Étude de l’usage du fer injectable en établissement de santé et de son impact en terme d’économie hospitalière

Étude de l’usage du fer injectable en établissement de santé et de son impact en terme d’économie hospitalière

Modele + ARTICLE IN PRESS PHARMA-438; No. of Pages 8 Annales Pharmaceutiques Françaises (2015) xxx, xxx—xxx Disponible en ligne sur ScienceDirect...

984KB Sizes 211 Downloads 902 Views

Modele +

ARTICLE IN PRESS

PHARMA-438; No. of Pages 8

Annales Pharmaceutiques Françaises (2015) xxx, xxx—xxx

Disponible en ligne sur

ScienceDirect www.sciencedirect.com

ARTICLE ORIGINAL

Étude de l’usage du fer injectable en établissement de santé et de son impact en terme d’économie hospitalière Study of parenteral iron use in a health facility and its impact in terms of hospital economics M.-A. Vonesch a,∗, G. Grangier a, P. Girard b, C. Dussart a a

Service de pharmacie hospitalière, hôpital d’instruction des armées Desgenettes, 108, boulevard Pinel, 69003 Lyon, France b Département d’information médicale, hôpital d’instruction des armées Desgenettes, 108, boulevard Pinel, 69003 Lyon, France Rec ¸u le 19 juin 2015 ; accepté le 4 novembre 2015

MOTS CLÉS Complexe injectable de fer ; Étude d’usage ; Économie hospitalière ; Suivi pharmaceutique ; Hôpital



Résumé Introduction. — L’administration de fer injectable est un pilier dans le traitement de la carence martiale. L’évaluation et la maîtrise de cet élément constituent un enjeu pour les établissements de santé. L’étude de l’usage du fer injectable est ainsi à confronter à son impact en terme d’économie hospitalière. Matériels et méthodes. — Les administrations de fer injectable de l’année 2014 ayant eu lieu au sein de notre établissement ont été recensées rétrospectivement par les pharmaciens. Les données suivantes ont été extraites des logiciels PharmaTM et CrosswayTM : indication, codage diagnostique et dose totale en fer rec ¸ue. Elles ont ensuite été comparées au résumé des caractéristiques du produit. Résultats. — Sur 198 prescriptions analysées, la carence martiale était avérée ou suspectée pour 97 % des patients. En revanche, la dose totale en fer administrée n’était pas conforme pour trois quart des prescriptions. Soixante-huit pour cent des patients apparaissaient sous dosés. La trac ¸abilité de l’administration était retrouvée pour les deux tiers. Quatre-vingt-cinq séjours facturés en hospitalisation ne comportaient pas le bon codage et 34 séjours ont été facturés en externe au lieu de séances. La perte financière pour l’établissement est estimée à 49 300 euros.

Auteur correspondant. Adresse e-mail : [email protected] (M.-A. Vonesch).

http://dx.doi.org/10.1016/j.pharma.2015.11.002 0003-4509/© 2015 Académie Nationale de Pharmacie. Publié par Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

Pour citer cet article : Vonesch M-A, et al. Étude de l’usage du fer injectable en établissement de santé et de son impact en terme d’économie hospitalière. Ann Pharm Fr (2015), http://dx.doi.org/10.1016/j.pharma.2015.11.002

Modele + PHARMA-438; No. of Pages 8

ARTICLE IN PRESS

2

M.-A. Vonesch et al. Discussion et conclusion. — Dans le cadre de l’amélioration des pratiques, un suivi pharmaceutique attentif du schéma d’administration du fer injectable prescrit est essentiel. Une communication efficace avec le département d’information médicale et une sensibilisation régulière des prescripteurs doivent également permettre de valoriser au mieux cet acte. L’économie hospitalière est un véritable outil d’aide à la prise de décision. © 2015 Académie Nationale de Pharmacie. Publié par Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

KEYWORDS Iron complex; Use study; Hospital economics; Pharmaceutical monitoring; Hospital

Summary Introduction. — Administration of parenteral iron is a mainstay of iron deficiency treatment. Evaluation and control of this element is an issue for healthcare facilities. Study of parenteral iron use is thus to be evaluated in its impact in terms of hospital economics. Materials and methods. — Parenteral iron administrations that took place on 2014 in our healthcare facility were retrospectively identified by pharmacists. Following data were extracted from PharmaTM and CrosswayTM softwares: indication, diagnostic coding and total dose of iron received. They were then compared to the summary of product characteristics. Results. — Of 198 analyzed prescriptions, iron deficiency was known or suspected for 97% of patients. However, the total dose of iron administered was not in compliance for three quarters of prescriptions. Sixty-eight percent of patients appear under-dosed. Administration’s traceability was found for two-thirds. Eighty-five hospital discharges did not have the right coding and 34 stays were charged like an external act instead sessions. Financial loss for the hospital is estimated at 49,300 euros. Discussion and conclusion. — As part of improving practice, close pharmaceutical monitoring of parenteral iron prescribed dosing regimen is essential. Effective communication with the medical information department and regular awareness raising of prescribers should also allow to give more value to this act. Hospital economics is a real tool to aid decision-making. © 2015 Académie Nationale de Pharmacie. Published by Elsevier Masson SAS. All rights reserved.

