Évolution des styles d’attachement romantique et interpersonnel au cours de l’hospitalisation chez des femmes adultes déprimées

Évolution des styles d’attachement romantique et interpersonnel au cours de l’hospitalisation chez des femmes adultes déprimées

L’Encéphale (2012) 38, 381—389 Disponible en ligne sur www.sciencedirect.com journal homepage: www.em-consulte.com/produit/ENCEP MÉMOIRE ORIGINAL ...

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L’Encéphale (2012) 38, 381—389

Disponible en ligne sur www.sciencedirect.com

journal homepage: www.em-consulte.com/produit/ENCEP

MÉMOIRE ORIGINAL

Évolution des styles d’attachement romantique et interpersonnel au cours de l’hospitalisation chez des femmes adultes déprimées Evolution in styles of romantic and interpersonal attachment in depressed adult women during hospitalization M. Reynaud a,∗,b, K. Chahraoui a, A. Vinay a, A. Jebrane c, B. Bonin a,d, A. Gisselmann a,d, A. Larome b a

Laboratoire de psychopathologie et psychologie médicale, université de Bourgogne, pôle AAFE, esplanade Erasme, 2100 Dijon, France b Pôle 4, centre hospitalier spécialisé La Chartreuse, 1, boulevard Chanoine-Kir, BP 1514, 21033 Dijon cedex, France c Université de Bourgogne, 21000 Dijon, France d Service de psychiatrie et d’addictologie, CHU de Dijon, 21000 Dijon cedex, France Rec ¸u le 19 mai 2010 ; accepté le 18 mai 2011 Disponible sur Internet le 26 octobre 2011

MOTS CLÉS Dépression ; Style d’attachement ; Attachement interpersonnel ; Attachement romantique ; Vulnérabilité



Résumé Cette étude a pour objectif d’investiguer, chez des femmes adultes déprimées hospitalisées, les liens entre attachement et dépression au regard de l’évolution de leurs styles d’attachement romantique et interpersonnel entre le début et la fin de leur hospitalisation. Cinquante femmes déprimées ont participé à deux investigations psychologiques au début (T1) et à la fin de l’hospitalisation (T2) comportant à chaque fois un entretien clinique au cours duquel étaient évalués la dépression et les styles d’attachement romantique (ECR, 1998) et interpersonnel (RQ, 1991). Les résultats montrent que la dépression est corrélée positivement à la dimension « évitante » du style d’attachement romantique et négativement à la dimension « secure » du style d’attachement interpersonnel. Entre le début et la fin de l’hospitalisation, seules les dimensions « secure » et « craintif » des styles d’attachement interpersonnel sont modifiées alors que les styles d’attachement romantique restent stables. L’augmentation de la sécurité d’attachement est aussi corrélée à la baisse de la symptomatologie dépressive. Ces résultats permettent de discuter de la stabilité et du changement des styles d’attachement romantique et interpersonnel en relation avec l’évolution de la symptomatologie dépressive. © L’Encéphale, Paris, 2011.

Auteur correspondant. Adresse e-mail : [email protected] (M. Reynaud).

0013-7006/$ — see front matter © L’Encéphale, Paris, 2011. doi:10.1016/j.encep.2011.08.003

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KEYWORDS Depression; Attachment styles; Interpersonal attachment; Romantic attachment; Vulnerability

M. Reynaud et al. Summary Introduction/Objective. — Bowlby (1984) [3] regarded attachment as a model of psychological vulnerability to depression. Since then, a large number of studies have considered vulnerability to depression in light of the idea of attachment style. Attachment styles correspond to two dimensions observed in relationships (anxiety and avoidance) evoking ideally the internal operating models of self and other respectively, as first described by Bowlby (1984) [3]. Two types of adult attachment styles are evaluated in our study: romantic attachment (Hazan and Shaver, 1987) [18] and interpersonal attachment (Bartholomew and Horowitz, 1991) [2]. The existing literature indicates that depression is associated with the insecure attachment styles, in both romantic an interpersonal relationships. Nevertheless, a question remains concerning the nature of the link between attachment style and depression: are attachment styles stable and independent of the depression or are they modified as the depression evolves? The aim of the present study was to investigate the relationships between attachment and depression in adult women hospitalized for depression; following up the evolution in their romantic and interpersonal attachment styles from the beginning to the end of their hospitalization. Methodology. — The study population consisted of 50 women hospitalized for an episode of major depression (Axis I, DSM IV). Individuals exhibiting bipolar disorders and other pathologies linked to depression were not included in the population. Sixty-eight percent of the depressed women in our population had previously experienced depressive episodes and 42% of them also exhibited a personality disorder (Axis II, DSM IV). The clinical group participated in two psychological investigations, one at the beginning (T1) and one at the end of the hospitalization (T2), including each time a clinical interview during which the depression as well as the romantic (ECR, 1998) and interpersonal (RQ, 1991) attachment styles were evaluated. Study results. — Our findings showed that depression is positively correlated with the ‘‘avoidant’’ dimension of the romantic attachment style and negatively with the ‘‘secure’’ dimension of the interpersonal attachment style. Between the beginning and the end of hospitalization, only the ‘‘secure’’ and ‘‘fearful’’ dimensions of the interpersonal attachment styles were modified, whereas the styles of romantic attachment remained stable. In terms of the links between attachment styles and the evolution of depression during hospitalization (between T1 and T2), we noted that an increase in security of attachment was correlated with a decrease in the depressive symptomatology. Conversely, the other romantic and interpersonal attachment styles were not linked with the evolution of the depressive symptomatology. Discussion/conclusion. — Our results confirm that romantic and interpersonal styles of attachment constitute factors of vulnerability to depression. But more importantly, these findings open up new perspectives in terms of the nature of the relationships between attachment styles and depression. They provide matter for discussion concerning the stability or the change in romantic and interpersonal attachment styles. Indeed, we have revealed the stable and independent nature of romantic attachment styles in relation to depressive symptomatology. On the contrary, security in the interpersonal attachment style was shown to be a factor of change, associated with the evolution of the depressive symptomatology in progress. In the quest to take combined account of romantic and interpersonal attachment styles and their links with the evolution of depression, the present study results in a new understanding of depression, viewed from the perspective of the model of attachment in adults. © L’Encéphale, Paris, 2011.

