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73e congrès franc¸ais de médecine interne, Lille, 29, 30, 1er juillet 2016 / La Revue de médecine interne 37S (2016) A27–A88
S. pneumoniae ou un autre vaccin polysaccharidique. Selon les critères du registre de l’European Society for Immunodeficiencies (ESID), le diagnostic de déficit isolé en anticorps spécifiques antipolysaccharides n’est retenu qu’en cas de taux normaux des immunoglobulines (Ig) G, A, M et des sous-classes d’IgG, et après exclusion d’un possible déficit cellulaire T. Le déficit isolé en anticorps spécifiques antipolysaccharides se traduit dans la très grande majorité des cas par des infections ORL ou bronchopulmonaires récurrentes. Nous rapportons 5 observations de déficit isolé en anticorps spécifiques antipolysaccharides diagnostiqué dans un contexte d’infections graves et/ou récurrentes chez des patients adultes. Patients et méthodes Les cinq patients ont été adressés en consultation d’immunologie clinique pour avis sur un éventuel déficit immunitaire. Les explorations du complément, les taux d’IgG, IgA, IgM et de sous-classes d’IgG, les numérations lymphocytaire B et T, les réponses vaccinales aux antigènes peptidiques (anatoxine tétanique ou vaccin conjugué anti-Haemophilus influenzae de sérotype b) étaient normaux. La réponse vaccinale aux antigènes polysaccharidiques capsulaires du pneumocoque était évaluée en comparant les taux d’anticorps anti-polysaccharides avant et 4 à 8 semaines après vaccination par Pneumo23® , par deux approches : une « réponse globale » vis-à-vis des 23 sérotypes évaluée par le kit Vacczyme PCP IgG® (The Binding Site® ), et une « réponse individuelle » sur 7 des 23 sérotypes par le test Elisa de référence « OMS », avec interprétation de l’évolution des taux d’anticorps selon les recommandations en vigueur (Orange et al. JACI 2012). Résultats La patiente n◦ 1 n’avait aucun antécédent infectieux notable lorsqu’elle a été atteinte à 60 ans d’une méningoccocémie C (fièvre, polyarthralgies, rash). Le patient n◦ 2 a été atteint à 17 ans, d’un choc septique à Haemophilus influenzae à point de départ pulmonaire, sans autre antécédent infectieux notable. Les patientes n◦ 3 et n◦ 4, âgées de 33 et 35 ans, ont été hospitalisées à de nombreuses reprises depuis 3 et 4 ans pour des pneumopathies franches lobaires aiguës graves (pleurésies associées, hypoxémies, voire sepsis sévère). La patiente n◦ 3 était suivie pour un syndrome de Gougerot-Sjögren et une polyarthrite rhumatoïde sévère non traitée en raison des épisodes infectieux. Le patient n◦ 5, âgé de 22 ans, a été atteint d’une pneumopathie franche lobaire aiguë à 17 ans et souffrait depuis l’enfance de bronchites, d’otites moyennes aiguës, et de sinusites mucopurulentes qui persistaient malgré une ethmoïdectomie. Le scanner thoracique a objectivé une dilatation des bronches au diagnostic de déficit isolé en anticorps spécifiques antipolysaccharides. Le défaut de réponse vaccinale post-Pneumo23 était établi sur une réponse globale faible mais des réponses individuelles insuffisantes sur au moins 4 des 7 sérotypes évalués sur le test de référence « OMS » (patients 1, 4, 5), ou une réponse globale inchangée après vaccination (patients 2 et 3, contrôles sur le test de référence en cours). Les patients 2, 3 et 5 avaient des taux de lymphocytes B mémoires convertis CD19 + CD27 + IgM-IgD– inférieurs à la normale (valeurs normales : 6,5 à 29,1 % des lymphocytes B CD19+ circulants). Les patients 1 et 2 ont bénéficié d’une prise en charge par vaccins conjugués et ont rec¸u la consigne de consulter leur médecin traitant au moindre doute sur des signes infectieux. Les patients 3 à 5 sont substitués par Ig polyvalentes depuis 3, 8 et 12 mois, respectivement : à ce jour, aucun n’a présenté de nouvel épisode infectieux. Discussion Notre série décrit deux cas de déficit isolé en anticorps spécifiques antipolysaccharides après des infections invasives isolées, et trois cas dans un contexte d’infections graves récurrentes : pour ces derniers, le bilan immunologique apparemment « normal » explique le retard diagnostic malgré l’ancienneté et la sévérité des infections. L’évaluation de la réponse vaccinale doit être programmée idéalement à distance de l’épisode infectieux et dans un délai de 4 à 8 semaines pour être interprétable. Conclusion En cas de bilan immunologique de première intention (Ig, sous-classes d’IgG, complément) apparemment normal face à des infections bactériennes ORL, broncho-pulmonaires voire des infections invasives à germe encapsulé, le bilan doit être complété
