Expériences cliniques avec les nouvelles assistances ventriculaires mécaniques électromagnétiques

Expériences cliniques avec les nouvelles assistances ventriculaires mécaniques électromagnétiques

Annales de Cardiologie et d’Angéiologie 55 (2006) 276–281 http://france.elsevier.com/direct/ANCAAN/ Mise au point Expériences cliniques avec les nou...

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Annales de Cardiologie et d’Angéiologie 55 (2006) 276–281 http://france.elsevier.com/direct/ANCAAN/

Mise au point

Expériences cliniques avec les nouvelles assistances ventriculaires mécaniques électromagnétiques Clinical experiences with the new electromagnetic ventricular assist devices E. Flecher a,*, T. Joudinaud b a

Service de chirurgie thoracique et cardiovasculaire, hôpital Pontchaillou, 2, rue Henri-Le-Guilloux, 35033 Rennes cedex 09, France b Service de chirurgie cardiaque, hôpital Bichat, 42, rue Henri-Huchard, 75018 Paris, France Reçu le 7 juin 2005 ; accepté le 17 février 2006 Disponible sur internet le 20 mars 2006

Résumé Récemment sont apparus les cœurs artificiels partiels électromagnétiques de troisième génération, véritables prouesses technologiques. Ces nouvelles assistances ventriculaires sont de petites dimensions, implantables, silencieuses, et améliorent sensiblement la qualité de vie des patients en comparaison des pompes de deuxième génération électromécaniques. Leur efficacité clinique semble au moins comparable à ces dernières au vu des premières expériences rapportées chez l’animal et chez l’homme. Leur usage en attente de greffe, et surtout en implantation permanente, devrait augmenter notablement dans les années futures pour tenter d’apporter une réponse au problème majeur de santé publique que constitue l’accroissement de la population d’insuffisants cardiaques. © 2006 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. Abstract Recently, the third generation of partial electromagnetic artificial hearts appeared, which are a real technological advancement. These new ventricular assist devices are small, implantable, silent and increase the patients’ quality of life in comparison with the electromechanical pumps of second generation. Their clinical efficiency is at least as good as the second generation in light of the first experiences reported on animals and human beings. Their use as a bridge to transplant and especially as a destination therapy should increase in the coming years as they represent an answer to the health problem, which is the increasing population of patients in heart failure. © 2006 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. Mots clés : Assistance ventriculaire ; Assistance mécanique ; Cœur artificiel partiel ; Pompe électromagnétique ; Flux continu ; Insuffisance cardiaque Keywords: Ventricular assist; Mechanical assist; Partial artificial heart; Electromagnetic pump; Continuous flow; Heart failure

Depuis plus de 40 ans, de nombreux systèmes d’assistance circulatoire mécanique ont été développés. D’abord les systèmes pneumatiques, qu’ils soient externes, uni- ou biventriculaires, ou implantables, puis les ventricules électromécaniques gauches partiellement implantables. Nous sommes passés des

* Auteur

correspondant. Adresse e-mail : [email protected] (E. Flecher).

systèmes de première génération où tous les éléments (pompe, source d’énergie et système de contrôle) étaient à l’extérieur du malade (ventricule externe type Thoratec®, Medos®), aux systèmes de deuxième génération où la pompe et le moteur sont placés en intracorporel, l’énergie et le système de contrôle restant extracorporels. Plus récemment sont apparus les cœurs artificiels de troisième génération, implantés en intracorporel et autorisant une mobilité accrue et une qualité de vie acceptable. Parmi ceux-ci,

0003-3928/$ - see front matter © 2006 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. doi:10.1016/j.ancard.2006.02.009

