) A survey at Tlemcen (Algeria) A. Yahia-Berrouiguet ¹, 1, A. Yahia-Berrouiguet M. Benyoucef ², K. Meguenni ³, 2, K. Meguenni3, 4 M. Brouri Benyoucef A. Yahia-Berrouiguet ¹, ¹M. Service de4 médecine interne, Brouri M. Benyoucef ², K. Tlemcen, Meguenni ³, CHU Tidjani-Damerdji, Algérie. ¹ Service de 4médecine interne, Brouri de biochimie, ²M. Laboratoire

Tidjani-Damerdji, Tlemcen, Algérie. Algérie. ¹CHU Service de médecine Tlemcen, interne, CHU Tidjani-Damerdji, ² Laboratoire Tidjani-Damerdji, Tlemcen, Algérie. ³CHU Service de médecine préventive de biochimie, ²CHU Laboratoire de biochimie, et épidémiologie, CHU Tlemcen, Tidjani-Damerdji, Tidjani-Damerdji, Algérie. CHU Tidjani-Damerdji, Tlemcen, Algérie. Tlemcen, Algérie. ³ Service de médecine préventive 4 ³ Service de médecine interne, préventive et épidémiologie, CHU Tidjani-Damerdji, et épidémiologie, CHUAlger, Tidjani-Damerdji, CHU Birtraria- El Biar, Algérie. Tlemcen, Algérie. Tlemcen, Algérie. 44 Service de médecine interne, CHU Birtraria- El Biar, Alger, Algérie.

Résumé

Dans le contexte de transition épidémiologique que traverse l’Algérie, une enquête prospective est réalisée en 2008 à Tlemcen, une commune semi-urbaine du Résumé nord de l’Algérie, portant sur un échantillon de 1 088l’Algérie, sujets (612 Dans ouest le contexte de transition épidémiologique que traverse unefemmes, enquête 476 hommes),est d’âge ≥ 25 ans : 42,6 ans). facteurssemi-urbaine de risque cardioprospective réalisée en (âge 2008moyen à Tlemcen, une Les commune du vasculaire ont été analysés et leun risque cardiovasculaire selon nord ouest(FDR) de l’Algérie, portant sur échantillon de 1 088 global sujetsquantifié (612 femmes, les ded’âge Framingham demoyen l’ESH-ESC. prévalence desde FDR est cardioélevée 476modèles hommes), ≥ 25 ans et (âge : 42,6 La ans). Les facteurs risque (sédentarité : 42,6 ; tabagisme 17,2 % ;cardiovasculaire surpoids, IMC ≥global 25 kg/m2 : 32,0 %; vasculaire (FDR) ont%été analysés et: le risque quantifié selon obésité, IMC de ≥ 30Framingham kg/m2 : 19,1et%de ; obésité abdominale, selon NCEP-ATP % les modèles l’ESH-ESC. La prévalence des FDR III est: 19,1 élevée et selon l’IDF: :42,6 42,2% % ;; tabagisme hypertension artérielle : 36,2 % ;IMC diabète 6,8 %,: dont (sédentarité : 17,2 % ; surpoids, ≥ 25: kg/m2 32,0 dia%; bète de IMC type ≥130 : 0,4 % et diabète de typeabdominale, 2 : 6,4 % ; dyslipidémie : 15,9 dont obésité, kg/m2 : 19,1 % ; obésité selon NCEP-ATP III :%, 19,1 % hypercholestérolémie % et hypertriglycéridémie % ; syndrome métaboet selon l’IDF : 42,2 % :;14,3 hypertension artérielle : 36,2 %: 2,8 ; diabète : 6,8 %, dont dialique, selon 17,4 % de et selon IDF : 25,7 %). La moyenne bète de typeNCEP-ATP 1 : 0,4 % III et :diabète type 2la: définition 6,4 % ; dyslipidémie : 15,9 %, dont est de 1,3 FDR par individu, que 35,2 % des habitants de Tlemcen, d’âge hypercholestérolémie : 14,3 indiquant % et hypertriglycéridémie : 2,8 % ; syndrome métabo≥ 25 ans, ont un FDR, 23,0 % ont deux FDR et 15,8 % ont trois FDR ou plus. Les lique, selon NCEP-ATP III : 17,4 % et selon la définition IDF : 25,7 %). La moyenne résultats et discutés selon sexe% etdes l’âge. Le taux de de Tlemcen, FDR méconnus est de 1,3sont FDRprésentés par individu, indiquant quele35,2 habitants d’âge est alors que les% prévisions que%leur va plus. dramati≥ 25très ans,élevé, ont un FDR, 23,0 ont deux indiquent FDR et 15,8 ontprévalence trois FDR ou Les quement avec leet changement du mode de vie le vieillissement la population. résultatss’accroître sont présentés discutés selon le sexe et et l’âge. Le taux dede FDR méconnus est très élevé, alors que les prévisions indiquent que leur prévalence va dramati-

Mots-clés : Algérie – épidémiologie – facteurs quement s’accroître avec le changement –durisque mode cardiométabolique de vie et le vieillissement de la population.

de risque cardiovasculaire.

Mots-clés : Algérie – épidémiologie – risque cardiométabolique – facteurs de risque cardiovasculaire. Summary

Correspondance : Correspondance : Abdesselam Yahia-Berrouiguet

Service de médecine interne Correspondance : Abdesselam Yahia-Berrouiguet CHU Tidjani-Damerdji Service de13000 médecine interne Abdesselam Yahia-Berrouiguet Tlemcen CHU Tidjani-Damerdji Service de médecine interne Algérie Tlemcen 13000 CHU Tidjani-Damerdji [email protected] Algérie 13000 Tlemcen [email protected] Algérie © 2009 - Elsevier Masson SAS - Tous droits réservés. [email protected] © 2009 - Elsevier Masson SAS - Tous droits réservés.

