L’année 2009 en pneumologie
Épidémiologie des maladies respiratoires
I. Annesi-Maesano, M. Bentayeb, C. Billionnet, M. Hulin
L’ozone continue de tuer Jerrett M, Burnett RT, Pope III AC, Ito K, Thurston G, Krewski D, Shi Y, Calle E, Thun M Long-Term Ozone Exposure and Mortality N Engl J Med 2009 ; 360 : 1085-95
Introduction Les effets néfastes de la pollution de l’air sur la santé humaine sont aujourd’hui bien établis. Différentes études ont rapporté des associations significatives entre des expositions à court et à long terme de divers polluants atmosphériques sur la morbidité et la mortalité cardio-respiratoire chez les enfants et les adultes [1, 2]. Parmi les polluants atmosphériques nocifs pour la santé humaine, il y a l’ozone, polluant produit principalement par la transformation, sous l’effet du rayonnement solaire, des oxydes d’azote (NOX) et des composés organiques volatils (COV) émis majoritairement par les activités humaines (fig. 1) [3]. Si les liens entre niveau d’ozone élevé et crises cardiaques ou crises d’asthme sévères ont déjà été mis en évidence [4], l’étude de Jerrett et coll. est toutefois la première à observer l’impact de l’ozone sur la santé sur le long terme.
Méthodes et résultats INSERM, et Université Pierre-et-Marie-Curie, UMR S 707 : EPAR, Paris, France.
Correspondance : I. Annesi-Maesano Épidémiologie des maladies allergiques respiratoires, UMR, S 707, INSERM et Université de Médecine Pierre-et-Marie-Curie, Saint-Antoine 27, rue de Chaligny, 75571 Paris cedex 12, France.
[email protected],
[email protected] Déclaration d’intérêts : aucun.
Les chercheurs ont analysé les données d’une étude conduite de 1982 à 2000 par l’American Cancer Society sur 448 850 personnes et les ont comparées aux données recueillies sur les niveaux d’ozone dans 96 villes américaines entre 1977 et 2000. L’exposition à la pollution en ozone (O3) a été mesurée plus longtemps du 1er avril au 30 septembre des années 1977 à 2000 dans chaque station de surveillance. L’étude a permis de mesurer pour la période de 1999 à 2000 aussi les particules fines (PM2,5).
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I. Annesi-Maesano, et coll.
Risque résiduel
0,2
0,1
0,0
40 60 80 100 Niveau d’ozone maximum quotidien en une heure (ppb), 1977-2000. Les lignes en pointillé correspondent à l’intervalle de confiance à 95 %
Fig. 1. Alerte à l’ozone en Ile-de-France.
L’association entre l’exposition à l’ozone et la mortalité a été évaluée en utilisant un modèle multi-niveau de régression de Cox permettant d’ajuster sur les facteurs de confusion potentiels tels que l’âge, le sexe, le tabagisme, le groupe ethnique... capables à eux seuls d’expliquer le développement des pathologies cardio-respiratoires. La moyenne d’âge des sujets de l’étude était de 56,6 ans dont 43,4 % étaient de sexe masculin, 22,4 % étaient fumeurs et 30,5 % ex-fumeurs. Durant les 18 années de suivi, 118 777 décès ont été enregistrés, 48 884 pour causes cardiovasculaires et 9 891 pour causes respiratoires. En utilisant un modèle uni-polluant (O3 et PM2,5 considérés séparément), le risque de décès pour cause cardio-respiratoire était significativement associé avec l’augmentation à la fois des concentrations d’O3 et de PM2,5. De plus, en utilisant un modèle bi-polluant (O3 et PM2,5 dans le même modèle), les PM2,5 étaient associées au risque de décéder par cause cardiovasculaire et l’O3 par cause respiratoire. Plus en détail, une augmentation de 10 ppb en O3 était associée à un risque relatif de décès pour cause respiratoire de 1 029 (IC 95 % : 1 010–1 048) dans le modèle unipolluant et de 1,04 (IC 95 % : 1,01-1,06) dans le modèle bipolluant, ce qui correspond à une augmentation de 2,9 % et de 4 % respectivement du risque de décès respiratoire. La figure 2 illustre la forme de la relation entre l’exposition à l’ozone et les décès d’origine respiratoire.
