Est-il possible d’augmenter la part ambulatoire en chirurgie conservatrice du sein ?

Est-il possible d’augmenter la part ambulatoire en chirurgie conservatrice du sein ?

Bull Cancer 2015; 102: 1002–1009 Article original en ligne sur / on line on www.em-consulte.com/revue/bulcan www.sciencedirect.com Est-il possible ...

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Bull Cancer 2015; 102: 1002–1009

Article original

en ligne sur / on line on www.em-consulte.com/revue/bulcan www.sciencedirect.com

Est-il possible d'augmenter la part ambulatoire en chirurgie conservatrice du sein ? Bertrand Gachon 1,2, Cédric Nadeau 1,2, Xavier Fritel 1,2,3,4

Reçu le 29 juillet 2015 Accepté le 22 septembre 2015 Disponible sur internet le : 29 octobre 2015

1. Université de Poitiers, faculté de médecine et de pharmacie, 86000 Poitiers, France 2. CHU de Poitiers, service de gynécologie obstétrique et médecine de la reproduction, 86000 Poitiers, France 3. CHU de Poitiers, centre d'investigation clinique plurithématique, Inserm CIC-P 1402, 86000 Poitiers, France 4. CESP UMR, Inserm U1018, équipe 7 : genre, santé sexuelle et reproductive, 94270 Le Kremlin-Bicêtre, France

Correspondance : Bertrand Gachon, CHU de Poitiers, service de gynécologie obstétrique, 2, rue de la Milétrie, 86021 Poitiers cedex, France. [email protected]

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Mots clés Cancer du sein Chirurgie ambulatoire Chirurgie conservatrice du sein Curage axillaire

Résumé Introduction > Les politiques de santé actuelles incitent à augmenter le taux de chirurgie ambulatoire en chirurgie conservatrice du cancer du sein. L'objectif était de préciser si nous pouvions augmenter notre taux d'ambulatoire pour cet acte et d'identifier des pistes pour améliorer nos pratiques. Patientes et méthodes > Nous avons réalisé un relevé monocentrique, rétrospectif, du 01/01/ 2013 au 31/12/2014 des interventions pour chirurgie conservatrice du sein (carcinome infiltrant ou in situ, lésions frontières). Les paramètres enregistrés étaient : caractéristiques sociodémographiques des patientes, mode d'hospitalisation, caractéristiques chirurgicales, organisation des examens péri-opératoires, complications, causes de non-programmation en ambulatoire. Nous avons comparé les données collectées en fonction de l'année ainsi que du mode d'hospitalisation. Résultats > Nous avons relevé 324 interventions dont 50,3 % en ambulatoire. La part d'ambulatoire était en hausse en 2014 (60,8 % contre 39,2 % en 2013), sans différences concernant les complications postopératoires. Le taux de chirurgie ambulatoire en cas de ganglion sentinelle était plus élevé en 2014 (65 % contre 37 % en 2013). Le taux de curage axillaire en ambulatoire était de 20 % dont 15 % drainés. La part de patientes non programmées en ambulatoire sans y être contre-indiquées a été réduite à 57 % en 2014 contre 81 % en 2013. Discussion > Il a été possible d'augmenter notre part d'ambulatoire en chirurgie conservatrice du sein. Des efforts restent à fournir pour atteindre les objectifs nationaux, notamment sur le plan organisationnel qui reste le principal frein. Le développement de circuits de patients spécifiques à l'ambulatoire en intra- et extrahospitalier semble être une piste intéressante.

tome 102 > n812 > décembre 2015 http://dx.doi.org/10.1016/j.bulcan.2015.09.010 © 2015 Société Française du Cancer. Publié par Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

