Étude scanographique multibarrette des voies excrétrices avec ou sans hyperdiurèse

Étude scanographique multibarrette des voies excrétrices avec ou sans hyperdiurèse

J Radiol 2007;88:1697-702 © Éditions Françaises de Radiologie, Paris, 2007 Édité par Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés article original géni...

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J Radiol 2007;88:1697-702 © Éditions Françaises de Radiologie, Paris, 2007 Édité par Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés

article original

génito-urinaire

Étude scanographique multibarrette des voies excrétrices avec ou sans hyperdiurèse C Claebots (1), P Puech (1), J Delomez (1), P Devos (2) et L Lemaitre (1)

Abstract

Résumé

MDCT urography with and without use of diuretics J Radiol 2007;88:1697-702 Purpose. To optimize the MDCT urogram protocol for assessment of the upper tracts. To assess the value of furosemide injection. Materials and Methods. Prospective study comparing excretory phase imaging at 450 seconds in 67 patients assigned to 3 groups: a group without furosemide (f=0), a group with 20 mg furosemide (f=20), and a group with 10 mg furosemide (f=10). 3D MIP images were generated. Two experienced radiologists blinded to protocol specifications analyzed the quality of opacification the upper tracts, divided in 8 segments and urine density at the renal pelvis. Results. The injection of 20 mg of furosemide significantly improved the opacification of the upper tracts with complete or near complete opacification in 82.6% of cases compared to 43.5% and 19% for the F=10 and f=0 groups respectively. Density measurements were 5 times less for the f=20 and f=10 groups compared to the f=0 group. Conclusion. Furosemide is useful for MDCT urography by improving upper tract opacification and filling: the reduced contrast concentration in the better distended and fully filled upper tracts improves evaluation of ureteral lumen and wall abnormalities.

Objectifs. Optimiser les protocoles d’uroscanner pour l’étude des voies excrétrices supérieures (VES) sur un scanner multibarrette. Analyse de l’apport de l’injection de furosémide. Matériels et méthodes. Étude prospective comparative des temps excrétoires à 450 secondes chez 67 patients répartis en trois groupes : le premier sans furosémide (f = 0), le second avec 20 mg (f = 20), le troisième avec 10 mg (f = 10). Réalisation de reconstructions 3D en MIP. Sans connaissance du protocole utilisé, deux radiologues expérimentés ont analysé la qualité d’opacification de la VES divisée en 8 segments et la densité des VES au niveau des pyélons. Résultats. L’injection de 20 mg de furosémide améliore significativement le taux d’opacification des VES : complète ou presque complète dans 82,6 % des examens, contre respectivement 43,5 % et 19 % pour les groupes f = 10 et f = 0. Les densités relevées sont 5 fois moins importantes dans les groupes f = 20 et f = 10 que dans celui f = 0. Conclusion. Le furosémide trouve sa place dans le protocole d’uroscanner en améliorant la qualité de l’opacification des VES et le taux de remplissage : la diminution de la concentration du produit de contraste dans les VES distendues et entièrement visualisées permet de mieux analyser les anomalies de la lumière et de la paroi.

Key words: Ureters. Imaging. Furosemide.

Mots-clés : Voies Urinaires. technique d’exploration. furosémide.

epuis l’arrivée de la scannographie multibarrette avec notamment l’accélération des acquisitions et l’augmentation de la résolution spatiale, le monde de l’imagerie urologique a été bouleversé. La qualité de l’étude du parenchyme rénal et des voies excrétrices s’est nettement améliorée, rendant cet examen indispensable pour le bilan des tumeurs rénales ou urothéliales (1-3), des infections urinaires hautes (4), des maladies lithiasiques (5, 6), des traumatismes (7-9), ou encore dans le cadre des bilans pré transplantation (10). Aujourd’hui, l’intérêt de l’urographie « conventionnelle » commence à être discuté dans de multiples indications, mais peut-on se contenter du seul temps excrétoire de l’uroscanner pour l’étude des voies excrétrices supérieures ? Le principal problème de cette nouvelle techni-

D

que reste une opacification le plus souvent incomplète des uretères (11, 12). Plusieurs études ont été menées afin d’en améliorer les protocoles : la compression abdominale et le procubitus n’ont pas prouvé leur efficacité de façon significative (12, 13) ; seule l’hyperdiurèse s’est avérée efficace en apportant une distension et ainsi une meilleure réplétion des voies excrétrices. Elle peut se faire en injectant une faible quantité de diurétique (14, 15), au moyen d’une perfusion de solution saline isotonique (12, 13, 15), ou encore par ingestion d’eau (16). L’injection de furosémide nous semblant la plus appropriée et reproductible, nous avons souhaité évaluer son intérêt par rapport à l’absence d’hyperdiurèse dans l’étude des voies excrétrices supérieures sur un scanner multibarrette de dernière génération.

