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Rev. E.E.G. Neurophysiol., 1978, 8, 4, 402-406.
]~TUDES MORPHOLOGIQUE ET VIROLOGIQUE DE L'ENCI~PHALITE HERPI~TIQUE Claude VITAL, Pierre du PASQUIER et Jean-Michel VALLAT Centre de Microscopie l~lectronique et Laboratoire de Virologie de l' Universitd de Bordeaux 11.
SUMMARY Herpes encephalitis : morphological and virological study. The authors review present day methods for the diagnosis of herpes encephalitis, and review 35 cases o f this affection. A morphological study was carried out in 29 cases, and ultramicroscopic examination of biopsy or autopsy specimens demonstrated the presence of herpes virus in 24 cases. The virological methods used are described.
L'enc6phalite n6crosante aigu~ a 6t6 d6crite en 1955 par VAN BO~AERT et coll., pour tenter &aftleurs de la diff6rencier de l'enc6phalite herp6tique, dont de rares cas 6taient connus. Plusieurs autres cas de cette nouvelle entit6 ont 6t6 rapport6s dans les ann6es suivantes~ dont certains en France. Mais en 1966, ITABASHIet coll., PI~RIERet VANDERHAEGHEN,SWANSONet coll. ont montr6 la pr6sence de particules du virus de l'herp6s dans les foyers 16sionnels de cette affection. En 1967, nous avions pu observer un cas d6monstratif. Depuis, de telles observations se sont multipli6es et actuellement l'origine herp6tique de l'enc6phalite n6crosante aigu8 est admise. La mise au point r6cente de th6rapeutiques antivirales actives et mieux support6es a encore attir6 l'attention sur cette affection. Nous avons pu h Bordeaux 6tudier 35 observations, dont 29 ont eu une 6tude morphologique, certaines n ' o n t eu qu'une 6tude virologique (LOmEAU et coll.). Leur pr6sentation d6taill6e a 6t6 effectu6e en 1976. Curieusement, depuis lots, aucun cas de cette affection n'a 6t6 observ6 au Laboratoire de Neuropathologie *. ]~TUDEMORPHOLOG1QUE. Elle est effectu6e soit sur des fragments de biopsie d'un lobe temporal, soit sur l'enc6phale pr61ev6 h l'autopsie.
* P . S . : Deux cas autopsi6s d6monstratifs viennent de parvenir au Laboratoire. Texte pr6sent6 ~t la Socidtd d'E.E.G, et de Neurophysiologie clinique de langue franfaise le 9-6-1978, remis le 27-7-1978, d6finitivement accept6 le 9-11-1978. Tirds gt part : C. V~TAL. Centre de Microscopie ]~lectronique. Universit6 de Bordeaux II. 146, rue L6oSaignaL 33076 Bordeaux Cedex.
ENCt~PHAL1TE HERPI~TIQUE : I~TUDES MORPHOLOGIQUE ET VIROLOGIQUE
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A - - L'examen macroscopique des pi6ces prdlevdes h l'autopsie permet d6j~ de soupgonner fortement le diagnostic. Les n6croses sont visibles h l'ceiI nu, parfois parsem6es de quelques zones hdmorragiques. La r6partition des 16sions est tr6s particuli6re et est bien classique maintenant : comme cela avait 6t6 prdcis6 par la description initiale de Van BOaAERXet coll. Les n6croses touchent surtout, et de mani6re bilatdrale et asym6trique, la partie interne des deux lobes temporaux. Des formes presque entibrement unilatdrales peuvent s'observer, comme nous l'avons constat6/t deux reprises. Ces n6croses peuvent s'6tendre en avant aux rdgions fronto-orbitaires et en arri6re jusque dans la partie inf6ro-interne des lobes occipitaux ; les ndcroses se retrouvent fr6quemment dans l'insula avec la m~me asym6trie que pour les lobes temporaux. La circonvolution calloso-marginale peut 6galement atre atteinte. Ces n6croses touchent surtout le cortex, mais peuvent s'6tendre h la substance blanche voisine. Elles sont particuli6rement 6tendues dans les formes prolong6es ayant dur6 plusieurs tools, comme nous l'avions observ6 en 1968 (BERaOtJ~GNAN et coll.). B. - - Examen microscopique. Cette encdphalite aigu6 est caract6ris6e par l'existence