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Med Pal 2006; 5: 260-265 © 2006. Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés
Équipe mobile – équipe référente des lits identifiés : collaborer et prendre soin, quels liens, quelles limites ? Marie-Fleur Bernard, cadre de santé formateur et infirmière spécialiste clinique, IFSI Henri Mondor, Créteil.
Des textes sur lesquels s’appuyer et des imprécisions Loi n° 99-477 du 9 juin 1999 visant à garantir le droit d’accès aux soins palliatifs Art L. 1er A : « Toute personne dont l’état le requiert a le droit d’accéder à des soins palliatifs et un accompagnement. »
Le programme national de développement des soins palliatifs 2002-2005 Il précise que : – « chaque service hospitalier devrait pouvoir porter une attention particulière à la fin de vie, mener une réflexion sur l’accompagnement des mourants » ; – « l’estimation des besoins doit aussi tenir compte de l’augmentation de l’espérance de vie, qui s’assortira vraisemblablement d’une majoration du nombre de malades souffrant de cancer ou de façon importante de maladie d’Alzheimer… Les personnes en soins prolongés ont également besoin d’une médecine palliative et d’accompagnement » ; – « les lits “identifiés” (…) Chaque service ayant une activité de soins palliatifs devra disposer de lits “identifiés” de soins palliatifs. Pour ce faire les ARH (agences régionales d’hospitalisation) devront y renforcer les moyens en personnel (…) en harmonie avec leurs volets cancérologie et gériatrie ».
de solidarité, de compassion et d’humanité (…) Pour que la dernière inégalité ne soit pas l’inégalité devant la mort. » Le nombre de décès par lit et par an doit être déterminé et le seuil retenu pour les MCO, SSR et SLD est de trois décès par lit et par an, pour un lit identifié. Les besoins en personnel et le coût d’un lit identifié soins palliatifs ont ainsi été définis par le comité de suivi de la DHOS « guide pour l’élaboration du dossier de demande de lits identifiés ». En février 2004 : 0,5 soignant en plus de la dotation habituelle par lit identifié en SSR. Sur la base d’une création de lits, pour deux lits identifiés, il faut un poste d’infirmier et un poste d’aide-soignant, sachant que pour huit heures de soins lourds par jour, il faut deux soignants par lit. Ce n’est guère clair !
État des lieux de la DHOS sur les différentes structures de soins palliatifs existantes en décembre 2004 (journée organisée par le ministère de la santé et de la solidarité) Le nombre de lits identifiés est de 1 281 lits en 2004 contre 316 en 2003 répartis sur soixante-deux établissements. Les perspectives pour 2007 sont d’atteindre cinq lits identifiés pour 100 000 habitants.
Circulaire n° 290 du 25 juin 2004 (Guide relatif aux demandes de lits identifiés)
Elle précise qu’« il nous faut prendre en compte l’évolution démographique de nos pays d’Europe occidentale Bernard Kouchner, ministre délégué à la Santé, dans le avec une augmentation de l’espérance de vie, avec une cadre de son allocution du 22 février, a présenté la Circusurvie avec maladie considérablement augmentée ». laire n° 2002/98 du 22 février 2002 relative à l’organisation des soins palliatifs et de l’accompagnement, en application de la loi 99-477 du 9 juin 1999. Il disait à propos des lits identifiés : « Ces lits identifiés représentent un nouveau Liens entre les membres d’une EMSP concept. Ils sont situés, en dehors des unités de soins pal- et les soignants qui prennent en soin liatifs, au sein des services qui font face à des situations les personnes malades qui nécessitent une démarche de soins palliatifs et d’accom- dans les lits identifiés pagnement. Ils ouvrent l’accès à des dotations financières adaptées (…) Ce programme de santé à côté de ses aspects La création de lits identifiés n’apparaît pas souhaitable techniques et scientifiques, est marqué par une dimension sans le concours d’une équipe mobile de soins palliatifs
Circulaire n° 2002/98 du 22 février 2002
Bernard MF. Équipe mobile – équipe référente des lits identifiés : collaborer et prendre soin, quels liens, quelles limites ? Med Pal 2006; 5: 260-265. Adresse pour la correspondance : NDLR : Ce texte a fait l’objet d’une présentation à l’occasion de la Journée des Équipes Mobiles du 12e Congrès de la SFAP (Montpellier – 15-17 juin 2006).
