Rec¸u le : 28 octobre 2011 Accepte´ le : 21 mai 2012
Disponible en ligne sur
www.sciencedirect.com
Article original Evaluation of rituximab prescriptions in rheumatology units M. Ste`ve-Dumont*,1, M. Chemin1, O. Taouss2, L. Vergely3 Unite´ de pharmacie clinique et oncologique (UPCO), hoˆpital Arnaud-de-Villeneuve, CHRU de
E´valuation des pratiques de prescription du rituximab en rhumatologie
Montpellier, 371, avenue du Doyen-Gaston-Giraud, 34295 Montpellier, France
Summary Introduction. Rituximab, anti-CD20 monoclonal antibody, is used in combination with methotrexate in rheumatoid arthritis (RA). This drug is labeled in this pathology but it is also used in other autoimmune diseases, off label. The objective of our study is to review the prescriptions of rituximab in rheumatology units of a French university hospital. Material and method. The study consisted of an analysis of rituximab prescriptions from January to December 2010. The data were collected from the computerized prescriptions and medical files. The patients were divided in two groups: RA or no RA. In RA, the following items were studied: other drugs for RA before Rituximab treatment, dose, course interval. Results and discussion. Over 1 year, 233 patients were treated by rituximab, 190 in RA and 43 in other indications. Rituximab prescriptions in rheumatology units are mainly in accordance with the recommended indications for the RA. However, our study pointed some heterogeneity in retreatment schedules. Strictly, there were no official guidelines for retreatment in 2010. New guidelines have now been published, specifying when to perform a retreatment and the schedule to apply: double infusion at day 1 and day 15. In other indications, rituximab is prescribed in Sjogren’s disease, vascularitis and lupus erythematosus. Conclusion. It will be interesting to do a new investigation by the end of 2012. ß 2012 Elsevier Masson SAS. All rights reserved.
Re´sume´ Introduction. Les biothe´rapies ont une place de plus en plus importante dans le traitement des maladies auto-immunes ; le rituximab ne fait pas exception. Cette mole´cule est un anticorps anti-CD20 actif contre les lymphocytes B pre´sentant l’antige`ne CD20. En rhumatologie, le rituximab posse`de une AMM pour la polyarthrite rhumatoı¨de (PR), il est e´galement utilise´ dans d’autres maladies auto-immunes hors AMM. Mate´riel et me´thode. Une enqueˆte re´trospective des prescriptions en rhumatologie dans notre CHRU a e´te´ re´alise´e sur l’anne´e 2010. Elle s’est base´e sur les dossiers informatise´s des patients. Les patients ont e´te´ classe´s selon l’indication du traitement : PR ou hors PR, avec le de´tail de l’indication hors PR. Pour les patients du groupe PR, nous avons e´galement recherche´ les traitements de fond ante´rieurs, la posologie, le nombre de perfusions par cure, l’espace inter-cure. Re´sultats et discussion. Deux cent trente-trois patients ont e´te´ traite´s par rituximab en rhumatologie en 2010, dont 190 pour une PR. Dans la PR, les traitements initiaux respectent l’AMM mais une grande he´te´roge´ne´ite´ est retrouve´e dans les modalite´s de retraitement, l’AMM n’ayant pas e´te´ explicite jusqu’a` la fin de l’anne´e 2010. Hors PR, le rituximab est majoritairement prescrit en rhumatologie dans le syndrome de Gougerot-Sjo¨gren, dans le lupus re´fractaire et dans des vascularites. Conclusion. Suite a` la mise a` jour des mentions le´gales du rituximab dans la PR, les retraitements seront re´-e´value´s en 2012. ß 2012 Elsevier Masson SAS. Tous droits re´serve´s.