de larges plages de ndcrose. Durant les premiers jours, elle se traduit par une s6v6re alt6ration neuronale et de la macroglie alors qu'appara~t rapidement une r6action microgliale, sous forme de corps en bfttonnets. Ceux-ci affectent volontiers une disposition nodulaire tr6s 6vocatrice. II s'y associe une r6action lymphocytaire p6rivasculaire, r6alisant des manchons d'6paisseur variable. Ce sont de tels aspects qui sont rencontrds sur les fragments de biopsie et qui permettent de faire un diagnostic pr6coce. La recherche des inclusions intraneuronales est difficile et leur raise en ~vidence doit ~tre confirm6e par l'immunopathologie et par l'examen ultrastructural. Apr6s dix h quinze jours d'6volution la n6crose apparait sous la forme de plages de corps granulograisseux, alors que persiste la r6action lymphocytaire p6rivasculaire. I1 faut signaler que l'examen complet du n6vraxe montre fr6quemment une rdaction inflammatoire dans la calotte protub~rantielle et les noyaux dentel6s. Le plus souvent, elle est discr6te, se traduisant par quelques nodules microgliaux et une rdaction lymphocytaire p6rivasculaire. Ces ldsions inflammatoires peuvent ~tre d'un bon appoint au diagnostic. Elles sont trop peu importantes pour jouer un r61e dans les troubles de la conscience qui sont largement expliqu6s par les n6croses tempotales. C. - - En microscopie 61ectronique. En cas de biopsie, une pattie des fragments est coup6e en petits blocs, et dolt ~tre fix6e imm6diatement dans le glutarald6hyde tamponn6 et bSn6ficier ensuite des techniques maintenant bien classiques. Mais le plus souvent les fragments ~. examiner ont subi une fixation formol6e, ee qui est 6galement le cas des pi6ces d'autopsie. I1 est alors possible de faire une post-fixation 5. l'acide osmique, comme nous l'avons effectu6 h plusieurs reprises. Dans un cas, nous avions m~me repris des fragments qui avaient 6t6 auparavant inclus en paraffine. Les aspects du virus herp~tique sont bien connus. Les structures virales se pr~sentent sous forme de particules de forme hexagonale, avec pr6sence frdquente d'un nucl6oide central. Leur diam6tre est proche de 90 nm. Elles sont 6parpill6es dans le noyau ou regroup6es en amas. Parfois, eUes sont observ6es dans le cytoplasme. Elles peuvent alors s'accompagner d'une enveloppe p6riph6rique. Leur aspect est caract6ristique et ne prate pas ~- confusion. Les noyaux sont fr~quemment le si6ge de corps nucl6aires, qu'ils contiennent ou non des virus. Ce sont des noyaux de neurones et de cellules macrogliales, mais parfois l'appartenance d'un noyau est difficile ~. appr6cier, surtout apr6s un long s6jour des fragments dans le formol.
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Fie. 1. - - Nissl. N6crose de T5 et T4, ainsi que de l'Insula. Nissl. Necrosis of T5, T4, and insula.
FIG. 2. - - Gross. 34.000 : Particules virales typiques de l'herp6s situ6es dans un noyau. Magnification. X 34,000 : Virus particles, typical of herpes in nucleus.
D a n s n o t r e s6rie de 29 cas a y a n t b6n6fici6 d ' u n e 6tude histologique, les particules virales o n t 6t6 recherch6es d a n s 27 d ' e n t r e eux. Seules deux f o r m e s prolong6es a y a n t dur6 plusieurs m o i s n ' o n t p a s e u de f r a g m e n t s e x a m i n 6 s en microscopie 61ectronique. D e s particules virales typiques de l'herp6s o n t 6t6 observ6es d a n s 24 cas. L e u r recherche est rest6e n6gative d a n s trois cas, d o n t deux p a r m i les plus r6cents, q u i a v a i e n t 6t6 s o u m i s ~ u n e t h 6 r a p e u t i q u e p a r des a g e n t s a n t i v i r a u x (cytosine-arabinoside). Mais, n o n s ne p o u v o n s a f f i r m e r qu'il existe u n e relation e n t r e ces deux ph6nom6nes.
