État des lieux de la médecine palliative au Liban

État des lieux de la médecine palliative au Liban

Médecine palliative — Soins de support — Accompagnement — Éthique (2017) 16, 269—276 Disponible en ligne sur ScienceDirect www.sciencedirect.com EX...

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Médecine palliative — Soins de support — Accompagnement — Éthique (2017) 16, 269—276

Disponible en ligne sur

ScienceDirect www.sciencedirect.com

EXPÉRIENCES PARTAGÉES

État des lieux de la médecine palliative au Liban Current state of palliative medicine in Lebanon Rana Istambouly a,∗, Charles Haddad b, Nicolas Becoulet c a

Pallia Med, cabinet de consulting, 16, rue Fantin-Latour, 75016 Paris, France Soins palliatifs, hôpital Saint-Joseph, rue Saint-Joseph, BP 90375, Jdeidé-Metn, Liban c Soins palliatifs, CHU Minjoz, boulevard Fleming, 25030 Besanc¸on, France b

Rana Istambouly

MOTS CLÉS Soins palliatifs ; Fin de vie ; Législation ; Politique de santé ; Éthique ; Qualité de vie



¸u sous la forme révisée le 4 mai 2017 ; accepté le 16 mai 2017 Rec ¸u le 2 mars 2017 ; rec Disponible sur Internet le 4 septembre 2017

Résumé L’assemblée de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) a reconnu que la médecine palliative est une composante fondamentale des services de santé intégrée et centrée sur la personne, pas un supplément ou une option. L’objectif de ce travail était de procéder à un état des lieux quantitatif et qualitatif de la médecine palliative au Liban. Pour analyser la situation de développement de la médecine palliative au Liban nous nous sommes inspirés du modèle stratégique de santé publique de l’OMS qui a mis en évidence la nécessité de développer la médecine palliative dans quatre domaines. À ce jour, des progrès timides ont été enregistrés. Le développement de la médecine palliative au Liban est aujourd’hui dans une situation paradoxale. Si les discours officiels apparaissent très encourageants, ils sont accompagnés de moyens dispersés dans le cadre d’une stratégie multiforme, incertaine et anarchique. L’enjeu principal de la diffusion de la culture palliative, qui est un modèle novateur en matière de politique sanitaire, consiste donc dans sa « mise en pratique concrète », par une réforme de l’organisation du système de santé libanais. Si le « pourquoi » d’une telle politique apparaît légitime, le « comment », c’est-à-dire l’orientation que prendra la médecine palliative, la mise en œuvre d’une stratégie d’innovation de développement de la médecine palliative, la prise en charge du financement des patients ayant un statut « palliatif » etc., sont essentiels. Cependant, ils doivent être discutés avec des experts en matière de médecine palliative afin de gérer les obstacles et les limites au développement de cette spécialité. © 2017 Elsevier Masson SAS. Tous droits r´ eserv´ es.

Auteur correspondant. Adresse e-mail : [email protected] (R. Istambouly).

http://dx.doi.org/10.1016/j.medpal.2017.05.003 1636-6522/© 2017 Elsevier Masson SAS. Tous droits r´ eserv´ es.

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KEYWORDS Palliative care; End of life; Legislation; Health policy; Ethics; Quality of life

R. Istambouly et al.

Summary The World Health Organization assembly recognized that palliative medicine is a fundamental component of a person-centered health services, not only an option or an additional treatment. In Lebanon, the development of palliative medicine remains limited. The objective of this work was to quantitatively and qualitatively describe the existent palliative medicine in Lebanon. This research is based on a search of databases such as Google Scholar, Medline, Cairn.info, etc. To analyse the current state of development of palliative medicine in Lebanon, the study was based on the strategic model of public health of the World Health Organisation (WHO), which highlights the need to develop palliative medicine in four areas. Over the past 10 years, unsubstantial progresses have been recorded. The development of palliative medicine is today in a paradox state. Even though official speeches are very encouraging, they are accompanied by scattered means, which are part of a multifaceted, uncertain and anarchic strategy. The main challenge of the transmission of palliative culture, which is an innovative concept in terms of sanitary policies, consists of a ‘‘concrete implementation’’, through a reform of the Lebanese health system. If the ‘‘why’’ of such a policy appears to be appropriate, the ‘‘how’’ however, is to define the orientation that will take palliative medicine, the implementation of a strategy for the development of palliative medicine, the funding for the treatment of patients with ‘‘palliative’’ status, etc., are essential. However, they need to be discussed with experts in palliative medicine to manage the obstacles and limitations to the development of this specialty. © 2017 Elsevier Masson SAS. All rights reserved.