par une étude des réponses vaccinales vis-à-vis des antigènes polysaccharidiques. Déclaration de liens d’intérêts Les auteurs déclarent ne pas avoir de liens d’intérêts. http://dx.doi.org/10.1016/j.revmed.2016.04.247 CO028
Étude observationnelle d’une cohorte multicentrique de 23 patients atteints d’un déficit en mévalonate kinase diagnostiqué à l’âge adulte C.A. Durel 1,∗ , A. Achille 2 , B. Bienvenu 2 , B. Gombert 3 , É. Hachulla 4 , J. Ninet 1 , D. Maucort-Boulch 5 , L. Cuisset 6 , I. Touitou 7 , M. Moutschen 8 , T. Lequerré 9 , A. Hot 1 1 Médecine interne, hôpital Édouard-Herriot, Lyon, France 2 Médecine interne, CHU de Caen, Caen, France 3 Médecine interne, CH de La Rochelle, La Rochelle, France 4 Médecine interne, CHU, Lille, France 5 Service de biostatistiques, hospices civils de Lyon, Pierre-Bénite, France 6 Service de génétique et biologie moléculaires, CHU Paris Centre – hôpital Cochin, Paris, France 7 Laboratoire de génétique des maladies rares et autoinflammatoires, CHRU de Montpellier, Montpellier, France 8 Maladies infectieuses, médecine interne générale, CHU de Liège – Site Sart-Tilman, Liège, Belgique 9 Rhumatologie, CHU–hôpitaux de Rouen, Rouen, France ∗ Auteur correspondant. Adresse e-mail :
[email protected] (C.A. Durel) Introduction Le syndrome hyper-IgD est une fièvre héréditaire rare appartenant au spectre des déficits en mévalonate kinase avec des accès fébriles récurrents débutant dans la première année de vie [1]. Les cas à l’âge adulte sont exceptionnels. Nous avons mené une étude observationnelle multicentrique de 23 patients atteints d’un déficit en mévalonate kinase diagnostiqué à l’âge adulte. Matériels et méthodes Nous avons identifié les cas de janvier 2000 à décembre 2014 à partir des bases de données des 2 laboratoires de génétiques compétents et du laboratoire de biochimie spécialisé à Lyon. Ont été inclus les patients âgés de plus de 16 ans au moment du diagnostic, et prouvés génétiquement, ou avec une activité mévalonate kinase effondrée et/ou une élévation de l’acide mévalonique urinaire per-crise avec une histoire personnelle de fièvre récurrente ou de déficit en mévalonate kinase familial génétiquement prouvé. Les données démographiques, les signes cliniques, les paramètres biologiques et les traitements rec¸us ont été recueillis. Résultats Sur les 27 patients dépistés, 23 ont été analysés et 4 exclus (âge au diagnostic avant 16 ans, données recueillies insuffisantes). Il s’agissait de 14 femmes (60,9 %) et 9 hommes (39,1 %). Une patiente était asymptomatique. La durée moyenne de suivi était de 7 ans (1–13). L’âge moyen au diagnostic était de 40 ans (16–79), avec un âge moyen au début des symptômes de 9 ans (0,5–77). Le retard diagnostique était de 30,6 ans (médiane). Treize patients (59,1 %) développaient les premiers signes cliniques avant l’âge de 5 ans, et 81,8 % avant l’âge de 10 ans. Au moment du diagnostic, 9 patients (40,9 %) avaient de 1 à 2 crises/mois, et 11 (50 %) ≤ 1/mois. On retrouvait des facteurs déclenchant chez 16 patients (72,7 %). En considérant les patients symptomatiques en poussée, tous présentaient une fièvre et un syndrome inflammatoire ([protéine c-réactive] médiane : 24,1 mg/dL). Des symptômes articulaires étaient notés chez 21 patients (95,5 %), des signes digestifs (douleurs abdominales, diarrhée, vomissement) chez 20 (90,9 %), des signes cutanés et des adénopathies chez 19 respectivement (86,4 %), une pharyngite chez 14 (63,6 %), une hépatomégalie et/ou splénomégalie chez 11 (50 %). Vingt patients sur 21 testés (95,2 %) avaient une élévation des IgD sériques (médiane 812 mg/L, 330–3750). L’activité mévalonate kinase était