Summary Can we enhance the one-day part in breast conservative surgery? Introduction > French national guidelines lead us to increase the part of one-day breast cancer conservative surgery. Our objective was to check if we can enhance our outpatient part and to identify solutions to improve our practices. Methods > From 01/01/2013 to 31/12/2014, we conducted a monocentric and retrospective register about all cases of breast conservative surgery (infiltrating or in situ carcinoma, atypical hyperplasia). The collected data were: patients' sociodemographic characteristics, modality of hospitalization, surgical characteristics, preoperative exams organization, complications and reasons for an absence of surgery planned in one-day modality. We compared the two groups (one-day and standard hospitalization). Results > We reported 324 surgeries of which 50.3% planned in one-day mode. The outpatient part increased from 39.8% in 2013 to 60.8% in 2014. There was no difference for postoperative complications between the two groups. We found a higher rate of outpatient for sentinel node axillary dissection in 2014 (65% versus 37% in 2013). We reported a rate of axillary dissection in one-day mode of 20%, of which 15% were drained. The proportion of patients unplanned in oneday mode without contraindications was reduced from 81% in 2013 to 57% for 2014. Discussion > Increasing our outpatient part in breast conservative surgery was possible. There are still efforts to do to reach the national goals of one-day conservative breast cancer surgery, especially for the organizational aspects that remains the main obstruction. The implementation of pathways specifically for outpatient in and out of the hospital could be an interesting solution.

Introduction En France, le cancer du sein reste aujourd'hui une pathologie fréquente avec plus de 48 000 cas diagnostiqués en 2012 pour plus de 11 000 décès [1]. La chirurgie du cancer du sein représente 18,7 % de l'activité chirurgicale oncologique [1]. Le dépistage organisé permet un diagnostic plus précoce à un stade où un traitement chirurgical conservateur est possible sur le plan mammaire (mastectomie partielle) et axillaire (ganglion sentinelle [GS]) [1–3]. Il est démontré que ces traitements conservateurs du cancer du sein sont réalisables en chirurgie ambulatoire (CA) sans altération de la qualité ou de la sécurité des soins et avec un bénéfice en termes de satisfaction des patientes ainsi qu'en termes économiques [3–8]. De ce fait, les politiques de santé actuelles sont en faveur d'une promotion de la CA dans le traitement du cancer du sein avec comme objectif annoncé dans le dernier Plan Cancer : 54 % de chirurgie oncologique du sein en CA en 2024 [9]. Les chiffres actuels sont loin de répondre à ces objectifs avec, pour l'année 2013, seulement 15 % des traitements conservateurs du cancer du sein en CA [1]. Il apparaît donc nécessaire d'identifier les freins à la CA afin d'améliorer nos pratiques pour une meilleure prise en charge des patientes et une meilleure gestion médico-économique. Nous avons réalisé une évaluation de nos pratiques professionnelles en chirurgie ambulatoire pour traitement conservateur du

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sein, quel que soit le geste axillaire associé, avant et après mise en place d'une politique de programmation systématique de ce geste en CA. L'objectif principal de cette étude était de préciser s'il était possible d'augmenter le taux de CA en cas de chirurgie conservatrice du sein pour carcinome (invasif ou in situ) ou pour lésion frontière. L'objectif secondaire étant d'identifier les pistes pour optimiser ce mode de prise en charge.

Méthodes Depuis 2012, il existe dans notre équipe une politique active en faveur de la CA. L'ensemble de nos praticiens a été sensibilisé à l'intérêt de ce mode de prise en charge. L'hospitalisation en CA est discutée, au sein de l'équipe, pour toute patiente programmée pour un traitement conservateur du sein en essayant d'élargir progressivement nos indications. Nous avons réalisé un relevé monocentrique, observationnel, rétrospectif de tous les traitements chirurgicaux conservateurs du sein, quel que soit le geste axillaire réalisé, pour les pathologies suivantes : carcinome mammaire infiltrant, carcinome mammaire in situ, lésions frontières (hyperplasie atypique). Étaient exclues les interventions pour pathologie bénigne (adénofibrome, papillome. . .). La période de recueil s'étendait du 1er janvier 2013 au 31 décembre 2014.

1003

Keywords Breast cancer One-day surgery Breast conservative surgery Axillary dissection

Article original

Est-il possible d'augmenter la part ambulatoire en chirurgie conservatrice du sein ?

