Revue francophone internationale de recherche infirmière (2015) 1, 161—168
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MÉTHODOLOGIE /Étude qualitative
Étapes à suivre dans une analyse qualitative de données selon trois méthodes d’analyse : la théorisation ancrée de Strauss et Corbin, la méthode d’analyse qualitative de Miles et Huberman et l’analyse thématique de Paillé et Mucchielli, une revue de la littérature Stages to follow in a qualitative data analysis according to three analysis methods: The grounded theory approach of Strauss and Corbin, the qualitative analysis method of Miles and Huberman and the thematic analysis of Paillé and Mucchielli, a literature review Souli Intissar (Msc, étudiante PhD) (Candidate en nursing) a,∗, Chouigui Rabeb (Msc) (Professeure paramédicale) b a
Faculté des sciences de la santé, école des sciences infirmières, school of nursing, université d’Ottawa, 451, Smyth Road, K1H 8M5 Ottawa (Ontario), Canada b École supérieure des sciences et techniques de la santé de Tunis, La Rabta, Bab Saâdoun, BP 176, 1007 Tunis, Tunisie Rec ¸u le 11 mai 2015 ; accepté le 24 juillet 2015
MOTS CLÉS Analyse de données ; Analyse thématique ; Recherche qualitative ;
∗
Résumé Une étude a été menée afin d’exposer, de manière détaillée, la fac ¸on dont les données devraient être analysées dans une recherche qualitative. Une revue de la littérature a été réalisée en utilisant des bases de données électroniques, la littérature grise et une recherche manuelle. Seulement 38 documents ont été adoptés pour ce travail, uniquement reliés aux trois méthodes suivantes : la théorisation ancrée de Strauss et Corbin (1998), la méthode d’analyse qualitative selon Miles et Huberman (2003), et l’analyse thématique de Paillé et Mucchielli
Auteur correspondant. Adresse e-mail :
[email protected] (S. Intissar).
http://dx.doi.org/10.1016/j.refiri.2015.07.002 2352-8028/© 2015 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
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S. Intissar, C. Rabeb
Théorisation ancrée ; Revue de la littérature
(2008). Malgré la divergence dans la nomination, les trois méthodes suivent cinq étapes fondamentales : codification, catégorisation (ou thématisation), mise en relation, présentation des résultats et vérification des données. © 2015 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
KEYWORDS
Summary A study was carried out in order to set out in detail the ways in which data should be analysed in qualitative research. A literature review was undertaken using electronic databases, grey literature and a manual search. Only 38 documents were adopted for this project, focused solely on the following three methods: the grounded theory approach of Strauss and Corbin (1998), the qualitative analysis method of Miles and Huberman (2003), and the thematic analysis of Paillé and Mucchielli (2008). Despite the differences in their names, the three methods follow five fundamental stages: codification, categorisation (or thematisation), matching, presentation of results and checking of the data. © 2015 Elsevier Masson SAS. All rights reserved.
Data analysis; Grounded theory; Literature review; Qualitative research; Thematic analysis
L’analyse qualitative de données se définit comme un processus qui implique un effort explicite de la part du chercheur. Ce dernier identifie les thèmes, construit les idées telles qu’elles émergent des données et clarifie ainsi le lien entre les thèmes et les hypothèses conséquentes [1]. Paillé (1994) [2] déclare que l’analyse qualitative est une activité fascinante. Le chercheur est submergé par une masse imposante de données brutes, de notes de terrain, et de transcriptions d’entrevues. Il se trouve face à un travail de longue haleine qui demande de la patience et des qualités d’interprétation, passant par une série de procédés précis, une suite de réflexions, de remises en question, de découvertes et de constructions toujours plus éclairantes. Par ailleurs, selon certains auteurs, l’analyse de données est un processus assez complexe, bien que les techniques et les méthodes de l’analyse soient nombreuses et variées [3]. De son côté, Ecuyer (1987) [4] souligne que, malgré cette diversité de méthodes, certaines ambiguïtés persistent quant à la nature et la clarté des étapes à franchir. Le chercheur a besoin d’instructions précises et bien organisées [3]. De ce fait, cette étude tente d’éclairer les étapes de l’analyse de données pour une recherche qualitative selon trois méthodes : la théorisation ancrée de Strauss et Corbin (1998) [5], la méthode d’analyse qualitative selon Miles et Huberman (2003) [6] et l’analyse thématique de Paillé et Mucchielli (2008) [7]. La question à laquelle le présent travail entend apporter des réponses est : « Lors d’une analyse qualitative de données, quelles étapes doivent être franchises selon ces trois méthodes pour que la démarche soit claire ? ».