Introduction La déficit martial correspond à une diminution ou une indisponibilité des réserves en fer de l’organisme. Ces réserves ne sont alors plus rapidement mobilisables pour l’érythropoïèse. Selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS), le déficit martial concernerait deux milliards d’individus au niveau mondial [1]. Le traitement est tout d’abord étiologique mais repose aussi sur l’administration de fer, utilisé en tant que médicament. Bien qu’il soit connu depuis des centaines d’années en médecine, l’apport de fer par voie injectable ne date que de 1975 [2]. Il se présentait initialement sous la forme de complexe d’hydroxyde de fer (III) — polymaltose utilisé par voie intramusculaire. Cette voie d’injection du fer n’est désormais plus utilisée en France. Aujourd’hui, l’utilisation de fer par voie intraveineuse (IV) connaît un développement considérable résultant d’un besoin clinique croissant et de l’augmentation de l’utilisation des agents stimulant l’érythropoïèse depuis la fin du vingtième siècle [3]. En effet, la voie intraveineuse permet de restaurer plus rapidement les réserves en fer comparativement à la voie orale du fait d’une biodisponibilité limitée du fer per os. Elle garantit également une supplémentation lorsque le fer per os est inutilisable ou inefficace. Ceci est particulièrement le cas lors d’inflammation,

associée à une augmentation de la synthèse d’hepcidine freinant l’absorption digestive du fer. De plus, le fer per os est souvent mal toléré sur le plan digestif. En France, seuls le carboxymaltose ferrique et l’oxyde de fer-III saccharose sont disponibles à l’hôpital par voie injectable. En effet, le complexe d’hydroxyde ferrique et de dextran a été radié en 2012 de la liste des médicaments agréés aux collectivités [4]. Le carboxymaltose ferrique (Ferinject® ) a été référencé en janvier 2014 comme fer injectable dans notre établissement. Il a remplacé le complexe d’hydroxyde ferrique-saccharose (Venofer® ) suite à une décision de la Commission du médicament et des dispositifs médicaux stériles (COMEDIMS). Sur la base des prix négociés par l’établissement lors de l’appel d’offre et à dose équivalente, le tarif du Ferinject® est trois fois plus élevé à l’achat que celui du Venofer® . Cependant, il permet une amélioration de la qualité de la prise en charge des patients par une administration simplifiée. Les patients dialysés, pour lesquels les schémas d’administration de ces deux spécialités pharmaceutiques sont similaires, ne sont pas pris en charge dans notre établissement. Depuis fin janvier 2014, les spécialités à base de fer IV sont réservées à l’usage hospitalier. En raison des risques graves d’hypersensibilité liés à leur administration, elles

Pour citer cet article : Vonesch M-A, et al. Étude de l’usage du fer injectable en établissement de santé et de son impact en terme d’économie hospitalière. Ann Pharm Fr (2015), http://dx.doi.org/10.1016/j.pharma.2015.11.002

Modele + PHARMA-438; No. of Pages 8

ARTICLE IN PRESS

Étude de l’usage du fer injectable en établissement de santé appartiennent à la liste européenne de médicaments sous surveillance renforcée publiée par l’Agence européenne du médicament. Sans savoir si un lien de causalité avec cet élément est réel, des non-conformités de posologie à type de sous-dosages sont décrites dans la littérature [5,6]. Précisons que la facturation de l’administration du fer IV nécessite que les séjours, en hospitalisation complète ou en séances, aient en position de diagnostic principal le code adéquat de la catégorie Z51 de la dixième version de la classification statistique internationale des maladies et des problèmes de santé connexes (CIM-10). Les consignes de codage sont énoncées dans le guide méthodologique de production des informations relatives à l’activité médicale et à sa facturation en médecine, chirurgie, obstétrique et odontologie (MCO). Dans le cas de l’injection de fer, il s’agit d’une séance codée en diagnostic principal Z51.2 (chimiothérapie pour affection non tumorale). L’objectif principal de ce travail a été d’analyser les pratiques cliniques d’utilisation du fer IV dans notre établissement afin de déterminer leur conformité aux référentiels. Dans le cadre du système de tarification à l’activité, des outils de pilotage médico-économique sont en place dans les établissements de santé. L’administration de fer IV peut constituer un traceur du diagnostic de carence martiale devant être codée dans le système d’information. Dans un second temps, les codages des indications de carence martiale ou d’anémie ferriprive ont été recherchés dans les données du programme de médicalisation des systèmes d’information (PMSI) pour les patients ayant rec ¸u du fer IV. Rappelons que dans une approche de pharmacie clinique, il est essentiel d’envisager l’efficience des thérapeutiques mais aussi les aspects économique et budgétaire globaux au niveau de l’établissement [7].