Introduction L’attachement est considéré par de nombreux auteurs comme un facteur de protection ou de vulnérabilité à la psychopathologie [3,6,13]. Ainsi, pour Bowlby [4], le système d’attachement représenterait l’équivalent psychologique du « système immunitaire » en jouant un rôle dans la sécurité et l’intégrité psychique de l’individu. Bowlby [3] s’est intéressé plus spécifiquement à la vulnérabilité dépressive, en la mettant en lien avec le vécu d’attachement précoce du sujet déprimé, marqué par des expériences réelles de rupture ou de rejet auprès des figures parentales. Ce vécu conduit tout d’abord à la perte d’espoir,

relative au sentiment d’impossibilité éprouvé par le sujet à pouvoir nouer ou maintenir des liens affectifs avec ses objets d’amour. Ensuite, ce sentiment de désespoir est intériorisé sous la forme de deux modèles représentationnels : un « modèle de soi » caractérisé par le sentiment d’être « indigne d’être aimé » et un « modèle d’autrui », celui de la figure d’attachement, considérée comme « indisponible et rejetante ». Selon Bowlby [3], ces modèles de soi et d’autrui négatifs construits dans l’enfance du sujet déprimé, conditionnent ses futures relations interpersonnelles et son appréhension du monde. Plusieurs études ont montré que les styles d’attachement insecure de l’adulte constituaient un facteur de

Évaluation des styles d’attachement chez des femmes adultes déprimées vulnérabilité dépressive. D’une part, les études indiquent une corrélation forte entre la dépression et les styles d’attachement interpersonnel insecure préoccupé et craintif [7,25,30,31,33,40,42,43]. D’autre part, les études montrent une association importante entre la dépression et les styles d’attachement romantique insecure évitant et anxieux [37—39]. Les styles d’attachement investiguent la perception consciente des relations actuelles de l’adulte [2,18,37]. Chaque style d’attachement est composé de deux dimensions observables : « l’anxiété relative à l’attachement » et « l’évitement relatif à l’attachement ». Ces deux dimensions renvoient respectivement et idéalement aux modèles internes opérants (MIO) de soi et d’autrui décrits initialement par Bowlby [3,4]. Aussi, la plus ou moins grande anxiété dans les relations correspond à un modèle de soi plus ou moins négatif alors qu’un plus ou moins grand évitement des relations correspond à un modèle d’autrui plus ou moins négatif. Quatre styles d’attachement sont ainsi décrits : secure (MIO soi+/MIO autrui−), démissionnaire (MIO soi + /MIO soi−), préoccupé (MIO soi−/MIO autrui + ) et craintif (MIO soi−/MIO autrui−). À l’instar de l’attachement parental qui renvoie à la représentation de l’adulte des expériences infantiles avec les parents [24], deux types de styles d’attachement peuvent être étudiés chez l’adulte : les styles d’attachement romantique [5,18,21] ou interpersonnel [2]. Les premiers considèrent les relations amoureuses comme étant le lien d’attachement spécifique de l’adulte, avec l’idée qu’il existe une « équivalence fonctionnelle » entre ce lien et celui développé dans l’enfance auprès du parent ou du donneur de soins. Les seconds considèrent plus généralement que la perception des relations interpersonnelles exprime le modèle d’attachement de l’individu. La prise en compte de différentes relations dans l’attachement adulte invite à considérer deux perspectives : l’une dite développementale considérant l’attachement comme un facteur trait et unique, se construisant dans l’enfance avec les figures parentales [24] et l’autre dite psychosociale considérant que l’attachement chez l’adulte est multiple et se distingue en fonction de différentes relations significatives (parentales, amoureuses et interpersonnelles) [3,18,37]. Quant aux études sur les liens entre la dépression et les styles d’attachement actuels de l’adulte (amoureux et interpersonnel), elles montrent, d’une part, un lien significatif entre les dimensions insécures des styles d’attachement romantique et la dépression avec une supériorité de la dimension de l’attachement anxieux sur l’attachement évitant [36,38,39]. Selon Brennan et al. [5], la dimension de l’attachement anxieux est caractérisée par la peur de l’abandon et une préoccupation excessive à l’égard du partenaire alors que la dimension de l’attachement évitant est caractérisée par la peur de l’intimité et le refus de compter sur les autres pour répondre à ses besoins d’attachement. D’autre part, les études montrent des corrélations significatives entre les styles d’attachement interpersonnel préoccupé et craintif et la dépression [7,25,30,31,33,40,42,43]. Les sujets préoccupés cherchent à établir des relations intimes et dépendantes pour remplir un moi défaillant afin de valoriser leur estime de soi [30,31]. Quant aux sujets craintifs, ils évitent les