Méthodes
ou, en franc ¸ais, « analyse qualitative de données ». Le but de cette étape était de définir l’analyse qualitative de données ainsi que les méthodes existantes. Après un survol dans la littérature, trois méthodes d’analyse qualitative de données ont été retenues : la méthode de Miles et Huberman (2003) [6] (completée par Miles et al., 2014), la théorisation ancrée [5] et enfin l’analyse thématique de Paillé et Mucchielli. Celles-ci sont considérées comme les méthodes d’analyse les plus couramment utilisées dans les recherches qualitatives [3]. Après cette sélection, une recherche documentaire a été effectuée en consultant les principales bases de données (Tableaux 1 et 2), Medline, CINHAL, afin de recueillir des informations pertinentes. Les mots-clés utilisés étaient les suivants : « Grounded theory method » et « thematic analysis ». Pour la méthode de Miles et Huberman, une recherche avancée en utilisant les noms de chercheurs concernés a été réalisée. Elle a été complétée par la littérature grise : une recherche particulière sur le Google et Google Scholar a été menée afin de répertorier des articles qui n’ont pas été publiés dans des périodiques ayant un processus de révision par les paires. Les mots-clés étaient : « la méthode d’analyse de Miles et Huberman », « l’analyse thématique », et « l’analyse par théorisation ancrée ». En parallèle, une recherche des principaux ouvrages pertinents à l’analyse qualitative des méthodes précitées a été aussi effectuée, incluant les documentations anglaises et franc ¸aises. La recherche était délimitée entre 1960 et février 2015. Le choix de cet intervalle de temps repose sur des techniques d’analyse de données (qualitative et quantitative) qui sont utilisées depuis les années soixante [8].
Stratégie de la recherche de l’information
Critères de sélection de la recherche documentaire (inclusions et exclusions)
La présente stratégie de recherche s’est appuyée sur une approche inductive. Elle a débuté par l’introduction d’un mot-clé assez vague sur Google, « Qualitative data analysis »
Les critères de sélection suivants ont été mis en place pour trier les documents les plus intéressants : tout document qui décrit en détail les étapes de l’analyse dans
Étapes à suivre dans une analyse qualitative de données Tableau 1
163
Stratégie de recherche sur CINHAL.
Search ID#
Search Terms
Search options
S1
TX ‘‘qualitative data analysis’’
S2
TX Grounded theory method
Limiters — Published Date: 1960/01/01-2015/12/31 Expanders — Apply related words Search modes — Boolean/Phrase Limiters — Published Date: 1960/01/01-2015/12/31 Expanders — Apply related words Search modes — Boolean/Phrase Expanders — Apply related word Search modes — Boolean/Phrase Expanders — Apply related words Search modes — Boolean/Phrase Published Date: 1960/01/01-2015/12/31 Search modes — Boolean/Phrase Published Date: 1960/01/01-2015/12/31
S1 and S2 S3
MH ‘‘Data Analysis’’ and MH ‘‘Grounded Theory’’ TI Thematic analysis
S5
Tableau 2
Results
1555
9 202
83
Stratégie de recherche sur PubMed.