This prospective survey conducted in 2008 at Tlemcen, a semi-rural area in the North West of Algeria, included 1088 subjects (F: 612; M: 476), randomly selected, aged Summary ≥ 25 years (meansurvey age: 42,6 years). Cardiovascular risk factors (CVRF) were analyzed This prospective conducted in 2008 at Tlemcen, a semi-rural area in the North and cardiovascular risk score quantified Framingham and ESHWestabsolute of Algeria, included 1088 subjects (F: 612;according M: 476), to randomly selected, aged ESC CVRF prevalence is high (sedentary behaviour: tobacco ≥ 25 models. years (mean age: 42,6 years). Cardiovascular risk factors42.6%; (CVRF)actual were analyzed consumption: 17.2%; overweight, BMIquantified ≥ 25 kg/m²: 32.0%; to obesity, BMI ≥ 30 and absolute cardiovascular risk score according Framingham andkg/m²: ESH19.1%; abdominal obesity, 19.1% according to NCEP-ATP III and 42.2% according to ESC models. CVRF prevalence is high (sedentary behaviour: 42.6%; actual tobacco IDF; arterial hypertension: 36.2%; diabetes: to BMI 0.4%≥type 1 and consumption: 17.2%; overweight, BMI ≥ 256.8%, kg/m²:corresponding 32.0%; obesity, 30 kg/m²: 6.4% type 2; dyslipidemia: corresponding to 14.3% III hypercholesterolemia and 19.1%; abdominal obesity, 15.9%, 19.1% according to NCEP-ATP and 42.2% according to 2.8% hypertriglyceridemia; metabolic syndrome: according NCEP-ATP III IDF; arterial hypertension: 36.2%; diabetes: 6.8%, 17.4% corresponding to to 0.4% type 1 and and 25.7% according to IDF. Individual mean is 1,3 CVRF, thus indicating that 35.2% 6.4% type 2; dyslipidemia: 15.9%, corresponding to 14.3% hypercholesterolemia and Tlemcen’s inhabitants, aged metabolic ≥ 25 years,syndrome: present with one CVRF, 23.0% two CVRF 2.8% hypertriglyceridemia; 17.4% according towith NCEP-ATP III and 15.8% according with three to orIDF. more CVRF. Data presented and indicating discussedthat according and 25.7% Individual meanare is 1,3 CVRF, thus 35.2% to gender inhabitants, and age range. unrecognized CVRF 23.0% is particularly a Tlemcen’s agedPrevalence ≥ 25 years, of present with one CVRF, with twohigh, CVRF worrying finding when all projections predict their dramatic increase in the coming and 15.8% with three or more CVRF. Data are presented and discussed according years, due and to traditionnal changes an occidentalized way of life and to gender age range. habit Prevalence of towards unrecognized CVRF is particularly high, a population ageing. worrying finding when all projections predict their dramatic increase in the coming years, due to traditionnal habit changes towards an occidentalized way of life and population ageing.

Key-words: Algeria – epidemiology – cardiometabolic risk – cardiovascular risk factors.

Key-words: Algeria – epidemiology – cardiometabolic risk – cardiovascular risk factors. © 2011 - Elsevier Masson SAS - Tous droits réservés. Médecine des maladies Métaboliques - Mai-Juin 2009 - Vol. 3 - N°3 Médecine des maladies Métaboliques - Août 2011 - Hors-série 3 Médecine des maladies Métaboliques - Mai-Juin 2009 - Vol. 3 - N°3

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Épidémiologie, coûts et organisation des soins

L

a révolution sanitaire qui s’est opérée au XXe siècle et la transition démographique qui l’a accompagnée ont entraîné une transformation radicale du tableau de morbidité dans le monde [1]. Dans ce contexte de transition épidémiologique, caractérisée par la régression des affections transmissibles et l’accroissement des maladies cardiovasculaires [2], nous avons réalisé cette enquête prospective à Tlemcen, une commune semi-urbaine du nord ouest de l’Algérie, qui connaît également de profondes mutations socio-économiques. Cet article retrace la prévalence des principaux facteurs de risque (FDR) de maladies cardiovasculaires et leurs distributions selon les caractéristiques de la population, ainsi que l’évaluation du niveau de risque cardiovasculaire et métabolique.

Population et méthodes Réalisée en 2008, cette étude de dépistage à visée descriptive est faite sur le mode actif où les données sont recueillies de façon prospective auprès des ménages. Elle porte sur un échantillon de 1 088 sujets, d’âge ≥ 25 ans, et comprend 612 femmes et 476 hommes. Les résultats sont pondérés pour chaque variable avec analyse des FDR, fournissant par âge et par sexe, les distributions et les principales statistiques de réduction pour permettre la comparaison avec les données nationales et internationales.

Population de la commune de Tlemcen La wilaya de Tlemcen s’étend sur une superficie de 9 603 km2, à l’extrême Nord Ouest du pays, et est découpée administrativement en 53 communes, dont celle de Tlemcen qui se situe à 843 mètres d’altitude et compte une population de 143 946 habitants. La pyramide des âges se rétrécit plus on monte en âge, à l’image du pays, avec une base très représentative où les moins de 25 ans représentent 49,5 % de la population. Les hommes occupent 50,2 % et les femmes 49,8 % des effectifs. Les sujets actifs (18-59 ans) représentent quant à eux 50 % de la population, selon l’office national des statistiques (ONS).

Population de l’étude et échantillonnage L’enquête est réalisée auprès d’un échantillon représentatif de la population générale, tiré au sort par un sondage aléatoire. La taille est estimée à 1 281 arrondie à 1 300 personnes, sur la base d’une prévalence de 0,29 [1], une précision à 0,35 et un effet grappe de 2. La commune de Tlemcen est divisée administrativement en neuf secteurs, composé chacun d’un à six sous-secteurs, subdivisés en quartiers. L’ensemble des secteurs sont inclus, selon un découpage en couronnes. Les personnes à enquêter sont tirées au sort au niveau de 50 quartiers, où 26 ménages sont désignés selon un intervalle de sondage fixe. Une personne âgée de 25 ans ou plus, résidant dans la commune depuis au moins 6 mois, est tirée au sort pour participer à l’enquête. Les femmes enceintes, les sujets alités pour maladie et les patients mentaux sont inéligibles.