Commentaires Parmi d’autres, Bell et coll. [4] ont étudié les conséquences immédiates de l’ozone sur la mortalité en mettant en évidence une augmentation de 0,52 % de la mortalité journalière totale (Intervalle de confiance à 95 % : 0,27 % - 0,77 %) et une augmentation de 0,64 % de la mortalité cardio-respiratoire (95 % IC : 0 : 31 % - 0,98 %) à la suite
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Fig. 2. Courbe évaluant la relation entre exposition à l’ozone et risque de décès de causes respiratoires. (D’après Jerrett M et coll., N Engl J Med 2009).
d’une augmentation de 10 ppb en ozone dans la semaine précédente le décès. En France, l’effet néfaste immédiat de l’ozone sur la mortalité et la morbidité à été confirmé durant la canicule de 2003 pendant laquelle, en plus des températures excessives (allant jusqu’à plus de 40 °C), les concentrations en ozone avaient atteint des pics record dépassant plusieurs fois la valeur du seuil d’alerte [5]. En revanche, les effets à long terme d’une exposition chronique à l’ozone avaient été peu étudiés. L’étude de Jerret et coll. est l’une des rares à explorer la relation entre l’exposition à long terme à l’ozone et la mortalité en disposant de données exhaustives. Parmi les limites de l’étude, on trouve l’estimation de l’exposition aux polluants atmosphériques, les auteurs ayant maximisé l’exposition en prenant la moyenne des concentrations journalières maximales en considérant uniquement la pollution de fond, ce qui constitue une approximation. Quant aux particules ultrafines, les années pour lesquelles les concentrations annuelles étaient disponibles étaient limitées du fait d’une mise en route tardive de mesurages comparables. Il faut noter qu’à chaque sujet ont été attribuées les concentrations des polluants selon sa zone de résidence et que les déménagements au cours de la période de suivi ainsi que les déplacements pour se rendre au travail n’ont pas été pris en compte dans l’analyse, ce qui peut engendrer un biais de mis-classification par rapport à l’exposition. Par ailleurs, les modèles uni et bipolluants utilisés ne constituent pas la méthode la plus appropriée pour distinguer entre les effets propres des PM2,5 et de l’ozone sur la mortalité cardio-respiratoire, du fait de la forte corrélation entre ces polluants en milieu urbain. Pour pallier le problème, d’autres méthodes sont actuellement à l’étude. Sur le plan méthodologique, il semble opportun d’indiquer qu’il aurait
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été intéressant d’intégrer d’autres facteurs environnementaux tels que la température qui est fortement corrélée à l’ozone. Néanmoins, les résultats de cette étude semblent robustes et puissants et contrastent avec les études précédentes qui n’ont pas trouvé de lien significatif entre l’exposition à long terme à l’ozone et la mortalité dans lesquelles les mesures d’exposition avaient été insuffisantes [6]. Réalisée sur une population très large avec la prise en compte de nombreux facteurs de risque, l’étude de Jerret et coll. nous fournit des résultats statistiquement significatifs uniques : l’ozone et les PM2,5 contribuent de façon indépendante à une augmentation annuelle du taux de mortalité après ajustement sur les facteurs de risque écologique. Un des points forts de l’étude vient de sa plausibilité biologique et clinique. D’après les données expérimentales, l’ozone peut augmenter l’inflammation des voies respiratoires et aggraver la fonction pulmonaire et les échanges gazeux. En outre, l’exposition à des concentrations élevées d’ozone troposphérique a été associée à de nombreux effets néfastes sur la santé, y compris l’induction et l’exacerbation de l’asthme, de troubles pulmonaires et d’hospitalisations pour causes respiratoires. L’augmentation des décès de causes respiratoires à la suite d’une exposition accrue à l’ozone pourrait représenter la combinaison d’effets à court terme de l’ozone chez des sujets sensibles (par ex. qui ont une grippe ou une pneumonie) et d’effets à long terme sur le système respiratoire causés par l’inflammation des voies aériennes, avec la perte subséquente de fonction respiratoire dans l’enfance et plus tard dans la vie adulte, ce qui est facteur de risque connu de mortalité. Cette étude démontre qu’on ne doit pas se contenter de réduire les pics de pollution pour protéger la santé publique, il faut aussi réduire l’exposition cumulative, sur le long terme. Ces résultats pourraient orienter les autorités en termes de santé publique à établir des recommandations afin de limiter l’augmentation de la concentration d’ozone atmosphérique en période de chaleur et donc de limiter ses effets néfastes sur la santé. Comme mesure pratique, ces résultats suggèrent de recommander aux automobilistes de réduire leur vitesse en période de chaleur afin de diminuer les émissions des oxydes d’azote et donc de baisser la production d’ozone. À la suite de cette étude, l’Agence américaine de protection de l’environnement (EPA) doit revoir cette année ses normes de seuil de tolérance d’ozone dans l’air, lesquelles à ce jour ne tiennent pas compte de l’exposition à long terme.