Search Terms
Search options
1
Qualitative data analysis [Title]
2
Qualitative data analysis [All Field]
3
Qualitative data analysis [All] and (‘‘grounded theory’’ [MeSH Terms] or (‘‘grounded’’ [All Fields] and ‘‘theory’’ [All Fields]) or ‘‘grounded theory’’ [All Fields]) Qualitative data analysis [All] and (thematic [All Fields] and (‘‘analysis’’ [Subheading] or ‘‘analysis’’ [All Fields])) and (‘‘analysis’’ [Subheading] or ‘‘analysis’’ [All Fields]) and qualitative [All Fields]
(‘‘1960/01/01’’ [PDAT]: ‘‘2015/12/31’’ [PDAT]) (‘‘1960/01/01’’ [PDAT]: ‘‘2015/12/31’’[PDAT]) (‘‘1960/01/01’’ [PDAT]: ‘‘2015/12/31’’ [PDAT])
4
440
ces trois méthodes, de la langue franc ¸aise ou anglaise. Les critères d’exclusion comprenaient tout article ou document discutant une méthode autre que les trois précitées et tout article de recherche empirique qui utilise une méthode ou une autre des trois précitées. En effet, dans un article de recherche empirique, se trouve généralement une application des méthodes plutôt que leur description ou discussion. Deux niveaux de sélections ont été effectués, en utilisant une grille standard (Fig. 1). Le premier niveau concernait les titres recensés par la stratégie de recherche : ces derniers ont été examinés afin d’identifier l’ensemble des études sur les trois méthodes d’analyses. Un titre indiquant une de ces trois méthodes est retenu directement. Quant au second niveau, les résumés ont été évalués en utilisant les critères d’inclusion/exclusion ci-dessus. Si les résumés indiquaient une description des étapes d’analyses, l’article était retenu ou exclu, dans le cas contraire. Au total, 285 documents ont été repérés sur CINHAL par titre, seulement 8 articles ont été retenus après la deuxième sélection, 7 articles discutant la méthode de la théorisation ancrée et 1 pour l’analyse thématique. La majorité des articles exclus sont des recherches empiriques qui utilisent une méthode ou l’autre comme un cadre d’analyse de données. Quatorze ouvrages ont été utilisés comme des références : deux livres de Miles et Huberman
Results 38 649 52
(‘‘1960/01/01’’ [PDAT]: ‘‘2015/12/31’’ [PDAT])
66
(2003,2014) [6,9], Mucchielli (1996) [10], Strauss et Corbin (1998) [5], Jean-Pierre Deslauriers (1987) [11], John Creswell (1998) [12], etc. Quant à PubMed, 118 documents ont été identifiés par titre dont seulement 5 articles retenus. Les réponses
Le titre indique une de ces méthodes suivantes : La théorisation ancrée, une analyse thématique (Paillé et Mucchielli) et analyse qualitative de Miles et Huberman.
Oui
Non
Ajoutez : Type de l’article (article de recherche, revue, etc.) La langue Français
Anglais
Le résumé (Abstract) : 1)-Décrit les étapes d’une analyse qualitative de données.
Oui
Figure 1. Grille de sélection des articles. © S. Intissar
Non
Autre
164 Dans la littérature grise, 11 articles ont été choisis (tous les articles identifiés dans la première sélection ont été retenus par la seconde). Aucune restriction de langue n’a été appliquée. Par ailleurs, la totalité des articles qui ont répondu aux critères d’inclusion était soit en franc ¸ais ou en anglais.
Résultats Ainsi, 38 documents ont servi pour la réalisation de ce travail selon une approche purement inductive. Aucune grille d’analyse n’a été utilisée pour les données. Suite à un schéma d’extraction de données (Fig. 2), il a été constaté qu’il existait des étapes partagées entre les trois méthodes, mais avec des nominations différentes. Ainsi, 6 thèmes (ou 6 étapes fondamentales) ont été distingués, sous lesquels des sous-thèmes ont été dégagés après synthèse de données trouvées (encadré 1).
S. Intissar, C. Rabeb
Encadré 1 La présentation des résultats : • la phase de pré-analyse ; • la phase de codification ; • la phase de catégorisation : ◦ le mémo, ◦ la grille d’analyse ; • la mise en relation ; • la présentation de données ; • la vérification des données.
