Évolution du spectre de la neuromyélite optique de Devic

Évolution du spectre de la neuromyélite optique de Devic

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Pour citer cet article : Bernard-Valnet R, Marignier R. Évolution du spectre de la neuromyélite optique de Devic. Presse Med (2014), http://dx.doi.org/10.1016/j.lpm.2014.05.030 Presse Med. 2014; //: ///

Évolution du spectre de la neuromyélite optique de Devic

Mise au point

NEUROLOGIE

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Raphaël Bernard-Valnet 1, Romain Marignier 2,3

Disponible sur internet le :

1. Centre de physiopathologie de Toulouse Purpan, Inserm U1043, CNRS, UMR 5282, 31024 Toulouse cedex 03, France 2. Hospices civils de Lyon, hôpital neurologique Pierre-Wertheimer, fondation Eugène Devic EDMUS, observatoire français de la sclérose en plaques, service de neurologie A, 69677 Lyon-Bron cedex, France 3. Centre de recherche en neurosciences de Lyon, équipe ONCOFLAM, Inserm U1028, CNRS, UMR 5292, 69675 Bron cedex, France

Correspondance : Romain Marignier, Hospices civils de Lyon, hôpital neurologique Pierre-Wertheimer, GHE, fondation Eugène Devic EDMUS, service de neurologie A, 59, boulevard Pinel, 69677 Lyon-Bron cedex, France. [email protected]

Points essentiels

tome xx > n8x > mois année http://dx.doi.org/10.1016/j.lpm.2014.05.030 © 2014 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

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La neuromyélite optique de Devic (NMO) est une maladie rare inflammatoire du système nerveux central, définie par des poussées de myélite transverse et de névrite optique. Lors de la dernière décennie, la compréhension et la prise en charge de cette maladie ont progressé de manière fulgurante. Elle est caractérisée par la présence d'auto-anticorps dirigés contre l'aquaporine 4 (anti-AQP4). Détectables dans le sérum chez 75 % des patients environ, les anti-AQP4 sont un biomarqueur diagnostique et pronostique. Leur découverte a permis l'élargissement du spectre de la NMO à des formes isolées de myélite ou de névrite optique rétrobulbaire, ainsi qu'à des formes avec atteintes encéphaliques ou du tronc cérébral. L'élargissement du spectre de la maladie a fait proposer le terme d'« aquaporinopathie auto-immune ». Les anti-AQP4 jouent un rôle clé dans la pathophysiologie de la NMO par leur fixation sur leur cible à la surface des astrocytes. Cette fixation va entraîner l'activation du complément et le recrutement de cellules immunes effectrices, conduisant à une perte astrocytaire. À côté de cet effet « inflammatoire », l'anti-AQP4 peut également exercer une action modulatrice à l'origine d'un dysfonctionnement astrocytaire, potentiellement réversible. Il n'y a toujours pas de gold standard concernant le protocole thérapeutique. Ceci devrait cependant être bouleversé dans les années à venir avec la mise en place d'essais cliniques randomisés en double insu. Le consensus actuel repose, en première intention, sur une immunosuppression générale (azathioprine, mycophénolate mofétil) ou sélective (rituximab). Les thérapeutiques de première et seconde intentions utilisées en routine dans la sclérose en plaques semblent inefficaces voire délétères.

Pour citer cet article : Bernard-Valnet R, Marignier R. Évolution du spectre de la neuromyélite optique de Devic. Presse Med (2014), http://dx.doi.org/10.1016/j.lpm.2014.05.030

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Malgré l'amélioration des tests de détection des anti-AQP4, 25 % des patients restent séronégatifs pour l'anti-AQP4. Ces patients ont des caractéristiques distinctes des séropositifs. Cela soulève la question de la place de ce groupe de patients dans le nouveau spectre de la maladie, des mécanismes physiopathologiques propres à ce groupe et de la stratégie thérapeutique à leur proposer.

Key points Evolution of Devic's neuromyelitis optica spectrum disorders Neuromyelitis optica (NMO) is a rare inflammatory disorder of the central nervous system affecting mostly the optic nerve and the spinal cord. These last few years have been characterized by a dramatic improvement of NMO knowledge and care. A unique feature of NMO is the presence of autoantibodies directed against aquaporin-4 (AQP4-Ab). Identification of this biomarker has enlarged the clinical spectrum of the disease to a broad variety of symptoms and syndromes including brain, brainstem and hypothalamus involvement. This modifies the acknowledged definition of NMO, switching from a clinical phenotype to a biological one and introducing the concept of "aquaporinopathy'' or "autoimmune AQP4 channelopathy''. AQP4-Ab plays an important role in NMO pathophysiology. In vitro and ex vivo experiments showed that AQP4-Ab can induce either direct astrocyte loss through complement activation (neuroinflammation) or astrocyte changes via internalization of AQP4 (neuromodulation). Recently, T cell involvement in NMO has been suggested. Based on relatively small retrospective and prospective case series, several treatments appear to be likely effective in preventing attacks and stabilizing disability in NMO patients. Relapse prevention in NMO is based on early and maintenance immunosuppressive treatments. Considering the antibody-driven hypothesis, treatment should target B-cells. MS-approved therapies are not currently recommended for NMO patients, several series suggesting poor efficacy or harmful effects. Despite recent improvement of the detection method, some patients remain seronegative for AQP4-Ab. This group expresses specific demographic and disease-related features different for AQP4-Ab positive ones. This raises the question of the place of seronegative AQP4-Ab NMO patients in the spectrum, of their intimate physiopathology and finally of the therapeutic strategy to adopt in such patients.