Article original

B. Gachon, C. Nadeau, X. Fritel

Le recueil de données a été fait de manière rétrospective et exclusivement à partir des éléments présents dans le dossier médical de la patiente. Nous avons enregistré les caractéristiques socio-démographiques des patientes (âge, distance domicile–hôpital), l'indication chirurgicale (lésion carcinomateuse infiltrante/in situ, lésion frontière), le mode de programmation et sa justification (CA/hospitalisation traditionnelle [HT]), les caractéristiques de la chirurgie (GS, curage axillaire, drainage, pose de chambre implantable), l'organisation de la chirurgie (lymphoscintigraphie, repérage) et les éventuelles complications. Pour les patientes non prises en charge en CA, la justification était renseignée : contre-indication médicale, isolement social, lourdeur du geste chirurgical (geste plastique et/ou geste controlatéral), ou encore absence de justification. Dans un premier temps, nous avons comparé les caractéristiques préopératoires des patientes en 2013 versus (vs) 2014. Puis nous avons analysé les différences concernant la prise en charge en CA vs HT pour l'année 2013 ainsi que l'année 2014. Nous avons ensuite comparé les caractéristiques préopératoires ainsi que les modalités de réalisation de la chirurgie en CA pour 2013 vs 2014. Enfin, il était recherché une différence concernant les causes de non-programmation en CA en 2013 vs 2014. L'analyse statistique des données a été réalisée à l'aide d'un t-test de Student pour les données quantitatives. L'analyse concernant les données qualitatives a été réalisée à l'aide d'un test du x2 ou d'un test exact de Fischer selon les effectifs, avec calcul des odd ratios (OR) pour le groupe CA versus (vs) le groupe HT et pour l'année 2013 vs l'année 2014. Le seuil de significativité était retenu pour un p < 0,05. Comme il s'agit d'une étude rétrospective, traitant uniquement des données présentes dans le dossier médical de la patiente et

collectées selon nos pratiques habituelles, sans procédure supplémentaire, l'accord d'un comité d'éthique n'était pas nécessaire pour cette étude. Le livret d'accueil, pour les patients hospitalisés dans notre institution, comporte un paragraphe d'information à propos de l'utilisation de données non identifiantes collectées au cours de l'hospitalisation à fin de recherche.

Résultats Sur les 24 mois de recueil, nous avons enregistré 324 interventions qui correspondaient aux critères d'inclusion dont 163 en CA (50,3 %). L'organigramme de répartition des interventions selon l'année de recueil et le mode d'hospitalisation est présenté sur la figure 1. Le comparatif des caractéristiques préopératoires des patientes, pour l'ensemble des interventions pratiquées, en 2013 et 2014 montre que ces deux groupes étaient comparables, sauf pour la distance moyenne hôpital–domicile qui était plus importante en 2014 (41,7 contre 34,8 km ; tableau I). Entre 2013 et 2014, la pratique de la chirurgie ambulatoire était en hausse (39,2 % en 2013 contre 60,8 % en 2014) (tableau I). En 2013 ainsi qu'en 2014, les patientes opérées en ambulatoire étaient significativement plus jeunes et habitaient plus près de l'hôpital que celles prises en charges en HT (tableaux II et III). Les patientes prises en charge en CA en 2014 étaient significativement plus âgées que celles prises en charge en CA en 2013 (59,6 ans contre 55,3 ans en moyenne), sans différences observées concernant la distance hôpital–domicile (tableau IV). En 2013, le recours au repérage préopératoire était moins fréquent en cas de CA qu'en cas de HT (38,3 % contre 57 % ; tableau II). Cette différence n'était pas observée pour l'année 2014 (tableau III). Il n'était pas mis en évidence de différence pour le recours au repérage préopératoire en CA entre l'année 2013 et 2014 (tableau IV).