Matériels et méthodes Une étude rétrospective sur l’année 2014 a été menée en février 2015. Toutes les prescriptions effectivement suivies d’une dispensation et d’une administration de fer IV ont été recueillies et analysées. Celles ayant fait l’objet d’une intervention pharmaceutique (IP) entraînant une non dispensation acceptée par le prescripteur n’ont pas été retenues. Les données essentielles à l’analyse ont été extraites des logiciels PharmaTM et CrosswayTM puis renseignées et exploitées dans un tableau ExcelTM . Il s’agissait : • de l’identité, l’âge, le sexe, le poids, le service et le numéro de séjour du patient ; • de la date de la prescription ; l’indication, la dose prescrite et le schéma d’administration ; • des données biologiques permettant d’objectiver, selon la Haute Autorité de santé, la carence martiale : hémoglobinémie, ferritine, protéine C réactive et coefficient de saturation de la transferrine (CST) [8] ; • de la trac ¸abilité de l’administration dans l’historique du patient, en dehors du dossier de soin infirmier. À partir des numéros de séjour des patients sélectionnés, le département d’information médicale (DIM) a extrait leurs données diagnostiques du PMSI. Les codages correspondant

3 aux diagnostics d’anémie ferriprive ou de carence martiale ont alors été recherchés. Ces données ont permis la description de la population étudiée et sa comparaison au résumé des caractéristiques du produit (RCP) du Ferinject® . La confirmation de l’indication de carence martiale avérée a été effectuée par la recherche d’un bilan biologique approprié. La dose totale en fer prescrite sur l’ensemble du schéma d’administration était estimée conforme dans les cas suivants : • une dose totale de 1000 mg pour les patients ayant une hémoglobinémie supérieure ou égale à 10 g/dL et un poids entre 35 et 70 kg ; • une dose totale de 1500 mg pour les patients ayant une hémoglobinémie inférieure à 10 g/dL et un poids entre 35 et 70 kg ou ayant une hémoglobinémie supérieure ou égale à 10 g/dL et un poids supérieur ou égal à 70 kg ; • ou une dose totale de 2000 mg pour les patients ayant une hémoglobinémie inférieure à 10 g/dL et un poids supérieur ou égal à 70 kg [9].

Résultats Huit prescriptions ont fait l’objet d’une IP entraînant une non dispensation acceptée par le prescripteur. Trois d’entre elles étaient liées à un surdosage (dose prescrite supérieure à 20 mg/kg) et deux à un sous-dosage. Une IP était liée à la confusion entre les schémas d’administration du Ferinject® et du Venofer® par le prescripteur, une IP correspondait à une prescription non justifiée (absence de carence avérée ou suspectée) et une autre mentionnait une non-conformité aux référentiels, non précisée. Cent quatre-vingt-dix-huit prescriptions de fer IV ont été recueillies du logiciel PharmaTM sur 2014. Elles correspondaient à 166 schémas d’administration dont : • 135 injections uniques (j1) ; • 30 schémas d’administration sur deux jours (j1—j8) ; • et un schéma d’administration sur trois jours (j1—j8—j15). Les services de chirurgie générale et orthopédique regroupaient un tiers des prescriptions. Près d’un patient sur six avait rec ¸u son injection en ambulatoire dans le cadre d’une hospitalisation de jour. Vingt-sept prescriptions ont été effectuées en médecine interne, 22 en pneumologie essentiellement de fait de leur activité d’oncologie, 18 en gastro-entérologie, 15 en cardiologie, 8 en médecine physique et réadaptation, 6 en endocrinologie et en réanimation et 3 aux urgences (Fig. 1). La population étudiée représentant 148 patients présentaient : un âge moyen de 71 ans [22—96], un poids moyen de 68 kg [45—130], une hémoglobinémie moyenne à 9,5 g/dL [6,6—13,8] et un sex-ratio hommes—femmes à 0,76. Durant cette période, une administration de fer IV a fait l’objet d’une déclaration de pharmacovigilance pour effet indésirable grave d’hypersensibilité. Lorsqu’un même patient avait rec ¸u plusieurs cures de fer dans l’année, une analyse de chaque cure a été réalisée de fac ¸on isolée. La carence martiale était avérée, c’est-à-dire objectivée par un bilan martial approprié et datant de moins d’un mois pour 58 % des patients. Un bilan martial non interprétable du fait de la présence d’une ferritinémie isolée élevée en

