Lettres a` la re´daction / Annales Franc¸aises d’Anesthe´sie et de Re´animation 28 (2009) 806–814
Socie´te´ franc¸aise d’anesthe´sie et de re´animation : la pommade Emla (me´lange lidocaı¨ne et prilocaı¨ne) et l’anesthe´sie locale [1]. Le patch Emla est efficace, mais ne´cessite une application d’une a` trois heures avant la ponction [2], souvent peu compatible avec les contraintes de la re´animation. L’anesthe´sie locale est elle aussi efficace, mais rend la palpation de l’arte`re radiale plus difficile. Nous utilisons dans le service une alternative a` ces techniques : le bloc radial. Il est re´alise´ 4 a` 5 cm au-dessus de ` ce la tabatie`re anatomique, la main en position neutre [3,4]. A niveau se situe la branche terminale ante´rieure du nerf radial, au contact de l’arte`re radiale et qui croise le bord externe du radius. Elle passe en arrie`re 4 a` 5 cm au-dessus de l’apophyse styloı¨de. Ce rameau du nerf radial est purement sensitif et la neurostimulation est inutile. L’anesthe´sique local utilise´ dans le service est la lidocaı¨ne 1 %. Il est injecte´, apre`s asepsie, en sous-cutane´ en deux lignes trac¸antes de 3 cm utilisant le meˆme point de ponction et perpendiculairement a` l’axe du poignet, dessinant ainsi un demi-bracelet 4 a` 5 cm au-dessus de la styloı¨de radiale. La quantite´ injecte´e est de 6 ml pour un adulte. L’installation de l’anesthe´sie se fait en dix a` 15 minutes, ce qui est compatible avec les impe´ratifs de la re´animation. Ce temps est mis a` profit pour pre´parer tout le mate´riel ne´cessaire a` la pose du cathe´ter et re´aliser une asepsie rigoureuse du point de ponction. La re´alisation de ce bloc est simple, rapide et sans risque. Les complications sont rares, il s’agit essentiellement de ponctions de l’arte`re radiale. La progression re´alise´e en aspiration continue permet de de´tecter une effraction vasculaire et de ne pas injecter l’anesthe´sique local en intra-arte´riel. Par rapport aux autres techniques, le bloc radial pre´sente un certain nombre d’avantages the´oriques. En comparaison avec l’Emla, il a une dure´e d’installation beaucoup plus rapide, une efficacite´ comparable et n’entraıˆne pas de vasoconstriction arte´rielle. Par rapport a` l’anesthe´sie locale, il utilise le meˆme mate´riel et le meˆme anesthe´sique n’induisant en cela aucun surcouˆt. La zone de ponction du cathe´ter radial n’est pas infiltre´e et donc non de´forme´e, car l’injection du bloc se fait 4 a` 5 cm au-dessus du pli de flexion du poignet. De plus, la zone anesthe´sie´e est plus e´tendue et plus en profondeur, permettant pour les ponctions difficiles des ponctions a` diffe´rents niveaux avec la meˆme anesthe´sie. Compte tenu de la zone anesthe´sie´e, notre e´quipe utilise cette technique pour re´aliser une analge´sie efficace permettant la mise en place des cathe´ters arte´riels chez les patients conscients en re´animation. Cette technique peut eˆtre propose´e dans d’autres situations comme la pose d’un cathe´ter radial au bloc ope´ratoire avant l’induction. Conflits d’inte´reˆts Les auteurs ne de´clarent aucun conflit d’inte´reˆts. Re´fe´rences [1] Baron J-F, Camus C, Chemla D, Duranteau R, du Gre`s B, de La Coussaye J-E, et al. Cathe´te´risme arte´riel et mesure invasive de la pression arte´rielle en anesthe´sie re´animation chez l’adulte. Ann Fr Anesth Reanim 1995; 14:444–53.
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[2] Kim J-Y, Yoon J, Yoo B-S, Lee S-H, Choe K-H. The effect of a eutectic mixture of local anesthetic cream on wrist pain during transradial coronary procedures. J Invasive Cardiol 2007;19:6–9. [3] Zetlaoui PJ, Choquet O. Techniques d’anesthe´sie locore´gionale du membre supe´rieur. Encly Med Chir (Elsevier, Paris). Anesthe´sie-Re´animation 2004;36-321-A-10. [4] Deleuze A, Gentili ME. Blocs re´gionaux au coude, au poignet et de la main. Ann Fr Anesth Reanim 2006;25:242–8.