Figure 1 1004

Diagramme des flux sur les 24 mois de recul

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TABLEAU I

TABLEAU II

Caractéristiques préopératoires des patientes et de la chirurgie en fonction des deux périodes de recueil (année 2013 versus année 2014)

Caractéristiques préopératoires des patientes en fonction des modalités de la chirurgie (ambulatoire versus hospitalisation traditionnelle) pour l'année 2013

Année 2014 171 interventions n (%), ou moyenne

Odd ratios [intervalle de confiance à 95 %], ou p

60 (39,2)

103 (60,2)

0,43 [0,27–0,68]

5 (8,3)

16 (15,5)

0,5 [0,13–1,52]

131 (85,6)

134 (78,4)

1,64 [0,89–3,09]

Âge moyen (années)

60,1

62,5

p = 0,072

Distance domicile–hôpital (km)

34,8

41,72

p < 0,052

Chirurgie ambulatoire Conversions en hospitalisation traditionnelle1 Lésions infiltrantes

Repérage mammographique

76 (49,6)

89 (52)

0,91 [0,57–1,44]

Chirurgie en Chirurgie ambulatoire hospitalisation 60 traditionnelle interventions 93 n (%), ou interventions n (%), ou moyenne moyenne

Odd ratio [intervalle de confiance à 95 %], ou p

Distance domicile–hôpital (km)1

27,8

39,5

p < 0,02

Âge moyen (années)1

55,3

63,1

p < 0,001

Lésions infiltrantes

49 (81,6)

82 (88,2)

0,6 [0,22–1,65]

Repérage préopératoire

23 (38,3)

53 (57)

0,47 [0,23–0,96]

Repérage le jour même2

1 (4,3)

10 (10,7)

0,2 [0,01–1,56]

Ganglion sentinelle

37 (61,7)

63 (67,7)

0,77 [0,37–1,60]

1 (2,7)

7 (7,5)

0,22 [0,01–1,87]

11 (14)

8 (9)

1,71 [0,59–5,20]

Lymphoscintigraphie le jour même2

Ganglion sentinelle

100 (65,4)

110 (64,3)

1,05 [0,65–1,70]

Curages axillaires

14 (23,3)

24 (25,8)

0,88 [0,38–1,98]

Lymphoscintigraphie le jour même1

8 (8)

12 (10,9)

0,71 [0,24–1,99]

Curages axillaires drainés2

2 (14,3)

4 (6,3)

0,84 [0,07–6,92]

Curages axillaires

38 (24,8)

35 (20,5)

1,28 [0,74–2,24]

11 (18,3)

9 (9,7)

2,08 [0,73–6,13]

Curages axillaires drainés1

6 (15,8)

6 (17,1)

0,91 [0,22–3,82]

Pose de chambre implantable

3 (5)

6 (6,4)

0,76 [0,12–3,75]

Pose de chambre implantable

20 (13,1)

Hématomes postopératoires

Hématomes postopératoires

9 (5,9)

Repérage le jour même1

16 (9,3)

1,46 [0,69–3,14]

1 2

1 2

8 (4,7)

1,27 [0,42–3,90]

Les pourcentages exprimés sont relatifs aux sous effectifs concernés. Analyse réalisée à l'aide d'un t-test de Student.

Le taux de procédures du ganglion sentinelle (GS) réalisé en CA n'était pas différent de celui réalisé en HT que ce soit pour l'année 2013 ou 2014 (tableaux II et III). Le taux de CA en cas de procédure du GS était plus important en 2014 (65,5 % contre 37 % en 2013 ; p < 0,005), sans différences pour le taux de CA en cas de curage axillaire. Le taux de lymphoscintigraphies axillaires pour GS réalisées le jour même de l'intervention n'était pas différent dans le groupe CA par rapport au groupe HT en 2013 (tableau II). En 2014, celle-ci était plus fréquemment réalisée le jour même dans le groupe HT (21,5 vs 5,5 % ; tableau III). En 2013, il a été relevé 5 conversions de CA en HT, soit un taux de conversions de 8,3 % (tableaux IV et V). Ce taux n'était pas

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Analyse réalisée à l'aide d'un t-test de Student. Les pourcentages exprimés sont relatifs aux sous effectifs concernés.

différent en 2014 où il était enregistré 16 conversions, soit un taux de 15,5 % (tableaux IV et V). Enfin, pour les patientes prises en charge en HT, aucun motif de non-programmation en CA n'a été retrouvé pour 81 % d'entre elles en 2013 contre 57,3 % en 2014 (p < 0,003 ; tableau VI).