Pour citer cet article : Vonesch M-A, et al. Étude de l’usage du fer injectable en établissement de santé et de son impact en terme d’économie hospitalière. Ann Pharm Fr (2015), http://dx.doi.org/10.1016/j.pharma.2015.11.002

Modele + PHARMA-438; No. of Pages 8

ARTICLE IN PRESS

4

M.-A. Vonesch et al.

Figure 1. Répartition des prescriptions de fer par voie intraveineuse par service. Distribution of parenteral iron prescriptions in each service.

lien avec un syndrome inflammatoire n’est pas approprié. Il ne permet en effet pas d’objectiver la carence martiale. Trente-neuf pour cent des patients présentaient une carence suspectée. Il s’agissait le plus souvent de l’anticipation d’une carence juste après la réalisation d’une chirurgie fortement hémorragique. Le motif d’hospitalisation prépondérant correspondait à la mise en place d’une prothèse totale de hanche. Pour 17 patients, dont 9 étaient atteint d’un cancer actif, le diagnostic était mentionné par le médecin sans qu’un bilan martial ne soit retrouvé dans le dossier patient informatisé. La présence d’un éventuel bilan dans le dossier patient papier n’a pas été recherchée puisque seul le dossier informatisé représente dans notre établissement le dossier patient unique. Seuls six patients n’avaient aucune hémoglobinémie de prescrite, actuelle ou antérieure, sur l’établissement. La réalisation d’un bilan martial était près de trois fois et demie plus fréquente dans les services médicaux (76 %) que dans les services chirurgicaux (22 %). Notons qu’actuellement, l’administration de fer IV après une prothèse totale de hanche ou de genou est programmée lors de la consultation d’anesthésie en fonction d’un ratio entre l’hémoglobinémie du patient et la perte sanguine attendue. Cinq patients sans carence martiale recevaient du fer IV de fac ¸on régulière afin de pallier à une anémie chronique. La conformité de la dose totale en fer prescrite a pu être étudiée sur 160 schémas d’administration. En effet, la mention du poids du patient était absente pour six d’entre eux. Celle-ci était conforme dans un peu plus d’un quart des prescriptions, sans distinction majeure entre les services médicaux et chirurgicaux, de respectivement 22 et 29 %. Plus

Figure 2. Conformité de la dose totale rec ¸ue en fer par voie intraveineuse en fonction de la population de patients. Cross-compliance of parenteral iron total dose received by population of patients.

des deux tiers (68 %) des patients apparaissaient sous dosés et 5 % sur-dosés (Fig. 2). Aucun patient n’a rec ¸u plus de 1000 mg par semaine. Cependant, pour deux patients de moins de 50 kg, la dose administrée par perfusion dépassait 20 mg/kg. Mille milligrammes ont alors été rec ¸us au lieu de respectivement 900 et 940 mg nécessaires. Dans les autres cas de surdosage, six patients ont rec ¸u une seconde administration (j8) de 1000 mg alors que seuls 500 mg auraient été nécessaires. Au final, près d’un patient sur quatre a rec ¸u une dose conforme au RCP et présentait une carence martiale avérée ou suspectée.

Pour citer cet article : Vonesch M-A, et al. Étude de l’usage du fer injectable en établissement de santé et de son impact en terme d’économie hospitalière. Ann Pharm Fr (2015), http://dx.doi.org/10.1016/j.pharma.2015.11.002

Modele + PHARMA-438; No. of Pages 8

ARTICLE IN PRESS

Étude de l’usage du fer injectable en établissement de santé

5

Figure 3. Conformité croisée de l’indication et de la dose totale rec ¸ue en fer par voie intraveineuse pour chaque schéma d’administration. Cross-compliance of indication and parenteral iron total dose received for each dosing regimen.