Matériel et méthodes (1) Plateau commun d’Imagerie médicale, Hôpital Claude Huriez, CHRU de Lille, 2, avenue Oscar Lambret, 59037 Lille Cedex. (2) Laboratoire de Biostatistiques, Faculté de Médecine de Lille. Correspondance : L Lemaitre E-mail : [email protected]

Patients La population étudiée de façon prospective de février à octobre 2005 comprenait

67 patients (34 h/33 f ; âge moyen de 51 ans [18-86 ans]) devant bénéficier d’une tomodensitométrie soit pour le bilan d’une pathologie des voies excrétrices ou des reins (uroscanner), soit pour celui d’une autre pathologie pouvant intéresser les voies excrétrices (scanner abdominopelvien avec temps excrétoire) : bilan d’hématuries (n = 8), de calculs rénaux (n = 8), d’infections urogénitales (n = 4), de traumatisme rénal (n = 1), de protéinurie (n = 1), de masses rénales (n = 2), d’extension (n = 11) ou de suivi (n = 7) de tumeurs urothéliales ; bilan d’extension d’une hémopathie (n = 16), bilan de syndromes inflammatoires chroniques (n = 4), et de syndromes infectieux (n = 3). Les critères d’exclusion étaient la présence d’un syndrome obstructif et/ou d’un taux de créatininémie supérieur à 15 mg/l. En utilisant une méthode de randomisation, nous avons divisé cette population en 3 groupes comparables et homogènes : le groupe 1 « témoin » incluant les examens sans injection de furosémide (11 h/10 f ; âge moyen = 52 ans ± 19), le

1698

Fig. 1 :

Étude scanographique multibarrette des voies excrétrices avec ou sans hyperdiurèse

Segmentation de la voie excrétrice supérieure. Les voies excrétrices supérieures ont été arbitrairement divisées en huit segments : 1) Tiges calicielles ; 2) Pyélon ; 3) Jonction pyélo-urétérale ; 4) Uretère proximal s’étendant de la jonction pyélo-urétérale à la ligne imaginaire passant par le pôle inférieur du rein étudié ; 5) Uretère lombaire s’étendant de la jonction de la ligne imaginaire passant par le pôle inférieur du rein au croisement de l’uretère avec les vaisseaux iliaques ; 6) Croisement avec les vaisseaux iliaques ; 7) Uretère pelvien s’étendant du croisement avec les vaisseaux iliaques à la jonction urétéro-vésicale ; 8) Jonction urétéro-vésicale.

groupe 2 correspondant aux examens avec injection de furosémide à la dose de 20 mg (11 h/12 f ; âge moyen = 50 ans ± 18) et le groupe 3 correspondant aux examens avec injection de furosémide à demi dose (12 h/11f ; âge moyen = 50 ans ± 18). On retrouvait cinq patients qui possédaient un rein unique dans les groupes avec furosémide, et un seul patient dans le groupe sans furosémide. Un patient du groupe avec furosémide présentait une dérivation chirurgicale des uretères de type Bricker. Un seul patient a été exclu de l’étude car il présentait une urétéro-hydronéphrose liée à la présence d’une tumeur vésicale.

Protocole L’acquisition était réalisée sur un scanner 40 barrettes : Philips BRILLIANCE 40 (Philips Medical Systems, Best, Netherlands). Chaque examen comprenait au moins une série sans préparation sur l’abdomen et le pelvis, et une série au temps excrétoire (7 min 30 sec) incluant toute la voie excrétrice. Les séries étaient réalisées en apnée avec les paramètres suivants : 140 kV ; ampérage modulé automatiquement en fonction de la masse du patient ; collimation 0,5 sec ; 40

Fig. 2 :

C Claebots et al.

Prise de densité pyélique. Coupe axiale en reconstruction MIP d’une épaisseur de 10 mm. Prise de densité à l’aide de ROI en ellipse dans les bassinets de chaque rein.