Discussion Nous avons ainsi mis en évidence une augmentation de notre part de CA en chirurgie conservatrice du sein entre 2013 et 2014 pour atteindre un taux de 60,2 %. Les caractéristiques préopératoires des patientes n'étaient pas différentes d'une année sur l'autre à l'exception d'un âge plus important en 2014. Cette différence n'apparaît pas comme un potentiel biais puisqu'elle est a priori défavorable à la CA. Sur la même période, nous n'avons pas retrouvé d'augmentation significative du nombre de complications postopératoires ni du taux de conversion de CA en HT. Nous avons réduit notre part de patientes non

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Année 2013 153 interventions n (%), ou moyenne

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B. Gachon, C. Nadeau, X. Fritel

TABLEAU III

TABLEAU IV

Caractéristiques préopératoires des patientes en fonction des modalités de la chirurgie (ambulatoire versus hospitalisation traditionnelle) pour l'année 2014

Modalités de prise en charge en ambulatoire (année 2013 versus 2014)

Chirurgie en Chirurgie ambulatoire hospitalisation 103 traditionnelle interventions 68 n (%), ou interventions n (%), ou moyenne moyenne

2014 103 interventions n (%), ou moyenne

Odd ratio [intervalle de confiance à 95 %], ou p

Distance domicile–hôpital (km)1

17,8

36,2

p = 0,09

Âge moyen (années)1

55,3

59,6

p < 0,02

Lésions infiltrantes

49 (81,6)

83 (80,6)

1,07 [0,45–2,70]

Repérage préopératoire

23 (38,3)

56 (54,3)

0,52 [0,26–1,05]

1 (4,3)

3 (5,3)

0,81 [0,01–10,67]

Ganglion sentinelle

37 (61,7)

72 (69,9)

0,3 [0,34–1,43]

1 (2,7)

4 (5,5)

0,48 [0,01–5,04]

Distance domicile–hôpital (km)1

36,2

Âge moyen (années)1

59,6

66,9

p < 0,001

Lésions infiltrantes

83 (80,6)

51 (75)

1,38 [0,62–3,07]

Repérage préopératoire

56 (54,4)

33 (48,5)

1,26 [0,65–2,44]

3 (5,3)

5 (15,1)

0,32 [0,05–1,79]

72 (69,9)

38 (55,9)

1,83 [0,92–3,64]

Lymphoscintigraphie le jour même2

4 (5,5)

8 (21)

0,22 [0,05–0,91]

Curages axillaires

14 (23,3)

20 (19,4)

1,26 [0,54–2,91]

3 (15)

0,95 [0,07–9,65]

20 (19,4)

15 (22,1)

0,85 [0,38–1,96]

Curages axillaires drainés2

2 (14,3)

Curages axillaires Curages axillaires drainés2

3 (15)

3 (20)

0,71 [0,08–6,27]

Pose de chambre implantable

11 (18,3)

13 (12,6)

1,55 [0,58–4,07]

Pose de chambre implantable

13 (12,6)

3 (4,4)

3,11 [0,81–17,71]

Hématomes postopératoires

3 (5)

2 (1,9)

2,64 [0,29–32,49]

Hématomes postopératoires

2 (1,9)

6 (8,8)

0,21 [0,02–1,2]

Conversions en hospitalisation traditionnelle

5 (8,3)

16 (15,5)

0,5 [0,13–1,52]

Repérage le jour même2 Ganglion sentinelle Lymphoscintigraphie le jour même2

1 2

49,8

p < 0,02

Analyse réalisée à l'aide d'un t-test de Student. Les pourcentages exprimés sont relatifs aux sous effectifs concernés.