Rappelons que conformément au RCP, l’indication du Ferinject® ne se pose que lorsque le diagnostic de carence martiale repose sur des examens biologiques appropriés. Il ne détaille cependant pas ce qu’il faut entendre par « examens biologiques appropriés » dans le cas d’une carence anticipée lors de la réalisation d’une chirurgie fortement hémorragique. Nous avons donc décidé que le calcul de la perte en fer estimée lors d’une chirurgie fortement hémorragique correspondait à un examen biologique approprié. Pour près de trois quart des patients, une dose incorrecte, majoritairement insuffisante au regard du RCP, a été administrée dans le cadre d’une carence martiale avérée ou suspectée (Fig. 3). L’intérêt clinique pour ces patients apparaît alors discutable du fait du non respect des RCP. La trac ¸abilité de l’injection de fer IV était retrouvée pour près de deux tiers des patients. Elle était recherchée dans les observations médicales, les comptes rendus d’hospitalisation ou les courriers adressés au médecin traitant du dossier patient informatisé. La mention de cette information était toutefois quasiment inexistante pour les patients des services de chirurgie. Leurs dossiers médicaux sont pourtant consultables sur le même logiciel que les patients des services médicaux. L’exhaustivité de cette trac ¸abilité n’a toutefois pas influencé la caractérisation de carence suspectée puisque l’on recherchait alors l’existence d’une chirurgie récente ainsi que son type et non pas l’administration de fer IV. Cent soixante-seize séjours de patients pour lesquels l’injection de fer IV aurait pu être facturée ont été retrouvés au travers des données extraites par le DIM. Pour 57 séjours facturés en hospitalisation (32 %), le codage d’anémie par carence en fer (D50*) ou le codage de carence en fer (E61.1) selon la CIM-10 étaient mentionnés. Le codage E61.1 correspondant à un niveau de sévérité à zéro n’a aucun impact sur la valorisation d’un groupe homogène de malades (GHM). En revanche, le code D50* présentant un niveau de sévérité à deux, peut augmenter la valorisation du séjour en faisant passer un GHM de niveau un au niveau supérieur. Il n’a pas d’influence sur un GHM de niveau deux ou trois. Quatre-vingt-cinq séjours facturés en hospitalisation

(48 %) ne comportaient aucun de ces codages dont 28 séjours avaient un GHM de niveau un. L’écart entre la facturation du groupe homogène de séjour (GHS) et du GHS valorisé par le code D50* est variable et dépend du diagnostic principal. Une simulation a été effectuée sur l’année 2014 afin de connaître le montant dont aurait pu bénéficier l’établissement de la part des différentes caisses d’assurance maladie. La somme de ces écarts correspondait à 37 135,45 D . Cette somme aurait pu être remboursée si le codage D50* avait été notifié lorsqu’il était indiqué, c’est-à-dire qu’une anémie était bien présente. Trente-quatre séjours ont été facturés en externe alors qu’ils auraient dû l’être en séances. En effet, le guide méthodologique nous indique que les injections de fer doivent générer un GHM de séance en PMSI et être facturées en GHS avec un codage particulier. Leur facturation représente un montant de 362,38 D TTC. La facturation en externe n’ayant pas de correspondance avec un GHM du champ MCO, 12 300 D (34 × 362,38) de plus n’ont pas été valorisés par l’établissement.

Discussion La cohorte de patients obtenue permet d’illustrer les habitudes de prescription de chaque service. Le sex-ratio de la population étudiée est cohérent du fait de la prévalence de la carence martiale chez la femme [10]. La diversité des services utilisateurs de fer IV reflète l’important nombre de pathologies que peut présenter un patient atteint de carence martiale. Il s’agit en effet d’une indication large, remettant en question la pertinence des référentiels utilisés. En effet, plus un référentiel traite d’une indication large moins son appropriation est aisée. Une carence martiale peut être présente dans de nombreuses situations cliniques. Celles-ci étant également couvertes par plusieurs référentiels, il est parfois difficile de savoir sur lequel s’appuyer. Des recommandations ou publications existent par exemple concernant : • l’utilisation de fer IV chez les patients sous chimiothérapie anémiante ;

Pour citer cet article : Vonesch M-A, et al. Étude de l’usage du fer injectable en établissement de santé et de son impact en terme d’économie hospitalière. Ann Pharm Fr (2015), http://dx.doi.org/10.1016/j.pharma.2015.11.002

Modele + PHARMA-438; No. of Pages 8

ARTICLE IN PRESS

6

M.-A. Vonesch et al.