Introduction La médecine palliative est devenue une priorité de la politique de santé mondiale. Son importance a été soulignée dans le plan d’action mondial de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) pour la lutte contre les maladies non transmissibles 2013—2020 et plus récemment dans la liste de l’OMS des médicaments essentiels qui comporte une section spécifique sur les médicaments destinés aux soins palliatifs [1,2]. L’assemblée de l’OMS a reconnu que la médecine palliative est une composante fondamentale des services de santé intégrés et centrés sur la personne, pas un supplément ou une option. Le conseil exécutif de l’OMS a appelé tous les pays à renforcer les soins palliatifs et à les inclure comme éléments essentiels d’un système de soins de santé moderne [3—5]. La médecine palliative est un nouveau « modèle » de soins pour des politiques sanitaires et sociales novatrices. Elle exige un nouveau rapport au malade et à la science. La médecine contemporaine est centrée sur la maladie et se présente avant tout comme une activité « curative », afin de faire disparaître totalement et définitivement la maladie. Les maladies étant ce qu’elles sont, pas toujours curables cependant, la médecine palliative s’intéresse aux personnes ayant une maladie incurable. Elle y trouve un autre rôle que l’irradiation de la maladie, celle d’aider les personnes malades à « faire face », à « faire avec » la maladie, et pas seulement à « faire contre ». Une telle médecine ouvre la perspective de pratiques visant à soutenir le malade avec sa maladie en améliorant sa qualité de vie. En d’autres termes, la prise en charge est plus centrée sur le malade et ses besoins. Elle exige un nouveau rapport à la science car elle permet de réagencer la place des traitements curatifs dans la prise en charge et réorienter les moyens et les fins de l’intervention thérapeutique. Elle incite à se questionner sur certains traitements pouvant prolonger la

survie. Elle favorise des interrogations sur la pertinence ou non d’initier une action qui nous renvoient à une réflexion sur le « sens » de ce que l’on fait et des décisions qui sont à prendre. Il s’agit de réfléchir, en essayant de faire entrer dans la décision d’autres critères que le « seul critère médical », mais aussi en tenant compte du principe d’autonomie du patient, son état de santé, ses désirs, son objectif, ses projets, ses souhaits et son expérience avec la maladie. C’est donc la manière de décider et la manière de faire selon certains buts qui caractérisent cette forme de médecine, et non la nature des interventions effectuées [6,7]. La démarche médicale au Liban est largement imprégnée d’images guerrières. Depuis la révolution thérapeutique de l’après-guerre et sa cohorte de « médicaments miracles », la notion d’agir « contre » la maladie domine la logique au Liban. Focalisée sur la maladie, la médecine technoscientifique au Liban s’est aussi désintéressée de « prendre soin du malade ». Plusieurs études réalisées au Liban ont montré que la prise en charge des problèmes physiques et psychologiques des patients en phase évoluée ou en fin de vie était inadéquate [8—13]. Une autre étude a montré que 75 % des proches et 73 % des soignants pensent qu’aujourd’hui au Liban les patients en phase terminale d’une maladie incurable ne sont pas soulagés, ne meurent pas en paix et dans la dignité [8]. Ainsi, focalisée sur la guérison, la médecine, au Liban est passée à une négation de la maladie incurable et à un déni des frontières et des limites de la science allant jusqu’à l’obstination, cherchant à guérir même quand cela est impossible. Plusieurs études ont montré que l’obstination déraisonnable est fréquente : 62 % des proches et 71 % des soignants considèrent qu’un acharnement thérapeutique est pratiqué chez les malades atteints de cancer [8]. Devant ce constat, plusieurs interrogations suscitent l’intérêt et nécessitent l’analyse de ce phénomène :