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les nouvelles pompes électromagnétiques axiales, de très petite dimension, implantables, silencieuses, sans chambre de compliance ni valves, et à flux continu sont à l’étude actuellement. Le but de cet article est de décrire et de comparer les différentes expériences cliniques rapportées avec ces technologies émergentes. 1. Description des nouvelles assistances ventriculaires électromagnétiques (Tableau 1) 1.1. Le Jarvik 2000® (Fig. 1) Il s’agit d’une petite pompe axiale à flux continu qui, introduit directement dans le ventricule gauche, éjecte le sang en aval dans l’aorte thoracique ascendante ou descendante. Ce cœur artificiel partiel mesure 2,4 cm seulement de diamètre et pèse 85 g, le poids d’un téléphone mobile actuel. Placé directement dans la cavité ventriculaire gauche, le Jarvik 2000® ne nécessite pas de canule d’admission. Le boîtier est en titane et contient un petit moteur qui génère un champ électromagnétique capable de mouvoir une turbine propulsant le sang. Toutes les surfaces en contact avec le sang sont en titane lisse. Le sang est dirigé par des ailettes à la sortie de la pompe vers la canule d’éjection. Le flux continu ainsi généré rend inutile la présence de valves ou de chambre de compliance. Une prothèse vasculaire de diamètre 16 mm constitue le conduit d’éjection et est anastomosée, au choix du chirurgien et selon les cas, à l’aorte thoracique descendante ou ascendante. En cas d’anastomose dans l’aorte thoracique descendante, la voie d’abord chirurgicale peut être une thoracotomie latérale ; c’est nécessairement une sternotomie en cas d’anastomose dans l’aorte ascendante. Enfin, l’implantation de ce cœur artificiel peut être réalisé en un temps court de circulation extracorporelle, voire même sans [1]. Un câble en silicone recouvert de Dacron® constitue la ligne de connexion percutanée et alimente la pompe via une batterie au lithium portée à la ceinture. Ce câble peut ressortir de la paroi abdominale lorsque le système est utilisé en attente de greffe, ou au niveau du scalp de l’occiput lorsque le système est utilisé en implantation permanente, utilisant la même technologie que pour les implants cochléaires [2]. Le scalp étant richement vascularisé, le risque infectieux semble moindre avec ce procédé. La pompe est capable de tourner de 8000 à 12 000 rotations par minutes et de produire un débit de plus de 7 L/min.

Fig. 1. Assistance univentriculaire gauche type Jarvik 2000®.

Fig. 2. Assistance univentriculaire gauche type MicroMed DeBakey®.

En janvier 2000, la FDA a autorisé son essai chez l’homme et en avril 2000 a été réalisée la première implantation au Texas Heart Institute [3].

Tableau 1 Caractéristiques physiques des principales pompes axiales électromagnétiques Pompe Caractéristiques Dimensions (L × l cm) Poids (g) Débit maximal (L/min) Débuts des essais cliniques Nombre de pompes implantées dans le monde Flux Durée d’implantation maximale (jours)

Jarvik 2000® 5,5 × 2,5 85 7 2000 > 60 Continu 889

MicroMed DeBakey® (modèle adulte) 7,6 × 3,05 93 10 1998 > 300 Continu ou pulsatile 441

HeartMate® II

Berlin Heart Incor®

6,0 × 4,0 375 10 2000 > 200 Continu 562

12,0 × 3,0 200 7 2002 > 200 Continu > 1000

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1.2. La MicroMed DeBakey® (Figs. 2 et 3) C’est une petite pompe axiale capable de générer un débit continu ou pulsatile, supérieur à 10 L/min. En pratique clinique, un débit de 5 L/min peut être généré contre une résistance de 100 mmHg, avec une vitesse de rotations de 10 000 rpm. Ce cœur artificiel partiel mesure 3,05 cm de diamètre et 7,6 cm de longueur, pour un poids de 93 g [4] (une pompe encore plus petite existe pour un usage pédiatrique). Le volume d’amorçage de cette assistance est de seulement 25 cc. La pompe est en titane, reliée au ventricule gauche par une canule. Elle éjecte ainsi le sang du cœur gauche, en partie ou en totalité déchargé, via une prothèse vasculaire en Dacron® anastomosée dans l’aorte ascendante. La voie d’abord chirurgicale est une sternotomie. Le système est constitué de quatre éléments : la pompe intrathoracique, un système de contrôle porté à la ceinture comportant des batteries et leur chargeur, un système d’enregistrement des données (clinical data acquisition system) et un système similaire mais simplifié pour l’usage au domicile du patient (patient home support system). Une sonde à ultrasons, incorporée à la pompe, analyse en permanence le flux et le débit de la pompe et transmet ces données via le câble percutané recouvert de Dacron® velours extériorisé au-dessus de la crête iliaque droite et connecté au système de contrôle porté à la ceinture. Pour permettre une mobilité et une qualité de vie acceptable hors de l’hôpital, des batteries sont capables de générer une autonomie de puissance pendant quatre à six heures [5]. L’implantation chez l’homme débuta en Europe en novembre 1998 et aux États-Unis en juin 2000 [6]. 1.3. Le HeartMate® II Cette assistance ventriculaire, composée d’une pompe axiale de petite taille (124 mL de volume), a été conçue d’emblée pour un usage permanent et définitif. La pompe et la turbine sont en titane, les canules d’entrée et de sortie de pompe sont