Méthodes d’investigation Deux passages à domicile ont été nécessaires : le premier pour informer le ménage, le second pour l’enquête proprement dite. Une troisième rencontre a lieu, éventuellement, en milieu hospitalier, les semaines suivantes, pour toute personne considérée comme probablement hypertendue (moyenne de pression artérielle systolique ≥ 140 mm Hg et/ou diastolique ≥ 90 mm Hg) ou diabétique. L’enquête comportait : – un questionnaire administré à toutes les personnes tirées au sort, comportant un volet socio-démographique et économique, un volet axé sur le comportement de santé et les habitudes de vie, et un volet portant sur la morbidité ; – un examen physique comprenant des mesures anthropométriques (poids, taille, tour de hanche, périmètre abdominal) et de la pression artérielle (PA) aux deux bras (utilisant un appareil automatique à poignet et méthode oscillométrique avec signal sonore en fin de mesure, Inovalley® - validé AFSSAPS). Une troisième mesure est effectuée en fin de séance au niveau du bras où la PA est la plus élevée. La moyenne arithmétique des deux mesures faites du même côté constitue le critère de jugement de la présence ou de l’absence d’une

hypertension artérielle (HTA) au premier dépistage ; – un bilan biologique réalisé à jeun : le sang collecté est centrifugé dans l’heure qui suit à 2 500 tours/minutes. Le sérum est alors présenté à un automate de biochimie CX9- Beckman, utilisant la méthode enzymatique colorimétrique de la glucose oxydase peroxydase, pour déterminer (en g/l) la glycémie, la cholestérolémie totale et la triglycéridémie.

Définitions des facteurs de risque cardiovasculaire Pour le choix des définitions des FDR cardiovasculaire, nous nous sommes référés aux recommandations internationales : – le tabagisme est défini à la cigarette, actuel, quotidien ou occasionnel ; – la sédentarité qualifie des individus pratiquant moins d’une heure de sport par semaine ; – la surcharge pondérale et l’obésité sont déterminées par l’indice de masse corporelle (IMC), correspondant au poids divisé par la taille au carré (en kg/m2) définissant l’excès pondéral (≥ 25 kg/m2) et l’obésité (≥ 30 kg/m2) ; – l’obésité abdominale est déterminée par la mesure en centimètres du tour de taille, selon les critères du National cholesterol education program - Adult treatment panel III (NCEP-ATP III) > 102 cm (homme) et > 88 cm (femme), et ceux de la Fédération internationale du diabète (International diabetes federation – IDF) ≥ 94 cm (homme) et ≥ 80 cm (femme) ; – l’HTA : nous avons adopté la stratification de l’ESH-ESC (Sociétés européennes d’hypertension artérielle et de cardiologie) : les sujets traités sont classés « grade 2 » et chez les diabétiques, l’HTA est retenue pour des valeurs ≥ 130/85 mm Hg et est classée « grade 3 » ; – le diabète est défini selon les critères de l’American diabetes association (ADA) : glycémie plasmatique à jeun ≥ 1,26 g/l à deux reprises ou traitement antidiabétique en cours ; – l’hyperglycémie modérée à jeun est retenue selon les deux définitions successives de l’ADA : « impaired fasting glucose » : IFG1 (glycémie à jeun entre

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1ères Rencontres Franco-Algériennes Enquêteen surdiabétologie la prévalence des facteurs de risque de maladies cardiovasculaires à Tlemcen (Algérie) épidémiologie, coûts et organisation des soins 1,1-1,25 g/l) et IFG2 (glycémie à jeun entre 1,0-1,25 g/l) ; – la dyslipidémie désigne une cholestérolémie totale ≥ 2,0 g/l et/ou triglycéridémie ≥ 1,5 g/l ou traitement hypolipémiant en cours ; – le syndrome métabolique est déterminé suivant les définitions du NCEPATP III et de l’IDF ; – les probabilités de risque cardiovasculaire global (évaluation du risque absolu d’événement cardiovasculaire - ECV) sont calculées selon les modèles de Framingham (approche augurant le risque de présenter un ECV dans les 10 ans) et de l’ESH-ESC 2007 (score prédisant le risque d’ECV fatal ou non dans les 10 ans).

Analyses statistiques Les données sont saisies et analysées sur le logiciel SPSS (Statistical package for the social sciences, Chicago, IL). Les variables sont décrites par un indicateur de tendance centrale (proportion ou moyenne) et par un indicateur de dispersion (écart-type). La comparaison des pourcentages est faite à l’aide du chi2 et celles des moyennes par le test t de Student. Le seuil de significativité est p < 0,05.

Résultats Description de la population Sur les 1 300 personnes sélectionnées au départ, 1 088 (83,7 %), ont participé à l’enquête ; leurs données sont complètes et répondent aux critères d’inclusion : 476 (43,8 %) hommes et 612 (56,2 %) femmes. Les raisons de non-participation sont l’absence au moment de l’enquête (5,2 %) et le refus de participation (11,1 %). La distribution de l’échantillon par classes d’âge et par sexe est présentée dans le tableau I. L’âge moyen de la population enquêtée est de 42,6 ans [Intervalle de confiance à 95 % - IC 95 % : 41,7-43,4] (hommes : 43,9 ans ; femmes : 41,5 ans). La classe modale se situe à 35-44 ans (30,4 % d’individus). Les sujets mariés représentent 61,0 % de la population, qui est instruite dans sa majorité avec un niveau primaire ou moyen (54,4 % des cas). Les individus actifs représentent 37,0 %. Cette

moyenne cache de grandes disparités selon le sexe. Par ailleurs, la quasitotalité des interviewés ne s’expriment pas sur le revenu annuel du ménage, même s’ils reconnaissent en majorité jouir de conditions économiques satisfaisantes. Le niveau de connaissance des mesures hygiéno-diététiques et de leur importance dans la prévention des maladies cardiovasculaires, est quand à lui, bon, mais il n’est pas converti en comportement positif, notamment pour les facteurs tabagisme, sédentarité et excès pondéral (p < 0,001).

