Étude rétrospective descriptive évaluant les causes et les conséquences cliniques, immunologiques et virologiques des interruptions de traitement antirétroviral chez des adultes infectés par le VIH-1

Étude rétrospective descriptive évaluant les causes et les conséquences cliniques, immunologiques et virologiques des interruptions de traitement antirétroviral chez des adultes infectés par le VIH-1

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La revue de médecine interne 24 (2003) 350–357 www.elsevier.com/locate/revmed

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Étude rétrospective descriptive évaluant les causes et les conséquences cliniques, immunologiques et virologiques des interruptions de traitement antirétroviral chez des adultes infectés par le VIH-1 Anti-retroviral treatment interruptions in HIV-infected adults: causes, clinical, immunological and virological consequences A. Sommet a, C. Delpierre a, L. Cuzin a,*, A. Jaafar b, B. Marchou c, P. Massip a,c a

Centre d’information et de soins de l’immunodéficience humaine (CISIH) de Midi-Pyrénées, hôpital Purpan, 31059 Toulouse cedex, France b Laboratoire de virologie, hôpital Purpan, 31059 Toulouse cedex, France c Service des maladies infectieuses et tropicales, hôpital Purpan, 31059 Toulouse cedex, France Reçu le 18 septembre 2002 ; accepté le 20 janvier 2003

Résumé Propos. – Cette étude rétrospective analyse les causes et les conséquences cliniques, immunologiques et virologiques d’un arrêt de traitement antirétroviral supérieur à 30 j chez les patients infectés par le VIH-1. Méthodes. – Les causes d’arrêt ont été classées en 3 catégories : échec thérapeutique, intolérance médicamenteuse, observance. Les schémas thérapeutiques à l’arrêt et à la reprise ont été étudiés, ainsi que les événements cliniques pendant l’interruption, les CD4 et la charge virale (CV) plasmatique à l’arrêt et à la reprise d’un traitement, ainsi qu’à 3, 6, 9 et 12 mois après la reprise. Résultats. – Sur 188 interruptions étudiées, 42,6 % ont été effectuées pour échec, 33,5 % pour intolérance médicamenteuse et 23,9 % pour défaut d’observance. Huit pathologies classantes pour le sida sont survenues pendant l’interruption, chez des patients présentant des CD4 bas et une CV élevée (p < 0,05). L’évolution de la CV après la reprise était d’autant plus favorable que l’arrêt a été réalisé pour échec (p < 0,05), pendant une longue durée (p < 0,05), avec des CD4 à l’arrêt et à la reprise élevés (p < 0,05). La médiane des CD4 après un an de reprise était de 296 éléments/mm3 vs 382 à l’arrêt. Conclusions. – Les conséquences des interruptions dépendent notamment de la diminution des CD4 plasmatiques, majorant le risque d’infections opportunistes. Des études prospectives randomisées sont en cours et devraient permettre d’évaluer la place des interruptions de traitement dans la stratégie de prise en charge des séropositifs. © 2003 Éditions scientifiques et médicales Elsevier SAS. Tous droits réservés. Abstract Introduction. – This retrospective study analyses causes as well as clinical, immunological and virological consequences of antiretroviral treatment interruptions (Ti) of more than 30 days in HIV-1 infected adults. Methods. – This causes were classified as related to drug toxicity, therapeutic or adherence failure. We studied therapeutic regimens before Ti and after treatment reinitiation (TR), clinical events related to Ti, CD4 cells and viral loads before Ti and at months 3, 6, 9, and 12 after TR. Results. – Out of 188 Ti analysed, 42.6% were related to therapeutic failure, 33.5% to drug toxicity, and 23.9% to adherence failure. Eight Aids defining clinical events were reported during Ti, in patients with low CD4 cells and high viral load (P < 0.05). Viral loads evolution after TR was better if Ti was related to treatment failure (P < 0.05), was prolonged (P < 0.05), and if CD4 cells were high before Ti and at TR (P < 0.05). Median CD4 cells was of 296/mm3 at month 12 after TR vs 382 before Ti. Conclusions. – Ti consequences are strongly related to CD4 cells, which decrease sharply during Ti, increasing Aids defining events probability. Prospective randomised clinical studies are needed to define usefulness of Ti. © 2003 Éditions scientifiques et médicales Elsevier SAS. Tous droits réservés. * Auteur correspondant. Adresse e-mail : [email protected] (L. Cuzin). © 2003 Éditions scientifiques et médicales Elsevier SAS. Tous droits réservés. DOI: 10.1016/S0248-8663(03)00067-5