G. Lacroix*, B. Prunet, Y. Asencio, A. Montcriol, P. Goutorbe De´partement d’anesthe´sie re´animation, hoˆpital d’instruction des arme´es Sainte-Anne, boulevard Sainte-Anne, 83000 Toulon, France *
Auteur correspondant. Adresse e-mail :
[email protected] (G. Lacroix). Disponible sur Internet le 3 aouˆt 2009 doi:10.1016/j.annfar.2009.07.068
´ tat de choc apre`s morsure par un serpent autochtone en E France Shock after native snakebite in France Mots cle´s : Syndrome vipe´rin ; Choc ; Vipera berus Keywords: Viperin syndrome; Shock; Vipera berus
Les envenimations ophidiennes graves sont rares en France me´tropolitaine [1]. Les serpents, les plus souvent incrimine´s sont la vipe`re pe´liade (Vipera berus) dans le Nord et la vipe`re aspic (Vipera aspis) dans le Sud. Bien que le syndrome vipe´rin soit caracte´rise´ essentiellement par des signes locaux importants (douleur et œde`me) associe´s a` un syndrome he´morragique [2], les pre´sentations cliniques sont parfois diffe´rentes et peuvent engager rapidement le pronostic vital [3]. Un homme aˆge´ de 35 ans, 69 kg, 1 m 70, sans ante´ce´dents particuliers, manipulait une vipe`re pe´liade et s’est fait mordre au niveau de l’articulation interphalangienne proximale de l’index de la main droite. Quatre heures apre`s la morsure, devant l’importance de la douleur et l’extension de l’œde`me le ` l’arrive´e du Smur, le patient patient appelait le Samu. A pre´sentait des douleurs abdominales avec vomissements, associe´es a` une agitation et a` une hypotension a` 79/45 mmHg. Le patient recevait un bolus de 5000 UI d’he´parine non fractionne´e. Le remplissage vasculaire effectue´ au cours du transport (1 l de macromole´cule et 250 ml de se´rum physiologique) s’ave´rait inefficace et le patient e´tait mis sous noradre´naline a` 0,5 mg/h. Il e´tait ensuite adresse´ en re´animation polyvalente au CHU. L’e´tat he´modynamique s’aggravait malgre´ la poursuite du remplissage et l’augmentation de la dose de noradre´naline a` 2 mg/h. Le patient e´tait oligurique. Les lactates arte´riels e´taient a` 2,6 mmol/l, le de´ficit en base
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a` 6 mmol/l. L’œde`me atteignait le coude. Le bilan d’he´mostase initial e´tait normal :
plaquettes a` 267 000/mm3 ; TP a` 100 % ; TCA a` 29/29 ; fibrinoge`ne a` 3,5 g/l ; antithrombine III a` 79 % ; les complexes solubles e´taient ne´gatifs.
Le patient recevait 4 ml de se´rum antivipe´rin Viperfav1, soit six heures et 30 minutes apre`s la morsure. Deux heures apre`s l’injection de se´rum, le patient e´tait sevre´ de noradre´naline, son bilan d’he´mostase restait inchange´. Une seconde dose de Viperfav1 e´tait perfuse´e deux heures plus tard. La douleur s’amendait. Le patient n’a pre´sente´ ni de´tresse respiratoire, ni insuffisance re´nale. Il pouvait quitter le service de re´animation le lendemain. Le bilan d’he´mostase e´tait strictement normal. L’œde`me restait e´tendu au coude sans extension supple´mentaire. L’incidence des morsures en France me´tropolitaine est de pre`s de 2000 par an ce qui correspond a` 500 envenimations par an (les trois quarts des morsures e´tant « se`ches ») et un de´ce`s par an [1]. Ce cas illustre le fait qu’une morsure par vipe`re autochtone peut eˆtre potentiellement mortelle chez l’adulte jeune en bonne sante´. La grande variabilite´ des pre´sentations cliniques doit eˆtre souligne´e. Les troubles de l’he´mostase, comme dans ce cas, peuvent eˆtre absents et l’e´tat de choc eˆtre au premier plan. L’e´tat de choc peut eˆtre duˆ a` une vasople´gie lie´e a` la pre´sence dans le venin de substances vasodilatatrices (bradykinines, peptide inhibiteur de l’enzyme de conversion) ou eˆtre hypovole´mique sur œde`me extensif majeur ou encore he´morragique sur des saignements diffus. L’he´parine n’a pas d’indication dans cette situation ou un syndrome he´morragique mettant en jeu le pronostic vital peut survenir. L’efficacite´ spectaculaire du se´rum antivenimeux par voie intraveineuse et sa tre`s bonne tole´rance me´rite d’eˆtre rappele´e [4]. Re´fe´rences [1] Chippaux JP. Venins de serpents et envenimations. Paris: IRD E´ditions; 2002. p. 202. [2] Larre´che´ S, Mion G, Goyffon M. Troubles de l’he´mostase induits par les venins de serpents. Ann Fr Anesth Reanim 2008;27:302–9. [3] Audebert F, Sorkine M, Robbe-Vincent A, Bon C. Viper bites in France: clinical and biological evaluation; kinetics of envenomations. Hum Exp Toxicol 1994;13:683–8. [4] de Haro L, Lang J, Bedry R, Guelon D, Harry P, Marchal-Mazet F, et al. Envenimations par vipe`res europe´ennes. E´tude multicentrique de tole´rance du Viperfav, nouvel antivenin par voie intraveineuse. Ann Fr Anesth Reanim 1998;17:681–7.