• les insuffisants cardiaques ; • ou encore dans la carence martiale en chirurgie afin de limiter les transfusions sanguines et l’asthénie postopératoire. Cependant, il n’y a pas de recommandations positionnant le fer IV dans la prise en charge de la carence en fer, toutes populations confondues [11]. Dans notre établissement les pharmaciens utilisent le RCP comme référentiel pour le fer IV. Les modalités d’administration du RCP du Ferinject® ont été validées au sein de la COMEDIMS. Cependant, il s’est avéré que les médecins utilisaient différents référentiels parfois contradictoires. Par exemple, en chirurgie, la détermination de la dose à administrer s’effectue de manière prospective et non pas sur la base du poids du patient et de son hémoglobinémie à partir d’un bilan de carence martiale comme le préconise le RCP. Citons un autre exemple en oncologie. Un espacement entre deux administrations est recommandé afin de limiter les risques liés indirectement à l’administration de fer IV (hypertension, thrombose veineuse). Cet espacement n’est pas mentionné dans le RCP. L’équipe pharmaceutique joue ainsi un rôle important dans la gestion et la diffusion de l’information, notamment concernant l’actualisation des référentiels et l’harmonisation des pratiques. Ce rôle impacte directement l’organisation et la production des soins. Dans l’étude réalisée, l’indication du traitement de la carence martiale est bien respectée. La proportion de bilans martiaux réalisés est comparable à celle retrouvée dans une autre étude menée sur Créteil. La faible proportion de bilans prescrits en chirurgie, de respectivement 22 et 17 %, s’explique par une prédominance de chirurgies hémorragiques générant une carence martiale systématique dans les deux études [5]. L’élaboration de protocoles internes de prise en charge des patients anémiés ou carencés en fer est néanmoins en cours afin de mieux encadrer la prescription de fer IV. Ils concernent les prises en charge péri-opératoire des chirurgies fortement hémorragiques. Ils sont réalisés en concertation entre les anesthésistes, les chirurgiens et les pharmaciens. L’évolution de l’hémoglobinémie et du CST avant et après l’administration de fer IV aurait pu étayer la pertinence de la prescription de fer IV. Celle-ci n’a pas été relevée car de nombreux patients ont bénéficié d’une transfusion sanguine en post-opératoire. Cette étude a mis en évidence deux interrogations principales. D’un point de vue médical, un grand nombre de patients n’auraient pas rec ¸u la dose totale nécessaire à la reconstitution de leurs réserves en fer selon le postulat du RCP. Par ailleurs, d’un point de vue économique, l’absence de codage diagnostique de l’anémie n’a pas permis une facturation maximale et au plus juste de l’administration de fer IV à chaque fois que cela aurait été possible. Les constats de cette étude appellent à un approfondissement de la réflexion sur le RCP et les codages compte tenu des pratiques médicales statistiquement dominantes. Au regard des résultats concernant la dose totale en fer administrée majoritairement non conforme au RCP, une analyse plus fine des données a été réalisée. En effet, l’ensemble des sous-dosages ne semblait pas cliniquement justifié. De plus, aucune IP concernant les sous-dosages n’avait été effectuée sur les cas étudiés.

Figure 4. Répartition des doses correctes et sous dosées rec ¸ues par type de services (médicaux ou chirurgicaux) et en fonction du moment de l’administration (j1 ou j8). Distribution of right doses and under-dosed received by service type (medical or surgical) and depending on the administration time (D1 or D8).

Pour une dose totale en fer définie, plusieurs schémas d’administration sont possibles. En dehors des patients dialysés, ce sont classiquement des schémas en une voire deux administrations, toujours espacées d’au moins sept jours. Un schéma en trois administrations est possible pour les patients de faible poids. Dans cette étude, 109 patients apparaissant sous dosés (82 %) ont rec ¸u une première dose (j1) correcte, c’est-à-dire adaptée à leur poids et à leur hémoglobinémie. En revanche, une deuxième administration n’a pas été effectuée dans 95 % des cas où elle aurait été nécessaire si l’on se réfère à la dose totale calculée d’après le RCP. Cela correspond à 104 situations potentielles. De plus, cette seconde dose était sous-évaluée au regard du RCP lorsqu’elle était administrée (Fig. 4). Aucune information ne permettait d’évaluer le réel besoin clinique d’une deuxième dose pour le patient. À notre connaissance, aucune étude ne détaille les motifs des sous-dosages lors d’un traitement par du fer IV. Dans la majorité des cas, la carence martiale n’est pas le motif principal de l’hospitalisation des patients recevant du fer IV. Après interrogation des prescripteurs, il s’avère qu’une seconde administration de fer était difficile à organiser notamment lorsque le patient sortait dans les huit jours suivant la première administration. Dans d’autres cas, nous supposons que la seconde dose n’a pas été administrée par oubli ou méconnaissance du schéma d’administration. Cette hypothèse fait suite à la réalisation d’une enquête menée a posteriori auprès des prescripteurs par des étudiantes en pharmacie. L’absence de j8 était volontaire pour certains patients cancéreux traités par chimiothérapie anémiante. Leurs besoins en fer sont alors réévalués avant chaque nouvelle cure. Enfin, une partie des sous-dosages s’expliquent peut-être par la prudence des prescripteurs du fait des risques graves d’hypersensibilité liés à l’administration de tout fer IV. Parmi les huit surdosages relevés et non interceptés par l’analyse pharmaceutique, six d’entre eux sont survenus lors des vacances scolaires, périodes plus à risque d’erreurs. Les deux autres concernaient des patients admis