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Effet additif de l’exposition aux particules issues du trafic routier et aux endotoxines, durant les premières années de vie, sur le risque de sifflements à l’âge de 3 ans Ryan PH, Bernstein DI, Lockey J, Reponen T, Levin L, Grinshpun S, Villareal M, Hershey GK, Burkle J, LeMasters G Exposure to traffic-related particles and endotoxin during infancy is associated with wheezing at age 3 years Am J Respir Crit Care Med 2009 ; 180 : 1068-75
Introduction L’exposition à différents facteurs environnementaux durant les premières années de vie pourrait jouer un rôle primordial dans le développement des maladies allergiques et respiratoires chez l’enfant. Ainsi, il a été suggéré que l’exposition à la pollution atmosphérique de l’extérieur des locaux, principalement liée au trafic routier, pourrait être impliquée dans le développement de l’asthme [1], bien que cette hypothèse soit encore controversée [2]. De même, la pollution intérieure semble jouer un rôle important dans la pathologie asthmatique [3, 4]. Il s’agit de pollution à la fois physico-chimique et biologique. Outre les allergènes, les endotoxines - constituant de la paroi bactérienne - ont été associées avec l’augmentation du risque d’asthme chez l’enfant [5]. Paradoxalement, chez les enfants du milieu agricole, une forte exposition pendant la vie précoce aux endotoxines en particulier, et aux biocontaminants en général, pourrait être un facteur protecteur vis-à-vis des maladies allergiques [6].
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L’exposition aux endotoxines mais aussi aux particules inhalées [7] seraient donc susceptibles de modifier les réponses immunitaires dans les premières années de vie et ainsi jouer un rôle important dans le développement des troubles respiratoires et allergiques chez l’enfant. De plus, des études expérimentales ont suggéré qu’une co-exposition à ces composés pourrait résulter dans une réponse inflammatoire amplifiée [8, 9]. Suite à ces observations, Ryan et coll. ont donc évalué, dans le cadre de l’étude CCAAPS (Cincinnati Childhood Allergy and Air Pollution Study), une cohorte prospective d’enfants nés de parents atopiques, l’effet de l’exposition aux particules issues du trafic routier sur le risque de sifflements, symptôme évocateur d’asthme, et l’influence potentielle de l’exposition aux endotoxines dans cette association.
Méthodes et résultats Sur la base des registres de naissances, 762 enfants ont été inclus dans la cohorte, à l’âge de 1 an. La présence de sifflements persistants a été déterminée sur la base de plus de 2 épisodes de sifflements rapportés par les parents lors des visites faite à 2 et 3 ans. Ces sifflements étaient définis comme ayant un terrain allergique ou non selon les résultats de test cutanés. L’exposition moyenne des enfants aux particules du trafic routier a été estimée à l’aide d’un modèle de régression de type « land-use », basé sur la concentration estimée par des sites de prélèvements à proximité des lieux (domiciles, centres de soins...) fréquentés régulièrement par l’enfant pendant sa première année de vie. Vers la fin de la première année de vie de l’enfant, un prélèvement de poussière sur le sol de la pièce principale d’activité a été réalisé afin d’évaluer l’exposition domestique aux endotoxines. Parmi les 624 enfants ayant participé aux questionnaires, 13 % présentaient des sifflements persistants, dont la moitié définis comme allergiques (6,7 %). Un enfant sur 2 était exposé à plus de 0,35 μg/m3 de carbone élémentaire, utilisé comme marqueur d’exposition au trafic (ECAT : Element carbon attibutable to trafic). Une exposition à plus de 0,41 μg/ m3 était associée à un risque 2 fois plus élevé de sifflements persistants (OR = 2,3 ; IC 95 % (1,2-4,6), en prenant comme référence une exposition à moins de 0,30 μg/m3). Après ajustement sur les facteurs de confusion potentiels, une interaction significative entre l’exposition aux ECAT et endotoxines était observée (tableau I). L’association entre les sifflements persistants et l’exposition aux ECAT était significativement plus importante en présence d’une forte concentration en endotoxines que chez ceux faiblement exposés (OR = 5,85 ; IC 95 % (1,89-18,13)). De tels résultats étaient retrouvés au sein de la population non atopique (OR = 3,76 ; IC 95 % (1,01-14,03) chez les fortement exposés aux ECAT et endotoxines vs faiblement exposés). Chez les atopiques, l’effet modulateur des endotoxines n’était pas significatif.