chez les hommes (33,4 % vs 30,9 % ; p = 0,005). Avec une prévalence de 19,1 % [IC 95 % : 15,9-22,7], l’obésité (IMC ≥30 kg/m2) est significativement plus observée chez les femmes (25,6 % vs 10,7 % ; p < 0,001). L’IMC moyen et la prévalence de l’obésité sont plus élevés chez les femmes dans toutes les classes d’âge avec qui, ils progressent pour culminer dans la tranche des 55-64 ans (p < 0,0001). Dans la majorité des cas, l’obésité est plus modérée que sévère (70,1 % vs 21,6 % ; p < 0,001).

Prévalence de la sédentarité

Avec un tour de taille (TT) moyen de 84,4 cm [IC 95 % : 83,6-85,1] et significativement plus élevé chez les hommes (86,1 cm vs 83,2 cm ; p < 0,001) ; 24,7 % [IC 95 % : 21,2-28,6] de la population présente une obésité abdominale, selon le NCEP-ATP III. Le groupe féminin représente 36,1 % et les hommes 10,1 % (p < 0,001). En abaissant le seuil du TT selon l’IDF, la prévalence atteint 42,2 % [IC 95 % : 38,0-46,5], soit un accroissement de +70,6 %, avec autant de femmes que d’hommes, et ce, quel que soit l’âge (58,0 % vs 21,8 % ; p < 0,001). Le WHR (Waist-hip ratio), autre indicateur de la répartition androïde de la masse grasse (femmes > 0,85 ; hommes > 0,95), atteint 0,91 [IC 95 % : 0,91-0,92], et réaffirme la prévalence dans le groupe féminin (76,6 % vs 41,7 % ; p < 0,001).

42,6 % [IC 95 % : 38,5-46,9] de l’ensemble de la population est sédentaire ; elle touche plus les femmes quel que soit l’âge (49,5 % vs 33,8 % ; p < 0,001). Cette inactivité physique augmente avec l’âge, passant de 39,6 % chez les 2544 ans à 57,0 % chez les 45 ans et plus (p < 0,001).

Prévalence du tabagisme La prévalence du tabagisme fumée atteint 17,2 % [IC 95 % : 14,2-20,6] et est significativement plus élevée chez les hommes (34,5 % vs 0,3 % ; p < 0,001) avec une grande disparité selon l’âge ; elle augmente pour atteindre un maximum (48,3 %) chez les 35-44 ans, puis diminue après cet âge ; l’âge médian de début du tabagisme est de 17 ans ; la moyenne consommée est de 15,3 cigarettes/jour. Quant aux ex-fumeurs, ils représentent 19,7 % de la cohorte.

Prévalence de la surcharge pondérale et de l’obésité Un excès pondéral (IMC ≥ 25 kg/m2) est retrouvé chez 32,0 % [IC 95 % : 28,136,1] des sujets. Il est plus fréquent

Obésité abdominale

Prévalence de l’hypertension artérielle Conformément aux recommandations pour la mesure de la PA, les résultats de l’enquête indiquent une prévalence de 36,2 % [IC 95 % : 32,2-40,4], selon les normes ESH-ESC, avec une proportion plus importante d’hommes hypertendus

Tableau I : Distribution de l’échantillon par âge et par sexe. (Enquête sur les facteurs de risque de maladies cardiovasculaires, Tlemcen 2008). Age (ans) 25-34

Hommes n 95 (19.9)

35-44

118

45-54 55-64 65-74 ≥ 75 Total

109 (22.9) 71 (14.9) 55 (11.5) 28 (5.9) 476 (100)

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(24.8)

Femmes n 158 (25.8)

Total n (%) 253 (23,3)

184 (30.1)

302 (27,8)

133 79 45 13 612

242 (22,2) 150 (13,8) 100 (9,2) 41 (3,8) 1088 (100)

(21.7) (12.9) (7.3) (2.1) (100)

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que de femmes (39,9 % vs 33,3 % ; p < 0,001). Cette prévalence augmente significativement avec l’âge chez les deux sexes ; en effet, elle passe de 15,5 % chez les 25-44 ans (hommes : 17,8 % ; femmes : 12,0 %) à 51,3 % chez les 45-64 ans (hommes : 50,0 % ; femmes : 52,3 %) pour atteindre 75,9 % au-delà de 65 ans (hommes : 74,7 % ; femmes : 77,6 %) (p < 0,0001). Lors de la stratification de l’HTA, le « grade 1 » prédomine (60,9 %), notamment chez les femmes (63,7 % vs 57,9 % ; p < 0,001), alors que les « grades 2 et 3 », colligés respectivement dans 22,8 % et 17,0 % des cas, sont en revanche plus fréquents chez les hommes (27,9 % vs 16,7 % ; p < 0,01 et 19,6 % vs 14,2 % ; p < 0,01). Ces derniers enregistrent par ailleurs les PA moyennes (mm Hg) les plus élevées : PA systolique = 133,0 vs 126,6 (p < 0,001) et PA diastolique = 85,8 vs 81,8 (p < 0,001). Parmi les sujets hypertendus, seulement 35,5 % déclarent être au courant de leur maladie. Ce pourcentage est significativement plus élevé chez les femmes : 40,7 % contre 30,0 % chez les hommes (p < 0,001). La majorité d’entre eux (96,4 %) sont pris en charge dans une structure de santé. Toutefois seuls 23,6 % des sujets ont une PA bien contrôlée suivant les recommandations ESHESC (< 140/90 mm Hg et < 130/80 mm Hg chez les diabétiques).