Pour citer cet article : Vonesch M-A, et al. Étude de l’usage du fer injectable en établissement de santé et de son impact en terme d’économie hospitalière. Ann Pharm Fr (2015), http://dx.doi.org/10.1016/j.pharma.2015.11.002

Modele + PHARMA-438; No. of Pages 8

ARTICLE IN PRESS

Étude de l’usage du fer injectable en établissement de santé à huit jours d’intervalle sous deux numéros de séjours différents. La visualisation de l’historique des prescriptions du patient est alors moins aisée. En effet, au niveau du logiciel PharmaTM seuls les prescriptions du séjour sont visualisées. Comme Ferinject® est dispensé nominativement, la trac ¸abilité du mouvement de stock peut être retrouvée dans la fiche produit. Cette fiche permet d’accéder à l’ensemble ¸u un médicament ainsi qu’à sa date des patients ayant rec d’administration. Cependant, l’historique n’est alors pas directement visible à l’écran lors de la validation pharmaceutique. Suite aux résultats de cette étude, des mesures d’amélioration ont été prises. La validation pharmaceutique de la première administration de fer IV est désormais tracée par l’utilisation d’un mémo dans le logiciel PharmaTM . Il précise également la dose éventuellement attendue lors d’une administration ultérieure. En effet, le calcul de la dose totale doit s’appuyer sur le bilan martial réalisé avant la première injection. À la vue de ce bilan et de la première dose administrée, nous notifions la différence de dose attendue pour la deuxième injection. Dans la mesure où le fer injectable peut être un traceur du diagnostic de carence en fer, la pharmacie transmet désormais mensuellement au DIM les numéros de séjour des patients ayant rec ¸u une administration de fer IV. Le codage diagnostique est ainsi vérifié et si nécessaire rectifié dans un objectif de facturation au plus juste du séjour. Enfin, une sensibilisation régulière des prescripteurs apparaît également essentielle. Elle doit aussi bien concerner le respect des schémas d’administration du fer injectable que le renseignement du codage de la carence martiale afin de garantir une facturation optimale. En ce sens, la mise en place de protocoles d’utilisation du fer injectable semble être une piste d’amélioration significative mais non suffisante [6]. Au cours de cette étude, plusieurs facteurs limitant sont apparus tels que la diversité des référentiels à concilier soulignant l’importance de l’implication de l’équipe pharmaceutique. La durée des séjours adaptée au diagnostic principal et non pas systématiquement au traitement de la carence martiale illustre les difficultés de l’organisation des parcours de soins. Le poids de six patients n’était pas renseigné. Ce défaut d’information n’a pas fait l’objet d’une IP dédiée car un message automatique issu du logiciel de prescription CrosswayTM le demande systématiquement en cas d’absence. Pour d’autres, les résultats d’un bilan biologique réalisé en ville n’étaient pas accessibles. Dans le cadre d’une meilleure prise en compte du parcours du patient et notamment du lien entre la ville et l’hôpital, les bilans biologiques réalisés en ville devraient être systématiquement joints au dossier informatisé du patient sur CrosswayTM . À cet effet, la mise à disposition de scanners dans chaque bureau médical, permettant de conserver un exemplaire des résultats des bilans de ville dans les dossiers des patients hospitalisés est en projet. De même, bien que non obligatoire, la mention de l’injection de fer IV relevée dans le courrier d’hospitalisation adressé au médecin traitant du patient est un point essentiel dans la transmission d’informations entre l’hôpital et la ville. Cette consolidation du dossier patient permettra également d’optimiser l’analyse pharmaceutique notamment pour les patients admis sous deux numéros de séjours différents.