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diminuée à 0,1 kat/kg protein (0–0,45) (17 patients testés). L’acide mévalonique urinaire per-crise était élevé à 5,1 mmol/mol de créatinine (1,7–28,2) (13 patients testés). Le diagnostic était génétique chez 21 patients : 5 homozygotes et 16 hétérozygotes composites. Dix-neuf patients ont rec¸u des corticoïdes, 16 des AINS, 9 des antiIL1ra, et 5 des anti-TNF␣. Plus de 65 % des patients avaient une diminution de la fréquence et de la sévérité des crises spontanément avec l’âge. Sept patients (35 %) étaient en rémission à la dernière visite. Une patiente à développé une amylose AA avec insuffisance rénale dialysée. Cinq patients (21,7 %) sont décédés (choc septique n = 2, néoplasie solide n = 2, suicide n = 1). Discussion Nous rapportons la première série de patients atteints de déficit en mévalonate kinase diagnostiqué exclusivement à l’âge adulte. Les 2 séries princeps font principalement état de cas pédiatriques [1,2]. Les phénotypes cliniques pédiatriques et à l’âge adulte ne diffèrent pas significativement. Les premiers symptômes apparaissent habituellement dans la première année de vie, mais il existe un probable biais de mémorisation dans notre série expliquant un âge moyen aux premiers symptômes de 9 ans. Nous confirmons le retard diagnostique important, de plus de 30 ans dans notre série. Le dosage des IgD pourrait être un élément d’orientation pour le diagnostic de déficit en mévalonate kinase à l’âge adulte devant une fièvre héréditaire (élévation chez 95 % des patients). Plus de 65 % des patients présentent une diminution de la fréquence et de la sévérité des accès fébriles avec l’âge mais seuls 35 % étaient en rémission à la dernière visite. Nous rapportons le 6ème cas d’amylose AA dans un contexte de déficit en mévalonate kinase. Conclusion Le déficit en mévalonate kinase est une fièvre héréditaire rare de révélation souvent pédiatrique avec des symptômes débutant dans la première année de vie, mais qui doit être évoqué à l’âge adulte devant une clinique compatible et une élévation franche des IgD sériques. L’amylose AA est une complication exceptionnelle mais à redouter. Déclaration de liens d’intérêts Les auteurs déclarent ne pas avoir de liens d’intérêts. Références [1] van der Hilst JCH, Bodar EJ, Barron KS, Frenkel J, Drenth JPH, van der Meer JWM, et al. Long-term follow-up, clinical features, and quality of life in a series of 103 patients with hyperimmunoglobulinemia D syndrome. Medicine (Baltimore) 2008;87(6):301–10. [2] Bader-Meunier B, Florkin B, Sibilia J, Acquaviva C, Hachulla É, Grateau G, et al. Mevalonate kinase deficiency : a survey of 50 patients. Pediatrics 2011;128(1):e19–29. http://dx.doi.org/10.1016/j.revmed.2016.04.248 CO029
Efficacité des anti-TNF␣ dans les atteintes cardiovasculaires sévères réfractaires de la maladie de Behc¸et : étude observationnelle multicentrique de 18 patients A.C. Desbois 1,∗ , M. Lambert 2 , É. Hachulla 3 , F. Ackerman 4 , L. Pérard 5 , A. Hot 5 , F. Maurier 6 , C. Mausservey 7 , D. Bonnet 8 , F. Bernard 9 , P. Cacoub 10 , D. Saadoun 10 1 UMR 7211, Inserm U959, hôpital la Pitié Salpétrière, Paris, France 2 Service de médecine interne, hôpital Claude-Huriez, Lille, France 3 Médecine interne, CHU, Lille, France 4 Département de médecine interne, hôpital Bicêtre, Le Kremlin-Bicêtre, France 5 Médecine interne, hôpital Édouard-Herriot, Lyon, France 6 Service de médecins interne, hôpital Belle-Isle, Metz, France 7 Médecine interne, Chalon-sur-Saône, France 8 Médecine interne, CHU de Toulouse, Toulouse, France 9 Médecine interne, Marseille, France
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Service de médecine interne 2, Groupe Hospitalier Pitié-Salpêtrière, Paris, France ∗ Auteur correspondant. Adresse e-mail :