État des lieux de la médecine palliative au Liban • comment la société libanaise réagit-elle face aux problèmes : de la fin de vie, de la chronicité, de l’incurabilité, de la vulnérabilité, de la dépendance, de la sédation, de l’euthanasie, de la limitation des traitements, et de l’obstination thérapeutique déraisonnable ? • où en est l’intégration de la médecine palliative à la politique de santé au Liban ? • quelle est la situation actuelle de la pratique de la médecine palliative au Liban ? • quelle est l’estimation annuelle du nombre de patients nécessitant des soins palliatifs ? Afin de répondre à ces interrogations, il semblait donc primordial de procéder à un état des lieux quantitatif et qualitatif de la médecine palliative au Liban inspiré du modèle stratégique de santé publique de l’OMS.

Méthode Pour analyser la situation actuelle des soins palliatifs au Liban en dégageant les limites et les obstacles qui y entravent le développement et l’intégration de la médecine palliative, une recherche bibliographique utilisant les mots clés : « soins palliatifs », « fin de vie », « législation », « code pénal », « accréditation », « système de santé », « maladie chronique, incurable », « politique de santé », « éthique », « bioéthique », « qualité de vie », « douleur », « symptôme d’inconfort », « représentation des soins palliatifs », « connaissance », « pratique des soins palliatifs », « droit des malades », « loi », « acharnement thérapeutique », « euthanasie », « sédation » a été réalisée. Cette recherche a été effectuée avec les moteurs de recherche Google Scholar, Cochrane, PubMed, cairn.info et dans la « littérature grise ». L’étude a porté sur les revues publiant en langues arabe, franc ¸aise et anglaise, médicales, politiques, économiques, éthique déontologique, des mémoires, des thèses doctorales, la « littérature grise » à partir de janvier 2000 jusqu’à janvier 2016. Un total de 150 études et articles ont été examinés, et 42 études ont été exclues.

Résultats L’état des lieux de la médecine palliative est inspiré du modèle stratégique de santé publique de l’OMS pour le développement de la médecine palliative, qui met en évidence la nécessité de développer la spécialité dans quatre domaines [14] : • l’offre de soins : unités, équipes mobiles, hospitalisation palliatives ; • la disponibilité de l’enseignement et de la formation/information des professionnels et du grand public ; • la disponibilité des médicaments traitant les symptômes et les opioïdes et la gestion des symptômes d’inconfort ; • la législation : politiques adéquates, plan national, couverture sociale.

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Offre de soins Il est difficile d’obtenir des chiffres exacts sur l’offre de soins palliatifs au Liban, car plusieurs associations, structures privatives et religieuses se sont développées à partir d’initiatives personnelles. Au moment de la rédaction de l’article, ces structures de soins palliatifs officielles étaient : • trois unités de soins palliatifs : celle de l’hôpital AinWazein dans le Chouf crée en 2015 (capacité de huit lits), l’unité Mission de vie en Adma (capacité de 15 lits) crée en 2015, et celle de l’hôpital Hôtel-Dieu-de-France à Beyrouth crée en 2016 (capacité de huit lits) ; • deux équipes mobiles de soins palliatifs : à l’hôpital HôtelDieu-de-France (Beyrouth) et à l’hôpital Saint-Georges (Beyrouth) ; • trois associations non gouvernementales de soins palliatifs : Sanad (créée en 2010, Beyrouth) et Balsam (créée en 2010) ; Beyrouth assure aussi un home hospice care, l’association libanaise de soins palliatif (ALSP) SaintBenoît (créée en 2011, Beyrouth) ; • un comité national Pain Relief and Palliative Care Group, créé en 2011 à l’initiative du directeur du ministère le Dr Walid Ammar. Ce comité regroupe les acteurs pluridisciplinaires principaux du mouvement des soins palliatifs. En fait, la mission de ce comité est d’élaborer un plan national et de favoriser le développement de la médecine palliative au Liban [15,16].