Fig. 3. Cœurs artificiels partiels électromagnétiques adulte et pédiatrique MicroMed DeBakey®.

en Dacron®. Cet appareil possède un système unique de contrôle automatique du flux, élaboré à partir d’un algorithme décrivant les différences de pression de part et d’autre de la pompe. Le revêtement intérieur thromborésistant du modèle électromécanique précédent (HeartMate® XVE) a été conservé pour le HeartMate® II, il autorise une anticoagulation modérée par antivitamine K avec un international normalized ratio (INR) cible aux alentours de 2,5 [7]. En juillet 2000 a été implanté le premier cœur artificiel de ce type en Israël, au Sheba Medical Center. Une étude multicentrique (Europe, États-Unis, Israël) a depuis débuté, avec l’étude de la survie à six mois et en destination therapy de malades en insuffisance cardiaque terminale. 1.4. Le Berlin Heart Incor® Pesant 200 g pour un diamètre de 3 cm, cette nouvelle pompe électromagnétique axiale est en cours d’évaluation depuis juin 2002 en Europe et en Chine. Capable d’assurer un débit de 7 L/min contre une résistance de 150 mmHg, un de ses atouts est d’avoir une turbine complètement suspendue dans un champ électromagnétique, limitant ainsi son échauffement mécanique puisque sans aucun contact physique. Pour diminuer le risque de thrombose, toutes les surfaces internes de la pompe, en contact avec le sang, ont un revêtement contenant de l’héparine, à l’instar des circuits préhéparinés de circulation extracorporelle (Carmeda® BioActive Surface). 2. Expérimentation animale avec les nouvelles assistances ventriculaires électromagnétiques De 1991 à 1999, le cœur artificiel partiel Jarvik 2000® a été implanté chez 67 animaux de grande taille (37 veaux et 30 moutons) [3]. Les veaux ont été assistés pendant une durée moyenne de 70 jours. Trois veaux ont été assistés plus de 200 jours et six plus de 100 jours. Les veaux ayant survécu plus de 200 jours ont été volontairement sacrifiés, du fait de leur croissance devenue trop importante pour l’étude menée. Aucune hémolyse significative n’était rapportée. Concernant le cœur artificiel partiel MicroMed DeBakey®, des études animales de faisabilité ont été réalisées sur 19 veaux [8]. Cinq animaux sont morts en périopératoires (dans les cinq jours après implantation), 14 ont survécu sous assistance de 7 à 145 jours. Dix animaux parmi les 14 ont survécu plus de 30 jours, deux animaux ont survécu respectivement 93 et 145 jours avant euthanasie. Pendant toute la période d’étude, la pompe a nécessité 10,5 W de puissance pour fonctionner. Aucune hémolyse n’était rapportée. Enfin, les examens usuels sériques (créatinine, bilirubine…) confirmaient la bonne tolérance physiologique du flux continu. Concernant le HeartMate® II, des essais animaux sur 51 veaux ont permis la mise au point de cette assistance mécanique ayant supporté ces animaux pendant 47 jours en moyenne (durée d’assistance maximale de 226 jours) [9].