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a neuromyélite optique de Devic (NMO) est une maladie inflammatoire et démyélinisante du système nerveux central (SNC). Elle se caractérise par des poussées de myélite transverse et de neuropathie optique rétrobulbaire (NORB). C'est une pathologie rare mais potentiellement grave avec un risque de morbi-mortalité élevé sans traitement adapté. Décrite à Lyon en 1894 par Eugène Devic et Fernand Gault, la NMO restera longtemps considérée comme une forme particulière de sclérose en plaque (SEP). Néanmoins, depuis une quinzaine d'années, les données épidémiologiques, immunologiques et anatomopathologiques ont permis de montrer une différence entre NMO et SEP. C'est surtout la mise en évidence d'un autoanticorps dirigé contre l'aquaporine 4 (anti-AQP4 ou NMO-IgG), spécifique de la NMO, qui a permis de distinguer clairement la NMO de la SEP [1,2]. Ce biomarqueur fait maintenant partie des

critères diagnostiques de la maladie et a également été à l'origine d'un élargissement du spectre clinico-radiologique de la maladie [3,4]. La découverte du rôle pathogène de cet autoanticorps a permis de mieux comprendre la physiopathologie de la NMO qui doit être maintenant considérée comme une astrocytopathie auto-immune. Enfin, cette meilleure compréhension de la maladie a abouti au développement de nouvelles stratégies thérapeutiques [5,6]. Néanmoins, le spectre de cette maladie reste en constante évolution depuis l'identification des auto-anticorps anti-AQP4 et de nouvelles questions se posent aujourd'hui, notamment celle de l'élargissement de la définition de la NMO, de la place des patients séronégatifs dans le nouveau spectre de la maladie et celle de la prise en charge thérapeutique de ces patients à l'ère des premiers essais thérapeutiques.

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Pour citer cet article : Bernard-Valnet R, Marignier R. Évolution du spectre de la neuromyélite optique de Devic. Presse Med (2014), http://dx.doi.org/10.1016/j.lpm.2014.05.030 Évolution du spectre de la neuromyélite optique de Devic

Dans cette mise au point, nous nous attacherons à compléter notre revue précédente [7] à la lumière des dernières découvertes dans le champ de la NMO. Après un bref rappel sur les critères diagnostiques actuels et les méthodes de détection des anti-AQP4, nous insisterons plus particulièrement sur :  les nouveautés épidémiologiques ;  l'élargissement du spectre clinico-radiologique de la maladie ;  les nouveautés biologiques ;  les avancés physiopathologiques ;  les nouveautés thérapeutiques. Une vignette spécifique sera proposée concernant la problématique des NMO séronégatives pour les anti-AQP4.

Rappels sur les critères diagnostiques et les auto-anticorps anti-AQP4

Encadre 1 Critères 2014 de la NMO Le terme de NMO disparaît au profit de l'appellation générique « neuromyelitis optica spectrum disorders » (NMOSD). Elle regroupe deux entités ayant des critères diagnostiques distincts :  les patients séropositifs pour l'anticorps anti-AQP4. Les critères associés nécessaires dans ce cas sont relativement simples et larges, incluant des symptômes cliniques et/ou des données IRM pouvant être en rapport avec une atteinte du nerf optique, de la moelle épinière, du tronc cérébral, du diencéphale ou de l'encéphale : – les patients séronégatifs pour l'anticorps anti-AQP4. Dans ce cas, des critères cliniques et IRM plus complexes et plus stricts sont nécessaires, – dans les deux cas, des « drapeaux rouges » sont également proposés afin de limiter le risque d'un diagnostic trop large.

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Définition selon les critères de Wingerchuk

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Détection des anticorps anti-AQP4 Depuis leur découverte en 2004, les Ac anti-AQP4 ont pris une importance cruciale dans le diagnostic de la NMO. Ils sont aussi un biomarqueur pronostique. Leur présence permet en effet de prédire la conversion des épisodes isolés de myélite transverse ou de névrite optique vers la NMO. Par ailleurs, chez les patients NMO, le taux d'Ac semble corrélé avec l'activité de la maladie. Une élévation des Ac anti-AQP4 est ainsi observée lors des rechutes. Enfin, et nous y reviendrons dans un chapitre spécifique, cette découverte a permis l'élargissement du spectre de la maladie et l'intégration de patients avec des formes limitées mais séropositifs pour les anti-AQP4. La détection de ces autoanticorps est donc capitale dans la prise en charge de la maladie. L'ensemble des données actuelles s'accorde à dire que ce biomarqueur doit être recherché en priorité dans le sérum et non dans le LCR. Le problème principal est celui de la méthode utilisée pour leur détection. La méthode classique et historique de détection des anticorps spécifiques de la NMO, appelés initialement NMO-IgG, repose sur l'immuno-histochimie sur coupe de tronc cérébral et cervelet [1]. Cette technique a plusieurs avantages. Elle est reproductible puisque de nombreuses équipes l'ont développée avec succès. Elle est relativement peu coûteuse. Surtout, elle ne préjuge pas de la cible antigénique et peut donc être utilisée pour la détection de plusieurs types d'auto-anticorps dans le cadre d'un screening à large échelle. Cependant, il existe plusieurs limites à cette méthode. Le problème principal vient de sa sensibilité relativement faible. Selon les travaux publiés, elle varie de 38 à 87 % ; elle était de 54 % dans notre étude [9]. L'autre problème est son caractère subjectif qui rend ce test très dépendant de l'opérateur. Il existe ainsi un risque de fausse positivité, particulièrement en cas de présence d'autres auto-anticorps dans le sérum de patients, notamment les anticorps anti-nucléaires.