* Auteur correspondant. e-mail :
[email protected] 1
Interne en pharmacie. Externe en pharmacie. 3 Praticien hospitalier, unite´ de pharmacie clinique et oncologique. 2
2211-1042/$ - see front matter ß 2012 Elsevier Masson SAS. Tous droits re´serve´s. http://dx.doi.org/10.1016/j.phclin.2012.05.004 Le Pharmacien Hospitalier et Clinicien 2012;47:238-243
238
E´valuation des pratiques de prescription du rituximab en rhumatologie
Keywords: Anti-CD20, Rituximab, Rheumatology, Rheumatoid arthritis, Sjogren’s disease, Vasculitis, Lupus erythematosus
Mots cle´s : Anti-CD20, Rituximab, Rhumatologie, Polyarthrite ¨gren, Vascularite, Lupus rhumatoı¨de, Syndrome de Gougerot-Sjo e´rythe´mateux disse´mine´
Introduction
hospitalier re´gional et universitaire et de les discuter par rapport aux consensus de bon usage.
Le rituximab est un anticorps anti-CD20 actif contre les lymphocytes B pre´sentant l’antige`ne CD20. Cette mole´cule a obtenu sa premie`re autorisation de mise sur le marche´ (AMM) en France en 1997 dans le traitement des lymphomes B, suivie depuis de plusieurs indications dans les lymphopathies malignes. La premie`re AMM hors he´matologie a e´te´ obtenue en 2006, dans la polyarthrite rhumatoı¨de (PR) active. Dans cette pathologie, son efficacite´ a e´te´ de´montre´e au cours de trois principales e´tudes cliniques randomise´es contre placebo [1–3]. Cette efficacite´ a e´te´ e´value´e par la mesure du DAS 28, les crite`res de l’« American College of Rheumatology » (ACR) qui classent la maladie en quatre cate´gories et de l’« European League Against Rheumatism » (EULAR). Le DAS 28 permet l’appre´ciation de l’activite´ de la maladie. Cette valeur est calcule´e a` partir de plusieurs parame`tres : le nombre d’articulations douloureuses et/ou gonfle´s parmi 28 pre´de´finies, la vitesse de se´dimentation et l’appre´ciation globale de la PR par le patient [4]. Dans la PR ainsi que dans de nombreuses maladies autoimmunes, les biothe´rapies prennent une place de plus en plus importante. Ainsi, le rituximab est utilise´ en association au me´thotrexate, dans le traitement de fond de la PR se´ve`re, active, chez l’adulte. Ce traitement n’est indique´ qu’en cas d’e´chec ou d’intole´rance aux traitements de fond, dont au moins une ligne comprend un anti-TNFa (infliximab, etanercept, adalimumab, tocilizumab). Un traitement par rituximab dans la PR est constitue´ de deux perfusions intraveineuses espace´es de 15 jours. La posologie recommande´e est de 1 g par perfusion. Le rituximab est e´galement utilise´ hors AMM dans plusieurs pathologies auto-immunes, en particulier certaines vascularites (type ANCA et cryoglobuline´miques) ou le lupus e´rythe´mateux disse´mine´ (LED), pour lesquels des protocoles temporaires de traitement (PTT) ont e´te´ publie´s par l’AFSSAPS [5]. Dans les vascularites, la posologie recommande´e est semblable a` celle des lymphomes B : 375 mg/m2/perfusion, a` re´pe´ter toutes les semaines pendant quatre semaines. En revanche, dans les LED, la posologie recommande´e par le PTT est celle de la PR, soit deux perfusions de 1 g a` 15 jours d’intervalle. En dehors des AMM et PTT, le rituximab est e´value´ par des essais cliniques dans d’autres maladies auto-immunes. La principale pathologie pour laquelle des e´tudes sont en cours est le syndrome de Gougerot-Sjo ¨gren [6–12]. L’objectif de notre travail est d’e´valuer les pratiques de prescription du rituximab en rhumatologie dans notre centre