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3. Expériences cliniques avec les nouvelles assistances ventriculaires électromagnétiques 3.1. Résultats chez l’homme du cœur artificiel partiel Jarvik 2000® En 2003, Frazier et al. ont rapporté quatre implantations à visée permanente (« destination therapy ») de cœurs artificiels Jarvik 2000® [10] pour des patients en classe IV de la NYHA et sous traitement médical optimal. La durée moyenne d’assistance mécanique était de 502 jours et l’hémodynamique, deux jours après implantation, considérablement améliorée : l’index cardiaque avait augmenté de 70,6 % en moyenne (initialement inférieur à 2 L/min/m2), les pressions capillaires pulmonaires avaient diminué de 44 % et les résistances vasculaires périphériques avaient diminué de 33 %. Les pressions artérielles moyenne et diastolique avaient augmenté de, respectivement, 8 et 20 %. Sur les quatre malades implantés, trois ont pu regagner leur domicile, entre trois et huit semaines après l’implantation. Deux patients sont décédés au trois cent quatre-vingt-deuxième et au quatre-vingt-quinzième jours postimplantation et deux patients étaient toujours en vie, respectivement 642 et 889 jours après implantation. Il n’y a pas eu d’hémolyse significative, ni d’infections ou de dysfonction grave. Une anticoagulation était préconisée, pas pour la pompe elle-même, mais du fait de la mauvaise fonction ventriculaire associée, de l’hypovolémie éventuelle et du risque de stase. L’objectif était un international normalized ratio (INR) aux alentours de 2. La même année, Letsou et al. ont rapporté un maintien des fonctions rénale et hépatique chez dix malades en attente de greffe (« bridge to transplant ») implantés avec un Jarvik 2000® pendant plus de six mois [11]. En effet, si Mac Carthy et al. avaient rapportés des résultats similaires avec le système pulsatile HeartMate® [12], seules des données recueillies sur modèle animal existaient avec un système à flux continu non pulsatile. La fonction hépatique est un facteur prédictif de survie après implantation d’un LVAD [13] et cette étude laisse supposer non fondées les critiques quant aux conséquences sur la physiologie humaine d’un flux continu et non pulsatile. En 2004 Frazier et al. ont publié les résultats du Jarvik 2000® en Europe et aux États-Unis [14]. En Europe, 17 implantations sont rapportées : trois en attente de greffe et 14 en implantation permanente. En préopératoire, l’index cardiaque moyen était de 1,81 L/min/m2, la pression capillaire pulmonaire moyenne de 23 mmHg, les résistances pulmonaires moyennes de 3 Wood. En postopératoire, dix patients ont pu regagner leur domicile et sept sont décédés avec le Jarvik 2000® implanté, après une durée moyenne d’assistance mécanique de 111 jours. Sur les trois patients ayant reçus le Jarvik 2000® en attente de greffe, deux étaient encore sous assistance, dont un depuis plus de 706 jours. Le troisième patient implanté en attente de greffe a été transplanté avec succès après 349 jours d’assistance. Concernant les États-Unis, où la FDA a autorisé l’usage du Jarvik 2000® uniquement en attente de greffe, cette publication

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rapportait 35 patients inclus dans l’étude. En préopératoire, l’index cardiaque moyen était de 1,7 L/min/m2, la pression capillaire pulmonaire de 24 mmHg et les résistances vasculaires périphériques de 2,8 Wood. La durée moyenne d’assistance était de 67 jours, avec une durée cumulée de 2348 jours. Dixhuit patients ont été transplantés avec succès, et 12 sont décédés sous assistance. Dans cette étude, la présence de thrombus a été relevée dans la racine de l’aorte pour deux malades qui avaient le conduit d’éjection de la pompe anastomosé à l’aorte thoracique descendante. Ce problème de stase n’a pas été retrouvé pour les malades avec un conduit d’éjection anastomosé dans l’aorte ascendante. Westaby et al. ont rapporté, en 2004, 60 Jarvik 2000® implantés dans le monde, dont 40 implantés en attente de greffe par l’équipe de Frazier au Texas [15]. La plupart des patients implantés ont pu être extubés en moins de 24 heures, et le diamètre ventriculaire gauche télédiastolique a diminué de 16 % après deux jours sous assistance (7,1 vs 5,9 cm). Là encore, aucune hémolyse significative n’est rapportée, ni de défaillance mécanique dans les 13 mois d’essais cliniques, ni même dans toute la période cumulée d’assistance avec ce système (plus de 15 ans). Parmi les 20 patients désormais implantés en Europe, la plupart l’ont été à visée définitive (« destination therapy ») et ont pu regagner leur domicile trois à huit semaines seulement après implantation. Le traitement médical associé se résumait à des inhibiteurs de l’enzyme de conversion, des bêtabloquants et des antivitamines K. En général, il a été inutile de prescrire un traitement diurétique. Les résultats de cet essai préliminaire sont encourageants, mais la mortalité globale rapportée par Westaby et al. depuis la première implantation du Jarvik 2000®, était encore de 35 %. L’usage du Jarvik 2000® en assistance biventriculaire a récemment été proposée et pourrait se développer à l’avenir [16]. 3.2. Résultats chez l’homme du cœur artificiel partiel MicroMed DeBakey® En 2001, Noon et al. ont rapporté les résultats des 32 premiers patients implantés en attente de greffe avec l’assistance MicroMed DeBakey® et supportés en moyenne 47 jours [6]. Le délai entre l’implantation et la transplantation était en moyenne de 74,5 jours et la durée cumulée de support hémodynamique était de 1876 jours. La survie dans ce groupe était de 81 % à un mois de l’implantation, 11 patients ont été transplantés et dix sont décédés sous assistance. Seul un décès a pu être rattaché à l’assistance mécanique elle-même, la principale cause de décès étant la défaillance multiviscérale. La principale complication était le saignement postopératoire, aucune infection du système n’a été rapportée. À l’exception de deux patients ayant présenté des hémorragies cérébrales du fait de l’anticoagulation, un seul patient a eu un accident vasculaire cérébral qualifié de mineur. Du thrombus, à l’intérieur de la pompe, a été trouvé pour un petit nombre de patients (non précisé).