Disponibilité de la formation académique/information/recherche En 2013, le ministère de la Santé a intégré la spécialité de « médecine palliative » à la liste des spécialités reconnues au Liban. Selon le décret 1/1048, le candidat doit remplir une formation d’une année en résidanat ou 2 ans après le troisième cycle [17,18]. À ce jour, sur huit facultés de médecine et neuf écoles d’infirmiers, seulement quelques-unes ont consacré un module de quelques heures sur la formation de la douleur et les soins palliatifs. Mais à ce jour, il n’existe au Liban aucune formation interdisciplinaire sur la médecine palliative, ni en formation initiale et ni en formation continue (pas de diplôme universitaire, ni de master). Il existe très peu des campagnes d’information destinée au grand public sur la médecine palliative et sur le droit des patients [19]. Le domaine de la recherche en médecine palliative n’est pas suffisamment développé, il existe quelques études mais qui étaient centrées plus particulièrement sur la fin de vie. Nous n’avons pas réussi à trouver d’études sur les soins palliatifs introduits précocement, c’est-à-dire quand le médecin sait que le malade mourra, quand bien même il dispose de traitement qui permettent de prolonger sa survie dans de bonnes conditions. La bioéthique est une préoccupation récente au Liban ; ainsi, le comité de bioéthique pluridisciplinaire a été créé en 1996. En outre, l’enseignement de la bioéthique est maintenant intégré dans le programme d’enseignement de toutes les facultés de médecine [20—22].

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Disponibilité des médicaments et gestion des symptômes d’inconfort Plusieurs études ont montré que la morphine et ses dérivés étaient souvent sous-utilisés au Liban, ce qui contribue significativement à une défaillance dans la prise en charge de la douleur. La consommation des opioïdes en 2012 était de 1,2085 mg/capita, c’est-à-dire très inférieure à celle constatée en France (31,8543 mg/capita), aux États-Unis (78,6244 mg/capita) ou au Canada (100,7742 mg/capita) [23—30]. Plusieurs auteurs libanais se sont intéressés à évaluer la qualité de vie des patients cancéreux au Liban. Ainsi, huit études ont montré que la prise en charge des problèmes physiques, psychologiques, sociaux et spirituels était inadéquate : une grande majorité des patients (65 % à 85 %) avaient des douleurs réfractaires non soulagées, une souffrance psychologique, des symptômes respiratoires et digestifs, etc. Par ailleurs, l’équipe soignante n’était pas bien formée à la prise en charge des patients ayant des symptômes d’inconfort complexes [8—11,31,32]. Une autre étude a montré que 75 % des proches et 73 % des soignants pensaient qu’aujourd’hui au Liban les patients en phase terminale d’une maladie incurable n’étaient pas soulagés, ne mouraient pas en paix et dans la dignité [8].

Législation, textes officiel relatifs à la médecine palliative, couverture sociale de soins palliatifs et repères éthiques En 2013, la médecine palliative a été ajoutée à la liste des spécialités médicales reconnues au Liban. Selon le décret 1/1048, le candidat doit avoir suivi et validé une formation d’une année en résidanat ou 2 ans après le troisième cycle d’études universitaires [17,18].

R. Istambouly et al.

La volonté du patient Au Liban, la question du refus de soins par le patient est abordée dans les dispositions du Code de déontologie médicale libanais et est intégrée dans un texte législatif (la loi 22 février 1994) relative à la déontologie médicale abrogeant le décret du 11 octobre 1969. L’article 27, alinéa 8 du Code de déontologie médicale libanais stipule « Le médecin doit toujours respecter la volonté du malade et quand ce dernier est hors d’état d’exprimer sa volonté, ses proches doivent être prévenus sauf urgence ou impossibilité. Pour ceux dont les convictions interdisent les transfusions sanguines, le médecin doit respecter leur volonté, mais en cas de danger imminent, il doit, après avoir obtenu l’autorisation des autorités judiciaires compétentes, faire ce que sa conscience professionnelle lui impose et en supporter l’entière responsabilité » [35,36].

Directives anticipées et personne de confiance La loi libanaise stipule « Le médecin doit toujours respecter la volonté du patient ». Si le patient est incapable d’exprimer sa volonté, la ligne directrice libanaise attribue la décision de la personne la plus proche du patient [35—37].

