Table ronde Ostéoporose de l’enfant (1)
Disponible en ligne sur
www.sciencedirect.com Mots clés : Ostéoporose, Minéralisation osseuse, Densitométrie
Évaluation de la masse osseuse chez l’enfant : modalités, perspectives Bone mass evaluation in children: technical measurements, perspectives E. Blondiaux1, C. Cellier1*, E. Mallet2 1Service d’imagerie pédiatrique et fœtale, CHU de Rouen, Hôpital Charles-Nicolle, 1, rue de Germont, 76031 Rouen cedex, France 2Centre de référence des maladies rares du calcium, CHU de Rouen, Hôpital Charles-Nicolle, 1, rue de Germont, 76031 Rouen cedex, France
L
es techniques de mesure de la densité minérale osseuse et de la composition corporelle sont actuellement en pleine expansion dans le domaine pédiatrique. Ces examens ont des intérêts multiples : pouvoir affirmer l’ostéoporose, quantifier le degré de déminéralisation et surveiller des maladies ou des traitements à risque pour le métabolisme osseux. Ces examens font appel au même type de matériel que chez l’adulte, mais l’analyse des résultats obtenus chez un enfant doit se faire en considérant l’âge, la taille, le poids, la maturation osseuse et le stade pubertaire. Par ailleurs, les critères de l’OMS définissant l’ostéoporose et l’ostéopénie en fonction du T-score chez l’adulte ne sont pas applicables chez l’enfant. Il n’existe pas de seuil actuellement en fonction du Z-score.
1. Techniques d’évaluation de la masse osseuse chez l’enfant 1.1. Absorptiométrie à rayon X en double énergie (DXA) Largement développée chez l’adulte, cette méthode est actuellement considérée comme la méthode de référence [1]. Elle est basée sur les différentes absorptions tissulaires de deux faisceaux de photons à énergies différentes. Elle permet ainsi de faire la différence entre tissu minéralisé et tissu non minéralisé. On peut ainsi, en imagerie corps entier, mesurer le contenu minéral osseux, la masse musculaire et la masse grasse. Il s’agit d’une projection d’un volume sur un plan, les résultats sont exprimés en g/cm2, en T ou en Z score. L’exactitude des mesures varie de 3 à 4 % entre différentes machines provenant de constructeurs différents pour une mesure de DMO sur une pièce osseuse. La reproductibilité est estimée par le coefficient de variation qui est de 1 % au niveau du rachis chez l’adulte [2]. En pédiatrie, les résultats densitométriques sont obtenus sur un squelette en croissance. Il a été montré que les courbes de DMO sont bien corrélées aux courbes de croissance [3]. Il convient donc d’interpréter les résultats par DXA chez l’enfant après correction des résultats pour la taille pour permettre un suivi longitudinal, * Auteur correspondant. e-mail :
[email protected]
594 © 2009 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. Archives de Pédiatrie 2009;16:594-595
qui est alors bien corrélé aux valeurs des crosslaps sériques [4]. De même, l’évaluation de la masse grasse et de la masse maigre doit se référer au poids corporel. La durée de l’examen est de 2 à 15 minutes et nécessite une immobilité parfaite. L’irradiation délivrée est très faible avec une dose effective d’environ 4 μSv pour une mesure corps entier [5]. Cette technique présente de nombreux avantages parmi lesquels la faible irradiation. Néanmoins les modifications de la taille corporelle du squelette (taille et forme des vertèbres), ainsi que du poids au cours de la croissance diminuent sa reproductibilité chez un même sujet s’ils ne sont pas corrigés. La DXA permet une approche globale de la masse osseuse sans différenciation de l’os trabéculaire et cortical.
