Annales de dermatologie et de vénéréologie (2010) 137, 727—729
CAS CLINIQUE
Éruption acnéiforme unilatérale sur paralysie faciale Unilateral acneiform rash in facial palsy D. Kerob a,∗, V. Hennequin b, G. Bousquet c, E. Behm d, C. Lebbe a a
Service de dermatologie, hôpital Saint-Louis, AP—HP, 1, avenue Claude-Vellefaux, 75010 Paris, France b Service de radiothérapie, hôpital Saint-Louis, AP—HP, 1, avenue Claude-Vellefaux, 75010 Paris, France c Service d’oncologie médicale, hôpital Saint-Louis, AP—HP, 1, avenue Claude-Vellefaux, 75010 Paris, France d Service d’ORL, hôpital Saint-Louis, AP—HP, 1, avenue Claude-Vellefaux, 75010 Paris, France Rec ¸u le 11 mai 2010 ; accepté le 22 juin 2010 Disponible sur Internet le 6 septembre 2010
MOTS CLÉS Cetuximab ; Éruption acnéiforme ; Réaction toxique ; Lymphœdème ; Paralysie faciale
KEYWORDS Cetuximab; Acneiform rash; Toxic reaction; Lymphoedema; Facial palsy ∗
Résumé Introduction. — Le cetuximab est un anticorps monoclonal chimérique sélectif pour le récepteur au facteur de croissance épithélial (EGFR). Il est de plus en plus utilisé dans le traitement des cancers épithéliaux, le plus souvent en association avec la chimiothérapie ou la radiothérapie. Il est responsable de nombreux effets secondaires cutanés, en particulier des éruptions acnéiformes du visage et du tronc, qui sont habituellement bilatérales et symétriques. Observation. — Nous rapportons un cas unique d’éruption acnéiforme localisée unilatérale induite par le cetuximab sur une zone de paralysie faciale. Discussion. — Il n’existe pas, à notre connaissance, d’observation similaire dans la littérature médicale. Pour expliquer la topographie unilatérale de l’éruption, notre hypothèse est qu’une réduction du drainage lymphatique liée à la paralysie faciale qui aurait favorisé le dépôt du cetuximab sur l’EGFR et sa persistance localement. © 2010 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
Summary Background. — Cetuximab is a chimeric monoclonal antibody selective for epidermal growth factor receptor (EGFR). It is increasingly used in epithelial cancer, often in combination with radiotherapy or chemotherapeutic agents, since it induces a broad range of cellular responses that enhance tumour sensitivity to these therapies. However, it can cause numerous adverse effects, the most common being acneiform eruption on the face and trunk, which is generally bilateral and symmetric.
Auteur correspondant. Adresse e-mail :
[email protected] (D. Kerob).
0151-9638/$ — see front matter © 2010 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. doi:10.1016/j.annder.2010.06.026
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D. Kerob et al. Patients and methods. — Herein we present the first case of unilateral cetuximab-induced acneiform eruption in facial palsy. Discussion. — To our knowledge the medical literature contains no other such cases. Our hypothesis is that lymphoedema associated with facial palsy reduces lymphatic drainage, promoting the deposition of cetuximab on EGFR and persistence of local signs. © 2010 Elsevier Masson SAS. All rights reserved.
Le cetuximab est un anticorps monocloclonal chimérique hautement sélectif pour le récepteur au facteur de croissance épithélial (EGFR). Les effets secondaires cutanés de ce traitement sont des éruptions acnéiformes, une xérose, des paronychies et des trichomégalies [1]. L’éruption acnéiforme est l’effet secondaire le plus fréquent, survenant chez plus de 60 % des patients de fac ¸on symétrique sur la face ou le tronc. Nous rapportons une observation particulière d’éruption acnéiforme unilatérale localisée sur une zone de paralysie faciale. À notre connaissance, aucun cas similaire n’a été décrit jusqu’ici dans la littérature médicale.