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Selon les critères proposés en 2006 [3], le diagnostic de NMO doit être évoqué face à un patient ayant deux critères cliniques principaux, une myélite transverse et une névrite optique, associés à au moins deux des trois critères paracliniques suivants : IRM cérébrale non évocatrice de SEP, IRM médullaire avec une lésion  3 segments vertébraux (myélite transverse longitudinale étendue), sérologie positive pour les NMO-IgG/ anti-AQP4. Ces nouveaux critères avaient pour principal objectif d'inclure les NMO-IgG/anti-AQP4 dans le raisonnement diagnostique. Seconde modification, ils n'excluaient plus, de facto, les atteintes en dehors du nerf optique et de la moelle épinière, notamment encéphalique, à la différence des critères précédents [8]. Cependant, cette proposition ne permet pas d'inclure les patients ayant une atteinte limitée au nerf optique ou à la moelle épinière, séropositifs pour les antiAQP4. C'est pour cela que dès 2007, le terme de « NMO spectrum disorder » (NMOSD) a été introduit afin d'incorporer ces formes débutantes dans le champ de la NMO [4]. Ce terme inclus également les NMO cliniquement certaines avec atteinte encéphalique, les NMO associées aux maladies de système et les formes de SEP japonaise optico-médullaires. Il existe toutefois toujours une légère confusion sur le terme de NMOSD, mal traduit en français par « syndrome à haut risque de NMO ». De nouveaux critères diagnostiques viennent d'être proposés lors du récent congrès de l'American Academy of Neurology. Ils ont été élaborés par un panel d'experts internationaux, répartis en différents groupe de travail, se basant sur une revue très complète de la littérature (encadré 1). Ces experts ont également élaboré des recommandations pour les formes pédiatriques de NMO, les formes dites « monophasiques », les « SEP asiatiques optico-spinales » et les tests de détection des anti-AQP4. Ces critères nécessiteront par ailleurs une validation dans la pratique clinique avant d'être formellement acceptés.

Pour citer cet article : Bernard-Valnet R, Marignier R. Évolution du spectre de la neuromyélite optique de Devic. Presse Med (2014), http://dx.doi.org/10.1016/j.lpm.2014.05.030

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Ces limites et difficultés ont poussé au développement d'autres méthodes. L'identification rapide de la cible du marquage NMO-IgG, a permis la mise en place de tests spécifiquement dirigés contre AQP4. D'ailleurs, le terme anticorps anti-AQP4 tend à remplacer la dénomination NMO-IgG bien que ces deux appellations ne recouvrent pas exactement la même entité. En effet, le marquage péri-vasculaire NMO-IgG peut être lié à différentes structures antigéniques au sein du SNC et pas seulement l'AQP4. Depuis 2005, de nombreuses équipes ont développé des tests de détection basés sur l'utilisation de la protéine recombinante AQP4 : immunocytochimie, immunoprécipitation en fluorescence (FIPA) et radioactivité (RIPA), ELISA et western blot. Toutes ces techniques ont leurs avantages et limites. L'ELISA, le FIPA et le RIPA sont des méthodes standardisées, très reproductibles et semi-quantitatives. Le RIPA et le western blot sont difficiles d'utilisation en routine et les résultats publiés peu concluants. Faciles à utiliser pour un laboratoire non spécialisé, les techniques FIPA et ELISA ont une sensibilité qui reste moyenne. Cela est probablement lié au fait que le ou les épitopes majoritairement reconnus par les anticorps anti-AQP4 du sérum de patient sont conformationnels et que le FIPA, de même que l'ELISA, sont, par définition, dénaturants pour l'organisation en superstructure de la protéine. Donc, bien qu'actuellement il n'existe toujours pas de méthode de référence reconnue pour l'identification de cet auto-anticorps [10], les tests les plus sensibles et les plus spécifiques sont basés sur l'immunocytochimie (cell-based assay), utilisant la protéine recombinante AQP4, principalement son isoforme M23. Plusieurs travaux comparatifs récents vont dans ce sens [11–13]. Il faut cependant garder en tête que cette approche ne permet de détecter, bien entendu, que les auto-anticorps dirigés contre l'AQP4. Certains auteurs proposent la combinaison de deux tests : d'une part, l'immuno-histochimie pour le screening des sérums, qui ne limite pas la recherche aux anti-AQP4 et, d'autre part, un test hautement sensible pour l'AQP4. Cette approche nous paraît assez peu réaliste car coûteuse, chronophage et finalement peu rentable en routine. À l'avenir, la combinaison d'un test quantitatif et qualitatif, utilisant les propriétés des Ac anti-AQP4 (activation du complément, endocytose de l'AQP4) nous semble beaucoup plus prometteuse. Au-delà de la détection des auto-Ac, les tests fonctionnels permettraient d'associer une modulation de fonction liée à l'anticorps, à un critère clinique, notamment le degré de récupération après une poussée. Cela permettrait d'adapter plus finement le traitement.