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Wieselthaler et al. (six patients implantés, trois transplantés), Grinda et al. (neuf patients implantés, cinq transplantés) puis Vitali et al. (11 patients implantés, neuf transplantés) ont rapporté des résultats similaires en attente de greffe avec le système MicroMed DeBakey® [17–19], faisant considérer cette assistance comme une alternative aux assistances pulsatiles souvent greffées d’une plus lourde morbimortalité. Sur une période de quatre mois, Wieselthaler et al. ont rapporté une excellente tolérance du flux continu pour ces malades [5]. En revanche, à l’inverse des pompes pulsatiles munies de valves, les pompes axiales ne sont pas occlusives en cas de défaillance et peuvent mener à l’insuffisance ventriculaire par excès de volume, pouvant parfois nécessiter la ligature du conduit d’éjection [17]. En cas d’obstruction de la turbine dans la pompe axiale par un volumineux thrombus, et à la différence des pompes pulsatiles, celle-ci cesse de fonctionner, évitant ainsi l’embolisation périphérique. Goldstein, en 2003, a publié l’étude de 150 patients implantés entre novembre 1998 et mai 2002 dans le monde [20]. Avant implantation, 20 % des patients étaient en insuffisance rénale, 25 % étaient dépendants d’un ballon de contre-pulsion intra-aortique, 40 % recevaient au moins deux substances inotropes, et 19 % étaient sous assistance ventilatoire mécanique. L’index cardiaque moyen lors de l’implantation était de 1, 8 L/min/m2 et la pression capillaire pulmonaire de 29 mmHg. La durée cumulée d’assistance était de 30,4 patient-années, avec une durée maximale d’assistance de 441 jours. Douze patients (8 %) ont été supportés pendant plus de six mois, 82 (55 %) ont été transplantés ou étaient encore sous assistance ou ont été explantés tandis que 68 (45 %) sont décédés sous assistance. La reprise chirurgicale pour saignement était la complication la plus fréquente, les défaillances mécaniques étaient rares (n = 4) et sont survenues uniquement au début de l’utilisation de cette pompe. Sur les 17 cas de thrombus de la pompe, 11 (64 %) ont été résolutifs après transplantation, échange de pompe ou fibrinolyse. Aucun accident vasculaire cérébral n’est survenu dans les cas de thrombus de pompe. L’hémolyse associée à l’usage de la pompe MicroMed DeBakey® était variable selon les individus et résolutive spontanément dans la plupart des cas. Dans la cohorte de patients européens, 50 % d’entre eux ont été transplanté avec succès, ce chiffre est de 66 % dans la plus petite cohorte américaine. Aux États-Unis vient de débuter un essai clinique randomisé (DELTA, pour destination evaluation of long-term assist) comparant, en implantation définitive, un cœur artificiel partiel de deuxième génération (HeartMate® VE) au cœur artificiel partiel MicroMed DeBakey® électromagnétique. Concernant les cœurs artificiels HeartMate® II et Berlin Heart Incor®, aucune série n’a encore été publiée à notre connaissance et les essais cliniques se poursuivent. 4. Discussion La recherche en matière d’assistance ventriculaire mécanique pour une longue durée a débuté dans les années 1970