Prévalence du diabète 6,8 % [IC 95 % : 4,9 – 9,3] de la population répond à la définition de l’ADA. La proportion de femmes est significativement plus élevée (7,5 % vs 5,9 % ; p = 0,006). Le diabète de type 1 est rencontré chez 0,4 % alors que le diabète de type 2 (DT2) dans 6,4 % des cas. Sa prévalence augmente avec l’âge chez les deux sexes, passant de 1,6 % entre 25-44 ans, à 16,0 % chez les 55-64 ans, pour culminer à 19,8 % après 65 ans (p < 0,0001). Au-delà de 35 ans, on collige une prévalence de 8,6 % (femmes : 9,9 % vs hommes : 7,0 % ; p = 0,005). Parmi les DT2, 39,2 % sont ignorés et sont dépistés au cours de l’enquête. Des antécédents familiaux de diabète sont retrouvés chez 58,1 % d’entre eux. Chez les individus diabétiques connus, 80,0 % prennent des antidiabétiques

oraux (ADO), les autres sont sous traitement mixte (ADO et insulinothérapie).

Prévalence des dyslipidémies L’anomalie lipidique atteint une prévalence de 15,9 % [IC 95 % : 12,9–19,3], avec une proportion plus importante dans le groupe masculin : 18,3 % contre 14,0 % (p < 0,001). L’hypercholestérolémie est observée dans 14,3 % des cas (hommes : 16,6 % ; femmes : 12,6 % ; p = 0,005) et l’hypertriglycéridémie chez 2,8 % (hommes : 2,3 % ; femmes : 3,3 % ; p < 0,001). Cette prévalence augmente continuellement avec l’âge chez les deux sexes passant de 9,9 % entre 25-44 ans à 29,1 % au-delà de 65 ans (p < 0,001). Leur fréquence est élevée chez les hommes avant 65 ans. La cholestérolémie moyenne atteint 1,89 g/l [IC 95 % : 1,8-1,9], sans différence selon le sexe. En revanche, la triglycéridémie moyenne atteint 0,78 g/l, et est plus élevée chez les hommes (p < 0,01). Enfin, il faut signaler que 76,3 % des cas de dyslipidémies sont dépistés au cours de l’enquête.

Prévalence du syndrome métabolique (SM) En adoptant les critères NCEP-ATP III, l’enquête indique une prévalence de 17,4 % [IC 95 % : 14,3-20,9] ; l’application de la définition de l’IDF amplifie la proportion des porteurs du SM à 25,7 % [IC 95 % : 22,0–29,5], soit un accroissement de 48 %. Pour les deux définitions, la prévalence objectivée est plus élevée chez les femmes pour toutes les classes d’âge : NCEP-ATP III (femmes 19,6 % vs hommes 14,5 % ; p = 0,007) et IDF (femmes 29,7 % vs hommes 20,4 %). Cette forte proportion du SM enregistrée dans le groupe féminin n’est que la conséquence de la fréquence du tour de taille hypertiglycéridémique chez elles. Enfin, chez les deux sexes, la prévalence du syndrome métabolique est relativement faible avant 65 ans (NCEP-ATP III : 14,7 % ; IDF : 22,8 %), et c’est à partir de cet âge, qu’elle s’élève continuellement : NCEP-ATP III : 35,4 % ; IDF : 44,7 % (p < 0,001).

Cumul de facteurs de risque et morbidité vasculaire Avec une moyenne de 1,3 FDR [IC 95 % : 1,3-1,7] par individu, l’analyse

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de l’association de facteurs majeurs 1 indique que 35,2 % des habitants de Tlemcen d’âge ≥ 25 ans ont un FDR, 23,0 % associent deux FDR et 15,8 % réunissent trois FDR ou plus. Les événements cardiovasculaires dominés par l’atteinte coronarienne sont colligés dans 5,9 % des cas (p < 0,001). Leur prévalence est plus élevée chez les femmes, et augmente selon l’âge et le cumul de FDR (Chi2 = 88,21 ; p = 0,00000). C’est ainsi que, parmi les diabétiques, 75,7 % sont hypertendus, 62,2 % présentent une obésité androïde (NCEP-ATP III) et 33,8 % sont dyslipidémiques. Dans les cas d’obésité abdominale (NCEP-ATP III), 67,3 % sont hypertendus, 29,7 % dyslipidémiques et 20,4 % diabétiques. En revanche, en présence d’obésité (IMC > 30 kg/m2), la prévalence de ces FDR reste élevée (59,1 % d’hypertendus, 22,6 % de dyslipidémiques et 13,4 % de diabétiques), mais significativement moins importante comparée à l’obésité abdominale (p < 0,001). En présence d’une hypercholestérolémie, 57,8 % sont hypertendus ; en fait la prévalence de l’HTA augmente avec le taux du cholestérol total : 23,3 % (cholestérol < 2 g/l), 28,7 % (cholestérol : 2,0-2,39 g/ l) et 48,0 % (cholestérol ≥ 2,4 g/l) ; (p < 0,001). Ces résultats obtenus confirment bien la charge de l’HTA dans la population, qui s’associe à un FDR chez 39,6 % et à deux FDR dans 22,0 % des cas soit à un ou plusieurs FDR majeurs dans 66,0 % des cas.

Risque d’événement cardiovasculaire Les probabilités de risque sont présentées avec les limites liées aux modèles utilisés. En effet, selon l’équation de Framingham : 32,4 % de sujets sont crédités à risque modéré, 22,2 % à risque élevé, alors que 21,7 % sont prédits à très haut risque. Selon l’ESH-ESC, le risque d’événement cardiovasculaire fatal ou non est « faible à modéré ajouté » dans 57,7 % des cas, « élevé ajouté » dans 7,1 %, toutefois seulement 9,3 % sont augurés « à très haut risque ajouté ». Ces estimations du risque montrent que

1. Diabète, hypercholestérolémie ≥

2 g/l, obésité (IMC ≥ 30 kg/m2), tabagisme actuel.