1.2. Ostéodensitométrie par scanner (QTC) La tomodensitométrie a été utilisée pour la mesure la densité minérale osseuse dès 1979 [6]. Elle permet d’obtenir une imagerie tridimensionnelle, non influencée par les structures adjacentes. La mesure est effectuée au niveau du rachis lombaire de L1 à L3, après mise en place d’un fantôme externe de référence pour la calibration. Les données fournies par l’image correspondent aux valeurs d’atténuation du faisceau de rayons X de l’objet examiné. Les résultats s’expriment en g/cm3 et/ou en Z score. La mesure peut se faire au niveau de l’os spongieux du corps vertébral, mais également au niveau de la corticale en fonction des logiciels disponibles. La reproductibilité de la QCT chez l’adulte apparaît plus variable que celle de la DXA, allant de 0,8 à 2,5 % selon les protocoles. Chez l’enfant la quantité de moelle jaune au rachis est faible, et le scanner permet des mesures d’une grande précision, supérieure à celle obtenue chez l’adulte [7]. La dose d’irradiation délivrée est fonction de la technique employée est de l’ordre de 100 μSv [8], en tenant compte de l'hélice de repérage et de l’acquisition sur le rachis lombaire. Elle reste très inférieure à l’irradiation naturelle annuelle (1 à 3 mSv). Contrairement à la DXA, la QCT présente l’avantage de déterminer la densité minérale osseuse sans être influencée par la taille et la composition corporelle. Chez l’enfant atteint de mucoviscidose, cette technique, couplée dans le même temps à un scanner thoracique de surveillance, semble plus appropriée que la DXA pour le suivi longitudinal [8,9].
Évaluation de la masse osseuse chez l’enfant : modalités, perspectives
1.3. Ultrasons L’application des techniques ultrasonores à l’os humain a été proposée dès les années 1980. Le principe de cette méthode repose sur la mesure des modifications de vitesse et d’intensité de l’onde ultrasonore au contact de l’os. Ces mesures sont effectuées sur des os superficiels : calcanéum, rotule ou phalanges du pouce. Trois types de résultats peuvent être fournis : – l’atténuation ultrasonique à large bande : broaddband ultrasonic attenuation (BUA) qui fournit une évaluation de l’atténuation de l’onde ultrasonore par les tissus traversés ; – la vitesse de transmission des ultrasons : speed of ultrasound (SOS) mesure la vélocité des ultrasons au travers des tissus ; – la vitesse longitudinale de propagation des ondes mesure la vélocité des ultrasons le long d’un os cortical. La reproductibilité est plus faible que pour la DXA et le QCT, de l’ordre de 2 à 4 % pour la SOS et de 6 % pour la BUA. Les corrélations de densité au rachis sont de l’ordre de 0,4 à 0,8 et ne permettent pas d’estimer la DMO à partir des valeurs ultrasonores. Chez la femme ménopausée, il est démontré qu’il existe une corrélation entre les résultats obtenus par ultrasons et la prédiction du risque de fracture ainsi que le statut ostéoporotique [10]. Peu d’études ont été réalisées chez le jeune enfant alors que cette technique est d’accès facile, de réalisation rapide, sans sédation ni irradiation [11].
1.4. Imagerie de la micro-architecture osseuse La densité minérale osseuse est loin d’être le seul facteur reflétant la fragilité osseuse. De nombreux paramètres interviennent dans la résistance osseuse : l’activité du remodelage osseux, la répartition de la masse osseuse, la qualité de la minéralisation, la microarchitecture trabéculaire et corticale... L’imagerie de la microarchitecture osseuse est actuellement en plein développement, l’histomorphométrie étant peu réalisable, en particulier chez l’enfant. Les analyses in vivo peuvent être effectuées en tomodensitométrie périphérique ou en IRM haute résolution [12, 13]. L’analyse de la texture osseuse sur les images scannographiques correspond à une histomorphométrie « apparente ». En IRM, on utilise le temps de relaxation de la moelle osseuse pour apprécier la densité de l’os trabéculaire, elle permet également une analyse des structures en haute résolution. Ces techniques apparaissent particulièrement prometteuses en complément de l’estimation de la DMO par QCT ou DXA. Cependant ces techniques sont actuellement peu accessibles en routine clinique.