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relations intimes par peur d’être rejetés [31]. Ils éprouvent une grande culpabilité à être dans leur état dépressif contrairement aux sujets préoccupés qui attribuent leur état à leurs frustrations affectives [25,40,43]. Ces différentes dimensions insecure des sujets déprimés, retrouvées dans les relations romantiques [37—39] ou interpersonnelles [7,25,30,31,33,40,42,43] renvoient à un modèle de soi négatif. Notre recherche propose d’approfondir et d’interroger davantage la nature des liens dans leur évolution entre styles d’attachement et dépression. Nous envisageons ici deux hypothèses principales. La première hypothèse est relative aux travaux de Bowlby [3] et s’inscrit dans la perspective prototypique de l’attachement [6,9,14,17,22,30,32,39]. Elle consiste à considérer les styles d’attachement comme des facteurs de vulnérabilité stables et anciens, préexistants à la dépression actuelle. Quant à la seconde hypothèse, elle s’inscrit dans la perspective révisionniste de l’attachement et consiste à envisager au contraire les styles d’attachement comme des facteurs instables et changeants en fonction de la dépression, c’est-à-dire comme une composante ou une conséquence de la dépression et de son évolution [1,7,11,12,14,28,33,41]. Ces deux hypothèses restent peu traitées dans la littérature. Pourtant, elles sont fondamentales pour une compréhension plus complexe et une prise en charge plus fine de la dépression dans ses rapports avec l’attachement. L’hypothèse de l’attachement comme facteur de vulnérabilité préexistant à la dépression s’inscrit dans la perspective prototypique de l’attachement. Elle s’appuie sur l’idée que l’attachement est une caractéristique particulièrement stable, construit dès la prime enfance auprès des figures d’attachement, plutôt qu’une caractéristique « état », liée au vécu dépressif actuel. Cette première hypothèse semble être confortée par plusieurs études empiriques qui montrent une certaine stabilité des styles d’attachement allant de deux mois à 25 ans [8,20,34,35]. Fraley [15] constate une stabilité modérée des styles d’attachement durant les 19 premières années de la vie. Cependant, une étude de Pielage et al. [28] avance que les styles d’attachement sont plus stables dans les relations romantiques (83 %) que dans les relations interpersonnelles (60 %). Il n’existerait certainement pas un modèle d’attachement unique mais plusieurs modèles d’attachement marqués par une plus ou moins grande stabilité [11,28,37]. Sur la base de ces différents travaux, plusieurs auteurs considèrent l’attachement insecure comme un facteur prédictif de la dépression ; ainsi Feeney et al. [14] observent que les femmes ayant un attachement de type anxieux durant le second trimestre de leur grossesse ont un risque plus important de développer des symptômes dépressifs au sixième mois du post-partum. Whiffen [41] rapporte que l’attachement romantique insecure évalué chez les couples en détresse maritale prédit une augmentation de la dépression au sein du couple trois mois après la première évaluation. Hammen et al. [17] montrent que l’attachement insecure de jeunes femmes adultes ayant vécu des événements stressants (désordres psychologiques chez leurs enfants, antécédents chez ces femmes de troubles dépressifs à l’adolescence) a un impact sur la survenue d’une dépression à un an d’intervalle. Pour Scharfe [33], les liens