Discussion Au total, 38 documents ont été retenus pour ce travail et 6 étapes fondamentales ont été ressorties des documents trouvés. En réalité, loin des classifications, les trois
Figure 2. Schéma de synthèse de méthodes d’analyse qualitative de données de trois méthodes : Strauss et Corbin (1998) [5] ; Paillé et Muchielli (2008) [7] et Miles et Huberman (2003) [6] ; Miles et al. (2014) [9]. © S. Intissar
Étapes à suivre dans une analyse qualitative de données méthodes d’analyse qualitative de données comportent des similitudes, ou suivent les mêmes principes.
La phase de pré-analyse Avant de s’immerger dans l’analyse, certains auteurs évoquent une phase de pré-analyse [13,14], alors que d’autres la considèrent comme incluse dans l’analyse de données [12,15]. Durant cette phase, le chercheur commence par préparer son corpus de données qui seront intégralement retranscrites [3], dans leur forme intégrale, c’est-à-dire sans rien modifier de leur formulation [16]. À ce propos, Chauchat (1985) [17] soutient qu’« à cette étape, on ne peut se contenter d’un résumé et encore moins d’une partie de la réponse ou d’un mot : toute simplification à ce niveau du dépouillement risquerait en effet d’introduire des biais dans le corps des données ». Certains chercheurs suggèrent l’utilisation d’un dictaphone numérique qui permettra de simplifier cette tâche en déléguant la retranscription à une télésecrétaire, si le budget du chercheur le permet [13]. Cependant, quelle que soit la méthode utilisée, il est préférable que le chercheur retranscrive les intonations de voix, les rires et les sourires par des notes [13]. Par ailleurs, d’autres auteurs, tels que Miles et Huberman (2003) [6], ainsi que Strauss et Corbin (1998) [5], soutiennent que la transcription doit se dérouler en concomitance avec la collecte des données. Chaque série de deux ou trois entrevues ou périodes d’observation doit être suivie de la transcription des données, puis de leur analyse [2]. En outre, pour faciliter le processus d’analyse, une numérotation de différents éléments du corpus est la méthode la plus recommandée. Selon Bardin (2001) [18], cette dernière est considérée comme la meilleure pour réorganiser les textes et pour faciliter le verbatim. Une fois les données transcrites et bien organisées, leur analyse s’impose afin de faire émerger la fac ¸on dont se structure la représentation étudiée. La première étape de l’analyse est la codification.
La phase de codification La codification consiste en la transformation des données brutes de transcription en termes concis et aisément repérables [19]. Selon Paillé (1994) [2], la codification sert « à dégager, relever, nommer, résumer et thématiser le propos développé à l’intérieur du corpus sur lequel porte l’analyse ». Le chercheur procède d’abord par établir un système de codes (codification) permettant de classer les données empiriques. Il attribue des codes significatifs ligne par ligne, et ce, pour toutes les transcriptions d’entrevues [2]. Strauss et Corbin (1998) [5] affirment que le chercheur doit attribuer un mot ou proprement dit un concept à l’idée principale qui se dégage d’une phrase ou d’un paragraphe. Durant cette étape, le chercheur ou, selon son appellation, l’analyste se demande : « De quoi est-il question ici ? » [2]. En bref, le chercheur entreprend une lecture attentive des transcriptions d’entrevue, puis essaye de résumer les passages importants, avec le plus de concision possible, par des mots ou de courtes phrases (codes), tout en utilisant diverses formes de marquages telles que le surlignage et les annotations, pour faciliter le procès de codage [7]. Les deux auteurs, Miles et Huberman (2003) [6], ont distingué
165 deux types de codes : des codes descriptifs et explicatifs. Concernant les codes descriptifs, ils ne suggèrent aucune interprétation, mais simplement l’attribution d’une classe de phénomènes à un segment de texte. Pour les codes explicatifs, l’idée est d’indiquer que telles phrase ou paragraphe illustrent un mot émergeant, que le chercheur a décelé en déchiffrant la signification ou les relations entre les événements [6]. Le chercheur, selon ses préférences ou expertises, peut choisir le type de codage. Une fois les codes obtenus, le chercheur peut passer à la prochaine étape : la catégorisation.