Mate´riels et me´thodes Une enqueˆte re´trospective concernant l’ensemble des cures de rituximab prescrites en rhumatologie au cours de l’anne´e 2010 a e´te´ re´alise´e. Cette analyse s’est base´e sur les prescriptions informatise´s (Ascle´piosW), ainsi que sur les dossiers me´dicaux informatise´s du CHRU (Me´diwebW). Dans un premier temps, l’indication de la cure de rituximab a permis de se´parer les patients en deux groupes : PR et non-PR. Cela a permis la se´paration des patients traite´s dans le cadre de l’AMM du produit de ceux qui l’ont e´te´ hors AMM. Pour les patients du groupe PR, au-dela` de l’indication, les historiques me´dicamenteux et modalite´s de traitement ont e´te´ analyse´s. Les donne´es suivantes ont e´te´ recherche´es : association au me´thotrexate, posologies administre´es, nombre de perfusion par cure, ainsi que le pourcentage de premie`re cure, l’intervalle moyen entre les cures et l’administration ou non d’antiTNFa avant le rituximab. En cas de non-administration d’antiTNFa avant le traitement par anti-CD20, une justification me´dicale a` cette absence e´tait recherche´e. A` partir de l’espace inter-cure, nous avons de´termine´ le pourcentage de retraitements syste´matiques (intervalle de six a` huit mois entre deux cures sauf en cas d’e´volution documente´e) et celui lie´ a` une pousse´e de la maladie. Pour les patients du groupe non-PR, le de´tail par type de pathologie auto-immune et la posologie administre´e ont e´te´ recueillis. Cela a permis une re´partition des patients selon les groupes de prescription hors AMM suivants : groupe II ou PTT, groupe III ou non-indications, groupe IV ou indications pour lesquelles les donne´es bibliographiques sont nombreuses et hors groupe. Enfin, ces donne´es ont e´te´ compare´es aux recommandations de bon usage (AMM, PTT) et aux consensus d’experts [5,13–16].
Re´sultats En 2010, 237 patients ont e´te´ traite´s par le rituximab dans l’un des services de rhumatologie de notre CHRU : 189 patients pour une PR (groupe I) et 48 dans une autre indication (groupes II, IV ou hors groupe) (fig. 1 et 2). Parmi ces 237 patients d’aˆge moyen 57,7 ans (e´cart-type 14,0), nous retrouvons 48 hommes (20 %) et 189 femmes (80 %).
239
M. [(Figure_1)TD$IG] Ste`ve-Dumont et al.
Le Pharmacien Hospitalier et Clinicien 2012;47:238-243
80%
20%
PR
Non PR
15%
60%
Gougerot 15% Lupus
10%
Vascularites Autres : Artrite juvénil idiopathique, Horton, Polymyosite, Polyradiculonévrite, Rhumatisme psoriasique Figure 1. Re´partition des prescriptions de rituximab par indication (n = 237) Rituximab prescriptions distribution by indication.
[(Figure_2)TD$IG]
12%
2%
6%
80% Groupe I
Groupe II
Groupe IV
Hors groupe
Figure 2. Re´partition des prescriptions de rituximab par groupe de prescription (n = 237). Rituximab prescriptions distribution by indication groups.