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Mots clés : Traitement antirétroviral ; Interruption de traitement ; Échec thérapeutique ; Observance ; Intolérance médicamenteuse Keywords: Antiretroviral therapy; Treatment interruption; Treatment failure; Compliance; Drug toxicity

1. Introduction Les traitements antirétroviraux hautement actifs ont entraîné une réduction importante de la morbidité et de la mortalité des personnes infectées par le VIH-1 [1,2], avec une augmentation de l’espérance de vie des personnes séropositives, atteintes ou non de sida [3]. Les patients sont soumis à ces traitements pour des durées indéfinies. L’augmentation de la durée de traitement conduit à l’apparition d’inconvénients dont les plus fréquents sont un échec thérapeutique, une toxicité médicamenteuse et des difficultés d’observance. La plupart des antirétroviraux peuvent occasionner des effets secondaires pouvant amener à leur interruption. Les principaux effets secondaires sont digestifs, hématologiques, neurologiques, métaboliques et cutanés. Les facteurs de mauvaise observance sont variés : état du patient, habitudes de vie, nombre et taille des comprimés, environnement médical. Une mauvaise observance peut être la conséquence de la persistance d’effets secondaires, qui peut amener à un traitement non optimal voire à son interruption [4]. Ces facteurs sont liés entre eux, la toxicité des molécules et les difficultés d’observance entraînant des concentrations antirétrovirales non optimales exposant à l’émergence de virus résistants [5,6]. Depuis 1999, de nombreux travaux rapportent qu’un contrôle relatif de la virémie est possible malgré l’arrêt du traitement antirétroviral et l’augmentation de la charge virale plasmatique (CVp) dans les jours suivant l’arrêt [7]. Les stratégies d’interruption ont été étudiées chez les patients traités au stade de la primo-infection [8] et au stade chronique, qu’ils aient une CVp indétectable [9,10] ou non, en présence de mutants résistants au traitement [11–14]. De nombreuses questions se posent à propos de ces arrêts de traitement effectués spontanément par le patient ou dans le cadre d’une stratégie thérapeutique, ainsi qu’à propos de leurs conséquences lors de la réintroduction d’un traitement antirétroviral. Une des principales questions est de savoir quels en sont les risques cliniques et immunologiques, notamment à long terme. Plusieurs arguments pouvant expliquer leur intérêt sont mis en avant. Tout d’abord, la toxicité médicamenteuse est réduite, permettant une meilleure tolérance du traitement au long cours [8]. Ensuite, la population virale pourrait retrouver une sensibilité aux molécules initialement prescrites, permettant ainsi une meilleure efficacité des traitements lors de leur réintroduction [15]. Enfin, l’indétectabilité de la CVp est responsable d’une diminution des défenses immunitaires spécifiques, qui seraient restaurées lors de l’arrêt par réapparition d’une stimulation antigénique [9,10,16–21]. Cependant, ces interruptions sont parfois délétères pour les patients, exposant au risque de survenue d’in-