384 prédictifs constatés dans ces études [14,17,41] entre attachement et dépression sont inférés plutôt que directement observés puisque les associations entre dépression et attachement ne sont pas mesurées lors des différents temps d’évaluation. Dans les études de Hammen et al. [17] et Whiffen [41], les liens entre attachement et dépression ne sont mesurés qu’au premier temps d’évaluation alors que la dépression est évaluée de manière isolée à différentes périodes. En tenant compte de ces critiques, Scharfe [33] montre que la dimension relative au modèle de soi (dimension anxieuse) de l’attachement interpersonnel, observée lors de la grossesse, prédit la dépression au sixième mois du post-partum. Cependant, certains auteurs considèrent que les styles d’attachement sont instables et peuvent se modifier au cours du temps : ces auteurs s’inscrivent dans la perspective révisionniste de l’attachement [15]. Dans cette optique, nous pouvons considérer une seconde hypothèse alternative consistant à penser que l’attachement peut être une composante (lien bidirectionnel entre ces deux facteurs) ou une conséquence de la dépression et de son évolution. En se basant sur différentes études, Baldwin et Fehr [1] observent des modifications chez 30 % des sujets. Ces changements résulteraient de « phénomènes complexes » liés à des facteurs personnels et situationnels [12] récents et anciens comme l’insatisfaction maritale, les expériences interpersonnelles négatives, le divorce parental, les expériences précoces de rejet et de désamour. Le changement est plus nettement observé chez des personnes ayant développé précédemment des troubles psychopathologiques [12]. En considérant la possibilité d’une instabilité des structures d’attachement, nous interrogeons la nature « état » du système relationnel dans le vécu dépressif actuel du sujet [7]. En effet, la pathologie dépressive pourrait conduire à un réaménagement des styles d’attachement du sujet sur plusieurs aspects : elle colore les représentations de soi et du monde du sujet de manière négative, elle conduit à un repli sur soi important et a une incidence sur la désorganisation émotionnelle. À l’instar de la dépression, le style d’attachement correspond à la fois à une certaine manière de se représenter soi et le monde [1,3], de percevoir les relations interpersonnelles [1,3,8,16] et de réguler ses expériences affectives [26,29,39]. C’est pourquoi, l’image négative de soi renvoyée par la personne déprimée peut être associée de manière interdépendante au vécu dépressif et/ou en être la résultante. Aussi, cette image négative n’est pas nécessairement le reflet de son modèle d’attachement précoce [7]. Le vécu d’insécurité du sujet déprimé pourrait être le reflet de la sémiologie dépressive elle-même (retrait affectif et social, pessimisme, mauvaise estime de soi). Dans cette optique, Scharfe [33] montre que le modèle d’autrui de l’attachement interpersonnel, correspondant à la dimension évitante, est la conséquence de la survenue de l’état dépressif marqué par le repli sur soi et le détachement affectif et relationnel vis-à-vis d’autrui. Cette étude souhaite apporter un éclairage supplémentaire et nouveau concernant les liens entre styles d’attachement et dépression. Notre première hypothèse consiste à montrer qu’il existe une association forte en début d’hospitalisation (T1) entre la dépression et les styles d’attachement insecure dans les relations romantiques et

M. Reynaud et al. interpersonnelles. Les deux hypothèses suivantes constituent l’apport original de notre recherche en considérant plus spécifiquement l’évolution des styles d’attachement romantique et interpersonnel entre le début et la fin d’hospitalisation chez les femmes déprimées. Il s’agit de déterminer si les styles d’attachement actuels de l’adulte, romantique et interpersonnel, sont plutôt stables et indépendants de l’évolution de la sémiologie dépressive ou s’ils sont susceptibles au contraire de se modifier au cours de l’hospitalisation en fonction de la dépression.

Méthode Population La population est constituée de 50 femmes (âge moyen 44 ans et cinq mois [± neuf ans]) hospitalisées en Psychiatrie. Nous avons inclus les sujets femmes souffrant d’épisode dépressif majeur (DSM IV) et exclu les sujets ayant des troubles bipolaires et d’autres pathologies associées à la dépression (troubles alcooliques, toxicomanies) ainsi que les sujets non francophones. L’ensemble de cette population est d’origine européenne. Soixante-six pour cent des femmes déprimées ont un niveau Baccalauréat (20 % Bac +2 et 14 % < niveau bac). Les principales catégories socioprofessionnelles de notre groupe clinique sont les suivantes : 30 % d’employés, 20 % de professions intermédiaires, 18 % d’ouvriers et 16 % sont en formation ou sans activités professionnelles. Le diagnostic est réalisé préalablement par le psychiatre du service référent des patientes à l’aide d’un examen clinique puis, par le psychologue évaluateur ou praticien à partir d’un entretien clinique. L’inclusion du groupe des personnes déprimées est confirmée par des scores seuils aux échelles de dépression : Beck (> 15, dépression majeure) et Madrs (> 20). Pour 68 % de ces femmes, elles ont déjà vécu des épisodes dépressifs. La durée moyenne de l’état dépressif de notre groupe clinique est de sept mois et six jours (± neuf mois et 15 jours). Concernant le statut marital, 34 % des sujets sont en couple, 16 % sont célibataires, 46 % sont séparées et 4 % sont veuves. Il est à noter que 54 % des femmes déprimées (soit 27 femmes) ont vécu une séparation conjugale moins d’un an avant leur admission à l’hôpital. Celle-ci est considérée principalement par les patientes comme l’événement déclencheur de l’état dépressif. Ainsi, nous observons que 52 % des sujets déprimés ont fait une tentative de suicide moins de 6 mois avant l’admission à l’hôpital pour dépression (70 % des sujets déprimés ont déjà fait une tentative de suicide au cours de leur vie) et 42 % du groupe clinique présente également un trouble de la personnalité (Axe II, DSM IV). Les troubles de la personnalité rencontrés dans notre population clinique sont les suivants : personnalités évitantes (18 %), personnalités borderline (12 %), personnalités dépendantes (10 %) et personnalités histrioniques (2 %).