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Tableau I.
Association entre sifflements persistants et exposition aux ECAT* et endotoxines (n = 483). (D’après Ryan et coll., Am J Respir Crit Care Med 2009). OR (95 % IC) £ Totale
Non atopique
Atopique
---†
---†
2,11 (0,97-4,61)
ECAT‡ Forte Faible
1
Endotoxines Forte
---†
---†
Faible
1,12 (0,49-2,58) 1
ECAT/ Endotoxines Forte/Forte
5,85 (1,89-18,13)
3,76 (1,01-14,03)
Forte/Faible
1,43 (0,68-3,02)
0,76 (0,24-2,43)
Faible/Forte
0,88 (0,41-1,91)
1,00 (0,37-2,74)
Faible/Faible
1
1
---#
* ECAT = Element carbon attributable to trafic. ‡ Forte exposition : 3e quartile (0,41 μg/m3), faible exposition : < 3e quartile. £ Odds ratio et intervalle de confiance à 95 % ajustés sur exposition au tabagisme passif, présence de moisissures au domicile, antécédents familiaux d’allergies, sexe, allaitement maternel et infections des voies respiratoires basses dans les 12 derniers mois. † Terme d’interaction significatif, # Terme d’interaction non significatif.
Commentaires Ryan et coll. ont mis en évidence une interaction entre les particules issues du trafic routier et les endotoxines à domicile dans le risque de développer des sifflements. Cette étude est une des premières à suggérer un effet conjoint de la pollution de l’air extérieur et intérieur, par le biais de l’exposition aux endotoxines, sur les manifestations respiratoires. Le rôle des endotoxines sur le développement et l’exacerbation de l’asthme est complexe et dépend du moment de l’exposition, de la dose, de la durée, mais aussi des interactions gène-environnement pouvant exister [10]. Ainsi, l’exposition aux endotoxines a été associée à une diminution du risque d’atopie par le biais de mécanismes IgE (Immunoglobuline E) dépendants mais aussi à une augmentation du risque de manifestations respiratoires non allergiques. Dans l’étude de
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Ryan et coll., les associations entre exposition à la pollution et sifflements étaient principalement retrouvées avec les sifflements non atopiques. Or, les résultats de l’étude sur le modèle murin ont mis en évidence que la co-exposition endotoxinesparticules diesel, conduit à une réponse inflammatoire amplifiée par l’activation des neutrophiles et cytokines [9]. Cette étude apporte donc un élément supplémentaire quant à l’effet potentiel de la pollution sur les manifestations respiratoire par le biais de mécanismes non allergiques, notamment liés à une réponse inflammatoire de type neutrophile. Cette étude présente cependant plusieurs limites. Premièrement, ces résultats sont issus d’une cohorte d’enfants à risque car nés de parents atopiques, rendant l’extrapolation à la population générale délicate. Deuxièmement, la concentration en ECAT a été utilisée pour estimer l’exposition au trafic véhiculaire des individus. Cependant ces composés sont également corrélés à d’autres polluants du trafic routier, tels que le dioxyde d’azote, empêchant ainsi l’identification des composés les plus directement responsables. Troisièmement, les mesures d’endotoxines ont été réalisées par prélèvement au sol et non dans la zone d’inhalation. Or, il a été observé une faible corrélation entre ces deux mesures [5] et on fait l’hypothèse que les concentrations dans l’air soient les plus proches des doses inhalées. Enfin, les mesures de l’exposition aux ECAT durant les 3 premières années de vie étaient fortement corrélées entre elles, empêchant ainsi de distinguer les effets de l’exposition entre celle de la première année de vie et celle de la vie actuelle. Ainsi, comme discuté dans l’éditorial associé à cet article [11], il est donc difficile de conclure quant à un effet synergique de ces expositions sur le développement de l’asthme ou uniquement sur l’exacerbation de celui-ci. Afin de répondre à cette question, la mise en place d’une cohorte issue de la population générale dès la grossesse jusqu’à l’enfance et incluant des mesures répétées de l’exposition à la pollution et des examens médicaux serait nécessaire pour conclure quant aux rôles des polluants dans le développement des pathologies respiratoires. Toutefois, cette étude suggère de nouveau l’implication de la pollution atmosphérique sur les manifestations respiratoires et met en évidence la complexité de leurs effets de par les interactions pouvant exister. De plus, ces résultats suggèrent l’importance d’étudier les polluants conjointement afin de mieux comprendre les mécanismes en jeu dans le développement des maladies allergiques et respiratoires.