La phase de catégorisation La catégorisation ou, proprement dit, la thématisation constitue la principale opération de l’analyse qualitative de données [2]. L’objectif de cette étape est de définir des catégories permettant de regrouper les réponses (codes) identiques sous un titre générique [11]. La thématisation ou la catégorisation n’annule pas la codification, elle la place en réalité dans un contexte explicatif plus large et plus abstrait [7]. Strauss et Corbin (1998) [5] soulignent que cette étape ou, selon leur appellation, le codage axial met en lumière des catégories construites à partir des codes émergés ayant des propriétés communes. Un constat important à faire à cette étape est que « les concepts qui atteignent le statut de catégories sont des abstractions. Ils ne représentent donc pas l’histoire personnelle d’un individu ou d’un groupe, mais plutôt les histoires de plusieurs individus ou de plusieurs groupes réduits à, et représentés par plusieurs termes hautement conceptuels » [5]. La catégorisation comprend d’abord l’inventaire des éléments qui doivent être isolés du discours (codes), puis leur classification ou répartition (regroupement) selon des principes déterminés : homogénéité, pertinence, objectivité, fidélité, et productivité [19]. Selon Zihisire (2011) [16], l’homogénéité signifie que chaque catégorie ne doit réunir que les énoncés allant dans le même sens, avec une attention plus accrue pour éviter toute ambiguïté [11]. Albarello (1999) [20] confirme que la catégorie est une rubrique significative ou une classe qui rassemble les éléments ou proprement dit les codes de même nature. En outre, les catégories sont dites pertinentes lorsqu’elles sont adaptées au corpus de réponse, aux objectives de la recherche et au cadre théorique dans lequel la recherche s’inscrit [16]. Concernant l’objectivité, elle implique une définition rigoureuse permettant aux codeurs d’effectuer le classement en interprétant le moins possible [14]. À vrai dire, la catégorisation est une étape assez délicate et la plus cruciale au sujet de laquelle tous les chercheurs s’entendent et reconnaissent sa délicatesse [5,21]. Le chercheur s’y pose ces questions : « Est-ce que ces concepts sont liés ? » et « En quoi et comment sont-ils liés ? ». Paillé (1994) [2] précise également que la thématisation ou catégorisation est un outil analytique très puissant, mais aussi difficile à opérer, surtout pour un chercheur novice pour qui la sensibilité théorique n’est pas aussi bien développée. Cette dernière oriente toujours le regard de l’analyste et lui facilite le processus de la catégorisation. La sensibilité est acquise avec l’expérience de recherche et la formation fondamentale et continue du chercheur [7]. Pour faciliter cette étape, le chercheur peut retourner à une utilisation
166 constante de la méthode de comparaison [5]. Autrement dit, à chaque fois que le chercheur induit des codes et des catégories, il doit les comparer et les valider avec ce qui existait dans la littérature (grille d’analyse), son mémo et les données de prochaines entrevues. Cette comparaison permet de préciser les propriétés et les dimensions des concepts et des catégories appelées aussi thèmes [22]. À ce niveau, une petite parenthèse doit être ouverte concernant l’importance du mémo et de la grille d’analyse. L’analyste peut choisir un de ces moyens ou les deux ensemble. Son choix dépend de sa préférence personnelle, de sa sensibilité, de son expertise, etc.
Le mémo Le mémo est un document dans lequel des notes sont rédigées, sans considération orthographique ou grammaticale, et ceci dès qu’une idée germe dans l’esprit [13]. Le chercheur y consigne tout ce qui lui vient à l’esprit car des données en apparence anodines peuvent se révéler par la suite, capitales. Selon Paillé (1994) [2], avec le mémo, le chercheur « pense sur le papier ». Il représente un document très important qui permet de sculpter la réflexivité théorique du chercheur et surtout aide au développement de différentes catégories et de codes théoriques [21]. Pour cela, Gallagher (2014) [22] propose que le chercheur rédige ce mémo tout au long du processus d’analyse, tout en documentant ses réflexions analytiques ainsi que ses décisions méthodologiques. Cependant, le chercheur doit être attentif dans la rédaction de mémo afin de refléter la réalité observée sans préjugés ou interprétations personnelles. Le mémo demande au chercheur une honnêteté dans ses observations.