Procédure L’étude a rec ¸u l’avis favorable du Comité consultatif de protection des personnes dans la recherche biomédicale de Bourgogne. Après présentation de l’étude, les participants ont rempli un formulaire de consentement auprès

Évaluation des styles d’attachement chez des femmes adultes déprimées du psychiatre référent. Cette étude a consisté, en plus de l’entretien clinique, à effectuer en présence du psychologue deux évaluations psychologiques identiques sur différents questionnaires d’attachement (RQ, ECR) et de dépression (BDI, Madrs) en début d’hospitalisation (T1) (délai de cinq jours maximum après l’arrivée du patient) et en fin d’hospitalisation (T2) (délai de cinq jours maximum avant sa sortie définitive). Pour chaque temps d’évaluation, la passation était d’une heure. Quant à la durée d’hospitalisation moyenne, elle est de 24, 74 jours (± 15 jours).

Descriptif des outils L’inventaire abrégé de dépression de Beck (1972) Il s’agit d’une échelle d’autoévaluation de l’intensité dépressive. Celle échelle a été validée en France par Cottraux et al. (1985) [10]. Elle comprend 13 items. Les principaux éléments dépressifs appréhendés concernent les pensées dépressives, l’humeur dépressive et le ralentissement psychomoteur. Cet outil (échelle Lickert de 0 à 3) distingue différents niveaux d’intensité dépressive : dépression légère (4 à 7), dépression modérée (8 à 15) et dépression sévère (à partir de 16). La consistance interne est évaluée par le coefficient ␣ de Cronbach : elle de 0,85 à T1 et de 0,78 à T2. L’échelle de dépression de Montgomery et Asberg (1979) Il s’agit d’une échelle d’hétéroévaluation de la sémiologie dépressive (échelle Lickert de 0 à 6). Elle a été traduite par Lempérière et al. (1984) [22] et comprend dix items sensibles aux changements thérapeutiques : tristesse apparente ou exprimée, tension intérieure, insomnie, perte d’appétit, difficultés de concentration, lassitude, perte de sentiments, pessimisme, idées de suicide. La note d’inclusion minimale chez les sujets déprimés pour un essai est de 20—21. Les coefficients ␣ de Cronbach sont respectivement les suivants : T1 (0,83) et T2 (0,81). Il est à noter que les corrélations entre les deux échelles dépressives sont très bonnes (T1 : 0,78) (T2 : 0,90). Le questionnaire de perception des relations (RQ, Bartholomew et Horowitz, 1991) [2] Cet autoquestionnaire a été validé et adapté en langue francophone par Lussier en 1992 [23]. Il investigue les relations interpersonnelles actuelles, générales et sociales du sujet. Cette échelle mesure de manière dimensionnelle (échelle Lickert de 0 à 7) les quatre styles d’attachement : secure, démissionnaire, préoccupé et craintif. Cet autoquestionnaire comprend quatre descriptions faisant référence aux quatre styles d’attachement. Le questionnaire des expériences amoureuses (ECL, Brennan et al., 1998) [5] Ce questionnaire a été traduit par Lussier en 1998 et validé en langue francophone par Lafontaine et Lussier (QEAA) en 2003 [21]. Il se compose de 36 items mesurant l’attachement romantique de manière dimensionnelle. Le sujet obtient un score moyen aux deux dimensions évaluées par le questionnaire sur une échelle de Lickert (de 1 à 7) : les dimensions anxieuses (18 items) et évitantes (18 items) de l’attachement romantique. Les coefficients ˛ des deux

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dimensions sont les suivants : ˛ dimensions évitantes (T1 : 0,84 ; T2 : 0,82), ˛ dimensions anxieuses (T1 : 0,80 ; T2 : 0,81).

Analyse L’analyse statistique est effectuée avec le logiciel Statistica (Version 7) et compare les scores obtenus sur les questionnaires de dépression et d’attachement pour les mêmes sujets, à deux évaluations répétées : l’une à T1 (début d’hospitalisation) et l’autre à T2 (fin d’hospitalisation). Nous étudions également les liens de corrélation (Rho de Spearman, test non paramétrique) et de régression multiple entre les dimensions d’attachement et les scores de dépression à T1 et entre T1 et T2. Pour la comparaison de moyennes, nous utilisons le test du t de Student si la distribution de l’échantillon suit une loi normale et le test de Wilcoxon pour échantillons appariés si la distribution de l’échantillon ne suit pas une loi normale. Pour évaluer précisément les liens entre l’évolution de la dépression (BDI et Madrs) et l’évolution des styles d’attachement romantique et interpersonnel entre le début et la fin de l’hospitalisation, nous calculons les corrélations entre les différences (T1-T2) des scores de dépression et les différences des scores aux différentes dimensions d’attachement entre T1 et T2 (Rho de Spearman test non paramétrique). Une valeur de p égale ou inférieure à 0,05 est considérée comme significative.