Nouveautés épidémiologiques Études de cohorte

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Ces dernières années ont été marquées par la multiplication d'études de cohorte de taille importante, la plupart à l'échelle nationale, venant renforcer les connaissances épidémiologiques

de la NMO : études du groupe français NOMADMUS [14], étude danoise populationnelle [15], cohorte allemande NEMOS [16], collaboration britannique et japonaise [17], collaboration multicentrique américaine [18]. Ces études ont permis de confirmer que l'âge médian de déclaration de la NMO est autour de 40 ans, avec néanmoins des formes à début pédiatrique ou à début très tardif après 80 ans. Le sex-ratio est variable selon les études et surtout selon le statut sérologique des patients. Il est estimé supérieur à 5 F/ 1 M chez les patients séropositifs et proche de 1 chez les séronégatifs. Initialement décrite comme monophasique, il semble que la plupart des patients NMO développent des poussées s'ils sont suivis assez longtemps. La fréquence des poussées est cependant d'estimation difficile car elle dépend du statut anti-AQP4. Par ailleurs, le passage, ces dernières années de cohortes d'histoire naturelle à des cohortes traitées, complique aussi cette estimation. Élément important révélé par ces études de cohorte, le tableau inaugural semblerait associé à l'âge de début de la maladie. Avant 50 ans, il est plus fréquent de débuter une NMO par une poussée de NORB alors que les formes tardives démarrent plus volontiers par un épisode de myélite. Ceci expliquerait l'évolution plus rapide vers un handicap moteur irréversible des formes à début tardif.

NMO et grossesse Deux études indépendantes, l'une française pour le groupe NOMADMUS et l'autre internationale, se sont récemment intéressées au devenir de la NMO lors de la grossesse et du postpartum [19]. Au cours de la NMO, il semblerait que la grossesse soit associée à une diminution faible de la fréquence des poussées pendant le premier trimestre mais à une augmentation importante par la suite avec un pic lors du premier trimestre du post-partum et un taux annualisé de poussées multiplié en moyenne par deux. Ce taux revient normal environ un an après l'accouchement (figure 1). Aucune modification de l'activité de la maladie n'était associée à l'allaitement maternel ou à l'analgésie péridurale. Ces résultats, bien que préliminaires sur un nombre réduit de grossesse, justifient un suivi rapproché et le maintien d'un traitement immunoactif au cours de la grossesse.

Élargissement du spectre clinicoradiologique de la NMO L'utilisation du test de détection des NMO-IgG/anti-AQP4 a rapidement été suivie d'un élargissement du spectre de la NMO à d'autres tableaux cliniques qui partagent le même processus physiopathologique et correspondent à la même maladie, mais observé à un temps différent. Parmi ces tableaux cliniques, on trouve :  les myélites aiguës transverses longitudinales étendues (MATLE) isolées, récidivantes ou non, séropositives pour les anti-AQP4. Pour rappel, le caractère extensif correspond à une

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Pour citer cet article : Bernard-Valnet R, Marignier R. Évolution du spectre de la neuromyélite optique de Devic. Presse Med (2014), http://dx.doi.org/10.1016/j.lpm.2014.05.030 Évolution du spectre de la neuromyélite optique de Devic

Figure 1 Évolution du taux annualisé de poussées lors de la grossesse et du post-partum dans la NMO (en rouge) et dans la SEP (en bleu) A-1 : année avant le début de la grossesse ; T1/2/3 : 1er/2e/3e trimestre de grossesse ; PP1/2/3 + 4 : 1er/2e/3e + 4e trimestre post-partum ; NMO : neuromyélite optique de Devic ; SEP : sclérose en plaque. Adapté de [19].

était lié au passage de ces anticorps au niveau de l'area postrema. D'autres manifestations beaucoup moins spécifiques ont été rapportées à type de diplopie, nystagmus, vertige, trouble de l'audition. Plus intéressant, des cas de prurit neuropathique isolé ont été rapportés. L'élargissement du spectre de la maladie à ces atteintes en dehors du nerf optique et de la moelle épinière, parfois de manière exclusive, a fait proposer à certains auteurs le terme d'« aquaporinopathie auto-immune ». Ce terme fait un parallèle aux champs émergents des synaptopathies auto-immunes en rapport avec un tableau d'encéphalite limbique. La maladie ne serait plus alors définie par un phénotype clinico-radiologique mais sur des critères biologiques et physiopathologiques. Ce changement de définition, logique à de nombreux point de vue, pose tout de même le problème de la place des NMO séronégatives pour l'anti-AQP4 dans ce nouveau spectre. Nous consacrons une vignette spécifique à cette question (disponible en complément électronique).

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Nouveautés biologiques De nouveaux biomarqueurs ?