Polyarthrite rhumatoı¨de (prescription dans l’autorisation de mise sur le marche´, groupe I) Au cours de l’anne´e 2010, 214 cures de rituximab ont e´te´ re´alise´es chez 189 patients diffe´rents, ce qui repre´sente 47 % des patients traite´s par biothe´rapie intraveineuse (IV) dans les services de rhumatologie de notre CHRU. Parmi les dossiers me´dicaux informatise´s, 77 n’e´taient pas exploitables pour les donne´es concernant l’administration concomitante de me´thotrexate et 18 concernant la prescription pre´alable d’anti-TNFa. Les prescriptions informatise´es e´taient quant a` elles toutes exploitables. Notre e´tude s’est
240
donc base´e sur 112 patients pour le me´thotrexate associe´, 171 pour le nombre d’anti-TNFa administre´s et sur l’ensemble des 189 patients (214 cures) concernant l’espace inter-cure, la posologie et le nombre de perfusion par cure. L’association au me´thotrexate e´tait effective chez 59 des 112 patients posse´dant un dossier exploitable pour ce parame`tre. Parmi les 53 autres patients ne recevant pas de me´thotrexate en association a` leur cure de rituximab, nous trouvons 18 intole´rances ou contre-indications, deux e´chappements the´rapeutiques et 33 non-associations dont la justification n’a pas e´te´ retranscrite dans le dossier me´dical informatise´. Parmi les 171 dossiers exploitables pour les lignes de traitement ante´rieur, 19 % n’avaient jamais rec¸u d’anti-TNFa ; cette absence n’e´tait justifie´e dans le dossier me´dical informatise´ que dans 69 % des cas par une contre-indication (principalement : ante´ce´dent de cancer, de tuberculose ou BCG positif). Concernant le nombre d’anti-TNFa administre´ aux 81 % des patients restants, la re´partition est la suivante : 35 % ont eu un seul anti-TNFa avant l’introduction du rituximab, 38 % en ont eu deux et 7 % trois (fig. 3). La dose de rituximab majoritairement administre´e a e´te´ de 1 gramme (98,6 % des cas). Vingt-huit pour cent des patients ont rec¸u leur premie`re cure d’anti-CD20 en 2010, dont 96,7 % en deux perfusions (j1 a` j15). Dans les cas de retraitement (72 % des patients), 68 % des cures e´taient administre´es a` J1 uniquement. Enfin, nous avons observe´ que l’intervalle moyen entre les cures de rituximab e´tait de 12 mois. Vingt pour cent des patients ont rec¸u ce traitement de manie`re
[(Figure_3)TD$IG]
E´valuation des pratiques de prescription du rituximab en rhumatologie
70
Discussion
66
61
Nombre de patients
60 50 40
32
30 20
12
10 0
Aucun
1
2
3
Nombre d’anti-TNFα préalable
Figure 3. Re´partition du nombre d’anti-TNFa administre´s avant le rituximab (n = 171). Number of TNF antagonist administrated before rituximab distribution.
syste´matique (avec un espace inter-cure de six a` huit mois), alors que 80 % l’ont rec¸u pour cause de pousse´e d’arthrite. Aucun traitement n’a e´te´ re´pe´te´ dans une pe´riode infe´rieure a` six mois.
Non-polyarthrite rhumatoı¨de (prescriptions hors autorisation de mise sur le marche´ : groupe II, III, IV ou hors groupe) En 2010, 48 patients ont e´te´ traite´s par rituximab dans une indication auto-immune rhumatologique hors AMM (hors PR). Cela repre´sente 20 % des patients traite´s par anti-CD20 dans les services de rhumatologie. Dans la majorite´ des cas, le rituximab a e´te´ prescrit pour une maladie de Gougerot-Sjo ¨gren (60 %), 15 % des patients e´taient atteints d’un LED, 15 % d’une vascularite (ANCA ou cryoglobuline´mique) et les 10 % restants d’une autre pathologie : arthrite juve´nile idiopathique, polymyosite, rhumatisme psoriasique et maladie de Horton. La re´partition par groupe de prescription e´tait la suivante : 30 % en groupe II : LED et vascularite, indications posse´dant un PTT ; 60 % en groupe IV : syndrome de Gougerot-Sjo ¨gren, indication posse´dant de tre`s nombreuses re´fe´rences bibliographiques et pour lequel de nombreux travaux ont permis de montrer une efficacite´ de la mole´cule dans la pathologie en question ; 10 % en hors groupe : autres pathologies, pour lesquelles une justification peut eˆtre apporte´e au regard de la litte´rature. La posologie utilise´e chez 56 % des patients du groupe non-PR e´tait de deux perfusions de 1 g a` j1 puis j15. Un patient a e´te´ traite´ selon le sche´ma posologique 375 mg/m2/perfusion, une perfusion par semaine pendant un mois, dans le cadre d’une polyradiculone´vrite. Les autres n’ont rec¸u qu’une perfusion de 1 g de rituximab en 2010.