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sur un établissement, ni sans la collaboration étroite avec une USP qui peut accueillir des patients requérant un niveau de soin plus important, par exemple des symptômes incontrôlables…
Collaboration EMSP/lits identifiés Dans cette collaboration, il y a trois cas de figure.
Lors de l’ouverture des lits identifiés Les membres de l’EMSP interviennent comme dans n’importe quelle autre unité ou service ne disposant pas de lits de soins palliatifs. Il existe de nombreux liens entre l’EMSP et les lits identifiés, et les besoins des soignants des lits identifiés vis-à-vis des membres de l’EMSP sont diversifiés. L’équipe référente recherche à la fois l’expertise clinique, la coopération et le soutien. Les membres des équipes mobiles collaborent avec les soignants des lits identifiés et les aident à élargir leur champ d’analyse et de compétence. Le compagnonnage lors des soins est un moyen d’y parvenir. Ils apportent avant tout une écoute aux soignants qui font appel, reconnaissent leurs souffrances et leurs limites mais aussi leurs richesses et leurs valeurs, les conseillent et les aident dans les prises de décision. Les équipes attendent des membres de l’équipe mobile qu’ils les soutiennent dans leur réflexion éthique et les aident à élaborer des projets de soins individualisés. Il s’agit là d’analyser ensemble la situation du patient et de son entourage, mais également la relation de la famille avec l’équipe soignante, puis d’apporter un soutien à l’équipe et d’essayer d’élaborer ensemble un projet de soins adapté au malade et enfin de réévaluer régulièrement ce projet et de réajuster si besoin. Après avoir rencontré ensemble le malade, les deux équipes échangent, expriment leur perception de la situation. Il s’agit de réfléchir sur les soins les plus adaptés, sur les comportements, sur la poursuite ou l’arrêt des thérapeutiques, sur les complications possibles et sur le pronostic de survie. Mais, le plus souvent, ce sont les membres de l’EMSP qui font des propositions médicales et infirmières, ils laissent une trace écrite de leur intervention/collaboration dans le dossier du patient afin que les soignants des lits identifiés puissent poursuivre le projet de soins et assurer la meilleure qualité de soins possible. Mais il faudrait se demander à quel moment s’abstenir d’écrire ces propositions thérapeutiques, pour favoriser l’autonomie de l’équipe référente. Les grands axes des demandes d’intervention sont : – l’évaluation et soulagement de la douleur et des autres symptômes ;
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– l’aide à la prise de décision, à la préparation du transfert en USP ou le retour à domicile ; – le soutien psychologique du patient ; – le soutien relationnel des proches (familles) ; – la mise en place du suivi de deuil ; – la réflexion éthique. Le rôle des membres de l’EMSP est aussi de partager les connaissances acquises dans le domaine des soins palliatifs par : – la formation-action sur le terrain dans les unités, par le biais du compagnonnage au chevet du patient, pour par exemple aider les soignants à réaliser la toilette afin d’évaluer la douleur et les autres symptômes ; – la réalisation d’un entretien d’aide en collaboration avec un soignant ou montrer une technique de soins (pose sous-cutanée, pansement, soins de bouche) ; – des formations plus structurées ponctuelles dans un service ou dans le cadre de la formation continue (initiation aux soins palliatifs et à l’accompagnement). Les soignants des lits identifiés sont plus enclins à se former. Les membres de Leur rôle est aussi de soutel’EMSP nourrissent nir les travaux de recherche et les réflexions innovantes tant la réflexion. dans le domaine médical que des soins infirmiers. Les membres de l’EMSP nourrissent la réflexion. Pour aider les soignants des lits identifiés à réaliser des soins de qualité, il faut ajouter en permanence une réflexion : sur les pratiques, sur les principes éthiques et les notions d’autonomie et d’humanité. Le terrain étant propice, cette réflexion sur le prendre soin est généralement possible. Ils doivent faire preuve de souplesse, accepter les demandes qui leur sont faites, s’adapter, y répondre, s’ajuster et progressivement se retirer pour les laisser agir seul en toute responsabilité. Les membres d’une EMSP répondent à une demande, mais celle-ci n’est pas toujours explicite, elle n’est généralement pas formulée clairement. Au tout début de l’activité des lits identifiés, ils doivent s’appliquer à repérer les contenus latents des demandes. Mais ils n’ont pas d’autre choix que d’accepter tous les appels. Ils interviennent en présence d’un soignant dans la mesure du possible afin de ne pas se substituer et de toujours valoriser ce qui est réalisé par l’équipe référente. Il est primordial de renforcer les soignants dans leur rôle fondamental près du patient, de souligner la valeur de ce qui a déjà été entrepris afin de valoriser les initiatives et le lien malade soignant et de les encourager. Les membres de l’EMSP doivent en permanence se demander si leur intervention a permis un échange, une