* 0,625 mm avec un Pitch de 0.676 et une incrémentation de 0,8 mm ; épaisseur de coupe = 1,5 mm ; matrice = 512 * 512 ; temps moyen d’acquisition par série = 13 secondes. Chaque patient recevait par voie intraveineuse une dose de produit de contraste iodé non ionique en fonction de son poids, à raison de 400 mg/kg d’iohexol (Omnipaque 300® ) à l’aide d’un injecteur automatique (Injecteur scanner STELLANT, Medrad, USA) dont le débit était fixé à 3 cc/sec. Nous avons adapté cette règle pour les poids extrêmes : 90 ml d’iohexol pour les poids inférieurs à 70 kg et 150 ml d’iohexol pour les poids supérieurs à 100 kg (tableau I). Le furosémide était injecté manuellement immédiatement avant l’injection du produit de contraste iodé. La dose injectée dépendait du groupe.

Analyse des données Les séries au temps excrétoire ont été isolées des autres images, anonymisées par un interne (CC), puis transférées pour analyse sur une console de traitement de l’image proposant MPR et MIP en temps réel (Extended Brilliance Workspace). La lecture des images était assurée par deux radiologues expérimentés (LL ; JD) ignorant le groupe d’appartenance de chaque série. Pour les 128 voies excrétrices (67 examens), les deux radiologues évaluaient de façon indépendante : premièrement, le degré d’opacification des voies excrétrices en les divisant de façon virtuelle en 8 segments : tiges calicielles, pyélon, jonction pyélo-urétérale, uretère proximal, uretère lombaire, croisement avec les vaisseaux iliaques, uretère pel-

vien et jonction urétéro-vésicale (fig. 1). Un score variant de 0 à 3 était attribué à chaque segment en fonction de son taux d’opacification : 0 % = 0/3, 1 à 49 % = 1/3, 50 à 99 % = 2/3, 100 % = 3/3. Pour les jonctions et les croisements, seuls les scores 3 ou 0 étaient donnés selon qu’ils soient visualisés ou non. Deuxièmement, une mesure de la densité pyélique de chaque voie excrétrice était réalisée sur une coupe de 10 mm (MIP) afin d’apprécier le niveau d’opacification (fig. 2).

Statistiques Une analyse descriptive des données a été réalisée au préalable pour contrôler et résumer les données (box-plots, moyennes et déviation standard). Ensuite, les moyennes des différents paramètres ont été comparées entre les trois groupes à l’aide d’une analyse de la variance non paramétrique (méthode basée sur les rangs). Les comparaisons de moyennes deux à deux (tests post-hoc) étaient réalisées avec

Tableau I Dose d’iode et quantité de produit de contraste injectées en fonction du poids du patient (groupes 1, 2 et 3). Poids (kg)

mg Iode

< 70

< 28 000

ml PDC 90

70

28 000

93

75

30 000

100

80

32 000

107

85

34 000

113

90

36 000

120

95

38 000

127

100

40 000

133

> 100

> 40 000

150

J Radiol 2007;88

C Claebots et al.

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Tableau II Moyenne des scores par segment de la voie excrétrice supérieur. Tiges calicielles Bassinets

Groupe 1

Groupe 2

Groupe 3

2,66 +/– 0,48

2,76 +/– 0,47

2,84 +/– 0,32

p

Tableau III Moyenne des densités pyéliques pour les trois groupes.

0,51

2,86 +/– 0,32

2,98 +/– 0,10

2,80 +/– 0,52

0,27

2,78 +/– 0,56

2,93 +/– 0,31

2,67 +/– 0,77

0,36

Uretères proximaux

2,85 +/– 1,28

2,89 +/– 0,37

2,61 +/– 0,78

0,19

Uretères lombaires

2,55 +/– 0,72

2,86 +/– 0,46

2,63 +/– 0,71

0,10

Croisements vx iliaques

1.42 +/– 1,17

2.69 +/– 0.80

2.41 +/– 0,87

< 0,0001*

Uretères pelviens

1,59 +/– 1,16

2,80 +/– 0,51

2,48 +/– 0,76

0,0002*

Jonctions Urétéro-Vésicales

1,52 +/– 1,28

2,86 +/– 0,37

2,54 +/– 0,83

< 0,0001*

Jonctions Pyélo-Urétérales

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Densité pyélique

Groupe 1

Groupe 2

Groupe 3

1310 +/– 398

265 +/– 90

255 +/– 77

Note : groupe 1 = sans injection de furosémide, groupe 2 = avec injection de 10 mg de furosémide et groupe 3 = avec injection de 20 mg de furosémide.