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Auto-anticorps anti-MOG Ils ont été récemment mis en évidence dans le sérum de patients NMO par deux équipes indépendantes [21]. À noter que la technique de détection utilisée repose sur le cell-based assay, beaucoup plus spécifique que les tests précédents basés sur l'ELISA. De façon intéressante, les Ac anti-MOG sont retrouvés uniquement dans le sérum des patients NMO et NMOSD séronégatifs pour les anti-AQP4 (respectivement 7/21 et 4/27 séronégatifs). On peut alors se poser la question d'un mécanisme physiopathologique différent chez ces patients et qui affecterait directement l'oligodendrocyte. Néanmoins, pour le moment, la pathogénicité de ces Ac n'a pas été démontrée. Auto-anticorps anti-aquaporine 1 Certains patients auraient des anticorps dirigés contre une autre aquaporine, exprimée elle aussi par l'astrocyte, l'aquaporine 1. Ces anticorps seraient présents soit de façon isolée, soit associés aux anti-AQP4. Cependant, ces résultats sont à interpréter avec beaucoup de précautions car issues d'une seule équipe, utilisant une méthode de détection peu spécifique et des critères d'inclusion discutables. Nous attendrons donc une confirmation par d'autres équipes avant de nous prononcer sur l'intérêt potentiel de ce biomarqueur. Glial fibrillary acid protein (GFAP) Plusieurs équipes ont montré que le taux de la protéine GFAP, marqueur astrocytaire spécifique, est très fortement augmenté dans le LCR des patients NMO en cours de poussée, en comparaison à d'autres pathologies du SNC, inflammatoires ou non [22]. Cette libération de GFAP est probablement le reflet du processus de destruction astrocytaire qui a lieu au cours des poussées de NMO. Un taux élevé de GFAP dans le LCR a

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lésion étendue sur au moins trois segments vertébraux à l'IRM médullaire. Ce syndrome clinico-radiologique est fortement associé à la NMO mais d'autres diagnostics peuvent être évoqués en cas d'absence d'anti-AQP4. Une mise au point du groupe NOMADMUS vient d'ailleurs d'être proposée concernant ce syndrome [20] ; les NORB isolées atypiques : elles se distinguent cliniquement des NORB classiques de la SEP par leur caractère sévère et/ou bilatéral, simultané et/ou unilatéral récidivant, éventuellement alternant et/ou ayant une mauvaise récupération. La présence de l'anti-AQP4 est associée à un risque élevé de nouvelle poussée ; les tableaux de NMO avec des lésions encéphaliques à l'IRM, symptomatiques ou non. De nombreux cas d'atteinte encéphalique ont été rapportés, essentiellement dans des cohortes asiatiques. Les plus caractéristiques sont des tableaux clinicoradiologique de type encéphalomyélite aiguë disséminée, ce qui soulève la question de la recherche des anti-AQP4 devant ce tableau clinique ; les atteintes de l'encéphale « spécifiques » de la NMO. Il a ainsi été décrit, chez quelques rares patients, une atteinte IRM préférentielle dans l'hypothalamus avec parfois des symptômes neurologiques associés de type hypersomnie ou trouble de l'alimentation ; les atteintes isolées du tronc cérébral. Elles semblent être également relativement communes. Les manifestations les plus caractéristiques sont des tableaux de nausées, vomissements ou hoquet incoercible. Elles peuvent être isolées et même inaugurales d'une NMO. Il a récemment été démontré que le tableau clinique de vomissement et hoquet incoercible

Pour citer cet article : Bernard-Valnet R, Marignier R. Évolution du spectre de la neuromyélite optique de Devic. Presse Med (2014), http://dx.doi.org/10.1016/j.lpm.2014.05.030

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également été associé à une moins bonne récupération clinique après un épisode de myélite.

Une meilleure caractérisation des données du LCR des patients NMO Les données concernant l'analyse du LCR étaient encore limitées jusqu'à peu. À la phase aiguë d'une poussée de NMO, une pléïocytose lymphocytaire (> 50 éléments blanc/mL) associée à des polynucléaires neutrophiles (> 5 éléments/mL) est classiquement décrite [8]. De plus, la présence de bandes oligoclonales à l'isofocalisation du LCR est moins fréquente qu'au cours de la SEP. Récemment, une étude exhaustive des caractéristiques cellulaires du LCR a été conduite chez 89 patients NOMAD [23]. Les résultats confirment et étendent nos connaissances :  une pléïocytose est présente dans 50 % des cas, elle est modérée (médiane de 19 cellules/mL). Elle inclut de nombreux types de cellules immunes : lymphocytes et monocytes, lymphocytes activés, plasmocytes bien sûr mais aussi, et à la différence de la SEP, neutrophiles et éosinophiles ;  la présence de bandes oligoclonales d'IgG est rare et fluctuante. Elle est le plus souvent associée aux poussées ;



les critères biologiques d'altération de la barrière hématoencéphalique et l'élévation du lactate sont corrélés à l'activité de la maladie.