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communication, une collaboration, si elle a permis de rechercher ensemble un sens à ce partage, autour du malade. Ils incitent les soignants à prendre soin du corporel ; les soins palliatifs ne s’intéressent pas qu’aux aspects psychosociaux et aux soins techniques. L’intérêt des soins palliatifs est de redécouvrir le sens des soins, les « soins de base ». Ils ont à prendre garde de ne pas idéaliser les soins palliatifs. Ne pas laisser poindre le « mythe » des soins palliatifs qui aident à accéder à une belle mort, qui éradiquent toute la souffrance, au risque de décevoir ou de décourager les soignants. Ils ne peuvent pas non plus avoir des attentes démesurées. Ils ont à faire preuve d’écoute lorsqu’une situation de fin de vie s’éternise, être là lorsque des situations éprouvantes se répètent, lorsqu’il y a trop de décès avec une identification/projection parfois des soignants. Habituellement les déplaceL’intervention ments des membres de l’équipe mobile se font sur appel des équide l’EMSP pes référentes. ne peut donc Un consensus d’équipe est se concevoir que souhaité lors de cet appel. Il est dans la collaboration. préférable qu’il y ait eu une concertation au sein de l’équipe au préalable et que l’équipe médicale ait donné son accord. Si l’équipe qui a en charge les lits identifiés n’appelle pas, que faut-il faire ? Les membres de l’EMSP doiventils passer de façon systématique ? Au risque d’être rejeté ou de se substituer, les textes ne le précisent pas. De plus, l’appel n’émane souvent que de quelques membres de l’équipe et il faut aussi composer avec ceux qui n’avaient pas de demande. Il arrive aussi que ce soit les infirmiers et aidessoignants qui ont besoin de soutien et que l’équipe médicale se sente obligée de faire appel, alors qu’elle pense gérer la situation. Les soignants de l’EMSP doivent être attentifs aux clivages au sein des équipes, être à l’écoute des avis et souhaits de chacun, ne pas prendre partie de façon tranchée, dialoguer et rechercher la concertation au sein de l’équipe. Certains appels proviennent de médecins vacataires ou des internes, ils ont plus l’habitude de déléguer, de faire appel à un tiers. Mais ils ont peu de disponibilité. Dans ce cas quelle est leur implication dans cette prise en charge palliative ? La délégation et/ou la substitution ne sont que ponctuels car les professionnels des lits identifiés ne souhaitent pas un transfert total de leurs responsabilités. L’intervention de l’EMSP ne peut donc se concevoir que dans la collaboration. L’infirmière ou le médecin sont dans le compagnonnage, la collaboration aux évaluations et aux
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soins, l’aide aux décisions, sans faire à leur place ; ils sont vigilants vis-à-vis du risque de substitution. C’est un point important car en cas de délégation totale, le patient se voit contraint de changer de référent et il peut le vivre comme un abandon. Lorsqu’un membre de l’EMSP s’engouffre dans cette totale substitution, il risque d’être idéalisé par le patient ; il devient son référent, lui seul peut apporter une aide alors qu’il n’a en fait pas la responsabilité du malade et qu’il n’est là que ponctuellement. Il est alors le bon objet absent, cela risque de majorer la détresse des soignants des lits identifiés. De surcroît, il les empêche de progresser et risque de favoriser leur désinvestissent. Les professionnels de l’EMSP ont intérêt à avoir conscience des peurs des soignants, de leur ambivalence, car ces derniers peuvent percevoir les membres de l’EMSP comme une menace envers leur rôle et vivre leur présence soutenue comme un signe d’incompétence. Le partage de la relation établie est parfois impossible pour les soignants référents par peur de la dépossession. Dans ce cas, le soignant de l’EMSP doit savoir rester à sa place, dans un rôle consultatif, n’intervenir que de façon ponctuelle pour les rassurer.