fections opportunistes par diminution importante des CD4 [22], et pouvant conduire à la survenue de syndromes antirétroviraux aigus [23,24]. L’objectif de notre étude était de rechercher les facteurs associés aux interruptions de traitement dans les conditions réelles d’exercice des cliniciens, en tenant compte des raisons d’interruptions, ainsi que d’étudier l’évolution des paramètres immunologiques et cliniques, avec un recul de plusieurs mois après la reprise d’un traitement antirétroviral. 2. Matériel et méthodes L’étude a été réalisée par le suivi d’une cohorte historique de patients séropositifs vis-à-vis du VIH-1, suivis dans le service de maladies infectieuses et tropicales du centre hospitalo-universitaire de Toulouse, ayant interrompu leur traitement antirétroviral. Les critères d’inclusion étaient les suivants : • patient ayant interrompu son traitement plus de 30 jours ; • date d’arrêt entre le 15 juin 1998 et le 15 mars 2001. Les patients qui n’ont pas été revus dans le service après l’arrêt de traitement et ceux bénéficiant d’un traitement intermittent n’ont pas été inclus. La date d’entrée dans l’étude était définie par la date d’interruption du traitement antirétroviral. Les données ont été recueillies d’avril à juin 2001 à partir des dossiers des patients, contenant les observations médicales des consultations et des hospitalisations, les courriers, ainsi que les résultats biologiques. Les données ont été censurées au 15 avril 2001 pour des raisons d’analyse. Les données démographiques recueillies comportaient le sexe, l’âge, le mode de contamination, le stade CDC lors de l’arrêt thérapeutique. Les résultats des CD4 et de la CVp ont été relevés au moment de l’arrêt (Ti), de la reprise (M0), ainsi qu’à 3, 6, 9 et 12 mois après la reprise de traitement (M3, M6, M9, M12) avec plus ou moins 15 jours d’écart en fonction des dates de consultation dans le service. La numération des lymphocytes CD4 du sang périphérique a été obtenue par la méthode de cytométrie en flux (Epics Profile ; Coulter, Hialeah, Floride, États-Unis). Elle a été exprimée en nombre d’éléments par mm3. La CVp a été mesurée en utilisant la technique Amplicor HIV-1 Monitor du Laboratoire Roche-Diagnostic (Meylan, France). Elle a été exprimée en log.copies/ml. Étant donné que le seuil de détectabilité est passé de 2,3 à 1,3 log.copies/ml au cours de la période d’étude, la valeur de 2,3 log.copies/ml a été retenue comme valeur seuil, afin de garder une comparabilité des résultats quelque soit la date d’inclusion. Les causes d’arrêt ont été classées en 3 catégories, en considérant une seule cause par arrêt : échec thérapeutique,

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effets secondaires, ou décision du patient ou du médecin en raison d’un défaut d’observance. L’échec thérapeutique recouvre plusieurs notions. Il peut être clinique, défini par la survenue de symptômes témoignant de la progression de la maladie. Il peut être immunologique : absence d’ascension des lymphocytes CD4 malgré un traitement antirétroviral. Enfin, il peut être virologique : réduction non optimale de la charge virale plasmatique (CVp). La durée de l’arrêt, les CD4 et les CVp aux différents temps de la période d’étude ont été étudiés selon les causes d’interruptions. Les traitements à l’arrêt et à la reprise ont été analysés selon le nombre de molécules prescrites et les schémas thérapeutiques les plus utilisés en cas de trithérapie (association de 2 inhibiteurs nucléosidiques de la transcriptase inverse avec une antiprotéase, association de 2 inhibiteurs nucléosidiques avec un inhibiteur non nucléosidique de la transcriptase inverse, association d’une molécule de chaque catégorie, association de 3 inhibiteurs nucléosidiques). Le schéma thérapeutique à la reprise a été défini comme identique à celui de l’arrêt lorsqu’il comportait le même nombre de molécules de chaque famille d’antirétroviral. L’évolution des CD4 et de la CVp a été étudiée aux temps M3, M6, M9 et M12 en fonction des paramètres démographiques (sexe, âge, ancienneté de la séropositivité), des paramètres biologiques (classes de CD4 et CVp à l’arrêt et à la reprise d’un traitement antirétroviral), de la durée de l’arrêt, des schémas thérapeutiques et de la survenue d’événements cliniques lors de l’arrêt. Parmi l’ensemble des événements cliniques signalés, les pathologies classantes pour le sida ont été étudiées en fonction des autres variables. 2.1. Analyse statistique Les variables quantitatives ont été analysées à l’aide d’analyse de variance (Anova) ou du test de Mann-Whithney en cas d’inégalité des variances. Les variables qualitatives ont été analysées par le test du v2 avec une correction de Yates ou par le test exact de Fisher en cas d’effectifs insuffisants. Toute valeur de p < 0,05 a été considérée comme statistiquement significative. 3. Résultats

Tableau 1 Caractéristiques cliniques et épidémiologiques des 163 patients lors de l’inclusion Caractéristiques démographiques Sexe masculin ˆ ge en années (extrêmes) A Ancienneté de la séropositivité en années (extrêmes) Mode de transmission Homosexuel Hétérosexuel Toxicomanie intraveineuse Bisexuel Hémophile Transfusion sanguine Inconnu Stade CDC A B C

143 (76,1) 39,6 (21,1–74,4) 8,9 (0,4–16,2) 65 (39,9) 48 (29,4) 28 (17,2) 10 (6,1) 4 (2,5) 2 (1,2) 6 (3,7) 80 (49,4) 47 (28,4) 36 (22,2)