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La vitamine D en tant que marqueur de sévérité de l’asthme Brehm JM, Celedón JC, Soto-Quiros ME, Avila L, Hunninghake GM, Forno E, Laskey D, Sylvia JS, Hollis BW, Weiss ST, Litonjua AA Serum vitamin D levels and markers of severity of childhood asthma in Costa Rica Am J Respir Crit Care Med 2009 ; 179 : 765-71
Introduction Les effets de la vitamine D sur le métabolisme osseux et l’homéostasie du calcium sont reconnus depuis longtemps. De nouvelles données ont impliqué la vitamine D en tant que régulateur essentiel de l’immunité, jouant un rôle dans le système immunitaire à médiation cellulaire. Une carence en vitamine D a été associée à plusieurs maladies à médiation immunitaire, telles que la susceptibilité à l’infection et le cancer. Plus récemment, l’hypothèse a été soulevée d’un lien entre la vitamine D et l’asthme. Dans une étude prospective de population, la vitamine D consommée par la mère pendant la grossesse a été inversement associée aux symptômes d’asthme de son enfant pendant l’enfance [1]. Ces résultats étaient confirmés par d’autres études de population
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[2, 3]. Dans ces études, la consommation de vitamine D était évaluée à l’aide d’un questionnaire alimentaire et ne tenait pas compte de la vitamine D formée par exposition de l’épiderme aux rayons du soleil. De plus, aucune étude n’avait examiné la relation entre les concentrations mesurées de vitamine D et des marqueurs objectifs de sévérité de l’asthme dans l’enfance.
Méthodes et résultats L’objectif de l’étude de Brehm et coll. était de déterminer l’association entre les concentrations de vitamine D maternelle par le biais de la 25-hydroxy-vitamine D (la principale forme circulante de la vitamine D) et deux marqueurs de la sévérité de l’asthme et des allergies dans l’enfance, les hospitalisations et la prise de corticostéroïdes, dans une étude transversale de 616 enfants Costaricains âges entre 6 et 14 ans. Des régressions linéaires, logistiques et binomiales ont été utilisées pour les analyses univariées et multivariées respectivement. Parmi les 616 enfants souffrant d’asthme, 175 (28 %) avaient des niveaux insuffisants de vitamine D (< 30 ng/ml). L’application du modèle de régression linéaire montrait une association significative inverse entre les niveaux de vitamine D maternelle et les IgE totales et les polynucléaires éosinophiles de l’enfant. L’application du modèle de régression logistique multivariée montrait qu’une augmentation d’une unité dans les niveaux de vitamine D était associée à une probabilité réduite d’hospitalisation (odds-ratio : 0,05, Intervalle de confiance à 95 % : 0,004-0,71) et d’utilisation de médicaments anti-inflammatoires dans l’année précédente (0,18 ; 95 % IC : 0,05-0,67). De même la prise de vitamine D par la mère pendant la grossesse était inversement liée à la réactivité des voies aériennes inférieures mesurée par la baisse du VEMS à la méthacholine (0,15 ; IC à 95 %, 0,024-0,97 ; [p = 0,05]). Un déficit en vitamine D de 20 ng/ml était significativement lié à un excès d’hospitalisations pour asthme (tableau II).
Commentaires Les données de Brehm et coll. sont étayées par une autre étude plus récente, dans laquelle des chercheurs ont comparé le niveau de vitamine D et la sévérité de l’asthme chez 54 asthmatiques [4]. Les résultats ont montré que les sujets avec les niveaux les plus élevés de vitamine D avaient une meilleure fonction pulmonaire que ceux dont les niveaux de vitamine D étaient les plus faibles. Ils répondaient également mieux à un traitement par inhalation de corticostéroïdes. De plus, les niveaux bas étaient associés à une production accrue dans le sang d’une protéine pro-inflammatoire (la dexamethasoneinduced MKP-1), suggérant qu’il peut y avoir une corrélation entre le niveau de vitamine D et la sévérité de l’inflammation chez les asthmatiques. Ces résultats peuvent permettre de supposer que le niveau de vitamine D influe sur un nombre
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Tableau II.