7

Conclusion La coordination des professionnels de santé, la gestion pertinente des flux d’information et la facturation optimale de la production sont plus que jamais au cœur des priorités des établissements de santé. La réalisation d’études d’usage des produits de santé et notamment des médicaments est une clé essentielle dans l’amélioration de la prise en charge des patients et l’optimisation de leur parcours. Que ce soit par la validation pharmaceutique, au travers de sa participation à l’élaboration de protocoles encadrant la prescription ou en tant qu’interface avec le DIM, l’implication pharmaceutique est essentielle dans cette démarche d’auto-évaluation. L’étude rétrospective menée a permis de nourrir les échanges avec les cliniciens. Ses résultats ont été présentés en COMEDIMS. Notre travail a mis en relief les difficultés rencontrées lors d’une prise en charge transversale comme l’est celle de la carence martiale. Les patients sont en effet le plus souvent suivis pour plusieurs indications, par différents praticiens, aussi bien en hospitalisation conventionnelle qu’en ambulatoire ou encore qu’en ville et confrontés à des systèmes de tarification variés. Il souligne l’importance d’effectuer des études d’usage sur des médicaments tels que le fer injectable pour lequel un plan de gestion des risques est associé et dont la population cible est grandissante. Par leur impact sur l’économie hospitalière, ces études encore trop rarement réalisées peuvent servir à optimiser l’offre de soin. Il reste néanmoins indispensable d’interpréter leurs résultats au regard de l’intérêt clinique du médicament. L’économie hospitalière participe à la recherche de l’efficience. Il s’agit d’un véritable outil d’aide à la prise de décision qui doit permettre de faciliter le dialogue entre tous les acteurs de la prise en charge des patients.

Déclaration de liens d’intérêts Les auteurs déclarent ne pas avoir de liens d’intérêts.

Références [1] World Health Organization. Assessing the iron status of populations. Report of a joint WHO/CDC technical consultation on the assessment of iron status at the population level. Geneva: Éditions de l’OMS; 2007. [2] Vidal 1975. Le dictionnaire. 51e éd. Paris: Office de vulgarisation pharmaceutique; 1975. [3] Janus N, Launay-Vacher V. Complication related to chronic renal insufficiency: anemia and its treatments. J Pharm Clin 2011;30(4):229—34. [4] Ministère des Affaires sociales et de la Santé. Arrêté du 3 juillet 2012 portant radiation de spécialités pharmaceutiques de la liste des médicaments agréés à l’usage des collectivités publiques prévue à l’article L. 5123-2 du Code de la ¸aise santé publique. Journal officiel de la République franc 2012;0159. [5] Perrin G, Perraudin M, Cordonnier-Jourdin C, Astier A, Paul M. Bon usage du fer injectable au sein d’un CHU : une question d’actualité. Poster affiché aux Rencontres Convergences Santé Hôpital; 2014.

Pour citer cet article : Vonesch M-A, et al. Étude de l’usage du fer injectable en établissement de santé et de son impact en terme d’économie hospitalière. Ann Pharm Fr (2015), http://dx.doi.org/10.1016/j.pharma.2015.11.002

Modele + PHARMA-438; No. of Pages 8

ARTICLE IN PRESS

8

M.-A. Vonesch et al.

[6] Peraudeau M, Cazal-Bonnel E, Charlot H, Sagnier MC, Brunie V. Évaluation des prescriptions de fer injectable en établissement de santé gériatrique. Pharm Hosp Clin 2014;49(4):310. [7] Calop J, Limat S, Fernandez C, Aulagner G. Pharmacie clinique et thérapeutique. 4e éd. Paris: Elsevier Masson; 2012. [8] Ciangura C. Choix des examens du métabolisme du fer en cas de suspicion de carence en fer. Rapport d’évaluation de la Haute Autorité de santé. Paris: Haute Autorité de santé; 2011.

[9] ANSM. Ferinject® . Résumé des caractéristiques du produit; 2012. [10] United Nations ACC/SCN. Third report on the world nutrition situation. Geneva: Éditions de l’OMS; 1997. [11] Pageot C. Étude observationnelle de l’usage clinique du fer injectable au CHU de Bordeaux. [Thèse d’exercice : pharmacie]. Bordeaux: HAL archives-ouvertes.fr; 2014 http://dumas. ccsd.cnrs.fr/dumas-01078626/document.

Pour citer cet article : Vonesch M-A, et al. Étude de l’usage du fer injectable en établissement de santé et de son impact en terme d’économie hospitalière. Ann Pharm Fr (2015), http://dx.doi.org/10.1016/j.pharma.2015.11.002