à l’arrêt et à la reprise, montre une part plus importante de quadrithérapies et de pentathérapies à la reprise (p < 0,05). Cent cinq patients ont été vus à 3 mois de reprise de traitement, 74 à 6 mois, 55 à 9 mois et 49 à 1 an. La médiane de CD4 à l’arrêt était de 382 (4–1700) et de la CVp de 4,1 log.copie/ml (0,78–6,47). 3.2. Causes d’interruptions Quatre-vingts arrêts (42,6 %) ont été effectués en raison d’un échec thérapeutique, 63 (33,5 %) d’une intolérance médicamenteuse et 45 (23,9 %) de défauts d’observance. Les intolérances médicamenteuses rapportées sont les suivantes : • 12 cas de troubles digestifs ; • 11 cas de lipodystrophie ; • 11 cas de toxicité hépatique ; • 4 cas de troubles neurologiques ; • 3 cas de toxicité musculaire ; • 3 cas de troubles psychiatriques ; • 3 cas d’altération de l’état général ; • 2 cas de toxicité hématologique ; Tableau 2 Schéma thérapeutique antirétroviral prescrit à l’arrêt et à la reprise de traitement antirétroviral

3.1. Description de la population Nous avons analysé 188 interruptions thérapeutiques chez 163 patients. Les caractéristiques de la population lors de l’inclusion sont décrites dans le Tableau 1. La durée médiane de l’arrêt était de 134 j (extrêmes : 42–916). À l’issue de la période de suivi, 156 arrêts avaient abouti à une reprise de traitement, dont 53 (28,2 %) selon un schéma thérapeutique identique à celui de l’interruption. À l’arrêt, 89 patients (47,6 %) recevaient au moins une antiprotéase et 68 (36,2 %) au moins un inhibiteur non nucléosidique de la transcriptase inverse. Le Tableau 2 qui détaille les schémas thérapeutiques

Nbre (%)

Bithérapie Trithérapie 2 INTI + 1 IP 2 INTI + 1 INNTI 1 INTI + 1 IP + 1 INNTI 3 INTI Quadrithérapie Pentathérapie

Traitement antirétroviral p lors de l’arrêt lors de la reprise (n = 187) (n = 156) 26 12 137 114 66 33 43 37 < 0,05 15 3 13 41 15 27 9 3

INTI : inhibiteur nucléosidique de la transcriptase inverse ; INNTI : inhibiteur non nucléosidique de la transcriptase inverse ; IP : antiprotéase.

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Tableau 3 Évolution des paramètres immunologiques aux différents temps de la période d’étude Effectif des interruptions CD4 plasmatiques (n) Médiane en éléments mm3 (extrêmes) Inférieurs à 200/mm3 (%) De 200 à 500/mm3 (%) Plus de 500/mm3 (%) Charge virale plasmatique (n) Médiane en log.copies ml–1 (extrêmes) Indétectable (%)

Ti 188 179 382,0 (4–1700) 23,5 45,8 30,7 174 4,10 (0,78–6,47) 13,2

M0 156 145 240,0 (2–1297) 40,7 51,0 8,3 143 4,90 (1,30–6,20) 2,1

M3 105 105 310,0 (2–1465) 29,5 45,7 24,8 99 2,80 (1,00–6,40) 35,4

M6 74 74 307,5 (9–1262) 27,0 52,7 20,3 73 3,00 (1,30–6,40) 39,7

M9 55 55 338,0 (9–882) 27,3 50,9 21,8 52 2,85 (1,30–6,20) 42,3

M12 49 49 296,0 (8–863) 28,6 59,2 12,2 45 3,80 (1,30–6,30) 37,8

Ti : moment de l’interruption thérapeutique ; M0 : reprise d’un traitement antirétroviral ; M3 : 3 mois après la reprise de traitement antirétroviral ; M6 : 6 mois après la reprise de traitement antirétroviral ; M9 : 9 mois après la reprise de traitement antirétroviral ; M12 : 12 mois après la reprise de traitement antirétroviral.