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1ères Rencontres Franco-Algériennes Enquêteen surdiabétologie la prévalence des facteurs de risque de maladies cardiovasculaires à Tlemcen (Algérie) épidémiologie, coûts et organisation des soins celui prédit par le score de Framingham est significativement plus élevé que celui auguré par l’ESH- ESC, notamment pour les degrés élevé et très élevé (16,4 % vs 43,9 % ; p < 0,001). Il s’expliquerait par le fait que l’équation de Framingham a été validée sur une population Anglosaxonne à forte morbidité cardiovasculaire alors que celle de l’ESH-ESC plus mesurée, évalue les sujets non seulement en fonction des niveaux de PA et des FDR cumulés, mais également selon l’atteinte des organes cibles (tableau II).

de l’âge des enquêtés et de la méthodologie utilisée, il est difficile de tirer des conclusions lors de la comparaison avec les études nationales ou étrangères, néanmoins, pour tous les FDR, les niveaux observés vont dans le même sens que ceux enregistrés en Algérie ou dans les pays en situation transitionelle (tableau IV). r Si la prévalence du tabagisme avec fumée (17,2 %) est proche des données

Tableau II : Risque cardiovasculaire de l’échantillon de population étudié, quantifié selon le modèle de stratification du risque cardiovasculaire global ESH-ESC, 2007.

Risque cardio-métabolique Les 459 individus présentant une obésité abdominale (sur la base d’un tour de taille > 80 cm chez les femmes et > 94 cm chez les hommes) sont répartis en niveaux 1 et 2. Le tableau IIl montre les relations existant entre le tour de taille et la prévalence de l’hyperglycémie à jeun, du diabète et du syndrome métabolique qui augmentent significativement (p < 0,001) lorsque l’on passe du niveau 1 au niveau 2. Par ailleurs, un risque cardiovasculaire global élevé est présent dès le niveau 1, notamment chez les hommes (26,8 %). Ces données réaffirment que par la simple mesure du périmètre abdominal, le syndrome métabolique permet de dépister des sujets à risque cardiovasculaire et à risque de développer un diabète.

Discussion Cette enquête en population entre dans le cadre de la surveillance des FDR de maladies cardiovasculaires dans la commune de Tlemcen. De par son protocole, qui répond aux critères préconisés par les consensus internationaux, de la taille de son échantillon et de la méthodologie, elle est en mesure de générer des données utiles pour mieux cerner le problème de l’HTA, du diabète, des dyslipidémies et du syndrome métabolique dans la population générale. Elle fournit des informations sur leurs prévalences respectives, leurs distributions selon les caractéristiques de la population d’âge ≥ 25 ans, et sur son niveau de risque cardiovasculaire et métabolique. Sur le plan des résultats, et compte tenu des différences en terme de définition des FDR,

nationales [2-4], elle reste largement inférieure à celle observée en Tunisie [5], ou dans les pays occidentaux auprès des populations des registres MONICA (Multinational MONItoring of trends and determinants in CArdiovascular disease) [6], qui trouvent chez les 35-64 ans des proportions variant de 34 % à 62 % chez les hommes et de 2,9 % à 52 % chez les femmes. En outre, à Tlemcen, à l’instar du pays, le tabagisme est rare chez les

Pas d’autre FDR

22,0

PA normale haute 4,0

6,9

6,0

-

1-2 FDR

23,0

5,2

10,8

1,4

1,0

4,5

3,1

3,6

0,4

4,2

1,2

0,9

0,8

0,2

1,0

PA normale

≥ 3FDR, AOC, SM ou diabète Événement cardiovasculaire

HTA grade 1

HTA grade 2

HTA grade 3

PA : pression artérielle ; FDR : facteur de risque cardiovasculaire ; AOC : atteinte des organes cibles ; SM : syndrome métabolique.

Tableau III : Risque cardiovasculaire/cardio-métabolique et seuils du tour de taille (définis selon NCEP-ATP III). Périmètre abdominal (cm) Nombre d’individus Hyperglycémie ≥ 1,1 g/l (%) Diabète (%) Syndrome métabolique* (%) Risque cardiovasculaire (Score, %)

Niveau 1 94-101 56

Hommes Niveau 2 > 102 48

-

Niveau 1 80-87 134

Femmes Niveau 2 > 88 221

-

25,5

31,7

< 0,05

17,6

27,1

< 0,05

10,7

30,2

< 0,05

5,2

17,2

< 0,05

14,3

56,2

< 0,05

6,0

46,6

< 0,05

26,8

31,2

< 0,05

18,6

21,3

0,06

p

p

* selon les critères NCEP-ATP III.

Tableau IV : Distribution des variables qualitatives dans la population globale (%). (Enquête sur les facteurs de risque de maladies cardiovasculaires, Tlemcen 2008). Prévalence % 36,2

IC à 95 % [32,2-40,4]

Hommes n = 476 39,9

Femmes n = 612 33,3

Obésité

10,7

25,6

< 0,001

19,1

[15,9-22,7]

Obésité ATP III abdominale IDF Dyslipidémie* Syndrome ATP III métabolique IDF Diabète sucré Fumeurs Sédentarité

10,1 21,8 18,3 14,5 20,4 5,9 34,5 33,8

36,1 58,0 14,0 19,6 29,7 7,5 0,3 49,5

< 0,001 < 0.001 0,001 0,007 0,002 0,006 < 0,001 < 0,001

24,7 42,2 15,9 17,4 25,7 6,8 17,2 42,6

[21,2-28,6] [38,0–46,5] [13,0-19,3] [14,3–20,9] [22,0-29,5] [4,9-9,3] [14,2-20,6] [38,5- 46,9]

Facteur de risque HTA

p < 0,001

* Cholestérolémie ≥ 2,40 g/l ; triglycéridémie ≥ 2 g/l ou traitement en cours.