Avancés physiopathologiques Rôle clé des anticorps anti-AQP4 Les anti-AQP4 ne sont pas juste le reflet d'une auto-immunité non spécifique mais sont directement impliqués dans la physiopathologie de la NMO. En effet, de nombreuses équipes ont démontré un effet directement pathogène de l'anticorps NMOIgG/anti-AQP4. Plusieurs mécanismes d'action ont été proposés (figure 2). Activation de la voie du complément (CDCC) De nombreuses observations supportent l'idée qu'un des mécanismes d'action de ces auto-anticorps passe par l'activation de la cascade du complément. Les lésions de NMO sont caractérisées par des dépôts péri-vasculaires de complément dans les zones de forte expression d'AQP4. Dans un modèle de cellules non nerveuses, les IgG anti-AQP4 peuvent activer la voie classique du complément et provoquer une atteinte de la membrane plasmique par dépôt du complexe d'attaque membranaire et aboutir à la lyse cellulaire. Ces résultats ont été validés sur des

Figure 2 Effets pathogéniques des anticorps anti-AQP4

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Les anti-AQP4 sont produit par des plasmablastes circulants (lymphocytes B). La production d'IgG requiert une commutation isotypique pour laquelle l'interaction avec les lymphocytes T est nécessaire. Les anti-AQP4 vont être capables de se fixer sur les deux isoformes de l'AQP4 : (i) la forme M1 va entraîner préférentiellement l'internalisation de l'AQP4 ; (ii) la forme M23 formant des othogonally array particles (OAPs). Elle va permettre une activation efficace du complément (CDCC) ou la dégranulation des éosinophiles, neutrophiles ou cellules NK (ADCC) suite à la fixation de la partie Fc des anti-AQP4 sur leurs récepteurs.

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Pour citer cet article : Bernard-Valnet R, Marignier R. Évolution du spectre de la neuromyélite optique de Devic. Presse Med (2014), http://dx.doi.org/10.1016/j.lpm.2014.05.030 Évolution du spectre de la neuromyélite optique de Devic

Cytotoxicité à médiation cellulaire dépendante des anticorps (ADCC) La fixation des anticorps sur leur cible va également être capable d'entraîner une activation et une dégranulation de cellule Natural Killer (NK), de polynucléaires neutrophiles et éosinophiles. Cette activation se fait par les récepteurs Fc présents à la surface de ces cellules immunes. Leur dégranulation va avoir un effet cytotoxique et pro-inflammatoire. De façon intéressante, la déplétion expérimentale d'une de ces trois populations permet de réduire de façon significative l'effet délétère des anti-AQP4, que ce soit in vitro ou in vivo. Modulation de l'expression membranaire de l'AQP4 Certaines lésions de NMO sont caractérisées par la perte d'expression de l'AQP4 alors que les astrocytes sont toujours présents. Il a été démontré in vitro sur des cellules non neurales et sur des cultures primaires d'astrocytes de rat que le contact avec du sérum de patients positifs pour NMO-IgG induit la perte d'expression membranaire de l'AQP4 [24]. Ce même phénomène d'internalisation a été mis en évidence sur des astrocytes fœtaux humains : il est associé à une dépolarisation de l'astrocyte, une perte de ses prolongements et de ses interactions avec les cellules endothéliales. Cet effet « osmotique » pourrait être très précoce et réversible, sans destruction tissulaire initiale. Il pourrait expliquer la description de quelques cas de myélites associées à des images IRM parfois très impressionnantes répondant de façon complète et très rapide au traitement par échanges plasmatiques. Cette perte d'expression membranaire après contact avec le sérum de patients positifs pour NMO-IgG s'associe à la perte d'expression membranaire d'EAAT2/GLT-1, le transporteur du glutamate [24]. Une dysrégulation du transport du glutamate astrocytaire induite par l'anti-AQP4 pourrait donc être à l'origine d'un possible phénomène d'excitotoxicité vis-àvis du microenvironnement cellulaire, oligodendrocytes et neurones [26].

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Vers une approche « syncrétique » Tous les mécanismes d'action décrits ci-dessus ne sont probablement pas indépendants mais peuvent s'associer ou se potentialiser dans l'action délétère des anticorps anti-AQP4. L'activation du complément peut favoriser la libération de molécules chimio-attractives pour un grand nombre de cellules immunes, en particulier les cellules NK, les granulocytes éosinophiles et neutrophiles qui en retour mettront en jeu un phénomène d'ADCC aboutissant à la nécrose astrocytaire. La dysrégulation de l'expression membranaire d'AQP4 peut conduire à une modification de l'interaction astrocytes-cellules endothéliales, aboutissant in fine à l'augmentation de la perméabilité de la barrière hémato-encéphalique (BHE). Cette plus grande perméabilité peut elle-même favoriser l'afflux d'autres cellules immunes et d'autres auto-anticorps, induisant un autoentretien et une diffusion de la réaction inflammatoire. Enfin, l'altération du métabolisme du glutamate peut entraîner des phénomènes de cytotoxicité vis-à-vis des cellules gliales et des neurones, et également rendre les oligodendrocytes plus sensibles à la toxicité du complément. Il est probable que ces mécanismes se succèdent dans le temps. Tout d'abord, l'anti-AQP4 ne provoquerait qu'une endocytose de l'AQP4 à l'origine d'une perte d'expression membranaire et donc d'une dysrégulation fonctionnelle de l'astrocyte, notamment au niveau du métabolisme de l'eau. Cette perturbation osmotique pourrait être à l'origine de symptômes cliniques et d'anomalies IRM associées à une rupture de la perméabilité de la BHE. Ces phénomènes non lésionnels seraient toutefois possiblement réversibles et accessibles à un traitement déplétant les Ac toxiques de la circulation sanguine. Dans un second temps, le dysfonctionnement astrocytaire prolongé serait à l'origine d'une perturbation de l'homéostasie du glutamate et des phénomènes d'excitotoxicité qui s'en suivent, principalement au niveau de l'oligodendrocyte, cellule la plus sensible à ce phénomène mais également au niveau des neurones. Enfin, ces différents mécanismes pourraient être influencés par l'isoforme de l'AQP4. En effet, la forme M23 capable de former des structures denses appelées orthagonally array particles, favoriserait une activation efficace du complément alors que la forme M1 serait plus susceptible d'être internalisée [27].