Note : Les groupes 2 et 3 ont un score significativement supérieur au niveau de l’uretère pelvien depuis son origine (croisement des vaisseaux iliaques) jusqu’à sa terminaison (jonction urétéro-vésicale).

une correction de Bonferroni. Toutes les analyses statistiques ont été réalisées avec le logiciel SAS, v 9.1 (SAS institute, Cary NC, USA).

Résultats

Taux d’opacification Les résultats regroupés dans le tableau II présentent les moyennes des scores attribués à chaque segment pour les trois groupes. On constate qu’il n’existe une différence significative (p < 0,05) entre les 3 groupes que pour les segments distaux : croisement des uretères avec les vaisseaux iliaques, uretères pelviens et jonctions urétéro-vésicales (fig. 3). L’injection de furosémide à la dose de 20 mg permet d’opacifier les voies excrétrices supérieures avec un score de 3/3 sur l’ensemble des segments chez 52,2 % des patients et un score de 2/3 ou 3/3 chez 82,6 % des patients, contre respectivement 30,4 % et 43,5 % pour le groupe avec 10 mg de furosémide, et 0 % et 19 % pour le groupe sans furosémide.

Densité pyélique Les densités moyennes de l’opacification pyélique étaient de 1310 UH ± 398 pour le groupe sans furosémide contre 265 UH ± 90 dans le groupe avec injection de 20 mg de furosémide et 255 UH ± 77 dans le groupe avec injection de 10 mg de furosémide (tableau III). On ne met pas en évidence de différence entre les groupes avec injection de furosémide (groupes 2 et 3), mais il existe une différence significative entre ces groupes et le groupe sans furosémide J Radiol 2007;88

Fig. 3 :

Moyenne des scores par segment des voies excrétrices supérieures (VES). Le graphique présente la moyenne des scores attribués aux différents segments de la VES dans les trois groupes : 1e barre = groupe sans injection de furosémide, 2e barre = groupe avec injection de 10 mg de furosémide et 3e barre = groupe avec injection de 20 mg de furosémide. L’opacification était notée de la façon suivante : 0= aucune opacification du segment, 1 = 1 à 49 % du segment opacifié, 2 = 50 à 99 % du segment opacifié, 3 = 100 % du segment opacifié. Les groupes avec injection de 10 et 20 mg de furosémide obtiennent un score significativement plus élevé que le groupe « sans » pour les segments distaux : les croisements avec les vaisseaux iliaques, les uretères pelviens et les jonctions urétéro-vésicales avec un p < 0,05. Le groupe « 20 mg » présente des moyennes plus élevées pour l’ensemble des segments (à l’exception des tiges calicielles) bien qu’il n’ait pas été mis en évidence de différence significative.

(groupe 1). L’opacification de la vessie n’était jamais homogène dans le groupe 1 (sans furosémide), mais elle était homogène dans 13 examens sur 24 dans le groupe 2 et dans 13 examens sur 22 dans le groupe 3.

Discussion Depuis plusieurs années, l’uroscanner prend une place de plus en plus importan-

te dans l’étude du tractus urinaire. Ceci s’explique en partie par les avancées technologiques qui permettent aujourd’hui d’effectuer une acquisition spiralée couvrant l’ensemble des voies excrétrices urinaires en une seule apnée. On ne met plus en doute son intérêt pour la caractérisation des masses rénales, des lithiases ou des malformations congénitales (1, 2, 4, 10, 17). L’opacification des voies excrétrices supérieures présente toutefois encore un point faible, celui d’être le plus souvent incomplète, notamment au niveau des