2. Perspectives La méthode idéale de détermination de la DMO chez l’enfant devrait réunir plusieurs critères : – une technique non irradiante ; – une exécution facile sans sédation et immobilisation ; – une bonne exactitude et une bonne reproductibilité ; – la possibilité d’apprécier le contenu minéral osseux du squelette axial et du squelette périphérique d’une part et de différencier le contenu minéral osseux de l’os spongieux et de l’os cortical d’autre part ; – cette technique devrait être indépendante du volume corporel, de la composition corporelle et prendre en compte la taille de l’os examiné.
En pratique aucune des techniques disponibles ne réunit tous ces critères. Les deux techniques qui s’imposent DXA et QCT ne sont pas concurrentielles mais parfaitement complémentaires. Le choix s’appuie sur l’accessibilité des machines et l’existence de valeurs de référence fiables pour l’âge, la taille, le poids, la pathologie examinée et les questions posées. En effet, la présence de matériel prothétique, d’une déformation du rachis de type scoliose, d’importantes variations de poids chez un même individu ou un retard staturo-pondéral peuvent limiter l’interprétation des résultats en DXA. Dans ces cas précis, il paraît intéressant de disposer d’une autre technique comme la QCT qui permet de s’affranchir de la taille de l’os et de segmenter la zone anatomique examinée. La déminéralisation osseuse n’explique pas à elle seule le risque fracturaire et l’évaluation de la microarchitecture osseuse aura certainement sa place dans l’exploration et le suivi des ostéoporoses de l’enfant.
Références 1. ANAES - Service évaluation des technologies. Les indications des mesures quantitatives du tissu osseux : actualisation. J Radiol 2002;83:386-96. 2. Braillon PM. Quantitative computed tomography precision and accuracy for long-term follow-up bone mineral density measurements. A five-year in vitro assessment. J Clin Densitom 2002;5:259-66. 3. Glastre C, Braillon P, David L, et al. Measurement of bone mineral content of the lumbar spine by dual energy X-ray absorptiometry in normal children: correlations with growth parameters. J Clin Endocrinol Metab 1990;70:1330-3. 4. Feray A, Mallet E, Leroy M, et al. Crosslaps sériques chez l’enfant : valeurs de référence et intérêt en pathologie. J Imbio 2007;22;298-302 5. Kalender WA. Effective dose values in bone mineral measurements by photon absorptiometry and computed tomography. Osteoporosis Int 1992;2:82-7. 6. Cann CE, Genant HK, Boyd DP. Precise measurement of vertebral density changes in serial studies using computed tomography. Invest Radiol 1979;14:372-8. 7. Gilsanz V. Bone density in children: a review of the available techniques and indications. Eur J Radiol 1998;26:177-82. 8. Blondiaux E, Cellier C, Mallet E, et al. Ostéodensitométrie par tomodensitométrie quantitative chez l’enfant atteint de mucoviscidose. J Radiol 2007;88:1376-7. 9. Sermet-Gaudelus I, Nove-Josserand R, Loeille GA, et al. Recommandations pour la prise en charge de la déminéralisation osseuse dans la mucoviscidose. Arch Pediatr 2008;15:301-12. 10. Roux C, Roberjot V, Porcher R, et al. Ultrasonic backscatter and transmission parameters at the os calcis in postmenauposal osteoporosis. J Bone Miner Res 2001;16:1353-62. 11. Mallet E, Claude V, Basuyau JP, et al. Statut calcique et vitamine D des enfants d’âge préscolaire. À propos d’une enquête pratiquée en région rouennaise. Arch Pédiatr 2005;12:1797-803. 12. Lespessailles E, Chappard C, Bonnet N, et al. Imaging techniques for evaluating bone microarchitecture. Joint Bone Spine 2006;73:254-61. 13. Wehrli FW, Ford JC, Attie M, et al. Trabecular structure: preliminary application of MR interferometry. Radiology 1991;179:615-21.
595