aux États-Unis, sur l’initiative du National Heart Lung and Blood Institute. Le but initial de cette technologie était d’assister totalement le cœur défaillant et de remplacer le ventricule gauche natif en capturant tout le débit cardiaque du patient via la machine implantée. Les pompes construites alors pouvaient assurer un débit de 10 L/min contre des résistances physiologiques. Ces assistances pulsatiles pneumatiques ou électromécaniques furent introduites cliniquement en attente de greffe dans les années 1980, et leur usage commercial fut progressivement autorisé dans les années 1990 (HeartMate® XV ou XE, Novacor®, Thoratec® IVD). Avec l’expérience clinique grandissante et les progrès technologiques associés, la prise en charge prolongée de tout le débit cardiaque par l’assistance ventriculaire gauche chez ces patients insuffisants cardiaques a été remise en cause [21]. La conservation d’une certaine part d’éjection native est désormais, lorsqu’elle est possible, considérée comme intéressante et bénéfique [21,22]. L’usage d’une pompe axiale à flux continu permet de décharger le ventricule gauche de manière plus physiologique, en limitant progressivement cette décharge à la quantité nécessaire pour obtenir une circulation périphérique efficace. On peut ainsi ajuster le flux continu de la pompe pour normaliser la pression télédiastolique du ventricule gauche et son volume sanguin. Cette approche permettrait une réponse plus physiologique du cœur natif à l’assistance mécanique, en conservant notamment l’éjection au travers de la valve aortique. Les pompes électromécaniques ou pneumatiques des générations précédentes étaient encore volumineuses et nécessitaient une dissection chirurgicale extensive avec la réalisation d’une poche dans la paroi abdominale, possiblement source de morbidité (hématome, abcès). Ces systèmes valvés étaient bruyants et exposés aux complications des prothèses valvulaires, notamment thromboemboliques et même dégénérescence pour les pompes comportant des valves biologiques. Les nouvelles pompes axiales sont, elles, d’implantation chirurgicale plus simple, possiblement sans circulation extracorporelle, moins traumatique et strictement intrathoraciques. Miniaturisées, silencieuses pour le patient et son entourage, elles peuvent être implantées sur des malades de petit gabarit sans limitation ou presque de surface corporelle (femmes, adolescents, enfants). Même si des interrogations quant aux conséquences du flux continu à long terme subsistent, il faut garder à l’esprit que le flux artériel pulsatile devient physiologiquement non pulsatile au niveau des capillaires où se font les échanges gazeux et nutritifs [22]. Bien que nous ne disposions pas encore du même recul avec ces nouvelles assistances mécaniques que celui acquis avec les assistances à flux pulsé concernant l’efficacité de la perfusion, un maintien des fonctions hépatique et rénale chez des patients assistés plus de six mois avec ce type de pompe a été rapporté [11] et de nombreux travaux cliniques ont rapporté une bonne tolérance du flux continu [5,20–22]. Des algorithmes physiologiques d’adaptation à l’effort ont été élaborés pour ces pompes à flux continu et devraient accentuer encore leurs possibilités de réponse aux variations du système circulatoire périphérique à l’avenir.

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Du fait de l’absence de valves, d’une surface moindre en contact avec le sang (miniaturisation) et du flux continu à haute vitesse, les pompes électromagnétiques nécessiteraient une anticoagulation moindre. La présence de thrombus a néanmoins été rapportée pour toutes ces nouvelles pompes axiales, par un mécanisme encore peu clair. Dans l’expérience internationale de la MicroMed DeBakey® rapportée par Goldstein et al. l’hémolyse bien que présente biologiquement n’avait de répercussion clinique que chez 12 % des patients [20]. Les thromboses de pompes, y compris partielles (augmentation de la consommation de courant associée à une diminution du flux), étaient retrouvées dans 10 % des cas, ne nécessitant le plus souvent qu’une augmentation du niveau d’anticoagulation. 5. Conclusion Les nouveaux cœurs artificiels partiels sont de petites dimensions, silencieux et implantables avec un encombrement minimum. La qualité de vie des patients devrait être améliorée par leur usage. Les résultats préliminaires en clinique humaine sont prometteurs et montrent une efficacité au moins aussi bonne qu’avec les pompes électromécaniques de deuxième génération. L’expérience clinique a montré l’efficacité du flux continu dans la récupération du choc cardiogénique et sur la perfusion des organes. Même si des problèmes restent à résoudre, notamment le développement de surfaces peu thrombogènes, leur développement devrait être majeur dans les prochaines années, non seulement en attente de greffe (« bridge to transplant »), mais surtout en implantation permanente (« destination therapy »), pour les patients insuffisants cardiaques au stade terminal de la maladie et non candidats à la transplantation. Références [1]

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