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ENCI~PHALITE HERPI~TIQUE : t~TUDES MORPHOLOGIQUE ET VIROLOGIQUE
LE DIAGNOSTIC V1ROLOG1QUE.
Comme pour toutes les maladies infectieuses, le diagnostic dolt satisfaire aux crit6res de Koch : isoler et identifier l'agent pathog~ne, mettre en 6vidence les anticorps sp6cifiques dans les humeurs. Mais le diagnostic pose ici de nombreux probl6mes, li6s ~t la localisation du virus dans une r6gion difficile et ~t la pr6sence fr6quente d'anticorps anti-herp6tiques datant d'une infection ant6rieure. A.-
L'6tude du L.C.R.
Elle reste d'un int6rSt majeur pour le diagnostic diff6rentiel, mais n'apporte malheureusement que peu d'616ments pour le diagnmtic positif. La prot6inorachie et la pl6iocytose sont extr~mement variables. Le virus est rarement pr6sent dans le L.C.R., il faudra cependant toujours le rechercher par culture du culot lymphocytaire et 6galement par immunofluorescence. Les recherches immunologiques seront envisag6es plus loin. B.-
La biopsie c6r6brale.
Certains de ces r6sultats out d~j~, 6t6 analys6s. C'est le seul moyen de mettre r6guli6rement le virus en 6vidence. La biopsie dolt ~tre pr6coce (au cours des deux premi6res semaines d'6volution), elle ne dolt pas ~tre un acte <>mais s'inscrire au contraire dans un protocole bien r6g16 ~t vis6e ~ la lois diagnostique et th6rapeutique. Elle dolt 8tre pratiqu6e en pleine zone n6cros6e et sera toujours accompagn6e d'un pr616vement de liquide ventriculaire aux fins de recherches virologiques. Pour l'6tude virologique proprement dite un fragment de tissu nerveux est plac6 dans un milieu de culture cellulaire type M E M ou 199. Deux m6thodes compl6mentaires doivent alors 6tre raises en 0~uvre. 1) L'immunofluorescenee est actuellement, dans un laboratoire exerc6, une technique sfire et rapide. On peut la r6aliser sur des frottis ou empreintes, mais de pr6f6rence sur des coupes en cong61ation. On pratique soit la m6thode directe, soit la m6thode indirecte, en s'entourant de routes les garanties de sp~cificit6 pour 61iminer de fausses r6actions positives et en utilisant des s6rums hautement purifi6s et de titre 6Icy6 (T1MVERLEYet coll., LONGSONet BALLEY). Les r6sultats peuvent ~tre obtenus en quelques heures et sont en tr6s bonne corr61ation avec les donn6es ult6rieures des cultures. Des essais de coloration immunologique par la peroxydase sont tr6s prometteurs, mais nous n'en avons pas d'exp6rience personnelle. 2) La culture du virus est en fin de compte, la m6thode de r6f6rence. L'inoculation du tissu c6r6bral apr6s broyage se fait sur des cellules d'origine humaine de primo explantation (HEK) ou en lign6e diplo~de (WI 38). On peut utiliser aussi des cellules de rein de singe de primo explantation, ou pratiquer la m~thode des cocultures. L'effet cytopathog6ne est caract6ristique et apparait en un ~t quatre jours selon la richesse en virus du pr61~vement et la sensibilit6 du type cellulaire utilis6. Le virus isol6 est ensuite typ6 : I1 s'agit presque toujours d'un HSV 1. C. --- L'immunologie. Les r6actions immunitaires au cours des enc6phalites h HSV sont particuli6rement difficiles ~t analyser. Cela provient du fait que dans u n b o n nombre de cas, ]'enc6phalite n'est pas cons6cutive une primo infection mais survient au cours d'une r6surgence. D'autre part, on connait mal le r61e des ph6nom6nes d'hypersensibilit6 retard6e dans les enc6phalites n6crosantes. I1 est vraisemblable qu'il est important dans l'apparition de la n6crose, qui serait alors, pour cer rains auteurs, l'6quivalent d'un ph6nom6ne de Von Pirquet.