Observation Un homme de 60 ans était traité en janvier 2008 par chirurgie et chimiothérapie pour une métastase ganglionnaire cervicale droite de carcinome épidermoïde de tumeur primitive inconnue. En décembre 2008, le patient présentait une paralysie faciale droite qui révélait une rechute locorégionale du carcinome épidermoïde étendue de l’amygdale droite à la glande parotide. Cette paralysie faciale était associée à un œdème de la région du nerf mandibulaire (V3). Une chimiothérapie associant cisplatine (100 mg/m2 toutes
Figure 1.
les trois semaines) et cetuximab (400 mg/m2 à j1 puis 250 mg/m2 hebdomadaire) était débutée. Après trois semaines de traitement, le patient a développé une éruption acnéiforme pustuleuse de la zone paralysée (Fig. 1 a et b). La culture et la polymerase chain reaction (PCR) à la recherche du virus varicelle-zona (VZV) étaient négatives. La biopsie cutanée n’était pas réalisée du fait de la localisation au visage et parce que le diagnostic d’éruption induite par le cetuximab était évoqué. Un traitement local par érythromycine était inefficace après une semaine et un traitement par doxycycline à la dose de 100 mg/jour était débuté. Toutefois, l’évolution tumorale était défavorable et le traitement par cisplatine et cetuximab était interrompu, entraînant une disparition rapide de l’éruption.
Discussion L’EGFR est un récepteur transmembranaire avec une activité tyrosine kinase. Les inhibiteurs de l’EGFR sont, soit des anticorps monoclonaux (tels que le cetuximab, le panitumumab, etc.), soit des inhibiteurs de tyrosine kinase (tels que le gefitinib, l’erlotinib, le lapatinib, etc.). Le
Éruption acnéiforme unilatérale sur une zone de paralysie faciale (a et b).
Éruption acnéiforme unilatérale sur paralysie faciale cetuximab a l’autorisation de mise sur le marché (AMM) dans les cancers épithéliaux surexprimant l’EGFR, en particulier les carcinomes épidermoïdes de la tête et du cou et le cancer colorectal, le plus souvent en association avec une chimiothérapie ou une radiothérapie. Les éruptions acnéiformes, qui représentent l’effet secondaire le plus fréquent de ce type de médicament, surviennent dans les premières semaines de traitement, de fac ¸on symétrique sur les zones séborrhéiques du corps telles que la face et le tronc [1]. Histologiquement, cette éruption est caractérisée par une folliculite neutrophilique superficielle, probablement liée au rôle physiologique de l’EGF dans l’épiderme. L’éruption acnéiforme liée à l’utilisation de cetuximab que nous rapportons ici est particulière du fait de sa localisation unilatérale sur une zone de paralysie faciale. D’un point de vue physiopathologique, il est intéressant de faire un rapprochement avec les pemphigoïdes bulleuses unilatérales observées sur des membres paralysés chez des patients hémiplégiques. Dans la pemphigoïde, la réduction du drainage lymphatique pourrait favoriser le dépôt et la persistance des anticorps sur leurs antigènes cible de la membrane basale [2,3]. Dans notre cas, la paralysie faciale était responsable d’un lymphœdème de la zone du V3, facilitant peut-être l’adhésion du cetuximab sur l’EGFR.
729 En conclusion, ce premier cas d’éruption acnéiforme unilatérale sur zone de paralysie faciale induite par le cetuximab, qui aurait pu être confondu avec un zona, mérite d’être connu des dermatologues et oncologues.
Conflit d’intérêt Aucun.
Références [1] Deslandres M, Sibaud V, Chevreau C, Delord JP. Cutaneous side effects associated with epidermal growth factor receptor and tyrosine kinase inhibitors. Ann Dermatol Venereol 2008;Spec No. 1:16—24. [2] Foureur N, Descamps V, Lebrun-Vignes B, Picard-Dahan C, Grossin M, Belaich S, et al. Bullous pemphigoid in a leg affected with hemiparesia: a possible relation of neurological diseases with bullous pemphigoid? Eur J Dermatol 2001;11: 230—3. [3] Callens A, Vaillant L, Machet MC, Arbeille B, Machet L, De Muret A, et al. Localized atypical pemphigoid on lymphoedema following radiotherapy. Acta Derm Venereol 1993;73:461—4.