Y. Mahjoub*, M. Hijazi, N. Airapetian, F. Tinturier, H. Dupont Service de re´animation polyvalente, CHU d’Amiens, place Victor-Pauchet, 80054 Amiens cedex 1, France
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Auteur correspondant. Adresse e-mail :
[email protected] (Y. Mahjoub). Disponible sur Internet le 3 aouˆt 2009 doi:10.1016/j.annfar.2009.07.069
Paralysie ascendante hyperkalie´mique re´ve´latrice d’une insuffisance surre´nale Ascending hyperkaliemic paralysis revealing adrenal insufficiency Mots cle´s : Te´traple´gie ; Hyperkalie´mie ; Insuffisance surre´nalienne aigue¨ Keywords: Tetraplegia; Hyperkaliemia; Acute adrenal insufficiency
Le cas clinique fort inte´ressant rapporte´ par Berrebi et al. [1] de´crivant une te´traple´gie flasque et aigue¨ secondaire a` une hyperkalie´mie par insuffisance re´nale chronique nous a reme´more´ un cas de paralysie ascendante hyperkalie´mique re´ve´latrice d’une insuffisance surre´nale [2]. Il s’agissait d’un agriculteur de 27 ans hospitalise´ en re´animation pour syndrome paralytique ascendant avec insuffisance respiratoire (capacite´ vitale = 1200 ml). Alors que ce tableau nous orientait vers une polyradiculone´vrite de GuillainBarre´, nous avions de´couvert une kalie´mie a` 8,5 mmol/l. Il existait un choc hypovole´mique. L’ECG ne montrait que des ondes T amples. Apre`s mise sous ventilation artificielle et traitement symptomatique de l’hyperkalie´mie, le syndrome de´ficitaire se corrigeait, la kalie´mie e´tant alors a` 6,6 mmol/l. Il existait e´galement une hyponatre´mie a` 118 mmol/l. La re´cupe´ration avait e´te´ totale. La cause de l’hyperkalie´mie avait pu eˆtre attribue´e a` une insuffisance surre´nale d’origine pe´riphe´rique par re´traction corticale En effet, il existait une me´lanodermie, un de´ficit en cortisol avant et apre`s stimulation, un de´ficit en aldoste´rone, une ACTH plasmatique tre`s e´leve´ ainsi que des anticorps antisurre´naliens. Aucune autre e´tiologie n’e´tait mise en e´vidence. Les paralysies avec hyperkalie´mie rapporte´es a` une insuffisance cortico-surre´nalienne ont e´te´ de´crites par Mollaret et al. [3]. Il s’agit de paralysies ascendantes, de´butant aux membres infe´rieurs, atteignant ensuite le tronc et les membres supe´rieurs ; elles sont flasques avec abolition des re´flexes oste´otendineux, mais conservation des re´flexes idiomusculaires. La quadriple´gie est la forme habituelle. Sur les 18 cas recense´s par ces auteurs, sept atteintes respiratoires sont rapporte´es mais la ventilation assiste´e n’a e´te´ ne´cessaire que deux fois. Nous avons retrouve´ 17 autres observations faisant e´tat de paralysies hyperkalie´miques au cours d’insuffisance surre´nale. Il existait une forte pre´dominance masculine et, deux fois sur trois, les paralysies re´ve´laient l’insuffisance surre´nale. Des prodromes apparaissaient avant l’e´pisode paralytique, a` type d’asthe´nie musculaire, de crampes ou d’e´pisodes paralytiques spontane´ment re´solutifs. Au total, l’observation de Berrebi et al. [1] et notre observation diffe`rent par l’e´tiologie de l’hyperkalie´mie,