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segments distaux des uretères (11, 12). La principale cause pour expliquer ce défaut est le péristaltisme urétéral dont on s’affranchit habituellement en imagerie conventionnelle en prenant plusieurs clichés à des temps différents de l’examen. Cette technique est difficile à reproduire en scanner où les acquisitions doivent être restreintes pour limiter l’exposition aux rayons X (18). Certains auteurs ont étudié d’autres techniques reprises dans le tableau IV afin d’optimiser la visualisation des voies excrétrices supérieures. Plus récemment est apparue l’idée d’induire une hyperdiurèse. Notre étude a été réalisée dans le but de déterminer l’intérêt d’une hyperdiurèse par injection de furosémide sur l’opacification des voies excrétrices supérieures au cours du temps excrétoire de l’uroscanner, mais aussi de déterminer l’intérêt éventuel d’une augmentation de la dose habituellement prescrite dans ce cadre (10 mg) (14, 15, 19, 20). Depuis l’utilisation en routine de produits de contraste iso ou faiblement osmolaires, la dose injectée a peu d’influence sur la diurèse, mais à diurèse identique, la concentration d’iode joue toujours sur l’opacification des voies excrétrices. À la différence de la plupart des auteurs, nous avons donc injecté la même quantité d’iode par patient en fonction de la masse corporelle (400 mg d’Iode/kg). Dans un souci d’exposition minimale aux rayons X, nous n’avons pas multiplié le nombre d’acquisitions au temps excréteur et utilisé la modulation automatique de l’ampérage de notre appareil. Nous avons choisi un délai de 450 secondes après l’injection de produit de contraste iodé après revue de la littérature : Caoli et al. ont montré la supériorité d’un délai de 450 secondes par rapport à 300 secondes pour une opacification plus complète des voies excrétrices supérieures (13). L’étude récente de Kemper (21) au cours de laquelle est adapté de façon individuelle le délai du temps excréteur, conforte notre choix en retrouvant chez 51 patients un délai médian de 418 sec (moyenne : 447 sec ± 118). L’idée d’induire une hyperdiurèse afin d’optimiser l’opacification des voies excrétrices supérieures est apparue au début des années 2000 (14). Plusieurs procédés peuvent être utilisés : la perfusion intraveineuse de 250 ml de sérum salé isotonique (1, 12-14), l’ingestion d’un litre d’eau (16), ou l’injection intraveineuse de furosémide (14, 15, 19, 20)

C Claebots et al.

Tableau IV Techniques d’uroscanner et les auteurs qui les ont étudiées. Méthodes mécaniques – Compression abdominale

Mc Nicholas 1998-Heneghan 2001-Chow 2001-Caoili 2005-Pro cubitusMc Nicholas 1998-Mac Tavish 2002-Nolte Ernsting 2001

Méthodes pharmacologiques : hyperdiurèse – Perfusion de 250 ml de sérum salé isotonique

Nolte Ernsting 2001-Mac Tavish 2002Joffe 2003-Caoili 2005

– Ingestion de 750 à 1 000 ml de sérum salé isotonique

Kawamoto 2006-Cowan 2003

– Injection intraveineuse de furosémide

Nolte Ernsting 2001et 2003-Kemper 2004 et 2006-Silverman 2006

Méthodes autres – Multiples acquisitions au temps excréteur

Caoili 2002

– Allongement du délai du temps excréteur

Caoili 2005

(tableau IV). L’hyperhydratation par perfusion de sérum salé isotonique offre des résultats mitigés selon les auteurs (1, 12, 13), et l’hyper hydratation par voie orale nous semble difficile à mettre en œuvre chez les sujets candidats à un uroscanner (reproductibilité, tolérance, efficacité mal contrôlée). L’emploi de diurétiques a été l’objet de plusieurs études, notamment celles de Nolte Ernsting (14, 19) qui a utilisé le furosémide (un diurétique d’action puissante, rapide et brève agissant en inhibant la réabsorption du sodium et du chlore principalement au niveau de l’anse de Henlé) à la dose de 10 mg injectée 3 à 5 minutes avant l’injection du produit de contraste iodé. Les seules contre-indications à son utilisation sont la présence d’une obstruction aiguë des voies excrétrices supérieures, une déplétion hydro-sodée, une hypersensibilité connue aux sulfamides et la présence d’une encéphalopathie hépatique. L’opacification de la totalité des cavités excrétrices était constatée dans 95 % des cas, mais sur une population limitée (n = 16) (14). Deux autres études (15, 20) ont récemment comparé l’injection intraveineuse de furosémide et la perfusion de 250 ml de sérum physiologique sur l’opacification des voies excrétrices supérieures. Les auteurs s’accordent à dire que le diurétique employé seul est nécessaire et suffisant pour améliorer le remplissage des cavités excrétrices. Parmi les autres techniques d’optimisation de l’uroscanner (tableau I), nous n’avons pas jugé utile de réaliser une compression abdominale. En effet, l’étude récente de Caoili, et al. (13) ne met pas en évidence d’amélioration significative

de l’opacification des voies excrétrices supérieures par la compression, bien que celle-ci en permette une meilleure distension. Le procubitus n’est pas réalisé pour la même raison : absence d’efficacité prouvée (12). Nous avons donc préféré évaluer l’injection de furosémide sur une population plus importante à la dose habituelle de 10 mg (groupe 3), mais également à une dose de 20 mg (groupe 2) correspondant au conditionnement d’une ampoule de furosémide (Lasilix®).