• 2 cas d’intolérance cutanée ; • 1 colique néphrétique. Les autres épisodes d’intolérance n’ont pas été précisés. La durée médiane d’arrêt pour échec était de 118,5 j, de 171 pour les intolérances et de 201 pour les défauts d’observance (p < 0,05). La médiane de CVp à l’arrêt était de 4,41 log.copies/ml en cas d’échec, de 3,28 log.copies/ml en cas d’intolérance et de 3,60 log.copies/ml en cas de défaut d’observance (p < 0,05). La CVp médiane à la reprise était de 4,98 log.copies/ml pour les échecs thérapeutiques, de 4,64 log.copies/ml pour les intolérances et de 4,75 log.copies/ml pour les défauts d’observance (p < 0,05). À M3, il n’existait plus de différence de CVp en fonction de la cause de l’arrêt (p = 0,863). À M12, aucune des interruptions pour mauvaise observance n’amenait à une CVp inférieure à celle de Ti, alors que c’était le cas de 71,4 % des interruptions pour intolérance médicamenteuse et de 68 % des interruptions pour échec thérapeutique (p < 0,05).

Après une durée moyenne d’arrêt de 199,2 j (42–916), 11 patients ont repris une bithérapie, 114 une trithérapie, 27 une quadrithérapie et 3 une pentathérapie (Tableau 2). À la reprise, la médiane de CD4 était de 240/mm (2–1297), soit une diminution moyenne de 108,5 éléments/mm3. La CVp médiane était de 4,9 log.copies/ml (1,30–6,20), soit une augmentation moyenne de 0,8 log.copies/ml. Au 15 avril 2001, 32 arrêts étaient toujours en cours. Ces patients présentaient des CD4 médians de 457/mm3 (180–1474) et une CVp médiane de 4,11 log.copies/ml [2,14–15,23]. Ces valeurs sont significativement meilleures que celles des patients ayant recommencé un traitement, au moment de la reprise.

3.3. Évolution clinique

Le Tableau 3 présente l’évolution des CD4 et de la CVp aux dates Ti, M0, M3, M6, M9 et M12.

Nous avons recensé 76 événements cliniques chez 62 patients (33,0 %), 8 correspondant à une pathologie classante pour le sida. Il s’agissait de 4 cryptosporidioses digestives (dont l’une associée à une atteinte digestive à cytomégalovirus), d’une toxoplasmose cérébrale, d’une encéphalite à VIH et d’une leucoencéphalite multifocale progressive. Les événements non classants pour le sida comportaient des asthénies, des candidoses, des leucoplasies chevelues de la langue, des herpès ou zona. Trois patients ont signalé une anxiété importante liée à l’arrêt. Aucun des patients ayant plus de 500 CD4/mm3 lors de l’arrêt n’a présenté d’événement clinique classant pour le sida, alors qu’un événement clinique est survenu chez 1,2 % des patients ayant 200 à 500 CD4/mm3 et chez 11,9 % des patients ayant moins de 200 CD4/mm3 (p < 0,05). Les patients ayant présenté un événement clinique avaient une CVp lors de l’arrêt plus élevée que les autres (médiane de 4,48 log.copies/ml vs 3,88, p < 0,05). Deux patients ont bénéficié d’un traitement pour l’hépatite C et un pour l’hépatite B au cours de l’arrêt.

3.4. Reprise du traitement

3.5. Évolution des paramètres immunologiques

3.5.1. Évolution des CD4 plasmatiques Les CD4 à M3 étaient supérieurs à ceux de l’arrêt dans 59 cas (57,3 %). Dans ces cas la CVp à l’arrêt était plus basse que dans les cas où les CD4 diminuaient pendant l’arrêt (3,76 log.copies/ml vs 4,26, p < 0,05). Les CD4 étaient supérieurs à ceux de l’arrêt dans 48,6 % des cas à M6, dans 43,6 % des cas à M9, et dans 50 % des cas à M12, sans qu’aucun facteur ne soit retrouvé associé à l’évolution des CD4 après 3 mois de reprise de traitement antirétroviral. Aucune association n’a été retrouvée entre le schéma thérapeutique prescrit à l’arrêt ou à la reprise et l’évolution des CD4, à aucun moment de la période d’étude. 3.5.2. Évolution de la CVp L’évolution de la CVp en fonction des classes de CD4 à l’arrêt et à la reprise d’un traitement est décrite dans le Tableau 4.