Quand l’équipe médico-soignante des lits identifiés gagne en expérience Après une à deux années d’expérience, l’équipe des lits identifiés a développé des connaissances, mais sa démarche palliative est incomplète. Il existe un danger, avec la progression des connaissances de l’équipe, les appels peuvent devenir ciblés sur certaines problématiques ou certains symptômes, alors que tous les problèmes des malades ne sont bien souvent pas encore tous identifiés par manque d’expérience. Les membres de l’EMSP doivent faire preuve de prudence et de diplomatie pour pointer et aborder les difficultés biopsycho-sociales pour lesquelles ils n’ont pas été sollicités. Lorsque l’équipe des lits identifiés progresse, c’est aussi là que les membres de l’EMSP peuvent percevoir des différences d’implication chez les professionnels dans cette prise en charge palliative. On doit se questionner sur le volontariat, sur les motivations des soignants : ont-ils tous eu le choix ou doivent-ils tantôt travailler sur les lits de soins palliatifs, tantôt sur le MCO ou le SSR ? Les moyens sont-ils mutualisés avec ceux de l’unité voisine ? Il est aussi fréquent qu’après quelques mois ou années d’existence des lits identifiés, les soignants des autres unités du même service reprochent aux soignants des lits identifiés d’avoir des privilèges… En fait, généralement, les services qui disposent de lits identifiés ont une dotation un tout petit peu plus importante qu’avant (lorsqu’ils ont obtenu des moyens supplémentaires), mais pas suffisante pour prétendre accomplir
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toutes les missions en soins palliatifs. De surcroît, dans les faits, ces moyens sont le plus souvent saupoudrés sur l’ensemble du service ; c’est généralement ce qui se passe en gérontologie. La mutualisation des moyens humains s’accentue encore davantage en cas de pénurie de soignants. Les soignants qui exercent habituellement sur les lits identifiés doivent pallier à l’absentéisme et sont déplacés sur les autres unités. Ils vivent ces déplacements comme une frustration ; ceux qui restent sur les lits identifiés sont moins nombreux et ils estiment ne plus être en mesure de réaliser des soins palliatifs de qualité.
Quand l’équipe médico-soignante des lits identifiés est très expérimentée Lorsque les soignants et médecins exercent depuis longtemps dans une unité ayant des lits identifiés, les personnels se sont formés, ils ont suivi des formations spécifiques, ont fait des études universitaires et ont acquis des connaissances. Ils ne ressentent plus autant le besoin de faire appel aux membres de l’EMSP car ils se sentent compétents. Leurs pratiques sont proches de celles d’une unité de soins palliatifs, sans en avoir tous les moyens humains et matériels, sans la reconnaissance, ce qui risque à long terme de les décourager. Il nous faut donc, en tant que membre de l’EMSP, accepter de ne plus être appelé, ou de l’être ponctuellement en cas de crise. Au total, la collaboration EMSP/lits identifiés évolue avec l’acquisition des compétences des soignants des lits identifiés. Les membres de l’EMSP doivent accepter d’être très sollicités au départ pour l’être de moins en moins par la suite ; c’est bien la mission d’une équipe mobile.