Effet de l’hyperdiurèse Le furosémide a permis d’obtenir une meilleure opacification et une meilleure réplétion des voies excrétrices urinaires sur notre population. À la dose de 20 mg, on retrouve une opacification complète des voies excrétrices supérieures chez 52,2 % des patients contre 30,4 % à la dose 10 mg et 0 % sans furosémide. Cette opacification est quasiment complète (score 2/3 ou 3/3) dans plus de 80 % des séries contre 43,5 % à la dose de 10 mg et 19 % sans furosémide. À la différence de Silverman, et al. (15), nous n’avons pas effectué de mesures objectives des largeurs pyéliques pour quantifier leur distension. Ce critère a toutefois été constaté de façon subjective mais unanime par les lecteurs. L’emploi du furosémide a également permis une dilution du produit de contraste iodé dans les cavités excrétrices urinaires. On a pu y constater une diminution des densités Hounsfield d’un facteur proche de 5, passant de 1310 UH dans le groupe 1 à 265 UH et 255 UH respectivement dans les groupes 2 et 3. J Radiol 2007;88

C Claebots et al.

Fig. 4 : a b c

Étude scanographique multibarrette des voies excrétrices avec ou sans hyperdiurèse

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a bc Uroscanner. Coupe coronale en MIP (Epaisseur 50 mm) d’un uroscanner réalisé sans furosémide avec injection de 107 ml d’iohexol chez un patient de 40 ans de 80 kg ; Densité moyenne pyélique = 1602 UH ; Commentaire : opacification des VES incomplète : tiges calicielles, uretères pelviens non visualisés. Il y a un risque de méconnaître une anomalie pariétale ou intraluminale au niveau de ces segments non opacifiés. Coupe coronale en MIP (Epaisseur 50 mm) d’un uroscanner réalisé avec injection de 20 mg de furosémide et 90 ml d’iohexol chez une patiente de 60 ans de 52 kg ; Densité moyenne pyélique = 322 UH ; Commentaire : opacification complète des voies excrétrices supérieures. La chute de la densité de l’urine évite les artéfacts de stries et la non-visibilité d’anomalies intra luminales. Coupe coronale en MIP (épaisseur 50 mm) d’un uroscanner réalisé avec injection de 20 mg de furosémide et 93 ml d’iohexol chez un patient de 40 ans de 70 kg ; Densité moyenne pyélique = 218 UH ; Commentaire : opacification complète et bonne distension des cavités excrétrices intrarénales. La chute des densités facilite le diagnostic topographique des calculs et leur différenciation avec le produit de contraste concentré en intraluminal.

Les autres avantages de l’injection de furosémide sont résumés dans le tableau V : – l’augmentation probable de la sensibilité de détection de tumeurs urothéliales par une opacification complète et une distension des VES ; – l’abolition des artéfacts de stries liés à une trop forte concentration du produit de contraste iodé au niveau des parois des cavités pyélo-calicielles et des uretères. Ces artéfacts peuvent masquer une petite lésion endoluminale. L’hyperhydratation par voie intraveineuse peut aussi les atténuer (13), mais à une moindre mesure que le furosémide (14) ; – une densité intra luminale plus adaptée à l’étude pariétale et endoluminale (lithiase), ne nécessitant plus une adaptation permanente des niveaux de fenêtrage. Grâce au furosémide, l’étude pariétale et endoluminale peut être effectuée dans le même fenêtrage que l’étude parenchymateuse rénale. Ceci représente un gain de temps dans la lecture de l’examen et facilite le diagnostic topographique des calculs (fig. 4c) ; – des reconstructions tridimensionnelles facilitées : les voies excrétrices ont une dynamique de densité qui ne se confond plus avec celle des structures osseuses, mais reste bien distincte des tissus environnants, ce qui facilite leur segmentation automatique dans les logiciels de reconstruction (fig. 4) ; – une standardisation et une simplification du protocole de l’uroscanner : J Radiol 2007;88

Tableau V Propriétés de furosémide et bénéfices apportés au temps excrétoire de l’uroscanner. Propriétés du furosémide – Distension des cavités