programmées en CA sans qu'elles y soient contre-indiquées de 81 % en 2013 à 57 % en 2014. Les deux principales limites de cette étude résident dans son caractère observationnel et rétrospectif. Nous ne pouvons pas garantir l'exhaustivité de notre recueil de données, en particulier pour les causes de non-programmation en CA, qui pourraient ne pas avoir été systématiquement retranscrites dans le dossier médical. Le taux de refus est décrit comme pouvant atteindre 10 % alors qu'il est entre 0 et 2 % dans notre étude [4,10]. Nous ne disposons pas de données concernant la satisfaction des patientes (CA ou HT) selon le mode de prise en charge alors qu'il peut s'agir d'un élément limitant l'adhérence des patientes. Une étude prospective est actuellement en cours dans notre unité pour évaluer ce point. La principale force de cette étude est d'envisager les freins à la CA à différents niveaux : caractéristiques préopératoires des

1006

2013 60 interventions n (%), ou moyenne

Odd ratio [intervalle de confiance à 95 %], ou p

Repérage le jour même2

1 2

Analyse réalisée à l'aide d'un t-test de Student. Les pourcentages exprimés sont relatifs aux sous effectifs concernés.

patientes, geste chirurgical en lui-même et examens périopératoires. Bien que nous mettions en évidence un taux plus élevé de CA en deuxième partie d'étude, nous avons cherché à réaliser une analyse des causes de non-programmation en CA ainsi que des causes de conversion de CA en HT. Depuis 2012, notre équipe applique une politique en faveur de la CA qui est proposée pour chaque patiente programmée pour un traitement conservateur du sein quel que soit le geste axillaire. En raison du caractère rétrospectif de notre analyse, nous ne sommes pas en mesure d'identifier ce qui a été le plus efficace pour augmenter le taux de chirurgie ambulatoire, il est probable que cette amélioration ait été progressive et soit expliquée par plusieurs facteurs concomitants. Nous supposons que les chirurgiens et les anesthésistes rassurés par leurs expériences préalables ont tenu un discours plus rassurant, que les retours positifs des patientes

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TABLEAU V

TABLEAU VI

Causes de conversion de chirurgie ambulatoire en hospitalisation traditionnelle pour les années 2013 et 2014

Causes de non-programmation en chirurgie ambulatoire en 2013 et 2014

2014 16 conversions n (%)

p1

1 (20)

7 (43,7)

0,6

Nausée/vomissement

1

1

Choc anaphylactique au bleu de méthylène

0

2

Troubles de rythme cardiaque

0

2

Trouble sensitif du membre supérieur

0

1

Malaise au lever

0

1

Causes chirurgicales

2 (40)

3 (18,8)

Gestion de drainage axillaire

2

3

Causes organisationnelles

2 (40)

2 (12,5)

2

2

0

4 (25)

Causes médicales

Sortie tardive de chirurgie Causes non renseignées 1

Année 2014 68 patientes n (%)

p1

Absence de cause mentionnée

75 (81)

39 (57)

< 0,003

Contre-indication médicale

15 (16)

19 (28)

0,08

Critères sociaux (isolement)

2 (2)

7 (10)

< 0,05

Contre-indication chirurgicale (geste trop lourd)

1 (1)

2 (3)

0,57

0

1 (2)

0,42

Refus de la patiente 1

0,6

0,2

0,5

Analyse réalisée à l'aide d'un texte exact de Fisher.

ont aidé les équipes à proposer la CA à des patientes plus difficiles et plus fragiles, et que le circuit du patient a également été amélioré et simplifié grâce à l'expérience acquise. L'analyse des taux de CA en chirurgie conservatrice du sein décrits dans la littérature internationale est difficile du fait de différences dans la prise en charge des frais de santé (la participation financière active des patientes pourrait participer aux chiffres élevés de CA observés dans certains pays) et, d'autre part, de définitions différentes de la notion d'ambulatoire. En France, selon l'article D. 6124-301 du Code de la santé publique, la durée de prise en charge en CA doit être inférieure ou égale à 12 h alors que dans de nombreux autres systèmes de santé (États-Unis, Royaume-Uni. . .) ce délai est étendu jusqu'à 24 h [8,10–12]. Notre taux de 60,2 % est comparable avec ceux décrits par d'autres équipes soumises aux même contraintes de prise en charge et dans la même indication opératoire : 48 % pour l'équipe du Kremlin-Bicêtre, 67 % et 42,2 % dans les travaux de l'équipe de l'Institut de cancérologie de l'Ouest, 65,8 % pour celle de Lyon [3,11–13]. Ces chiffres restent ceux d'équipes sensibilisées à ce mode de prise en charge et bien audessus de la moyenne française de 15 % des traitements conservateurs du sein réalisés en CA en 2013, mais inférieurs aux taux de 70 à 80 % que l'on peut observer aux États-Unis, au Royaume-Uni ou en Suède [1,12]. Nos taux de conversion de CA en HT (8,3 à 15,5 %) et d'hématomes postopératoires (2 à 5 %)