Résultats Nos premiers résultats montrent bien un lien entre attachement interpersonnel et romantique de type insecure et dépression. En effet, l’intensité de la symptomatologie dépressive observée à T1 est corrélée positivement à la dimension « évitement » de l’attachement romantique ou amoureux (Rho : 0,400 ; p = 0,004) et négativement à la dimension secure de l’attachement interpersonnel (Rho : −0,281 ; p = 0,02). L’analyse de régression linéaire pas à pas montre que sur l’ensemble des dimensions d’attachement interpersonnel (secure, démissionnaire, préoccupé, craintif) et romantique (évitement, anxiété) mesurées à T1, seules les dimensions « évitement » (R2 : 0,170 ; F : 11,03 ; p = 0,002) et « anxiété » (R2 : 0,258 ; F : 9,52 ; p = 0,000) de l’attachement romantique sont fortement corrélées à la dépression à T1. Quant aux résultats associés aux hypothèses portant sur l’évolution de la dépression et des styles d’attachement au cours de l’hospitalisation, ils indiquent des changements entre le début (T1) et la fin de l’hospitalisation (T2) chez les sujets déprimés au niveau de l’intensité de la symptomatologie dépressive et des dimensions d’attachement. D’une part, l’intensité de la sémiologie dépressive baisse de manière significative comme le montrent les différences de scores aux échelles de Beck et de Madrs entre T1 et T2 (Tableau 1). D’autre part, l’étude des dimensions d’attachement dans les relations interpersonnelles (RQ) indique une augmentation de l’attachement secure et une diminution de l’attachement craintif durant cette même période. En revanche, les dimensions démissionnaire et préoccupée de l’attachement interpersonnel ne se modifient pas significativement entre T1 et T2,

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M. Reynaud et al.

Tableau 1 Comparaison des scores de dépression et des dimensions d’attachement interpersonnel et romantique entre T1 (début hospitalisation) et T2 (fin hospitalisation) pour le groupe de femmes déprimées. T1 (n = 50) Moyenne et écart-type

T2 (n = 50) Moyenne et écart-type

t ou z ; p ; puissance

Score dépression (Beck)

22,02 (4,55)

12,78 (7,54)

Score dépression (Madrs)

33,82 (6,9)

18,88 (11,38)

t = 10,81 ; p = 0,000 puissance = 0,999 t = 12, 03 ; p = 0,000 puissance = 0,999 Z = −2,60 ; p = 0,009 puissance = 0,823 Z = −0,19 ; p = 0,841 puissance = 0,073 Z = −1,59 ; p = 0,112 puissance = 0,467 Z = −1,89 ; p = 0,050 puissance = 0,588 Z = −0,37, p = 0,703 puissance = 0,099 Z = −0,14 ; p = 0,879 puissance = 0,070

Attachement interpersonnel Sécure (RQ) Attachement interpersonnel Démissionnaire (RQ) Attachement interpersonnel Préoccupé (RQ) Attachement interpersonnel Craintif (RQ) Attachement romantique− dimension anxiété (ECR) Attachement romantiquedimension évitement (ECR)

2,82 (1,97)

3,46 (2,10)

2,26 (2,13)

2,26 (2,36)

3,70 (2,45)

4,04 (1,63)

4,50 (2,36)

4,16 (2,30)

4,57 (1,19)

4,55 (1,30)

3,45 (1,46)

3,46 (1,50)

aussi ces dimensions restent plutôt stables au cours de l’hospitalisation. Nous observons la même stabilité pour les dimensions d’attachement liées à l’anxiété et à l’évitement dans les relations romantiques (ECR) (Tableau 1). En effet, les résultats ne montrent pas de différences significatives entre T1 et T2 pour les dimensions évitantes et anxieuses de l’attachement romantique. En outre, les calculs de puissance élevés confortent les différences significatives observés dans notre étude entre T1 et T2 (puissance > 0,822) (Tableau 1). Enfin, nous observons une corrélation significative entre l’évolution (différence de corrélations) de l’intensité de la sémiologie dépressive entre T1 et T2 et l’évolution de la sécurité d’attachement dans les relations interpersonnelles, ainsi la sécurité d’attachement augmente quand l’intensité de la sémiologie dépressive baisse (Tableau 2). Nous ne retrouvons pas ce lien avec la dépression pour les autres dimensions d’attachement dans les relations interpersonnelles (RQ) ou romantiques (ECR). L’analyse statistique de régression linéaire pas à pas conforte ce résultat puisque sur l’ensemble des différents scores d’évolution des styles d’attachement interpersonnel et romantique entre T1 et T2, seule l’évolution de la sécurité d’attachement interpersonnel est corrélée significativement à l’évolution du niveau de dépression entre T1 et T2 (R2 : 0,161 ; R2 ajusté : 0,161 ; F = 9,234 ; p = 0,004) (Tableau 2). Par ailleurs, les femmes déprimées ayant vécu une séparation amoureuse à moins d’un an de leur admission à l’hôpital ne se distinguent pas des sujets sans séparation amoureuse sur l’ensemble des différents styles d’attachement romantique et interpersonnel. Nous n’observons aucune différence significative entre ces deux groupes avec le test U de Mann-Whitney. Il est à noter également que les femmes déprimées ayant présenté une TS moins de six mois avant leur admission à l’hôpital ne se différencient pas des femmes déprimées ne présentant pas

de TS au niveau des différents styles d’attachement romantique et interpersonnel. Nous n’observons pas non plus de différences significatives entre ces deux groupes avec le test U de Mann-Whitney.