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Tableau 4 Évolution de la charge virale plasmatique en fonction des classes de CD4 à l’arrêt et à la reprise d’un traitement antirétroviral

CD4 à Ti < 200/mm3 de 200 à 500 mm–3 >500 mm–3 CD4 à M0 < 200/mm3 De 200 à 500/mm3 > 500/mm3

M3 CVp (log.copies/ml) < 200 p (%)

< Cvi (%)

17,3 31,3 61,5



< 0,05

71,4 74,5 61,5

15,0 50,0 66,7



< 0,05

68,4 75,0 55,6

p

M6 CVp (log.copies/ml) < 200 p (%)



NS

5,0 44,4 70,6



NS

15,2 62,5 75,0

< Cvi (%)



< 0,05

72,2 74,3 70,6



< 0,05

68,8 74,2 100,0

p

M9 CVp (log.copies/ml) < 200 p (%)



NS

14,3 50,0 58,3



NS

20,0 53,6 100,0

< Cvi (%)

p



< 0,05

42,3 80,0 75,0



< 0,05



< 0,05

50,0 81,5 100,0



NS

M12 CVp (log.copies/ml) < 200 p (%) 0,0 55,0 75,0 5,6 59,1 100,0

< Cvi (%)

p



< 0,05

60,0 65,0 62,5



NS



< 0,05

61,1 66,7 100,0



NS

CVi : CVp au moment de l’arrêt thérapeutique ; Ti : moment de l’arrêt thérapeutique ; M0 : moment de la reprise d’un traitement antirétroviral.

À M3, 66 arrêts (70,2 %) amenaient à une CVp inférieure à celle de Ti, associée à une CVp à Ti plus élevée (4,32 log.copies/ml vs 3,35, p < 0,05). À M3, 87,8 % des arrêts pour échec aboutissaient à une CVp inférieure à celle de Ti, vs 60,7 % des arrêts pour intolérance et 35,3 % des arrêts pour défaut d’observance (p < 0,05). À M6, 72,9 % des arrêts aboutissaient à une CVp inférieure à celle de Ti, associée à une CV à Ti plus élevée (4,41 log.copies/ml vs 3,36, p < 0,05). À M9, la CVp était inférieure à celle de Ti pour 68,9 % des arrêts, associée à une durée moyenne d’arrêt plus longue (139 j vs 107,4, p < 0,05), une CVp (4,40 log.copies/ml vs 3,48, p < 0,05) et des CD4 à Ti plus élevés (p < 0,05, Tableau 4). À M12, la CVp était inférieure à celle de Ti pour 60,0 % des arrêts, associée à une CVp à Ti plus élevée (4,51 log.copies/ml vs 3,72, p < 0,05). Aucune association n’a été retrouvée entre le schéma thérapeutique prescrit à l’arrêt ou à la reprise et l’évolution de la CVp, à aucun moment de la période d’étude. 3.5.3. Indétectabilité de la CVp À M3, la CVp était indétectable après 35 arrêts (35,3 %), associée à une durée moyenne d’arrêt plus longue (196,3 j vs 146,9 j, p < 0,05), à des CVp moins élevées à Ti (3,48 log.copies/ml vs 4,35, p < 0,05) et à M0 (4,51 log.copies ml-1 vs 4,99, p < 0,05), et à des CD4 à Ti et à M0 plus élevés (p < 0,05, Tableau 4). À M6, la CVp était indétectable après 18 arrêts (39,7 %), avec les mêmes associations selon la durée d’interruption (183,0 j vs 135,6, p < 0,05), les charges virales plasmatiques à Ti (3,74 log.copies/ml vs 4,38, p < 0,05) et à M0 (4,43 log.copies/ml vs 5,00, p < 0,05) et les CD4 à Ti et à M0 (p < 0,05, Tableau 4). À M9, la CVp était indétectable après 22 arrêts (42,3 %), associée à une durée d’interruption plus longue (146,4 j vs 114,8, p < 0,05), et aux classes de CD4 à Ti et à M0 (p < 0,05, Tableau 4).

À M12, la CVp était indétectable après 17 arrêts (37,8 %), différant selon les classes de CD4 à l’arrêt et à la reprise (p < 0,05, Tableau 4).