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Année 2013 93 patientes n (%)

Analyse réalisée à l'aide d'un test du x2 ou d'un test exact de Fischer selon les effectifs.

sont comparables à ceux décrits dans la littérature, comme le montre une revue de la littérature de Marla qui rapportait des taux de conversion allant jusqu'à 15 % [5]. Les données concernant les équipes françaises soumises aux mêmes contraintes organisationnelles sont similaires aux nôtres avec : 12 à 15,5 % de conversion et 0,73 à 5,8 % d'hématomes rapportés sur différents travaux de l'équipe de l'Institut de cancérologie de l'Ouest [3,4,14]. Nos données de 2013 mettent en évidence que pour plus de 80 % des patientes non programmées en CA, aucun motif contre-indiquant la CA n'était retrouvé (isolement social, contre-indication médicale, lourdeur du geste chirurgical, refus de la patiente). Ce taux a été ramené à 57 % en 2014 mais reste encore élevé. Le même constat est fait dans un travail de Dravet et al. qui rapportent que 60 % des patientes non programmées en CA n'y étaient pas contre-indiquées [1]. Ce point soulève la question des limites organisationnelles à l'augmentation du taux de CA pour cancer du sein en France : problème de programmation des patientes en seconde partie de journée, problème d'organisation des examens péri-opératoires tels que le repérage et le GS qui mobilisent un nombre important de soignants (anesthésistes, chirurgiens, radiologues, anatomopathologistes, médecins nucléaires). En effet, un mode de prise en charge sur 24 h avec possibilité d'hébergement en unité de CA la nuit, tel que proposé aux États-Unis ou au Royaume-Uni, apparaît plus facilement compatible avec ces contraintes organisationnelles expliquant les chiffres plus élevés dans ces pays [10,11]. Ainsi, dans notre expérience de 2013, la réalisation d'un repérage préopératoire étant moins fréquent en CA (38,3 %) qu'en HT (57 %). Cette différence s'est par la suite effacée en 2014, ce qui a probablement participé à l'amélioration de notre taux annuel de CA. Nous avons augmenté notre taux de CA en cas de réalisation d'un GS de 37 % en 2013 à 65 % en 2014. Une meilleure organisation pourrait nous permettre d'améliorer

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2013 5 conversions n (%)

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Est-il possible d'augmenter la part ambulatoire en chirurgie conservatrice du sein ?

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B. Gachon, C. Nadeau, X. Fritel