Acharnement thérapeutique Il est clair qu’en vertu de l’article 27 du code de déontologie médicale, le médecin doit éviter toute obstination déraisonnable : « Si le malade est atteint d’un mal incurable, le rôle du médecin doit se limiter à alléger les souffrances physiques et morales par la prescription de traitements compatibles, autant que possible, avec le maintien de la vie. Le médecin n’a pas le droit de provoquer délibérément la mort, mais il est préférable de ne pas avoir recours à des moyens techniques excessifs pouvant prolonger l’agonie. Le médecin doit assurer la continuité des soins jusqu’au décès du malade, tout en lui conservant sa dignité » [36,37].

Droit des malades La juridiction administrative libanaise n’hésite pas à s’appuyer sur la jurisprudence et la doctrine franc ¸aise, qu’elle cite parfois dans le texte même de ses décisions. L’étendue de l’obligation d’information, après être devenue une obligation éthique est devenue une obligation imposée au praticien par le décret de déontologie médicale au Liban. C’est maintenant le premier alinéa de l’article 2 de la loi libanaise de 2004, qui définit le domaine général de l’information dans les termes suivants « Toute personne a le droit d’être informée sur son état de santé ». Les droits des malades au Liban sont énoncés dans de nombreux textes législatifs. Deux lois sont essentielles : la loi de déontologie médicale et la loi portant sur les droits des malades, promulguées en 2004, qui prévoient des dispositions fixant les obligations du médecin envers ses malades dans l’optique de cette relation médecin—patient en tant qu’usager du service médical. Le législateur libanais a prévu que « le malade a le droit, dans un cadre du système sanitaire et de protection sociale, de recevoir le soin médical consciencieux et convenable pour son état, et compatible avec les données actuelles acquises de la science. Cette protection est sous forme préventive, thérapeutique, palliative, ou éducationnelle » [33,34].

Principe de la dignité de la personne humaine Le nouvel article L. 1110-5 du Code de santé publique franc ¸ais précise que « les professionnels de santé mettent en œuvre tous les moyens à leur disposition pour assurer à chacun une vie digne jusqu’à la mort » [37]. Mais la question de la personne humaine dans son essence n’était pas au cœur des travaux des parlementaires libanais à l’occasion de l’élaboration du code de déontologie médical de 1994.

Euthanasie La loi interdit strictement au médecin d’aider à mettre fin à la vie du patient ; elle pénalise l’euthanasie active constitutive d’infractions pénales (crime, empoisonnement, etc.). Le fait de donner volontairement la mort à autrui constitue un meurtre, indépendamment du mobile. Peu importe que l’acte ait été provoqué en vue de soulager les souffrances d’une personne ou pour lui nuire. Il s’agit, conformément à l’article 552 du code pénal, d’une pratique illégale passible d’une détention pouvant aller jusqu’à dix ans de prison, même si le passage à l’acte a été fait sur demande expresse de la personne et suite à un élan de compassion, précise l’article 26.

État des lieux de la médecine palliative au Liban

Tarification des soins palliatifs Il n’existe pas de réglementation, de tarification, de codage d’hospitalisation, et de consultation de soins palliatifs à l’hôpital ou à domicile. Il n’existe donc aucun mode de rémunération des professionnels de santé et de financement pour développer la médecine palliative.

Couverture sociale pour patient palliatifs Il n’existe aucun statut « patient palliatifs » au Liban et donc aucune prise en charge palliative par la sécurité sociale, ni les assurances privées [38].

Discussion L’intérêt pour la médecine palliative est apparu au Liban dans les années 1995. Il a fallu attendre 18 ans, soit 2013, pour que la spécialité soit reconnue et 20 ans, soit 2015, pour que la première unité de soins palliatifs puisse voir le jour au Liban.

Une offre de soins inégale et limitée L’accès aux soins palliatifs demeure inégal et insuffisant, puisque limité à Beyrouth.