Lymphocytes T anti-AQP4 Les lymphocytes T (LT) jouent un rôle central dans un grand nombre de pathologies inflammatoires démyélinisantes (SEP, encéphalomyélite aiguë disséminée) et leur modèle expérimental, l'encéphalomyélite aiguë expérimentale (EAE). La production, par les plasmocytes, d'anticorps affins de type IgG, retrouvées au cours de la NMO, dépend indubitablement des interactions LB/LT spécifiques de l'AQP4. La question est de savoir si ces anticorps anti-AQP4 sont seuls responsables de la pathologie ou si une action spécifique et complémentaire de LT auto-réactifs anti-AQP4 intervient. De nombreux travaux

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cultures primaires d'astrocytes et dans un modèle de barrière hémato-encéphalique [24]. In vivo, chez le rat adulte, l'injection intracérébrale d'IgG, purifiées à partir de sérum de plusieurs patients positifs pour l'anti-AQP4, provoque des lésions « NMOlike » uniquement en présence de complément humain. L'injection sans complément, avec du complément de rat ou l'injection concomitante d'un inhibiteur du complément ne provoquent pas de lésion [25]. Ce mécanisme d'action est donc séduisant pour comprendre la physiopathologie de la NMO mais il existe plusieurs limites à cette hypothèse. Tous les sérums ne possèdent pas la même capacité d'activation du complément, l'activation de la cascade du complément dans le sérum de patients NMO en cours de poussée montre des résultats contradictoires et surtout l'astrocyte, cible de ces anticorps, exprime naturellement un grand nombre de protéines régulatrices du complément ce qui lui confère une protection contre celui-ci.

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Pour citer cet article : Bernard-Valnet R, Marignier R. Évolution du spectre de la neuromyélite optique de Devic. Presse Med (2014), http://dx.doi.org/10.1016/j.lpm.2014.05.030

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récents plaident en faveur d'un rôle actif de LT spécifiques dans la maladie :  des LT spécifiques anti-AQP4 peuvent être induits chez la souris et le rat. Ils ont des propriétés encéphalitogènes et peuvent coopérer avec les anticorps anti-AQP4 pour exercer un effet délétère sur l'astrocyte. Toutefois, dans cette démonstration, les LT auto-réactifs anti-AQP4 induits ne pouvaient pas seul provoquer de pathologie et leur capacité encéphalitogène était très modeste. Les lésions inflammatoires tissulaires restaient très modérées, sans démyélinisation ni perte astrocytaire et surtout n'étaient pas associées à des symptômes cliniques ;  plus récemment, des LT spécifiques anti-AQP4 viennent d'être identifiés chez l'homme, sans différence quantitative entre le sujet sain et les patients NMO mais avec des différences qualitatives, restimulés avec ces peptides, ils vont proliférer et produire majoritairement de l'IL-17 [28].

Nouveautés thérapeutiques En 2013, il n'y a toujours pas de gold standard concernant le protocole thérapeutique à proposer dans la NMO. Cela vient essentiellement de la rareté de la maladie. Le choix des traitements repose encore actuellement sur des études en ouvert, sur l'avis d'experts et enfin sur l'expérience du clinicien. Ceci devrait cependant être bouleversé dans les années à venir avec la mise en place d'essais cliniques de phase III, randomisés en double insu (figure 3).

Nous proposons ici un bref rappel sur les principes actuels de la prise en charge des poussées de NMO et du traitement de fond et consacrons une troisième partie aux futures thérapeutiques.

Prise en charge des poussées Considérant le caractère le plus souvent très sévère des poussées et le rôle directement pathogène des anti-AQP4, les épisodes de NMO doivent être considérés comme des urgences thérapeutiques. Plus la prise en charge initiale de la poussée est précoce et intense, plus grandes sont les chances de récupération. Cette prise en charge en urgence repose sur une corticothérapie intraveineuse à forte dose, soit 1 g/j sur 3 à 5 jours [10], suivie d'une corticothérapie orale prolongée. Les échanges plasmatiques doivent très rapidement être proposés en cas de non-réponse à la corticothérapie intraveineuse et reposent sur un cycle de 5 à 7 échanges. Les immunoglobulines polyvalentes pourraient également être efficaces et un essai de phase II est en cours dans le traitement des poussées réfractaires aux stéroïdes (http://clinicaltrials.gov/ct2/show/ NCT01845584).