La re´partition homme/femme de la population traite´e par rituximab dans notre CHRU correspond a` la re´partition de la population franc¸aise atteinte de maladies auto-immunes (un homme pour cinq femmes). Comme toutes les biothe´rapies, le rituximab est une mole´cule de plus en plus utilise´e dans les maladies auto-immunes et plus particulie`rement dans la PR. Au total, 237 patients ont e´te´ traite´s par rituximab en service de rhumatologie en 2010, dont 80 % dans le cadre d’une PR, ce qui confirme l’utilisation importante de cet anti-CD20. Sur 400 patients recevant une biothe´rapie IV pour une PR, 47 % ont rec¸u du rituximab, les biothe´rapies IV hospitalie`res e´tant estime´es a` 30 % du total des biothe´rapies prescrites (hoˆpital + domicile) dans la PR.
Polyarthrite rhumatoı¨de (prescription dans l’autorisation de mise sur le marche´, groupe I) L’AMM du rituximab dans la PR mentionne que l’utilisation de cette mole´cule doit se faire en association au me´thotrexate et apre`s e´chec de traitements de fond comprenant au moins une ligne d’anti-TNFa. En 2010, seulement 52 % des patients avaient une prescription de me´thotrexate en association aux injections de rituximab. Pour les 48 % de patients sans prescription de me´thotrexate, une justification ne fut trouve´e dans le dossier me´dical que dans 38 % des cas. Il s’agit le plus souvent d’intole´rances au me´thotrexate survenues lors des lignes de traitement ante´rieures et qui, compte tenu de l’anciennete´ de ces e´ve`nements, ne sont pas toujours retranscrites dans le dossier informatise´ actuel. Par ailleurs, 81 % des patients ayant rec¸u du rituximab avaient e´te´ traite´s au pre´alable par un antiTNFa. Parmi les 19 % restants, l’absence d’anti-TNFa e´tait justifie´e dans le dossier me´dical informatise´ dans seulement 69 % des cas par une contre-indication. Ces chiffres sont comparables a` ceux d’une e´tude mene´e re´trospectivement sur l’anne´e 2007 au CHU de Limoges [17], excepte´ pour les justifications. En ce qui concerne le manque de retranscription des justifications dans les dossiers me´dicaux, les me´decins des services de rhumatologie de notre CHRU ont e´te´ alerte´s lors de la Commission du me´dicament et des dispositifs me´dicaux ste´riles (CMDMS). Ces derniers ont alors de´cide´ de mettre en place une fiche patient type, comprenant un item justification en cas de de´viation au protocole standard. Ces dernie`res seront remplies lors des consultations et permettront la re´daction des comptes rendus informatiques. La quasi-totalite´ des patients a rec¸u 1 g de rituximab a` chaque perfusion. Seulement trois patients, tous en retraitement, ont rec¸u une posologie plus faible de 500 mg pour l’une des perfusions au moins. Ces deux posologies (1 g et 500 mg) ont prouve´ leur efficacite´ versus placebo et sont de ce fait recommande´es par les consensus d’experts [2,13]. L’AMM de cet anti-CD20 est donc majoritairement respecte´e en termes de posologie.