Estimation des besoins en soins palliatifs L’atlas mondial des soins palliatifs publié par l’OMS, estimait à 40 millions le nombre des patients qui a besoin chaque année de soins palliatifs, dont 6 % d’enfants [4,5]. Si le nombre des patients douloureux, atteints de maladies chroniques, graves, incurables, en situations complexes est important dans le monde, comment penser qu’il puisse en être autrement au Liban ? À l’heure actuelle, il n’y a pas d’estimation annuelle au Liban du nombre de patients nécessitant des soins palliatifs, sachant que les maladies chroniques représentaient 77 % des décès en 2002 [39—42]. Cela signifie que 22 000 patients ont besoin de soins palliatifs aux étapes finales. Cependant, le nombre de patients ayant besoin de soins palliatifs dans les premiers stades de leur maladie chronique reste inconnu. Actuellement, très peu de l’ensemble de ces patients, même pas 1 %, bénéficient d’une prise en charge dans une unité de soins palliatifs.

Une offre des soins palliatifs réduite aux « soins terminaux » Toutes les structures de soins palliatifs, que ce soient les unités, les équipes mobiles et les structures d’hospitalisation à domicile palliatives, sont dédiées aux patients en fin de vie. Au Liban, de nombreuses représentations négatives réduisent les soins palliatifs aux soins de fin de vie et empêchent une lecture moderne, adaptée, de la médecine palliative. Cela entraîne une incompréhension entre les différents acteurs et nuit probablement à une vision claire des actions à mettre en place pour développer une politique efficiente en faveur de la médecine palliative.

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Insuffisance de formation et insuffisance dans le domaine de la recherche Au Liban, il n’y a aucune formation continue ni initiale en médecine palliative. Le contenu de la formation initiale des études médicales et paramédicales prévoit juste quelques heures d’enseignement théorique en médecine palliative. Ainsi, une grande majorité des personnels travaillant en soins palliatifs est insuffisamment formée, voire non formée. Ceux qui se sont formés ont obtenu un diplôme à distance ou lors d’un simple stage de formation. L’idée de la médecine palliative ne renvoie pas juste à des simples pratiques de confort et de sollicitude. Étant donnés les enjeux dans chaque spécialité comme l’oncologie, la neurologie, la gériatrie, etc., une formation sérieuse doit être de mise comme dans chaque spécialité. En fait, une telle médecine s’inscrit dans la lignée des grandes innovations organisationnelles récentes du système de santé mondial, qui se caractérise par une exigence couplant pragmatisme et éthique et qui fait appel à une réorganisation du système de santé permettant d’améliorer la qualité de prise en charge, en modifiant les pratiques médicales. La formation à la recherche est un élément clé pour développer la médecine palliative.

Insuffisance dans la gestion de la symptomatologie et un accès limité aux analgésiques opioïdes et aux traitements des symptômes Les analgésiques morphiniques constituent une base essentielle dans la prise en charge des douleurs modérées et sévères. La morphine et ses dérivés restent souvent sousutilisés au Liban, ce qui contribue significativement à un défaut de prise en charge de la douleur, malgré, l’avancé de la législation dans ce domaine. Au Liban la gestion de la douleur est inadaptée. La prise en charge des symptômes reste insuffisante. En fait, l’insuffisance de l’accès au traitement de la douleur est à la fois déconcertante et inexcusable. La douleur cause de terribles souffrances et pourtant les médicaments pour la traiter sont peu onéreux, sûrs et efficaces et généralement simples à administrer. « Ne pas rendre disponibles les médicaments essentiels ou ne pas prendre de mesures raisonnables pour rendre disponibles les services de gestion de la douleur et de soins palliatifs reviendra à une violation du droit à la santé. Dans certains cas, ne pas garantir que les patients ont accès au traitement de douleurs sévères reviendra aussi à une violation de l’interdiction de traitements cruels, inhumains et dégradants » [43]. En outre, le droit international oblige les pays à rendre accessibles des médicaments adéquats pour le traitement de la douleur. Au cours des vingt dernières années, l’OMS et l’Organe international de contrôle des stupéfiants (OICS), l’organe de contrôle chargé de surveiller l’application des traités de l’Organisation des nations unies (Onu) relatifs au contrôle des drogues, a rappelé à maintes reprises aux états leur obligation [44]. Cependant, au Liban jusqu’aujourd’hui, peu de progrès ont été faits dans ce domaine.