Relation entre la vitamine D et les hospitalisations. (D’après Brehm JM et coll., Am J Respir Crit Care Med 2009). Coefficient bêta (IC à 95 %) (valeur de p) Résultat
Modèle non ajusté
Modèle multivarié*
Carence en vitamine D (< 20 ng/ml)
1,9 (0,2 à 3,7) (0,03)
2,3 (0,65 à 4,0) (0,006)†
Âge, en années
- 0,02 (- 0,25 à 0,21) (0,9)
Sexe féminin
0,19 (- 0,68 à 1,1) (0,7)
Z score de l’IMC
0,1 (- 0,30 à 0,51) (0,6)
Pente de la doseréponse pour la méthacholine log10
0,76 (- 0,16 à 1,7) (0,1)
Éducation parentale
- 0,06 (- 0,43 à 0,3) (0,7)
Présence d’IgE pour la blatte
1,1 (0,27 à 2,0) (0,01)
Usage d’un antiinflammatoire
0,83 (- 0,03 à 1,7) (0,06)
Les entrées en gras mettent en évidence les données significatives. * Le modèle multivarié est le dernier modèle après le retrait progressif des covariables. L’âge, le sexe et le z score de l’IMC ont été inclus dans le modèle. D’autres variables ont également été intégrées dans les derniers modèles si elles étaient significatives (p < 0,05) ou si elles répondaient à un changement du critère d’estimation ( 10 %) dans le coefficient bêta. Les variables supprimées incluent les antécédents d’asthme de la mère, les antécédents d’asthme du père, la présence d’IgE spécifiques pour Ascaris et la présence d’IgE spécifiques pour les acariens. † Dans le modèle multivarié, un taux de vitamine D inférieur à 20 ng/ml est prédictif d’une augmentation d’un facteur 10 des hospitalisations sur une période d’1 an.
important de paramètres de l’asthme, parmi lesquels la fonction pulmonaire, le bronchospasme et la réponse thérapeutique aux stéroïdes. L’étude de Brehm et coll. pose plusieurs problèmes méthodologiques. Il s’agit d’une étude de cas sans témoins en raison du type de recrutement, aucune relation de type cause-effet ne peut être établie à partir du dessin transversal de l’étude et enfin la détermination de l’exposition à la vitamine D n’est pas complète car elle ne porte que sur une période de la grossesse. L’étude de Brehm et coll., réalisée parmi des enfants résidant dans un pays tropical où l’ensoleillement est important, illustre l’importance de l’exposition à la vitamine dans la vie prénatale lorsque le système immunitaire s’organise.
Épidémiologie des maladies respiratoires
Tout d’abord ces résultats montrent que le niveau de vitamine D est génétiquement déterminé. Ces résultats contrastent avec les données écologiques montrant un parallélisme entre un supplément en vitamine D dans les premières années de vie, en vue de la prévention du rachitisme, et l’augmentation de l’asthme et des allergies [5]. Mais en fait, dans une étude expérimentale ayant dosé la 25-hydroxy-vitamine D, celle-ci non seulement inhibait la production d’interféron gamma mais supprimait l’expression des interleukines IL-4 et IL-13 dans le sang du cordon, en donnant origine à des populations sous-lymphocytaires sans prédominance de cytokine de type Th2 [6]. De plus, les effets des expositions prénatales et post-natales ne sont pas comparables. Les voies et les mécanismes d’action sont différents, impliquant dans un cas l’interaction entre la mère et le fœtus et dans l’autre le nouveau-né seulement, ce qui pourrait expliquer les différences observées [7]. Plusieurs données biologiques existent sur les liens entre la vitamine D et l’allergie et l’asthme [7]. Tout d’abord la vitamine D influence le système immunitaire grâce à ses effets sur les cellules T helper de type 1, par la promotion de cellesci. La vitamine D restaure la capacité des cellules T régulatrices chez les patients corticorésistant à l’asthme à sécréter de l’IL-10 (cytokine anti-inflammatoire puissant) en réponse aux stéroïdes. Deuxièmement, la vitamine D peut influer la fonction pulmonaire à la fois chez les patients souffrant d’asthme et chez les non asthmatiques. Troisièmement, la vitamine D influence l’expression des gènes dans les cellules musculaires lisses des bronches. Un rôle pour la vitamine D dans le remodelage des voies aériennes a été aussi suggéré. Ensuite, des polymorphismes du gène codant pour le récepteur de la vitamine D (VDR) ont été associés à des phénotypes d’asthme. Enfin, la prise de vitamine D pendant la grossesse peut avoir des effets sur la croissance des poumons et le développement des nouveau-nés. Cependant, ces données nécessitent d’être confirmées au niveau de la population. Au total, il convient de préciser davantage le rôle de la vitamine D dans le système immunitaire, le développement pulmonaire et le développement de l’asthme et des allergies. Une telle démarche peut avoir des implications profondes pour la prévention et le traitement de ces pathologies. Elle requiert la réalisation d’études longitudinales de cohorte de nouveau-nés recrutés dès la vie in utero [7].