241
M. Ste`ve-Dumont et al.
Vingt-huit pour cent des patients traite´s en 2010 recevaient leur premie`re cure de rituximab. En intention de traiter, dans 100 % des cas, la dose prescrite a e´te´ de 1 g de rituximab a` j1 puis a` j15, conforme´ment a` l’AMM. En pratique, deux patients n’ont pu recevoir leur perfusion de j15. En ce qui concerne les retraitements, les mentions le´gales de l’AMM ne portaient aucune recommandation particulie`re. Les consensus nationaux et internationaux d’experts se prononc¸aient majoritairement en faveur d’un retraitement conforme au sche´ma d’initiation, soit 1 g a` j1 et j15, uniquement chez des patients re´pondeurs, lors de leur rechute clinique e´value´e par le DAS 28 [13,15,16]. Ce sche´ma a e´te´ valide´ et a donne´ lieu a` une mise a` jour des mentions le´gales fin 2010. Dans notre CHRU, la majorite´ des cures de retraitement ne contenait en 2010 qu’une perfusion de 1 g de rituximab (68 %). Cela semble eˆtre une pratique locale puisque, dans l’e´tude du CHU de Limoges, 91 % des patients traite´s dans le cadre d’une PR ont rec¸u deux injections de 1 g de rituximab. De plus, ce mode`le de retraitement n’est recommande´ par aucun consensus d’experts et n’est de´sormais pas conforme a` l’AMM. Ces modalite´s devront dore´navant soit disparaıˆtre, soit eˆtre me´dicalement justifie´es. Par ailleurs, nous avons note´, de`s mi-2011, la prescription plus syste´matique du retraitement en sche´ma j1 a` j15. L’intervalle moyen entre les cures de retraitement e´tait de 12 mois. Seulement 20 % des patients recevaient un nouveau traitement de rituximab de manie`re syste´matique, les 80 % restants n’e´taient retraite´s qu’au moment d’une pousse´e de la maladie. Les consensus d’experts indiquent que les retraitements ne doivent eˆtre envisage´s que chez les patients ayant re´pondu a` la premie`re cure de rituximab. Les patients dit « re´pondeurs » peuvent eˆtre re´partis en deux groupes : re´ponse optimale au traitement ou re´ponse au traitement avec une activite´ re´siduelle de la maladie [15]. Pour ces deux groupes de patients, les modalite´s de retraitement sont diffe´rentes. Dans le cas d’une re´ponse optimale, les experts sont majoritairement en faveur d’un retraitement au moment d’une pousse´e d’arthrite seulement. En revanche, dans le cas d’une re´ponse au rituximab mais avec une activite´ re´siduelle de la PR, les recommandations sont en faveur d’un retraitement syste´matique a` six mois, pour augmenter l’efficacite´ du rituximab, comme l’ont de´montre´ plusieurs e´tudes [18,19]. Aussi, l’AMM de cet antiCD20 a e´te´ modifie´e fin 2010 et contient de´sormais des recommandations concernant les cures de retraitement : deux perfusions de 1 g a` 15 jours d’intervalle et la ne´cessite´ d’e´valuer le besoin de cycles supple´mentaires 24 semaines apre`s le pre´ce´dent cycle. Les intervalles inter-cures des patients de notre CHRU sont en accord avec ces diffe´rentes recommandations.