274 La prévention, l’évaluation et la gestion des symptômes d’inconfort sont la base d’une meilleure qualité de vie et sont fondamentaux en médecine palliative. Au Liban des progrès doivent être réalisés dans ce domaine, dans la modification des réglementations sur les opioïdes, les procédures spéciales de prescription etc. Ainsi, il faut élaborer des recommandations et une politique pharmaceutique garantissant la disponibilité des médicaments essentiels pour la prise en charge des douleurs et des autres symptômes.

Absence de législation et d’une politique gouvernementale Au Liban, à part l’intégration de la spécialité « médecine palliative » à la liste des spécialités reconnues depuis l’année 2013, dans les faits, il n’y a pas de vraie politique gouvernementale, ni de plan national, ni une orientation, ni de législation traitant de la question des soins palliatifs et il n’existe pas de loi qui reconnaisse un droit à l’accès aux soins palliatifs. La médecine palliative est devenue ainsi une priorité de la politique de santé mondiale. L’OMS a considéré l’accès à ce type de médecine comme « un droit humain » et par la suite de nombreux pays ont légiféré en ce sens, comme la France, la Belgique, l’Allemagne, etc. Par exemple, en France la première loi concernant les soins palliatifs a commencé en l’article 1 de la loi 2 février 1999 relative aux droits de la personne malade et des usagers du système de santé établit que « toute personne malade dont l’état le requiert a le droit d’accéder à des soins palliatifs et à un accompagnement ». En Belgique, l’article 2 de la loi du14 juin 2002 relative aux soins palliatifs, reconnaît que « tout patient atteint d’une maladie incurable doit pouvoir bénéficier de soins palliatifs » [45]. Développer la médecine palliative est plus une question de volonté politique. En fait, elle ne pourra pas exister par la seule bonne volonté des professionnels de santé et devra s’appuyer sur un soutien volontariste des responsables politiques et des citoyens. Le développement de la médecine palliative nécessite une vision politique afin de faire évoluer les pratiques dans la société. Il est donc indispensable et primordial d’envisager l’adoption d’une loi visant à garantir le droit d’accès aux soins palliatifs et de remédier aux principales carences comme nos homologues américains, européens, l’ont fait.

Absence des repères éthiques relatifs à la médecine palliative Les droits des malades au Liban sont inscrits dans la loi. Malgré l’évolution, sur le plan législatif de l’obligation d’information et en vue de favoriser l’autonomie du patient, il est encore possible de trouver des stigmates de la conception de « paternalisme médical » dans la société libanaise.

Volonté du patient Plusieurs études ont montré qu’il y a toujours une déficience au niveau de l’étendue de l’obligation d’information qui reste encore limitée dans son application [46—48]. On

R. Istambouly et al. constate donc un manquement du médecin à ses obligations déontologiques. Bien que des traitements existent pour de nombreuses maladies potentiellement mortelles, ces dernières ne peuvent toutefois pas être guéries, et l’approche palliative intégrée reconnaît que lorsqu’on est confronté à une grave maladie dégénérative, les objectifs de soins changent avec le temps, et les gens doivent avoir l’occasion de discuter de leurs valeurs et de leurs volontés plutôt dans la trajectoire de la maladie, plus précocement. Discuter de fac ¸on précoce et régulière de la gamme de traitements possibles de leurs risques et avantages, du pronostic, afin d’aborder le questionnement autour de ce qui fait réellement problème dans ces situations est devenu indispensable. Une discussion franche à propos du pronostic et de la trajectoire de la maladie ne détruit pas l’espoir des gens ; au contraire, cela peut contribuer à diminuer les thérapeutiques déraisonnables et à améliorer la qualité de vie et du décès. Partout sur toute la planète, malgré la différence dans les cultures, il y a quelques choses d’universel qui caractérise l’être humain : il souhaite savoir la vérité concernant sa santé, même s’il la redoute. Le patient dans une société démocratique ne veut plus se contenter d’être passif, il veut être acteur de sa santé et maître de son sort. Faire une confiance aveugle à son praticien n’est plus à l’ordre du jour. Les informations via les media actuels permettent au patient de s’informer de sa maladie. Cela atteste de la profondeur du processus qui bouleverse le monde médical. L’autonomie, qui est un des principes majeurs de l’éthique médicale, est devenue le pilier du mouvement de la médecine palliative. Pour que le patient participe à la décision du projet thérapeutique, il faut vérifier s’il souhaite être informé de sa maladie et des soins à lui administrer. Il reste à prévoir un travail pédagogique auprès de la population générale et des médecins si l’on veut permettre l’application de la loi de 2004.