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Enquête sur la prévalence des facteurs de risque de maladies cardiovasculaires à Tlemcen (Algérie)

Épidémiologie, coûts et organisation des soins

femmes, et même si le pourcentage des ex-fumeurs (19,7 %) parmi les hommes reste acceptable, le programme de lutte contre le tabagisme en est encore à son début. Néanmoins l’influence de l’Occident sur le comportement et le mode de vie est de plus en plus manifeste et l’épidémie de tabagisme menace dans les prochaines années. r La prévalence de l’HTA à Tlemcen (36,2 %) est parmi les plus élevées du pays [2, 4] ; elle se situe au niveau de celle (35,3 %) enregistrée, en 2005, par la Société Algérienne d’hypertension artérielle (SAHA). Elle est largement plus élevée que les prévalences publiées pour la Tunisie (28,9 %) [5]. Ces données réaffirment que la prévalence de l’HTA en Algérie est une des plus élevées des pays à forte prévalence [6], tels que l’Italie (38 %) et l’Espagne (45 %). Et contrairement aux données nationales [2, 4], nous rapportons une prévalence plus importante chez les hommes (39,9 % vs 33,3 % ; p < 0,001), en l’occurrence chez les moins de 44 ans ; ce qui s’expliquerait par le stress permanent que vivent les habitants de la région - en majorité commerçants ou agriculteurs - des suites des conditions économiques difficiles (succession des années de sécheresse et décennie de violence civile). Dans les classes d’âges supérieures, les femmes sont plus à risque : cet accroissement de l’HTA avec l’âge chez les femmes est rapporté par la plupart des études citées. Plusieurs facteurs y contribuent, dont l’élévation de la pression PA suivant l’IMC (70 % des hypertendus sont en surpoids ou obèses) et l’augmentation du cholestérol : 48 % (≥ 2,4 g/l) vs 23,3 % (< 2 g/l) ; p < 0,001. En conséquence, les facteurs les plus corrélés à l’augmentation des chiffres tensionnels sont l’âge, le poids et le cholestérol. Ainsi, l’HTA est présente dès que deux FDR ou plus sont réunis et s’associe à un FDR ou plus dans deux tiers des cas. Ce risque est d’ailleurs mis en évidence par les équations de probabilité du risque cardiovasculaire global à l’échelle de la population : celle de Framingham prédit 43,9 % de sujets à risque élevé ou très élevé, alors que l’ESH-ESC augure seulement 16,4 % de sujets (p < 0,001). Cette différence s’expliquerait par le fait que le modèle de Framingham a été validé sur une popula-

tion Anglosaxonne à forte morbidité cardiovasculaire et n’est donc pas directement extrapolable à notre population où un ajustement s’imposerait, alors que le score ESH-ESC, plus mesuré, évalue les sujets selon les niveaux de PA, le cumul de FDR et l’atteinte des organes cibles. Ce qui ressort également, c’est le taux d’hypertendus méconnus (64,5 %), similaire à celui de l’approche « Step Wise », une enquête de 2004, dirigée par la Direction de la prévention du ministère de la Santé, en collaboration avec le bureau de liaison de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) en Algérie (79,3 %) [3] ; pourtant le niveau de médicalisation de la région est satisfaisant, comme en témoigne le pourcentage de sujets hypertendus connus traités (96,4 %), supérieur à celui observé dans d’autres pays tel que la Tunisie (74,1 %) [5]. Il est la conséquence de la politique de couverture sociale de prise en charge des soins à 100 % soutenue par notre pays. Toutefois, seulement 23,6 % de ces individus réussissent à équilibrer leur PA en accord avec les recommandations. Ce constat d’échec pourrait s’expliquer par l’attitude des patients qui considèrent que le traitement se limite à la prise médicamenteuse, alors que les mesures diététiques et l’activité physique régulière, volets importants de la prise en charge, ne sont pas encore intégrés par les patients, et même par certains praticiens, comme faisant partie intégrante de la prise en charge. r La prévalence du diabète de type 2 connaît une forte augmentation dans tous les pays du monde, prenant même des allures épidémiques dans certains pays en développement. Et même s’il est difficile de comparer avec d’autres populations Algériennes, en général beaucoup plus âgées, la prévalence du diabète (6,8 %) situe Tlemcen au niveau des autres régions du pays ; on rapporte ainsi une prévalence de 7,3 % à Sétif et Mostaganem (programme Step Wise, OMS-Algérie, 2004) [3], 6,8 % dans le groupe « région centre » (enquête SAHA 2004) [4]. Ce qui va dans le sens des projections (7,3 %) faites par l’IDF sur la base de résultats publiés [7]. Et si les récentes données nationales [2, 4] indiquent des proportions plus élevées (enquête SAHA : 11,8 % ; enquête TAHINA - Transition épi-