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Dans la pratique, les recherches s6rologiques sanguines seront faites sur un pr616vement aussi pr6coce que possible et un pr616vement tardif (15 jours), pour autant que la survie du malade le permette. L~t s6ro-conversion vraie a une bonne valeur diagnostique. L'616vation du taux des anticorps de qu~ttre dilutions 6galernent. La m6thode classique de fixation du compl6ment quoique peu sensible reste la plus utilis6e, parce que fid61e et facile b. r6aliser. Les r6actions d'h6magglutination passive d'interpr6tation d61icate, ne sont pas pass6es dasls la pratique courante malgr6 leur excellente sensibilit6 et restent l'apanage de quelques laboratoires tr6s sp6ci~dis6s. I1 est probable que les techniques immunoenzymatiques du type ELISA feront rapidement faire de grands progr6s h la s6rologie herpdtique, comme d'ailleurs ~t l'ensemble des techniques s6rologiques virales. L'6tude immunologique du L.C.R. donne souvent des renseignements de premier ordre : en effet, le taux d'anticorps anti HSV augmente au cours de l'6volution plus rapidement que dans le sang et il est int6ressant de mesurer h intervalles r6guliers le rapport AC du s6rum AC du L.C.R. En conclusion, la preuve de l'origine herp6tique d'une enc6phalite aigu6 n6crosante peut et doit 6tre apport6e de plus en plus fr6quemment et de plus en plus rapidement. Elle conditionne et permet la mise en ~uvre de th6rapeutiques antivirales efficaces qui commencent h faire baisser le taux de mortalit6 de cette grave affection. BIBLIOGRAPHIE BnRaOUIGNAN(M.), JtrHEN (J.), VtVhL (C.) et DUVZRT(M.). Notre exp6rience de l'enc6phalite aigu~ n6crosante. Mise en 6vidence du virus herp6tique au microscope 61ectronique. Presse todd., 1968, 15, 709714. BOOAERT(Van L.), RADERMECKER(J.) et D~vos (J.). Sur une observation mortelle d'enc6phalite n6crosante (sa situation vis-a-vis du groupe des enc6phalites transmises par arthropodes et de l'enc6phalite herp6tique). Rev. neurol., 1955, 92, 329-356. ITABASHI (H. H.), BASS(D. D.) and MACCULLOCH(J R.). Inclusion body of acute inclusion encephalitis. Arch. neural., Chicago, 1966, 14, 493-505. LOISEAO (P.), HENRY (P.) et Dtr PASQUIER(P.). Enc6phalite n6crosante aigu~. Diagnostic s6rologique de l'affection herp6tique. Nouv. Presse m~d., 1973, 2, 2201. LONGSON (M.) and BALLE~"(A. S.). Herpes encephalitis. In : Recent advances in clinical virology. Churchill Livingston, London, 1977, 1-19. P~gIER (C.) et VANDERHAE~HEN(J.). Indications 6tiologiques apport6es par la microscopic 61ectronique darts certaines enc6phalites humaines. Rev. neurol., 1966, 115, 250-254. SWANSON (J. L.), CRAIGHEAD(I. E.) and REYNOLDS(E. J.). Electron microscopic observations on herpes virus hominis encephalitis in man. Lab. Invest., 1966, 15, 1966-1975. TIMa'ERLEY (W. R.), NORRIS (P. D.) and CARR (I.). Rapid diagnosis of viral encephalitis. Lancet, 1975, 2, 234-235. VITAL(C.), JtrLIEN(J.), RIEMENS(V.) et FONTANGES(X.). Identification du virus herp6tique par le microscope 61ectronique dons unc forme neuro-chirurgicale curable d'enc6phalite aigu~ n~crosante. Rev. neurol., 1967, 117, 647-649. VIRAL (C.), VALLAT(J. M.), LE BLANC (M.) et HEOREVILLE(M. A.). l~tude anatomo-clinique de 29 cas d'enc6phalite n6crosante aigu~. Mise en 6vidence du virus herp6tique darts 24 cos. Annales d'Anatomie Pathologique, 1976, 21, 439-450.