Face à l’insupportable, les soignants supportent mieux les fins de vie qui durent et celles des patients dans le coma ou déments ; sans relation, ils ne réclament pas l’euthanasie. Ils ne se déchargent pas du malade. L’abandon et l’angoisse les conduisent moins fréquemment à l’évitement, car ils prennent le temps de réfléchir à ces situations de crise. Les équipes médicales des lits ne poursuivent pas des thérapeutiques illusoires, cela facilite la coopération des deux équipes. Les demandes tronquées d’accélération de fin de vie où la prescription initiale vient cautionner l’augmentation injustifiée des doses n’existent généralement pas sur les lits identifiés, sinon nous pourrions nous interroger sur leur approche palliative. Par ailleurs, les soignants ne rendent pas le malade responsable de leur souffrance (dégradations corporelles, odeurs, lourdeur des soins…) le temps de l’agonie a un sens, le sentiment de n’avoir plus qu’un corps à panser, à porter est mieux supporté. Par conséquent, les membres de l’EMSP ont moins besoin d’insister sur le projet de vie. Un autre réel avantage, les membres de l’EMSP peuvent prendre une position dogmatique sur un sujet controversé, contrairement au type d’intervention habituel où il s’agit de favoriser une intégration progressive de l’approche palliative, exemple sur l’utilisation du placebo ou la contention physique…, où il faut inscrire son action de soignant en EMSP dans la souplesse et la durée pour un apprivoisement mutuel et pour créer le lien. La philosophie de base étant commune, il existe moins de frustration par rapport à un idéal et une éthique du soin. D’ailleurs, les professionnels des lits identifiés envisagent souvent mieux de se laisser interpeller, ils sont prêts à modifier leur fonctionnement et à réfléchir aux priorités.
Des limites
Des avantages La collaboration des soignants des lits identifiés et de l’EMSP s’effectue avec moins de tensions et de résistances que dans les autres services dépourvus de lits identifiés. Il est plus aisé sur les identifiés d’utiliser les compétences de chacun pour optimiser le confort du malade en fin de vie, car l’approche palliative est prônée. Comme pour toutes leurs interventions, d’un point de vue général, la connaissance par les membres de l’EMSP des tensions et des dysfonctionnements de l’équipe des lits identifiés et du contenu non dit des demandes mérite d’être recherchée afin d’éviter les pièges. Cependant, les membres de l’EMSP ont plus rarement à percevoir le désir inconscient d’une équipe de se décharger d’un malade, d’une famille difficile ou pour lequel la prise en charge curative échappe.
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Les membres de l’équipe mobile interviennent souvent dans un contexte d’urgence, pour rechercher une solution immédiate, pour un aspect technique ou relationnel. Une des limites de l’EMSP est due au fait qu’un réseau d’intervention peut être imposé, c’est-à-dire que les demandes des soignants référents des unités peuvent être ciblées sans que les membres de l’EMSP aient droit de regard sur l’ensemble des difficultés liées à la fin de vie. Ceci est une approche parcellaire de la personne malade, il est fait appel à un technicien. Pour reprendre une formule empruntée à Donatien Mallet, « les équipes mobiles de soins palliatifs sont en quelque sorte dans ce cas des prestataires de service des équipes référentes ». La demande parcellaire ne considère qu’un aspect de l’être humain malade, soit son corps, soit sa psyché, souvent par certitude d’être compétent dans tous les autres domaines.
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Mais il peut être utile de jouer le jeu, avec le temps des missions ciblées, restrictives qui peuvent aboutir à une réelle collaboration. Les professionnels des lits identifiés n’ont pas toujours choisi d’y travailler. C’est dans les unités où les soignants ont été contraints d’exercer de façon permanente ou ponctuelle que des résistances sont perceptibles. En cas de conflits ou de difficultés, le représentant de l’EMSP doit garder son calme et rester centré sur le malade. Les différends ne doivent pas, autant que possible, interférer dans les soins au malade. À l’ouverture des lits identifiés dans un service, les membres de l’EMSP ont à être vigilants pour ne pas être totalement happés par les appels des soignants ; ils risquent de ne plus répondre aux demandes des autres services, et de ce fait, ne plus remplir leur mission. Autre grande difficulté, les membres de l’EMSP ne font pas partie du personnel des lits identifiés, l’infirmière ne fait partie de l’effectif, ne remplace pas un soignant absent au pied levé ! Certaines unités qui possèdent des lits identifiés utilisent le personnel de l’EMSP pour pallier à la pénurie, tel un pool de suppléance ; il y a la méconnaissance par les institutions des missions des membres d’une EMSP. Voici ce que ne font pas les infirmières et aides-soignants des lits identifiés et ce à quoi il nous faut les inciter et les conduire, en tant que membres de l’équipe mobile : – s’impliquer dans la formation continue ; – s’impliquer dans l’accueil et la formation de stagiaires ; – s’impliquer dans l’écriture et la réflexion clinique ; – s’impliquer dans la réalisation de protocoles et procédures afin d’améliorer les pratiques. C’est le rôle des membres de l’EMSP, ils peuvent être des moteurs dans ce type d’action. Pour ce faire, il faut une étroite collaboration entre les membres de l’EMSP et l’encadrement des lits identifiés. Cependant, toutes ces missions ne peuvent aboutir en cas de surcharge de travail et sans moyens spécifiques.