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Typologie des logements en fonction de la pollution intérieure et santé respiratoire en Ile-de-France Duboudin C Pollution inside the home: descriptive analysis. Part I: analysis of the statistical correlations between pollutants inside homes Environnement, Risques et Santé 2009 ; 8 : 485-96
Introduction Les voies respiratoires sont les cibles privilégiées de la pollution de l’air, avec des effets aigus et chroniques et des répercussions en termes d’aggravation des pathologies respiratoires existantes [1]. L’air intérieur a retenu l’attention des scientifiques dans la dernière décennie, motivés par le fait que les gens passent plus de 80 % de leur temps à l’intérieur, et plus particulièrement dans leur logement [2]. Les polluants intérieurs sont nombreux et comprennent notamment les composés organiques volatiles (COV). Ces derniers, émis par les matériaux de construction, d’équipement, de nettoyage et de bricolage, la fumée du tabac et les procédés de combustion [3], ont été mis en causes dans les pathologies respiratoires. Cependant, dans la plupart des publications, ils sont considérés comme ayant chacun un effet propre et isolé. Or, les individus sont le plus souvent exposés à plusieurs COV à la fois. Il semble donc nécessaire dans l’évaluation des risques de considérer l’exposition à de multiples COV simultanément. L’observatoire de la qualité de l’air intérieur (OQAI) a mené une campagne de mesure de la qualité de l’air sur un échantillon représentatif de 567 logements français [4]. Une trentaine de paramètres ont été mesurés, comptant entre autres 20 COV parmi lesquels des hydrocarbures aromatiques, halogénés et aliphatiques, des aldéhydes et des éthers de glycol, prélevés dans la chambre de la personne de
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I. Annesi-Maesano, et coll.
référence par tubes passifs. Cette étude décrit pour la première fois la qualité de l’air intérieur en France en prenant en compte simultanément un ensemble de COV. Elle a permis d’identifier des groupes de logement homogènes en termes de pollution multiple aux COV.
Méthodes et résultats Un partitionnement des logements en 49 groupes a été réalisé par la méthode des cartes auto-organisatrices de Kohonen, permettant de grouper les logements similaires au regard des concentrations en COV. Ces groupements sont organisés dans une carte topologique qui rend compte de leur proximité. Pour obtenir un partitionnement plus réduit, une agrégation de certains groupes a ensuite été effectuée à l’aide d’une classification hiérarchique ascendante sous contraintes de voisinage : seuls les groupes voisins sur la carte ont pu être agrégés. Enfin, les groupes de logements ont été caractérisés par leur niveau en COV. Les résultats sont donnés sur la figure 3 qui permet de visualiser la carte topologique obtenue et les groupes résultant de la classification hiérarchique. Au final, 4 grands groupes de logements sont identifiés : les logements fortement pollués par plusieurs COV (8,5 %) qui se divisent en 2 sous-groupes, l’un surtout pollué par les hydrocarbures aromatiques (groupe a) et l’autre par les hydrocarbures halogénés (groupe b) ; les logements fortement pollués par un COV principalement (24 %) qui se divisent en 8 sousgroupes, chacun associé à un COV différent ; les logements
Hydrocarbures aromatiques
32
7
17
a
Hydrocarbures
7
9
8
13
10
10
8
aromatiques Hydrocarbures aliphatiques
b
13
1
1
5
6
78
c 1Aldéhydes 10
10
10
3
8
4
0
15
d 54 11
3
19
1
16
10
5
10
4
10
8
4
14
72
9
c
161 16
12
11
15
27
13
19
21
31
39
e2 20
8
Chaque étoile correspond à un sous-groupe de logements homogène en termes de pollution par les composés organiques volatils (COV). Le nombre de logements présents dans chaque sous-groupe est indiqué sous chaque étoile. Chaque branche de l’étoile correspond à un COV ; la longueur de la branche correspond à la concentration moyenne de ce polluant dans le groupe de logements considérés (données standardisées). Le voisinage des étoiles sur le graphique correspond à la proximité entre les sous-groupes en termes de pollution. Sont identifiés sur ce graphique les sous-groupes de logements considérés comme « monopollués » (entourés) et les six principaux groupes issus de la classification hiérarchique ascendante sous contraintes (de a à e plus e2). Sont affichés dans un encadré en bleu les effectifs des groupes constitués de plusieurs sous-groupes.