La grille d’analyse Le chercheur peut construire une grille d’analyse. Cette dernière peut être formée par des thèmes prédéterminés, inspirés principalement de la recension des écrits, du cadre théorique, et des objectives de recherche [6]. Elle peut aussi être construite au fur et à mesure que le chercheur découvre des thèmes à la lecture du matériel recueilli [9]. Molinier, Rateau et Cohen-Scali (2002) [3] affirment qu’une grille générale doit se former à partir d’un premier entretien. Par la suite, le chercheur tente de l’appliquer à un deuxième puis à un troisième élément du corpus, pour vérifier la stabilité et la pertinence de cette grille. Elle est essentielle pour décrire et expliquer le phénomène d’étude, surtout qu’elle facilite la catégorisation [9]. L’approche des données avec un esprit ouvert, dépourvu de notions préconc ¸ues, est primordiale afin de veiller à ce que le produit final soit véritablement émergé à partir des données [23,24]. Dans tous les cas, le chercheur ou l’analyste est une personne qui a son propre paradigme, son « background », ses expériences et ses sentiments. Il ne peut donc se détacher de ses idées et de ses représentations et se trouve tiraillé entre deux pôles, d’un côté la rigueur et l’objectivité, de l’autre, la fécondité et la subjectivité [25]. Aussi, l’analyste doit reconnaître sa réflexivité et prendre conscience que ses antécédents et ses expériences peuvent influencer son codage [26]. Il doit, de plus, s’abstraire de ses préjugés et valider son analyse par la confrontation aux données empiriques [27].
S. Intissar, C. Rabeb Après le travail d’inventaire réalisé, lors de la codification et de la thématisation, il devient opportun de pousser l’analyse afin d’en savoir plus et comprendre comment ces différents thèmes s’organisent entre eux.
La mise en relation Les thèmes (ou catégories) présents dans un matériau coexistent les uns avec les autres selon certains types de relations [24]. La mise en relation consiste « à se livrer systématiquement à la mise en relation des catégories, trouver des liens qui ont habituellement déjà commencé à s’imposer d’eux-mêmes lors de travail de consolidation » [2]. Ceci rejoint les principes de codage axial de Strauss et Corbin (1998) [5]. Durant cette étape, le chercheur établit des liens entre les différentes catégories nommées lors du codage [28]. De son côté, Lannoy (2012) [24] propose une méthode assez pertinente pour faciliter l’établissement de relation. Selon cet auteur, le chercheur trace les relations entre les thèmes en spécifiant leur caractérisation : la pondération (les thèmes qui ont plus de poids, ou autrement dit les plus récurrents), la subordination (les parties constitutives d’une entité thématique plus large, les sous-thèmes), la partition (les sous-thèmes qui entretiennent entre eux un rapport de partition), la complémentarité (des thèmes qui s’éclairent mutuellement) et l’opposition (des thèmes qui apparaissent mutuellement opposés). Pour l’opposition, Lannoy (2012) [24] suggère au chercheur de ne pas éliminer ces contradictions, mais plutôt de les vérifier et les résoudre intellectuellement. Toutefois, cette mise en relation ne doit être mise en œuvre que si le chercheur est certain d’être parvenu à la saturation de ses catégories (ou données). La saturation des données signifie qu’aucune donnée additionnelle ne serait utile au chercheur pour développer davantage une catégorie [29]. Ce dernier s’assure qu’il a atteint la saturation lorsqu’il remarque la redondance des répétitions [30]. Néanmoins, il doit continuer tout de même sa recherche avec d’autres sujets pour diversifier autant que possible les catégories. La saturation est toujours relative [21]. De leur côté, Strauss et Corbin (1998) [5] remarquent que cette relativité s’explique par d’autres considérations qui doivent être prises en compte. Ils citent, par exemple, les ressources dont dispose le chercheur (l’argent, le temps, la disponibilité des participants, etc). Celui-ci est attentif à tout facteur influenc ¸ant la saturation de données.