Directives anticipées Les concepts de directives anticipées et de personne de confiance ne peuvent pas exister à ce jour au Liban, car le malade n’est pas informé pour pouvoir donner un consentement libre et éclairé, et ainsi rédiger ses directives anticipées.

Maintien artificiel de la vie Une autre conséquence de la mauvaise information du malade est l’impossibilité de définir le concept d’obstination déraisonnable. Ainsi, les situations cliniques dans lesquelles il existe un maintien artificiel de la vie peuvent être extrêmement difficiles à gérer au Liban.

Euthanasie La loi est très claire à ce sujet et l’interdit strictement. La médecine palliative ne peut pas être développée sans tenir compte de la dimension éthique. Il reste du travail à faire afin de développer la réflexion éthique, de fixer des repères, des normes qui permettent d’aider la société à se prononcer et à se diriger dans des cas complexes.

État des lieux de la médecine palliative au Liban

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La couverture sociale est inadaptée pour le statut « palliatifs » Les soins palliatifs doivent être dispensés conformément aux principes de la couverture sanitaire universelle. Toute personne, quels que soit ses revenus, sa maladie ou son âge, doit avoir accès à un ensemble, défini sur le plan national, de services de santé de base, dont les soins palliatifs. Ainsi, les systèmes de protection financière et sociale doivent prendre en compte le droit aux soins palliatifs pour la population défavorisée et marginalisée [49]. Dans ce domaine, il reste à élaborer une politique intégrant les services de soins palliatifs dans la structure et le financement des systèmes de santé nationaux à tous les niveaux des soins.

Conclusion En somme, au Liban le développement de la médecine palliative demeure rudimentaire même si quelques avancées ont été réalisées durant les dernières décennies [16]. Depuis 10 ans, des progrès timides dans l’offre de médecine palliative ont été enregistrés mais demeurent démesurément faibles par rapport aux besoins. Le développement de la médecine palliative est aujourd’hui dans une situation paradoxale. Si les discours officiels apparaissent très encourageants, ils sont accompagnés de moyens dispersés dans le cadre d’une stratégie multiforme, incertaine et anarchique. Le développement de la médecine palliative, qui est un modèle novateur en matière de politique sanitaire, nécessite donc pour sa « mise en pratique concrète » une réforme de l’organisation du système de santé libanais. Il s’agit bien d’un changement plus profond touchant l’organisation et la culture du soin, imposant une autre manière de penser et de travailler. Si le « pourquoi » d’une telle politique apparaît légitime, le « comment », c’est-à-dire l’orientation que prendra la médecine palliative, la mise en œuvre d’une stratégie d’innovation de développement de cette spécialité, le financement de la prise en charge des patients ayant un statut « palliatifs » etc., sont essentiels. Cependant, ils doivent être discutés avec des experts en matière de médecine palliative, afin de gérer les obstacles et les limites de son développement. La question concernant le développement de médecine palliative est un enjeu réel de santé publique du fait de son impact, non seulement sur la médecine elle-même et sur les conséquences de ses progrès, mais aussi sur l’organisation du système de soins et sur les politiques publiques de santé de demain. Ce qui est en jeu aujourd’hui est notre vie et la vie de ceux qui vieillissent, c’est aussi la vie de nos enfants et petits-enfants, comme celle des gens que nous aimons.

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Déclaration de liens d’intérêts

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Les auteurs déclarent ne pas avoir de liens d’intérêts. [19]

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