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démiologique et impact sur la santé en Afrique du Nord : 12,3 %), la prévalence du diabète a doublé en 15 ans devant l’importance des facteurs environnementaux par l’abandon du mode de vie traditionnel au profit d’un comportement basé sur le modèle occidental favorisant l’accroissement de l’obésité et de la sédentarité. Enfin, par rapport aux autres groupes, la prévalence à Tlemcen est de l’ordre de celles rapportées en Tunisie (6,5 %) [5] si bien qu’elle reste largement en deçà de celles enregistrées en Méditerranée orientale. Par ailleurs, notre étude indique une proportion significativement plus élevée chez les femmes (7,5 % vs 5,9 % ; p = 0,006), et comme il est habituel, la prévalence du diabète augmente avec l’âge et l’IMC [2, 3, 5]. Quant à la prévalence de l’HTA chez les diabétiques (75,7 %), elle égale le taux retrouvé par l’enquête SAHA (71,4 %) [4], alors que le taux de diabétiques dépisté (39,2 %) avoisine celui colligé à Sétif (52 %) [7]. r L’hypercholestérolémie (15,9 %), avec une valeur moyenne de 1,89 g/l chez les deux sexes, se rapproche des moyennes nationales [2, 4] : enquête SAHA (15,3 %), enquête TAHINA (14,5 %) ou Maghrébines [5] : 14,3 %. Elle reste toutefois en deçà de celle des pays industrialisés qui enregistrent des taux supérieurs à 30 %. Dans notre enquête, les hommes sont plus exposés (18,3 % vs 14,0 % ; p = 0,001) avant 65 ans, alors qu’elle est plus élevée chez les femmes au-delà de cet âge. L’étude MONICA [6] affichait le même constat, mais avec des médianes de cholestérolémie légèrement supérieures à 2 g/l. Ainsi, malgré l’augmentation linéaire de la cholestérolémie avec l’âge et l’IMC, retrouvés dans des études similaires [3, 6], l’hypercholestérolémie dans notre pays n’atteint pas les niveaux observés en Occident. Ceci peut en partie être expliqué par le fait que notre alimentation demeure moins riche en graisse d’origine animale, malgré les changements qu’elle est en train de subir. Néanmoins, l’exode rural, l’urbanisation et le vieillissement de la population risquent d’augmenter encore plus cette prévalence. r Pour le syndrome métabolique (SM), il est difficile de trouver des travaux réalisés avec une méthodologie semblable. Toutefois, certaines déductions peuvent

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1ères Rencontres Franco-Algériennes Enquêteen surdiabétologie la prévalence des facteurs de risque de maladies cardiovasculaires à Tlemcen (Algérie) épidémiologie, coûts et organisation des soins

être faites sur la base d’études publiées suivant les critères du NCEP-ATP III : c’est ainsi que, notre prévalence (17,4 %) est comparable à celle rapportée en Tunisie (16,3 %) [8] chez 2 927 adultes d’âge ≥ 20 ans. L’Institut national de santé publique (INSP) d’Algérie [2], dans son enquête, rapporte en revanche des proportions plus élevées (26,3 %) chez des sujets de 35-70 ans. Par ailleurs, l’application de la définition de l’IDF amplifie les sujets porteurs à 25,6 % (p < 0,01), soit un accroissement de 48 %. Des études similaires à travers le monde rapportent des hausses très variables [9] : +77 % dans l’enquête NHANES (National health and nutrition examination survey) aux États-Unis, +30 % en Italie et +4 % en Corée. Ces différences s’expliqueraient vraisemblablement par les valeurs seuils du périmètre abdominal, qui devrait être reconsidéré pour chaque ethnie, comme le préconise The Decoda Study [10]. En fait, la progression du SM n’est que la conséquence de la stupéfiante progression de l’obésité abdominale, qui bien plus que l’obésité, est au « cœur » des préoccupations, et devient un enjeu de santé publique en Algérie, comme dans tous les pays à situation épidémiologique transitionnelle. Elle a atteint des proportions épidémiques : enquête SAHA (36,5 %) [3], enquête TAHINA (35,8 %) [2], ce qui réaffirme que l’Algérie évolue dans le sens de l’occidentalisation, tels les pays de la Méditerranée Orientale et du Golf Persique. D’ailleurs, s’il est déjà

établi qu’un tour de taille (TT) > 88 cm chez les femmes et > 102 cm chez les hommes (critères NCEP-ATP III), correspondrait à une prévalence plus importante de diabète, les résultats de notre investigation réaffirment que des seuils plus bas répondent à une prévalence réellement plus élevée de diabète et de SM, et apportent la preuve que les limites du TT proposées par l’IDF (≥ 80 cm chez les femmes et ≥ 94 cm chez les hommes) répondent à un réel risque cardiovasculaire. En conséquence, la mesure du TT représente, à côté d’autres moyens simples tels que l’anamnèse et l’examen clinique, une méthode simple, facile d’emploi pour identifier en pratique médicale les sujets à risque de développer un diabète de type 2, ou à risque d’événement cardiovasculaire [10].

Perspectives Au-delà des chiffres, cette enquête constitue l’étape initiale, celle de l’identification des besoins de santé d’une population de zone semi-urbaine de l’Ouest Algérien ; l’étape suivante sera la concrétisation d’un programme de promotion de la santé cardiovasculaire, qui se fonde sur une approche intégrée de la prévention et du contrôle des maladies non transmissibles. Sa mise en œuvre requiert l’association de plusieurs stratégies, les unes axées sur la population et d’autres sur l’exposition au risque, en passant par un meilleur contrôle des fac-

Conclusion Les résultats obtenus à travers cette étude confirment l’importance de la charge des facteurs de risque cardiovasculaire à Tlemcen. Ils dévoilent d’une part le décalage entre le niveau des connaissances des individus et leur comportement préventif vis-à-vis des maladies cardiovasculaires. Comment faire pour changer ce comportement ? C’est une question fondamentale à laquelle les stratégies de prévention doivent apporter des éléments de réponses. L’enquête a permis de cerner d’autre part, l’immense Iceberg que constituent les facteurs de risque cardiovasculaire. La grande frange des facteurs de risque cardiovasculaire non dépistés en constitue la partie inapparente, d’autant plus que les prévisions indiquent que leur prévalence va évoluer crescendo avec le changement du mode de vie et le vieillissement de la population, ce qui devrait nous interpeller sur les moyens qui devraient être mis en œuvre pour leur dépistage chez les sujets à risque.

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teurs de risque de maladies cardiovasculaires, telle l’obésité abdominale, par la promotion d’un mode de vie sain favorisant la pratique de l’activité physique et le retour à l’alimentation traditionnelle méditerranéenne. Conflits d’intérêt Les auteurs n’indiquent aucun conflit d’intérêt avec le contenu de cet article. Note : Cette enquête a été présentée en communication affichée lors du Congrès francophone annuel 2009 de l’Alfediam « Diabétologie Strasbourg 2008 » ; Diabètes Metab 2009;35 (Special Issue 1):A42[AbstractP61].

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