[email protected] (A.C. Desbois) Introduction L’atteinte vasculaire dans la maladie de Behc¸et concerne plus de 30 % des patients. Elle représente la principale cause de mortalité, particulièrement en cas d’atteinte artérielle anévrysmale pulmonaire ou aortique ou de thrombose veineuse des gros troncs. Les immunosuppresseurs (azathioprine, méthotrexate, cyclophosphamide) utilisés sont insuffisamment efficaces et source d’effets secondaires significatifs. Les anti-TNF sont très rapidement efficaces contre les atteintes ophtalmologiques de la maladie de Behc¸et et en ont transformé le pronostic. Quelques séries de faible effectif ont rapporté l’efficacité des anti-TNF␣ pour traiter les formes vasculaires de la maladie de Behc¸et. Objectifs Évaluer l’efficacité et la tolérance des anti-TNF␣ dans les formes vasculaires sévères et/ou réfractaires de maladie de Behc¸et. Patients et méthodes Étude multicentrique observationnelle évaluant 18 patients ayant une atteinte cardiaque ou vasculaire sévère liée à la maladie de Behc¸et (définie selon les critères internationaux) et traitée par anti-TNF␣ [infliximab (n = 15) et adalimumab (n = 3)]. Une atteinte vasculaire sévère motivant la mise sous antiTNF␣ était définie par une atteinte artérielle anévrysmale sévère [pulmonaire (n = 4) ou de l’aorte/une de ses branches (n = 4) ou périphérique (n = 1)] et/ou une thrombose d’un gros tronc veineux [thrombose d’artère pulmonaire (n = 8), thrombose de la veine cave inférieure (n = 3) ou un syndrome de Budd-Chiari (n = 3)] et/ou une atteinte cardiaque [valvulopathie aortique (n = 1), anévrysme ventriculaire gauche (n = 1), ischémie myocardique (n = 1) ou thrombose intracardiaque (n = 2)]. La rémission clinique était définie par une résolution des symptômes cliniques et de l’activité biologique (syndrome inflammatoire) et l’absence d’apparition de nouvelle lésion vasculaire (dans un territoire vasculaire non atteint auparavant) ou l’aggravation d’une lésion vasculaire préexistante à l’imagerie. Résultats Dix-huit patients [(88,9 % d’hommes) d’âge moyen de 34 ±9,8 ans] ont été inclus. Treize (72 %) étaient réfractaires à au moins un immunosuppresseur (n = 12) et/ou une corticothérapie systémique à forte dose (n = 1). Treize patients ont rec¸u des injections d’infliximab [5 mg/kg (n = 13) et 3 mg/kg (n = 2)] et 3 d’adalimumab [40 mg/15 jours (n = 3)]. Treize patients ont également rec¸u un immunosuppresseur [azathioprine (n = 7), méthotrexate (n = 4), mycophénolate mofétil (n = 2)] et 17 une corticothérapie associée aux anti-TNF␣. Les lésions vasculaires observées (antérieures et présentes à l’initiation de l’anti-TNF␣) incluaient : une atteinte artérielle anévrysmale (n = 11) [pulmonaire (n = 8), aortique (n = 3), splénique (n = 1) ou périphérique (n = 3)], une atteinte artérielle occlusive (n = 5) et/ou veineuse [embolie pulmonaire (n = 10), thrombose veine cave inférieure (n = 7), thrombose veineuse profonde d’un membre inférieur (n = 8) ou syndrome de Budd-Chiari (n = 3)]. Huit patients avaient également une atteinte cardiaque [thrombose intracardiaque droite (n = 2) ou du ventricule gauche (n = 2), atteinte valvulaire (n = 2), ischémie myocardique (n = 1) ou péricardique (n = 1)]. La rémission vasculaire a été obtenue chez 16 patients (89 %), partielle (n = 2) ou complète (n = 14). Aucun patient n’est décédé. Un patient a rechuté après l’arrêt des anti-TNF␣ et 2 sous anti-TNF␣. Des effets secondaires ont été observés chez 2 patients [œdème pulmonaire (n = 1) diarrhées à campylobacter (n = 1)], nécessitant l’arrêt du traitement chez 1 patient. Après un suivi médian de 8,2 [0,5 ;163,6] mois, 17/18 étaient toujours sous anti-TNF␣ [arrêt pour effets secondaires (n = 1)]. La dose de corticoïdes a été significativement diminuée chez l’ensemble des patients à la fin du suivi [37,3 mg initialement contre 12,2 mg, p = 0,001]. Neuf patients (50 %) ont atteint une dose de corticoïdes ≤ 10 mg à la fin du suivi. Conclusion Les anti-TNF␣ représentent une thérapeutique efficace chez 89 % des patients avec une atteinte cardiovasculaire sévère de maladie de Behc¸et, avec un profil de tolérance acceptable.