Discussion Les résultats de cette étude confirment notre première hypothèse selon laquelle il existe un lien fort entre l’attachement romantique et interpersonnel de type insecure et la dépression. En effet, un plus haut niveau de sécurité d’attachement dans les relations interpersonnelles est associé à un niveau de dépression plus faible tandis qu’un haut niveau d’évitement et d’anxiété dans l’attachement romantique est associé à des scores de dépression plus importants. Ce résultat est conforme à la littérature qui observe une relation négative entre la symptomatologie dépressive et la dimension secure de l’attachement interpersonnel [7,25,30,31,33,40,41,43]. Ainsi, la dépression semble liée à une perception moins confiante et sécurisante des relations interpersonnelles, renvoyant à une image plus négative de soi et d’autrui. La clinique de la dépression illustre bien cet aspect : le sujet déprimé exprime une estime de soi faible [27] et une perte d’espoir et de confiance vis-à-vis de la possibilité d’établir ou de maintenir des liens affectifs avec autrui. Bowlby [3] avait insisté sur ce sentiment de désespoir du sujet déprimé, lié à son incapacité à nouer des liens affectifs avec ses figures d’attachement. Pour lui, la faible sécurité d’attachement du sujet déprimé dans les relations interpersonnelles est à relier au développement antérieur d’un modèle d’attachement marqué par un modèle de soi « indigne d’être aimé » et par un modèle d’autrui dans lequel la figure d’attachement est « indisponible et rejetante ».

0,042 (p = 0,770) 0,006 (p = 0,966) −0,360 (p = 0,010) −0,113 (p = 0,436) −0,080 (p = 0,578)

0,178 (p = 0,213)

0,084 (p = 0,564) −0,309 (p = 0,029) 0,070 (p = 0,629)

Évolution du score de dépression (BDI) Évolution du score de dépression (Madrs)

−0,196 (p = 0,173)

−0,212 (p = 0,139)

−0,030 (0,838)

Évolution dimension Craintive (RQ) Évolution dimension Préoccupée (RQ) Évolution dimension Démissionnaire (RQ) Évolution dimension Sécure (RQ) Évolution dimension Évitement (ECR) Évolution dimension Anxiété (ECR)

Tableau 2 Liens entre l’évolution de la dépression (T1-T2) et l’évolution des dimensions d’attachement romantique (ECR) et interpersonnel (RQ) entre T1 et T2 (Corrélations Rho de Spearman).

Évaluation des styles d’attachement chez des femmes adultes déprimées

387

Quant aux dimensions évitantes et anxieuses de l’attachement romantique retrouvées chez la personne déprimée, elles expriment à la fois et de manière paradoxale un détachement affectif et relationnel vis-à-vis du partenaire, associé à une peur intense d’être abandonné [5]. Ce détachement pourrait être compris comme une tentative pour le sujet de se prémunir ou de se protéger d’un rejet ou d’un abandon éventuel de son partenaire [36,38,39]. Le vécu d’insécurité amoureuse est particulièrement fort chez les femmes déprimées de notre étude, qu’elles soient séparées ou encore en couple. En effet, même en couple, les femmes déprimées ressentent un attachement insecure anxieux ; ce qui peut s’expliquer par l’existence de difficultés conjugales (70 % du groupe clinique). Comme le montrent nos résultats, l’insécurité d’attachement dans les relations amoureuses et sa stabilité au cours de l’hospitalisation n’est pas uniquement imputable à la présence effective d’une séparation conjugale récente (moins d’un an) même si celle-ci est relativement fréquente au sein de notre groupe clinique (54 %). Quant aux hypothèses portant sur les liens dans leur évolution entre la dépression et les styles d’attachement, nos résultats montrent tout d’abord que les dimensions relatives à l’attachement romantique sont d’une plus grande stabilité que celles liées à l’attachement interpersonnel au cours de l’hospitalisation. En effet, seules les dimensions secure et craintive de l’attachement interpersonnel sont modifiées entre le début et la fin de l’hospitalisation. Ce résultat accrédite la deuxième hypothèse selon laquelle il y aurait une certaine stabilité de l’attachement romantique et une indépendance de celuici vis-à-vis de la diminution de la dépression au cours de l’hospitalisation. Selon plusieurs auteurs [11,28,37], les modèles d’attachement romantique sont des modèles plus stables que les modèles d’attachement interpersonnel. Plusieurs modèles explicatifs rendent compte de cette différence. D’une part, l’attachement romantique concerne principalement le partenaire alors que l’attachement interpersonnel renvoie plus globalement à un modèle d’attachement général pouvant être lié à un entourage plus large. Ainsi, l’attachement interpersonnel est divers et peut aussi varier plus facilement en fonction de l’entourage relationnel actuel [11,26]. D’autre part, le partenaire amoureux semble correspondre spécifiquement à la figure d’attachement stable de l’adulte comme ce fut le cas des parents dans l’enfance [18] (recherche d’intimité et de sécurité affective auprès du partenaire). Alors que les relations romantiques dépendent essentiellement des liens tissés avec le partenaire amoureux, les relations interpersonnelles sont induites par le modèle interne opérant du sujet, appliqué dans tout échange social [28,34]. Une étude de Hazan et Shaver [19] réalisée auprès de 100 adultes confirme ce point : si à l’âge adulte, la proximité affective peut être recherchée auprès d’amis, seul le partenaire amoureux peut apporter une base de sécurité stable. Notre étude met en évidence un résultat original concernant l’évolution de la sécurité d’attachement interpersonnel en lien avec la dépression. Contrairement aux hypothèses de Bowlby [3] et de la perspective prototypique, notre étude montre que l’attachement interpersonnel secure se modifie au cours de l’hospitalisation en fonction