Position des professionnels de l’EMSP, selon les disciplines Pour l’infirmière Résister à la substitution. Refuser d’appartenir à l’équipe des lits identifiés, car cela risque d’être source de conflits.
Pour le médecin Il peut être positionné sur les deux structures et avoir une double activité, ce n’est pas idéal, car tout son temps est occupé par les lits identifiés au détriment des autres services.
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Dans ce cas, l’extériorité disparaît et il vit les problématiques de l’équipe des lits identifiés. De plus, lorsqu’il rencontre des difficultés, il n’a personne à qui demander de l’aide. En outre, cela complique le travail interdisciplinaire et compromet l’organisation de l’EMSP.
Pour la psychologue La psychologue de l’EMSP devient la psychologue à temps plein des lits identifiés, elle est très investie dans les groupes de parole, dans le suivi de deuil, au détriment des autres services et des activités de formation de l’EMSP.
Réflexion sur les spécialités, notamment la gériatrie Les lits identifiés sont nombreux en gériatrie et il y a peu d’USP gériatrique. Est-ce à dire que la prise en charge palliative en gériatrie nécessite moins de compétences, moins de centres spécialisés de référence, avec comme dans les USP une activité formation et recherche ? Nous pensons que la fin de vie du sujet âgé polypathologique, avec des troubles des fonctions supérieures, est particulièrement difficile et nécessite de ce fait des compétences spécifiques. Il nous faut donc des USP gériatriques et des centres de référence et pas seulement des lits identifiés sans moyens supplémentaires.
Conclusion et questionnement À ce jour le concept des lits identifiés en soins palliatifs comporte des aspects positifs, mais n’apparaît pas aux yeux de tous les professionnels adapté à la prise en charge en gériatrie, sans un renforcement considérable de la densité en personnel, notamment en SLD. Le bon fonctionnement de ces lits identifiés repose vraiment sur la volonté de quelques personnes motivées et souvent sans moyens spécifiques. De plus les lits identifiés sont censés accueillir des patients en fin de vie provenant du domicile, du territoire de santé ; c’est ce qui existe en gériatrie. Mais que faiton pour les personnes âgées en fin de vie dans les autres services qui ne disposent pas de lits identifiés, en SLD (et il en est de même en cancérologie), lorsque la situation est complexe, avec une faible dotation en personnel médical et paramédical formés ? Les lits identifiés ne répondent pas à tous les besoins et ce ne sont malheureusement pas encore des lieux de formation et de recherche, tels que nous souhaiterions qu’ils soient, faute de moyens.
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Cela amène à un autre questionnement sur les EMSP. Quelles sont les missions de l’EMSP ? Vont-elles évoluer ? En cas de collaboration étroite avec les lits identifiés, jusqu’où aller sans se laisser phagocyter ? Faut-il réitérer les demandes des moyens supplémen-
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taires ? Seront-ils accordés et dans quels délais ? Estce peine perdue ? Les professionnels qui exercent, tant sur les lits identifiés que sur l’EMSP, ne risquent-t-ils pas de s’épuiser pour tendre vers un prendre soin qu’ils sont rarement en mesure de dispenser.
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