La présentation de résultats La présentation des données consiste à mettre en lumière les relations établies entre les thèmes afin d’assurer une compréhension plus approfondie et plus interprétative du phénomène [6]. Ceci, selon Gallagher (2014) [22], permet au chercheur de poser un regard holistique sur les données et les résultats obtenus. Ce dernier essaye d’utiliser le format le plus adéquat, qui contribue à répondre à la question de recherche [9]. Par exemple, Miles et al. (2014) [9] suggèrent la présentation sous forme de matrices, de schémas ou de réseaux. Parmi ces méthodes, Miles et Huberman (2003) [6] favorisent la matrice des tableaux. Celle-ci est particulièrement utile pour comprendre le flux, la localisation et les liens entre les évènements. Elle permet de visualiser les
Étapes à suivre dans une analyse qualitative de données données d’un seul coup d’œil et peut fournir une ultérieure explication causale. Strauss et Corbin (1998) [5] soutiennent que durant cette phase (codage sélectif), l’étude prend sa forme. Un modèle théorique se présente d’une fac ¸on assez efficace pour dépeindre visuellement l’interrelation de ces catégories axiales. Selon Méliani (2013) [30], cette modélisation pousse le chercheur un peu plus loin dans la conceptualisation des phénomènes étudiés en systématisant la dynamique révélée dans la mise en relation. Paillé et Mucchielli (2008) [7] suggèrent que les données, d’une fac ¸on minimale, prennent la forme d’un arbre. Cet arbre représente une ébauche des éléments qui serviront à la description du phénomène [22]. Il s’agit d’un arbre thématique ou d’une cartographie thématique pour désigner l’organisation des thèmes par le chercheur [7]. De ce fait, ce dernier identifie des thèmes comme principaux, par rapport auxquels certains autres deviennent subordonnés ou subsidiaires (sous-thèmes). En d’autres termes, en présentant les résultats sous forme de matrice, de modèle théorique ou d’arbre, le chercheur veille à présenter les relations entre ses différents thèmes. Il ne doit jamais se sentir lié par un thème, un énoncé ou une catégorie. Il a toujours la possibilité « de retourner au matériau même en vue de le réévaluer, le reconsidérer, le thématiser à nouveau » [7].
La vérification des données L’étape de vérification des données commence dès la collecte de ces dernières jusqu’au dépôt des résultats. L’analyste commence à noter les régularités, les patterns, les explications, les flux de causalité, etc. [6]. Il essaye de garder un esprit ouvert et critique, et ne s’arrête pas à ses propres conclusions. Il poursuit sa démarche de découverte [6]. Plusieurs moyens peuvent aussi être utilisés pour vérifier ses données. Par exemple, le chercheur peut retourner auprès des participants pour valider la compréhension de son point de vue [22]. Selon Glaser et Strauss (1967) [31], il doit retourner plusieurs fois sur le terrain pour réajuster sa théorie émergente d’une part, et pour élargir la compréhension du phénomène d’autre part. Ce principe de vérification doit s’appliquer à toutes les parties de la recherche [32] et surtout pour les deux démarches les plus importantes qui sont la collecte et l’analyse des données [27].
Conclusion Ce travail est fondé principalement sur des informations provenant de livres, ce qui limite à notre point de vue l’utilisation judicieuse des articles. En effet, les méthodes présentées ci-dessus ne font que reconnaître le travail patient et complexe de l’analyse de données. L’analyse qualitative de données est donc un processus de recherche qui passe par des moments à la fois excitants et angoissants. Le chercheur fait face à d’importants défis à surmonter afin de pouvoir induire un travail de qualité. Ce travail est une tentative d’éclaircissement et de rassemblement des méthodes d’analyse qualitative des données selon les trois méthodes les plus couramment utilisées dans le domaine de la santé. Il pourra ainsi servir de guide ou de référence pour toute chercheuse ou infirmière débutante, tout en se basant sur une démarche scientifique rigoureuse.
167
Déclaration d’intérêts Les auteurs déclarent ne pas avoir de conflits d’intérêts en relation avec cet article.
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