388 de l’évolution de la dépression (troisième hypothèse). Les résultats de notre étude indiquent plus précisément que l’augmentation de la sécurité d’attachement interpersonnel entre le début et la fin d’hospitalisation est fortement corrélée à la diminution de la dépression au cours de cette même période, ce qui n’est pas observé pour les autres dimensions d’attachement. Ce qui pourrait indiquer une interdépendance forte entre ces deux dimensions. Des études ont pourtant montré que la sécurité d’attachement est relativement stable dans le temps contrairement à la préoccupation ou au détachement [1]. Notre étude semble ainsi indiquer que la sécurité d’attachement est à relier au vécu particulier et négatif de la dépression et à la dynamique psychique et relationnelle actuelle du sujet. La souffrance psychique et relationnelle du sujet, marquée à la fois par la dépression et par la baisse de la sécurité d’attachement, peut représenter l’expression conjointe et complexe de son vécu actuel provisoire. Ainsi, l’amélioration de l’état dépressif actuel du sujet semble aller de paire avec une perception plus confiante et sécurisante du sujet vis-à-vis de ses relations interpersonnelles. Ces résultats invitent à tenir compte dans un travail thérapeutique auprès de sujets déprimés de la composante émotionnelle et relationnelle liée à l’attachement présent et passé. En investiguant l’attachement adulte, le travail thérapeutique consistera à distinguer et à comprendre ce qui est modifiable et lié au vécu dépressif sur une courte période (l’attachement interpersonnel, la représentation interne de soi) de ce qui est plus stable, plus ancré et plus ancien dans le fonctionnement psychologique comme les représentations d’attachement et les sentiments liés au partenaire amoureux. Notre étude comporte plusieurs limites : la population spécifique (hospitalisée), la taille de l’échantillon et la durée d’hospitalisation qui reste assez brève et variée (14 à 75 jours) ont pu avoir un impact sur nos résultats. Des différences importantes sont à noter sur la durée de l’hospitalisation entre les sujets déprimés. La décision médicale de sortie d’hospitalisation est liée cliniquement à une baisse significative de la symptomatologie dépressive. Néanmoins, lorsque les hospitalisations sont longues, les personnes continuent à présenter un niveau de dépression important à leur sortie. Ce constat conduit aux disparités suivantes : les personnes (28 %) présentant des hospitalisations longues sont davantage déprimées et présentent un attachement interpersonnel plus craintif que les personnes (72 %) ayant des hospitalisations plus brèves. De prochaines études devraient prendre en considération plusieurs points : étayer les questionnaires par des observations plus qualitatives, proposer une étude sur une durée plus importante et qui tienne compte de manière plus systématique des variables permettant d’éclaircir et de comprendre davantage les liens dans leur évolution (stabilité/changement) entre la dépression et les styles d’attachement (la qualité de vie, l’estime de soi — en lien avec le « modèle de soi » de l’attachement interpersonnel — des données cliniques plus approfondies notamment sur l’histoire de la dépression, du couple et des liens d’attachement anciens et actuels, les événements vécus stressants et le rôle de la personnalité).

M. Reynaud et al.

Conclusion Notre étude a montré que la dépression était associée à une augmentation des dimensions « évitement » et « anxiété » de l’attachement romantique et à une baisse de la sécurité de l’attachement interpersonnel. Ces liens indiquent l’existence chez le sujet déprimé d’un modèle d’attachement de soi et d’autrui négatif et d’un détachement relationnel et affectif vis-à-vis du partenaire. Nos résultats montrent également une grande stabilité des styles d’attachement romantique au cours de l’hospitalisation malgré l’amélioration de l’état dépressif des sujets alors que la dimension secure de l’attachement interpersonnel semble davantage se modifier en fonction de l’évolution de la dépression. Aussi, l’attachement du sujet reflète en partie son vécu dépressif actuel et l’amélioration de sa dépression est liée conjointement à une perception plus sécurisante de soi et de ses relations interpersonnelles. Notre étude comporte différentes implications cliniques et théoriques. Au regard des styles d’attachement romantique et interpersonnel, cette étude apporte une nouvelle compréhension de la dépression dans ses relations avec l’attachement et des indications pour le travail thérapeutique. Elle souligne l’intérêt de prendre en considération les différents niveaux (attachements amoureux et interpersonnel) et les dimensions d’attachement, ainsi que leur stabilité ou changement, en lien avec l’évolution de la dépression.

Déclaration d’intérêt Les auteurs déclarent ne pas avoir de conflits d’intérêts en relation avec cet article.

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