Traitement de fond Dès que le diagnostic de NMO ou d'un syndrome apparenté est retenu, un traitement approprié doit être introduit précocement et de manière prolongée. Compte tenu des données physiopathologiques et des résultats des séries de la littérature, le

Figure 3

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Traitements de la neuromyélite optique de Devic

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Pour citer cet article : Bernard-Valnet R, Marignier R. Évolution du spectre de la neuromyélite optique de Devic. Presse Med (2014), http://dx.doi.org/10.1016/j.lpm.2014.05.030 Évolution du spectre de la neuromyélite optique de Devic

traitement de référence repose sur une immunosuppression active et prolongée. Plusieurs molécules ont été proposées :  azathioprine. Plusieurs études rétrospectives ont récemment été publiées. La plus importante comprenait 99 patients dont 70 suivis plus d'un an. La majorité avait une diminution du taux annualisé de poussées et une stabilisation du handicap. Cependant, presque 40 % des patients de cette étude ont dû arrêter pour intolérance ou manque d'efficacité ;  rituximab (RTX). Plusieurs travaux récents ont confirmé l'intérêt potentiel du RTX, en première ou seconde ligne. Certains patients sont toutefois réfractaires à ce traitement. Cet échec thérapeutique pourrait être en lien avec la découverte récente qu'une partie des précurseurs des plasmocytes (les plasmablastes), à l'origine de la production des anticorps anti-AQP4, n'expriment pas le marqueur CD20 à leur surface et par conséquent sont totalement insensibles à l'effet du RTX [29]. Un autre problème posé par ce traitement est celui de l'estimation du moment de la nouvelle perfusion. Le dosage du CD19 ne semblerait pas optimal car certains patients ont des poussées malgré un niveau de CD19 indétectable. Une autre population lymphocytaire semblerait plus intéressante, ciblant les lymphocytes B mémoire CD27+ ;  mycophénolate mofétil (MMF). Les données sont limitées. Un travail rétrospectif sous l'égide du groupe français NOMADMUS a été présenté à l'ECTRIMS en 2013. Il comprend 65 patients traités par MMF en première intention. La médiane du taux annualisé de poussées post-traitement était de 0 et 90 % des patients avaient un handicap stable ou amélioré après 18 mois de suivi ;  autres immunosuppresseurs : des travaux récents ont montré une certaine efficacité pour le méthotrexate, la mitoxantrone et l'endoxan®. Ces travaux soulignent par ailleurs l'intérêt de la mise en route précoce du traitement immunosuppresseur ;  traitements utilisés dans la SEP : les immunomodulateurs de première intention, interférons ou acétate de glatiramère, ou les traitements de seconde intention, natalizumab ou fingolimod semblent inefficaces voir délétères.

Futurs traitements L'éculizumab est un anticorps monoclonal dirigé contre le facteur 5 (C5a) du complément. Dans une étude de phase II en ouvert, dans des formes particulièrement actives de la maladie, il a permis d'abolir toute rechute chez 18 patients pendant les

12 mois du traitement [5]. Un essai de phase III va débuter et sera proposé en « add-on » d'un traitement immunosuppresseur oral ou chez des patients naïfs, uniquement dans des formes très actives de la maladie (3 poussée dans les deux dernières années). Le tocilizumab est un anti-récepteur à l'IL-6. Plusieurs cas d'amélioration spectaculaire ont été rapportés chez des patients réfractaires à toutes les autres thérapeutiques. Un essai de phase III va débuter et sera proposé en « add-on » d'un traitement immunosuppresseur oral. Des anticorps monoclonaux dirigés contre des marqueurs de la lignée B ont été testés, ce sont les anti-CD19 et anti-CD20 humanisés ou humains. L'aquaporumab est un anticorps monoclonal humanisé dirigé contre l'AQP4. Cet anticorps est modifié par génie génétique pour ne pas activer le complément. Il agirait en empêchant le contact des Ac pathogènes à leur cible. Les résultats chez l'animal sont prometteurs [6]. Le sivelestat est un inhibiteur des polynucléaires neutrophiles. Les résultats chez l'animal sont également prometteurs.

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Conclusion Ces dernières années ont été marquées par un intérêt croissant pour la NMO à travers le monde, comme le souligne l'explosion du nombre de publications scientifiques et la structuration de sa prise en charge au niveau national (cohorte française NOMADMUS, cohorte allemande NEMOS, centre de référence au Royaume-Uni, registre national danois et autrichien) et international (projet européen Eugène Devic European Network, EDEN ; fondation américaine Guthy-Jackson). Il est maintenant établi que la NMO est une pathologie auto-immune de l'astrocyte nécessitant une prise en charge spécifique. Les avancées majeures dans le domaine de l'épidémiologie et de la physiopathologie ont permis d'améliorer la prise en charge des patients et de limiter l'évolution péjorative de la maladie. Une nouvelle ère va s'ouvrir avec la mise en place d'essais thérapeutiques internationaux, signe majeur de l'intérêt toujours grandissant porté à cette maladie, de moins en moins mystérieuse mais de plus en plus fascinante. Déclaration d'intérêts : les auteurs déclarent ne pas avoir de conflits d'intérêts en relation avec cet article.

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Matériel complémentaire Complément électronique disponible sur le site Internet de La Presse Médicale (http://www.em-consulte. com/revue/LPM). La question des NMO séronégatives pour l'anticorps anti-AQP4

Pour citer cet article : Bernard-Valnet R, Marignier R. Évolution du spectre de la neuromyélite optique de Devic. Presse Med (2014), http://dx.doi.org/10.1016/j.lpm.2014.05.030

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