Hors polyarthrite rhumatoı¨de (prescription hors autorisation de mise sur le marche´, groupe II, III, IV ou hors groupe) Les prescriptions de rituximab hors PR dans les services de rhumatologie de notre CHRU concernent le plus souvent des
242
Le Pharmacien Hospitalier et Clinicien 2012;47:238-243
patients atteints d’un syndrome de Gougerot-Sjo ¨gren. Cette indication n’a pas d’AMM et l’ANSM n’a pas e´mis de PTT. Mais de nombreuses e´tudes indiquent qu’une ame´lioration des signes de fatigue [8], d’atteinte synoviale, de flux salivaire [9,10,12] et de manifestations cutane´es et neurologiques est observe´e suite aux perfusions de rituximab dans cette pathologie. D’ou` notre de´cision de classer cette pathologie en groupe IV. Dans ces e´tudes, la posologie de rituximab utilise´e est semblable au sche´ma de la PR : deux perfusions de 1 g a` 15 jours d’intervalle. Quarante-quatre pour cent des patients ont rec¸u seulement 1 g de rituximab. La` encore, les posologies ne suivent pas celles utilise´es dans les diffe´rents essais cliniques. Sept patients ont e´te´ traite´s par rituximab dans le cadre d’un lupus et sept pour une vascularite. Ces deux indications s’inscrivent dans un PTT, d’ou` leur classement en groupe II de prescription. Dans le cas du LED, les posologies administre´es suivaient le PTT : deux perfusions de 1 g espace´es de 15 jours chez cinq des sept patients traite´s. Pour les patients atteints de vascularite, le sche´ma the´rapeutique utilise´ dans notre CHRU e´tait semblable a` celui de la PR : deux perfusions de 1 g pour six patients et 1 g en une seule perfusion pour le dernier. Or, le PTT concernant les vascularites indique qu’une posologie de 375 mg/m2 par semaine pendant quatre semaines doit eˆtre administre´e. D’apre`s les rhumatologues interroge´s sur cette discordance lors de la CMDMS, les re´sultats the´rapeutiques chez les patients atteints d’une vascularite ont e´te´ tout a` fait satisfaisants avec ce sche´ma. Ils mettent e´galement en avant le fait que la posologie totale par cure est sensiblement la meˆme avec ces deux sche´mas, mais que celle choisie est moins contraignante pour le patient.
Conclusion Le rituximab est une mole´cule dont l’utilisation de´passe le simple cadre de son AMM. Il est de plus en plus prescrit pour les maladies auto-immunes dans lesquelles son inte´reˆt semble important. La place du pharmacien est donc primordiale afin de re´guler les prescriptions hors AMM, tout d’abord pour e´viter tout me´susage mais e´galement d’un point de vue financier. Dans le cas de prescription hors groupe, le remboursement de cette mole´cule one´reuse est discute´ au cas par cas, ce qui peut entraıˆner un surcouˆt de traitement non ne´gligeable pour le CHRU en cas de non-prise en charge. Dans la PR, l’administration de cet anti-CD20 dans notre CHRU en 2010 est en ade´quation avec l’AMM du produit et les recommandations de la HAS concernant sa place dans l’arbre de´cisionnel, sa posologie ou encore l’utilisation pre´alable d’anti-TNFa. La strate´gie de retraitement est elle aussi en ade´quation avec l’AMM, avec une majorite´ de retraitements en cas de pousse´e. Seule l’association au me´thotrexate et le sche´ma posologique de retraitement ne respectent pas l’AMM pour quasiment un patient sur deux, mais avec une justification lie´e au patient, trace´e ou suppose´e pour le cas de l’absence d’association au me´thotrexate.
E´valuation des pratiques de prescription du rituximab en rhumatologie
Les prescriptions hors PR concernent un nombre bien moins important de patients. Dans la majorite´ des cas, la prescription de rituximab entre dans le cadre d’un PTT ou fait suite a` des e´tudes dans lesquelles un be´ne´fice sur la maladie a e´te´ de´montre´. Dans quelques cas plus rares, le rhumatologue propose un traitement par rituximab aux patients atteints d’une maladie auto-immune en impasse the´rapeutique. Il serait inte´ressant de voir l’e´volution de ces prescriptions en 2012, suite a` une sensibilisation pharmaceutique des me´decins concernant le respect de l’AMM du produit et la justification ade´quate de chaque de´viation aux protocoles nationaux, tout cela en accord avec le contrat de bon usage.
[7]
[8]
[9]
[10]
[11]
De´claration d’inte´reˆts Les auteurs de´clarent ne pas avoir de conflits d’inte´reˆts en relation avec cet article.