4. Discussion 4.1. Causes d’arrêts Contrairement aux chiffres trouvés par l’équipe d’Arminio Monforte [25], la première cause d’arrêt retrouvée est ici l’échec thérapeutique (42,6 % vs 14,0 %). La toxicité est une cause moins fréquemment décrite dans notre étude (33,5 % vs 58,3 %), tandis que l’observance est plus souvent impliquée (23,9 % vs 19,5 %). Cependant, l’interprétation des résultats concernant les causes d’arrêt doit rester prudente. En effet, une seule raison a été retenue pour chacune des interruptions, alors qu’il peut y avoir plusieurs facteurs contributifs à l’arrêt de traitement. Ces différentes causes peuvent s’additionner, être ou non rapportées au clinicien et par conséquent notifiées dans le dossier médical. Il est difficile de classer les raisons d’arrêt en fonction d’une seule cause, car elles ne sont pas indépendantes. Dans certaines études, l’arrêt par décision du patient est inclus dans l’arrêt pour intolérance médicamenteuse [26]. Cette classification n’a pas été réalisée dans cette étude car dans certains cas, ce sont les praticiens qui proposent l’arrêt en cas de défaut d’observance et non une décision du patient uniquement. Pour finir, on peut penser que le personnel soignant de notre service est sensibilisé au défaut d’observance et rapporte plus souvent l’information, comme en témoigne la mise en place d’une consultation spécifique d’observance et d’orientation en l’an 2000. De plus, les raisons de l’arrêt ne sont pas définies de manière prospective, mais rétrospectivement à partir de l’inspection du dossier du patient. Dans certains cas, cela peut conduire à un classement inadéquat. Ce biais de classement est atténué par le fait que tous les épisodes d’arrêts de traitement ont été collectés par une même personne, permettant

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ainsi de minimiser les erreurs dans le recueil des données à partir des dossiers médicaux. Enfin, les causes d’arrêts n’ont pas été étudiées en fonction de l’ancienneté du traitement et des molécules utilisées. Ceci permet d’expliquer les différences retrouvées avec d’autres études, montrant une part plus faible de l’échec et de la mauvaise observance et une part plus importante de l’intolérance en cas de traitement de première intention [25,26]. Les différences de durée d’arrêt en fonction de leur cause peuvent s’expliquer par le fait que les interruptions pour échec thérapeutique sont réalisées d’emblée avec un objectif de reprise de traitement à court terme. 4.2. Évolution clinique Un tiers des patients inclus dans l’étude a présenté un événement clinique lors de l’interruption. Ce chiffre est cependant moindre lorsque l’on ne considère que les pathologies classantes pour le sida : ces dernières ne concernent que 4,3 % des interruptions étudiées. Seule l’équipe de Ruiz aborde le problème clinique sur un très petit effectif et des interruptions de courte durée [9]. La toxoplasmose cérébrale est survenue chez un patient ayant arrêté tout son traitement de lui-même, y compris les prophylaxies. Les autres événements classants sont des pathologies pour lesquelles il n’existe pas de prophylaxie. Parmi ces cas, la principale cause d’arrêt est un défaut d’observance, ce qui peut laisser envisager que le suivi médical de ces patients n’était pas optimal. Ces événements sont survenus chez des patients ayant des CD4 faibles et une CVp élevée. 4.3. Reprise d’un traitement Le nombre de patients reprenant une bithérapie après l’arrêt est élevé, alors que les recommandations actuelles vont dans le sens d’une trithérapie [27]. Parmi ces 11 patients, plus de la moitié prenaient une bithérapie avant l’arrêt. Une bithérapie prescrite par le clinicien peut correspondre à une multithérapie prise par ce patient, si celui-ci possède déjà des médicaments qui lui sont reconduits. Ceci est le cas pour un patient reprenant 2 antiprotéases, qui était auparavant sous inhibiteurs nucléosidiques qui lui ont été reconduits. Pour 2 patients, la prescription suivante (respectivement 1 mois et 2 mois après la reprise) comportait une troisième molécule. Les autres bithérapies à la reprise sont des associations de 2 inhibiteurs nucléosidiques de la transcriptase inverse. 4.4. Évolution immunologique et virologique Le rebond de CVp pendant l’arrêt est de +0,8 log.copies/ml, en concordance avec les chiffres rapportés par Miller et Deeks [13,14], et plus faible que dans le cadre d’interruptions chez des patients en succès virologique [7,9,10,11,28,29]. Dès 3 mois de reprise de traitement, la médiane est de 2,8 log.copies/ml, alors qu’elle était de 4,10 à l’arrêt. Au cours des mois qui suivent la reprise, la CVp s’élève progressivement, mais après un an de recul, elle reste