Bénéfices en uroscanner – meilleure réplétion des cavités pyélocalicielles, des uretères et de la vessie, quasiment opacifiés complètement > Sensibilité augmentée de la détection des tumeurs urothéliales

– Dilution du produit de contraste donc diminution des densités Hounsfield intraluminales

– abolit les artéfacts de stries (trop forte concentration en produit de contraste)

– Homogénéisation de l’opacification des cavités

– facilite la lecture en évitant les adaptations répétées du fenêtrage – facilite le diagnostic topographique des calculs – facilite les reconstructions tridimensionnelles en MIP avec élimination des structures osseuses

– Simplification et standardisation du protocole d’uroscanner

l’ampoule de 20 mg de furosémide est injectée par la voie intraveineuse mise en place pour le produit de contraste. Aucune préparation ou manipulation supplémentaire n’est nécessaire. Le matériel de compression abdominale devient inutile.

Les limites Notre étude prouve qu’il existe un remplissage significativement plus complet

– gain de temps manipulateur et patient – délai d’acquisition du temps excrétoire raccourci à 420-480 s (contre 600-720 s après le 1er bolus de produit de contraste)

des voies excrétrices urinaires en uroscanner grâce à l’emploi du furosémide, mais il persiste des cas où l’opacification reste incomplète. Nous avons constaté des densités pyéliques inférieures à 200 UH (environ 160 UH) sur 5 des 23 examens du groupe n° 2. Cette densité faible est apparue indépendante de la quantité de produit de contraste injecté, pour un volume moyen de produit de contraste injecté presque équivalent : 104 ml en moyenne

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C Claebots et al.

Conclusion

Fig. 5 :

Inhomogénéité de la néphrographie en uroscanner. Coupe coronale en MIP (épaisseur 50 mm) centrée sur les reins d’un uroscanner réalisé avec injection de 20 mg de furosémide et 100 ml d’iohexol chez une patient de 22 ans de 75 kg ; Commentaire : On peut parfois observer une inhomogénéité de la néphrographie en rapport avec un recrutement différent des néphrons longs et courts, ceci ne gênant pas l’interprétation du temps excrétoire.

Les résultats de notre étude sont en faveur d’une optimisation du protocole d’uroscanner intégrant une injection intraveineuse de 20 mg de furosémide avant l’injection de produit de contraste iodé, associée à un temps excrétoire à 450 secondes. Ce protocole nous a permis d’obtenir une opacification des voies excrétrices supérieures significativement plus complète que lors de l’utilisation du protocole classique (sans furosémide), des densités Hounsfield plus faibles et plus homogènes (266 UH ± 91) facilitant à la fois l’analyse de leur paroi et de leur lumière, et les reconstructions tridimensionnelles. Ce protocole est simple et standardisé. La question du maintien d’un jeûne avant l’examen reste à préciser. Les progrès technologiques et l’apport du furosémide nous offrent la possibilité de substituer le temps excrétoire de l’uroscanner à l’urographie intraveineuse, notamment pour le bilan d’hématurie, sous réserve que les contraintes liées à l’irradiation soient prises en compte.

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pour le groupe n° 3 contre 95 ml pour le groupe n° 2. Par ailleurs, la double dose de furosémide (20 mg) ne majorait pas ce phénomène, au contraire : 255 UH en moyenne dans le groupe 2 contre 265 UH dans le groupe 3. Ce phénomène ne nous apparaît donc pas lié au protocole d’uroscanner, mais peut être à l’état d’hydratation préalable du patient : à jeun ou non, hospitalisé (perfusé) ou externe… L’imposition d’un jeûne avant l’examen a un effet sur l’excrétion rénale et modifie le remplissage des voies excrétrices de façon artificielle. Étant donné que les produits de contraste ne sont plus émétisants, cette contrainte pourrait vraisemblablement être levée. La fonction rénale du patient intervient également sur la densité des voies excrétrices supérieures. L’homogénéisation du produit de contraste était globalement très bonne à l’exception des fonds de calices et de la vessie où il pouvait persister une densité plus élevée. La mobilisation du patient avant l’acquisition du temps excréteur pourrait sûrement corriger ce problème. Enfin, le furosémide était parfois à l’origine d’une inhomogénéité de la néphrographie (fig. 5) qui ne gênait pas l’interprétation du temps excrétoire. Elle serait liée à un recrutement inhomogène des néphrons longs et courts.

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