[12]
[13]
Re´fe´rences [1]
[2]
[3]
[4] [5] [6]
Edwards JCW, Szxzepanski I, Szechinski J, et al. Efficacy of Bcell-targeted therapy with rituximab in patients with rheumatoid arthritis. N Engl J Med 2004;350:2572–81. Emery P, Fleischmann R, Filipowicz-Sosnowski A, et al. The efficacy and safety of rituximab in patients with active rheumatoid arthritis despite methotrexate treatment. Results of a phase IIb randomised, double-blind placebo-controlled, dose ranging trial. Arthritis Rheum 2006;54:1390–400. Cohen SB, Emery P, Greenwald MW, et al. Rituximab for rheumatoid arthritis refractory to anti-tumor necrosis factor therapy: results of a multicenter, randomized, double-blind, placebo-controlled, phase III trial evaluating primary efficacy and safety at twenty-four weeks. Arthritis Rheum 2006;54: 2793–806. Maravic M, Mouterde G, Favre-Bonte´ J. Recommandation HAS polyarthrite rhumatoı¨de. Medec 2008. Afssaps Re´fe´rentiel national de bon usage du Rituximab. Version 1. Avril 2008. Hachulla E. Les biothe´rapies hors AMM dans les maladies syste´miques. Rev Med Interne 2010;31:307–14.
[14]
[15]
[16]
[17] [18]
[19]
Bussone G, Hachulla E, Sibilia J, et al. Rituximab et traitement des maladies auto-immunes et inflammatoires syste´miques. Presse Med 2009;38:808–23. Dass S, Bowman SJ, Vital EM, et al. Reduction of fatigue in Sjo ¨gren syndrome with rituximab: results of a rando- mised, double-blind, placebo-controlled pilot study. Ann Rheum Dis 2008;67:1541–4. Meijer JM, Meiners PM, Vissink A, et al. Effectiveness of rituximab treatment in primary Sjo ¨gren’s syndrome: a randomized, double-blind, placebo-controlled trial. Arthritis Rheum 2010;62:960–8. Meijer JM, Pijpe J, Vissink A, Kallenberg CG, Bootsma H. Treatment of primary Sjo ¨gren syndrome with rituximab: extended follow-up, safety and efficacy of retreatment. Ann Rheumatic Dis 2009;68:284–5. Thanou-Stavraki A, James JA. Primary Sjogren’s syndrome: current and prospective therapies. Semin Arthritis Rheum 2008;37:273–92. Pijpe J, van Imhoff GW, Spijkervet FK, et al. Rituximab treatment in patients with primary Sjogren’s syndrome: an openlabel phase II study. Arthritis Rheum 2005;52:2740–50. Club rhumatismes et inflammations. Prise en charge pratique des patients sous rituximab. Rev Rhum 2007;74 [HS no 5]. HAS. Polyarthrite rhumatoı¨de synthe`se des recommandations professionnelles. 2007, http://www.has-sante.fr/portail/ upload/docs/application/pdf/prdiagnostic_prise_en_charge_ initiale_-_recommandations_2007_11_30__15_10_8_320.pdf (cite´ le 21 mai 2012). Dudlera J, Finckhb A, Kyburzc D, et al. Swiss consensus statement: recommendations for optimising retreatment with MabTheraW (rituximab) in rheumatoid arthritis. Swiss Med Wkly 2010;140:13073. Buch M, Smolen J, Betteridge N, et al. Updated consensus statement on the use of rituximab in patients with rheumatoid arthritis. Ann Rheum Dis 2011;70:909–20. Lepetit AL, Maillan G, Bertin P, et al. Analyse du bon usage du rituximab. Actual Pharm Hosp 2010;23:22–8. Finckh A, Ciurea A, Brulhart L, et al. Which subgroup of rheumatoid arthritis patients benefits from switching to rituximab versus alternative anti-TNF agents after previous failure to anti-TNF agent? Ann Rheum Dis 2010;69(2):387–93. Keystone E, Fleischmann R, Emery P, et al. Safety and efficacy of additional courses of rituximab in patients with active rheumatoid arthritis: an open-label extension analysis. Arthritis Rheum 2007;56(12):3896–908.
243