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inférieure à ce qu’elle était à l’arrêt. La proportion de patients ayant une CVp indétectable suit une évolution similaire : plus d’un tiers des patients à un an de reprise, alors que c’était le cas de 13,2 % à l’arrêt. Le fait que la durée d’arrêt soit plus longue quand l’évolution virologique est meilleure peut s’expliquer par plusieurs arguments. Plus l’arrêt est long, plus la proportion de souches virales sensibles par rapport aux souches résistantes peut devenir importante. Les patients ayant arrêté leur traitement pendant une longue durée pourraient retrouver un plus grand nombre de souches virales sauvages, ce qui permettrait ensuite une meilleure réponse lors de la reprise d’un traitement [15,30,31]. L’absence de traitement s’accompagne d’une multiplication virale qui pourrait permettre une stimulation antigénique aboutissant à une meilleure réponse immunologique à la reprise thérapeutique, comme l’a suggéré l’équipe de Garcia [32]. Enfin, cela peut s’expliquer par la stratégie de prise en charge : de bons paramètres immunologiques en l’absence de traitement antirétroviral autorisent une prolongation de l’interruption. En revanche, l’évolution des CD4 plasmatiques est moins favorable. Comme dans d’autres études, on observe une diminution significative du nombre de CD4 au cours de l’arrêt [11,13–15]. Après un an de reprise thérapeutique, la médiane des CD4 est de 296 éléments/mm3 vs 382 à l’arrêt. Ce résultat est atténué par le fait que les CD4 à M12 sont supérieurs à ceux de l’arrêt dans la moitié des cas. Dans cette étude, aucune variable étudiée n’a été retrouvée en relation avec le taux de CD4 plasmatiques à M12. Le seul facteur associé de façon significative aux CD4, à M3, est la CVp lors de l’arrêt. Les examens immunologiques ont été recueillis a posteriori dans le cadre de cette étude et n’étaient pas disponibles pour chaque patient inclus. Il existe donc un biais d’information, étant donné que les patients ayant arrêté d’eux-mêmes leur traitement ont arrêté également toute la prise en charge (traitement antirétroviral, mais aussi prophylaxie et suivi médical). Il est possible que les taux de CD4 globaux soient surestimés, en raison de ces patients qui pourraient avoir des valeurs très basses. 4.5. Limites méthodologiques Le principal défaut de cette étude est la fiabilité et la validité des informations recueillies dans le passé, et l’absence de groupe comparatif. Cependant, l’ensemble des patients étant suivis dans le même service, par la même équipe médicale, on peut considérer que les informations répertoriées sont comparables. L’utilisation d’un dossier médical informatisé [33] sur lequels sont saisis les dossiers médicaux de chaque patient permet de garantir la validité des informations recueillies. La connaissance de l’histoire thérapeutique détaillée des patients aurait pu affiner les résultats observés. L’analyse des génotypes des souches virales aurait pu permettre d’étudier les mutations associées à l’évolution virologique après reprise.

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5. Conclusion Cette étude rétrospective avait pour objectif d’étudier les causes d’interruptions de traitement dans une cohorte de patients séropositifs, ainsi que leur évolution clinique et immunologique. Les résultats montrent que : • la principale cause est l’échec thérapeutique, plus fréquemment que dans la littérature ; • les événements cliniques graves sont survenus pendant 4,3 % des interruptions, chez des patients peu observants ayant des CD4 bas et une CVp élevée ; • l’arrêt s’accompagne d’une augmentation de la CVp, qui répond favorablement et rapidement après la reprise d’un traitement ; • les CD4 diminuent de façon importante, et qu’il est difficile d’obtenir des taux proches de ceux de l’arrêt, même après un an de reprise de traitement. Cette étude nous montre que les interruptions de traitement peuvent être favorables pour certains patients. Il s’agit des patients en échec thérapeutique ou présentant une toxicité médicamenteuse, avec de bonnes caractéristiques biologiques (CD4 élevés lors de l’arrêt et de la reprise d’un traitement, CVp faible à l’arrêt). En revanche, elle nous montre que les conséquences des arrêts sont dramatiques chez les patients ayant des CD4 bas, et arrêtant leur traitement d’eux-mêmes : les événements cliniques surviennent dans ces circonstances. Il est primordial d’éviter l’arrêt chez ces patients, et de tout faire pour améliorer l’observance. Le principal risque de ces interruptions est en effet la diminution des CD4 plasmatiques associée au risque de survenue d’événements cliniques liés à l’infection par le VIH. Des études complémentaires, randomisées, avec ou sans interruption de traitement, sont maintenant nécessaires afin d’évaluer de façon plus précise la place d’une stratégie d’arrêt, dans le but d’une amélioration de la prise en charge thérapeutique des patients infectés par le VIH.

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