Fig. 3. Cartographie en étoile de la pollution par les composés organiques volatils (COV) des logements enquêtés. (D’après Duboudin C. Environnement, Risques et Santé 2009).
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Rev Mal Respir Actual 2010 ; 2 : 21-29
moyennement pollués par plusieurs COV (26,7 %) qui se divisent en 2 sous-groupes, l’un surtout pollué par les hydrocarbures aromatiques (groupe c) et l’autre par les aldéhydes (groupe d) ; les logements les plus faiblement pollués par les COV (40 %) qui se divisent en 2 sous-groupes, l’un pour lequel les niveaux en COV sont équivalent à ceux de l’échantillon (groupe e) et l’autre pour lequel ils sont inférieurs (groupe e2).
Commentaires L’air intérieur a retenu l’attention des scientifiques dans la dernière décennie, motivés par le fait que les gens passent plus de 80 % leur temps à l’intérieur [2] et que les polluants de l’intérieur nuisent à la santé [3]. L’étude réalisée par Duboudin a permis de mettre en évidence quatre grands types de logements au regard de leur pollution par les COV. C’est la première fois qu’une telle approche est utilisée pour décrire la qualité de l’air intérieur. Elle présente les deux avantages de s’appuyer sur des mesures objectives des polluants et de les considérer simultanément dans la description des logements. Une pollution hétérogène au sein de l’échantillon a été constatée : les logements fortement pollués se caractérisent par exemple par la présence de concentrations 2 à 20 fois supérieures à celle de l’ensemble de l’échantillon. Il faut noter que cette étude adopte un point de vue relatif : la dénomination des groupes de logements se fait par comparaison des logements les uns aux autres et aucune notion de niveaux de toxicité des polluants n’a été prise en compte. Les intérêts d’une telle approche dans l’étude d’associations entre les COV et la santé sont multiples. Tout d’abord, les COV sont très corrélés les uns aux autres [5] et peuvent avoir un effet additif ou synergique, ce qui exige de les considérer simultanément et plus particulièrement d’étudier leurs effets combinés. La forte corrélation entre les COV engendrant des problèmes de multicollinéarité, empêche l’utilisation de méthodes statistiques standards qui introduiraient les différents COV simultanément dans un modèle de régression simple. Il a été suggéré [6] pour investiguer les effets des COV sur l’asthme et les sifflements d’utiliser une analyse en composantes principales afin d’obtenir des facteurs indépendants, combinaisons des COV, ensuite utilisés comme nouvelles variables explicatives. Une autre démarche introduisant la variable « type de logements », résultant de la classification, comme variable explicative pourrait être utilisée. Qian et coll. [7] ont adopté une démarche similaire. Ils ont étudié l’effet des expositions multiples à des polluants extérieurs sur la santé respiratoire d’enfants de huit districts de Chine. À l’aide d’une classification hiérarchique des quartiers, ils ont identifié 4 catégories ordinales d’exposition. Cette classification a été utilisée comme une nouvelle variable environnementale et introduite dans un modèle logistique pour expliquer
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les symptômes respiratoires. L’intérêt de l’utilisation des cartes auto-organisatrices de Kohonen, comparativement à d’autres méthodes de classification, réside dans la possibilité de partitionner un nombre important d’entités (par exemple des logements, des quartiers.). De plus, elle ne requiert pas de transformation préalable des données et permet de traiter des distributions de concentration très asymétriques. Enfin, elle permet une visualisation du résultat. La contrainte de voisinage appliquée à la classification hiérarchique qui a suivi permet d’obtenir des groupes relativement homogènes au regard des COVs. La difficulté de cette démarche réside dans le choix du nombre de groupes et de leur dénomination, qui sont subjectifs. Au cours de la campagne logements de l’OQAI, un questionnaire sur la santé respiratoire a été distribué aux habitants des logements enquêtés. Dans un travail en cours, nous avons étudié l’association entre la typologie de logements réalisée et certaines pathologies respiratoires. Les logements fortement pollués sont significativement associés à l’asthme et à la rhinite. Au total, dans l’étude des effets de la pollution atmosphérique il est très important de tenir compte du fait que les polluants atmosphériques sont hautement corrélés les uns aux autres. L’étude de Duboudin a le mérite de présenter une approche pour appréhender cette dimension.
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