encore ces chiffres puisqu'en 2014 la lymphoscintigraphie axillaire était plus fréquemment réalisée le jour même dans le groupe HT que dans le groupe CA. Ces contraintes organisationnelles en rapport avec les procédures associées à la chirurgie pourraient être liées à la multiplication des intervenants (chirurgien, radiologue, médecin nucléaire, anatomo-pathologiste). Ceci est mis en avant dans un travail de Dravet et al. qui mettait en évidence un taux de CA deux fois plus faible (15 %) quand 3 de ces intervenants étaient impliqués que quand seul le chirurgien était impliqué dans la prise en charge (30 %) [10]. Concernant nos pratiques chirurgicales, celles-ci n'ont pas été différentes entre les deux périodes avec près de 20 % de curages axillaires et 18 % de poses de chambre implantable en vue d'une chimiothérapie, confirmant que ce type de chirurgie est tout à fait compatible avec une prise en charge en CA. Ces chiffres sont similaires avec ceux rapportés par l'équipe de l'Institut de cancérologie de l'Ouest : 25 à 30 % de curages axillaires dans un travail de Dravet et al. et 18,5 % dans celui de Marchal et al. [3,4,10]. Comme la plupart des équipes avec des taux de CA importants, nous ne drainons pas systématiquement nos curages axillaires mais seulement ceux pour lesquelles les constatations peropératoire font poser son indication (saignement, lymphorrhée majeure), soit 15 % des cas dans notre expérience. La réduction de ce chiffre, plus important que dans les séries d'équipes référentes en CA, pourrait réduire nos conversions de CA en HT (3 conversions sur 16 en 2014 pour gestion du drainage) [3,4,14]. Classiquement, le curage axillaire est considéré comme un frein à une prise en charge en CA en raison de la problématique de la gestion du drainage. Plusieurs auteurs ont développé des techniques alternatives à type de capitonnage musculaires ou aponévrotiques afin de réduire la durée d'hospitalisation des patientes [14,15]. Une méta-analyse de la Cochrane Database de 2013 évaluant l'intérêt du drainage après curage axillaire ne retrouvait pas de bénéfices en termes de survenue de lymphœdèmes, infections ou hématomes ni en termes de satisfaction des patientes [16]. Le drainage ne permettait pas de prévenir la survenue d'un sérum postopératoire mais diminuait le nombre de ponctions nécessaires sans que cela ait un impact en termes de volume total ponctionné. Enfin, la durée d'hospitalisation était significativement plus importante chez les patientes drainées [16]. Enfin, nous pensons que des travaux d'évaluation des pratiques professionnelles, tels que présentés ici, pourraient être un moyen

intéressant afin de cibler les freins à la CA au sein de chaque équipe. Les efforts à déployer sur le terrain pour augmenter le nombre de patientes prises en charge en CA pourraient ainsi être ciblés sur les besoins spécifiques d'une unité. Pour répondre aux objectifs du dernier Plan Cancer de 54 % de chirurgie oncologique du sein en CA en 2024, les points nous apparaissant intéressant à développer sont les suivants : optimisation de la programmation des examens péri-opératoires, mise en place d'une infirmière pivot dans les centres de CA, développement des techniques d'anesthésie locorégionale telles que le bloc para-vertébral, mise en place de systèmes d'hôtels-hospitaliers permettant une nuitée dans une chambre d'hôtel prise en charge par l'assurancemaladie en préopératoire pour la gestion du repérage  de la lymphoscintigraphie axillaire [8,10–12]. Enfin, le développement de circuits spécifiques avec des professionnels spécifiquement formés à la CA au sein de nos établissements permettrait de réduire les délais péri-opératoires (préparation, transport et installation de la patiente, etc.) et d'améliorer la satisfaction des patientes ainsi que de rendre possible la programmation de patientes en deuxième partie de journée [17].

Conclusion Dans notre expérience, nous avons mis en évidence une augmentation significative de notre taux de chirurgie ambulatoire dans la chirurgie conservatrice du sein, quel que soit le geste axillaire associé. Cette augmentation ne s'est pas accompagnée d'une majoration du taux de conversion de CA en HT ni des complications postopératoires. Nos données confirment également la faisabilité du curage axillaire sans drainage en CA. Il semble donc possible de développer les séjours en CA pour chirurgie conservatrice du sein, se rapprochant ainsi des objectifs nationaux pour la prise en charge du cancer du sein en CA. Le challenge des années à venir repose sur l'amélioration de la part organisationnelle qui reste le frein principal. Cela passe par l'optimisation de la programmation en CA à l'aide d'équipes et de circuits de patientes spécifiques pour étendre nos indications et ainsi répondre à l'objectif de 54 % de CA en chirurgie oncologique mammaire pour 2024 du dernier Plan Cancer [9]. Déclaration de liens d'intérêts : les auteurs déclarent ne pas avoir de liens d'intérêts.

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