Extension lymphatique pelvienne et lombo-aortique dans le cancer de la trompe : topographie et implications chirurgicales

Extension lymphatique pelvienne et lombo-aortique dans le cancer de la trompe : topographie et implications chirurgicales

Gynécologie Obstétrique & Fertilité 33 (2005) 23–28 http://france.elsevier.com/direct/GYOBFE/ Article original Extension lymphatique pelvienne et lo...

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Gynécologie Obstétrique & Fertilité 33 (2005) 23–28 http://france.elsevier.com/direct/GYOBFE/

Article original

Extension lymphatique pelvienne et lombo-aortique dans le cancer de la trompe : topographie et implications chirurgicales Pelvic and para-aortic lymphatic involvement in tubal carcinoma: topography and surgical implications X. Deffieux a, P. Morice a,*, A. Thoury a, S. Camatte a, P. Duvillard b, D. Castaigne a a

Service de chirurgie gynécologique, institut Gustave-Roussy, 39, rue Camille-Desmoulins, 94805 Villejuif cedex, France b Service d’anatomopathologie, institut Gustave-Roussy, 39, rue Camille-Desmoulins, 94805 Villejuif cedex, France Accepté le 18 novembre 2004 Disponible sur internet le 15 décembre 2004

Résumé Objectif. – Le but de cette étude est de déterminer la topographie de l’extension ganglionnaire pelvienne et lomboaortique dans le cancer primitif de la trompe de Fallope, afin d’établir la prise en charge chirurgicale adéquate des patientes atteintes. Patientes et méthode. – Nous avons réalisé une étude rétrospective portant sur 19 femmes atteintes d’un cancer primitif de la trompe et ayant eu une lymphadénectomie systématique pelvienne bilatérale et lomboaortique. Résultats. – Le taux moyen d’envahissement ganglionnaire a été de 47 % (9/19). Les taux d’envahissement pelvien et lomboaortique ont été respectivement de 21 % (4/19) et 42 % (8/19). En fonction du stade FIGO de la maladie, les taux d’envahissement ganglionnaire ont été de 29 % (2/7) pour les stades I, 50 % (1/2) pour les stades II et 60 % (6/10) pour les femmes ayant un cancer de la trompe au stade III. La chaîne latéroaortique gauche sus-mésentérique a été la plus fréquemment atteinte en cas d’envahissement lomboaortique (75 %). Discussion et conclusions. – Chez les femmes atteintes d’un cancer de la trompe, la chaîne latéroaortique gauche sus-mésentérique est la plus fréquemment atteinte. Une lymphadénectomie complète pelvienne et lomboaortique jusqu’au niveau de la veine rénale gauche doit donc être réalisée chez les patientes affectées d’un cancer de la trompe, y compris chez celles de stade I. © 2005 Elsevier SAS. Tous droits réservés. Abstract Objective. – The purpose of this study is to determine the topography of pelvic and para-aortic node involvement in Fallopian tube carcinoma (PFTC). This will help us to recommend appropriate surgical treatment options to the related patients. Patients and method. – A retrospective study was performed on 19 women with PFTC who underwent a systematic bilateral pelvic and para-aortic lymphadenectomy. Results. – The overall frequency of lymph node involvement was 47% (9/19). The frequency of pelvic and para-aortic metastases was 21% (4/19) and 42% (8/19) respectively. The frequency of lymph node metastases according to the stage of the disease (stage I, II and III) was : 29% (2/7), 50% (1/2) and 60% (6/10) respectively. The left para-aortic chain above the level of the inferior mesenteric artery was the site most frequently involved (75%) when para-aortic nodes were involved. Discussion and conclusions. – In patients with primary tubal carcinoma, the left para-aortic chain above the level of the inferior mesenteric artery is the most frequently involved. A complete lymphadenectomy (including all pelvic and para-aortic chains up to the level of the left renal vein) should be performed in patients with primary tubal carcinoma, even in patients with stage I disease. © 2005 Elsevier SAS. Tous droits réservés. Mots clés : Cancer de la trompe ; Lymphadénectomie ; Envahissement ganglionnaire ; Ganglions lomboaortiques Keywords: Fallopian tube cancer; Lymphadenectomy; Nodal involvement; Para-aortic nodes

* Auteur correspondant. Adresse e-mail : [email protected] (P. Morice). 1297-9589/$ - see front matter © 2005 Elsevier SAS. Tous droits réservés. doi:10.1016/j.gyobfe.2004.11.008

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X. Deffıeux et al. / Gynécologie Obstétrique & Fertilité 33 (2005) 23–28

1. Introduction Le cancer de la trompe de Fallope est une tumeur rare, représentant entre 0,3 et 1,8 % de toutes les tumeurs malignes de la sphère gynécologique [1]. Il n’existe pas de consensus concernant la prise en charge thérapeutique de ce type de tumeur étant donné sa très faible incidence. Le problème se pose tout particulièrement pour les patientes ayant eu une annexectomie pour pathologie supposée bénigne et dont l’examen anatomopathologique révèle une tumeur maligne primitive localisée à la trompe (stade I de la classification FIGO). Plusieurs questions se posent alors : doit-on procéder à une reprise chirurgicale ? et si oui, doit-on faire une lymphadénectomie et quelle doit être son étendue ? La plupart des équipes considère qu’une reprise chirurgicale est alors nécessaire avec une hystérectomie totale, une annexectomie bilatérale, une omentectomie, des biopsies péritonéales multiples et une cytologie péritonéale. La lymphadénectomie reste discutée : certains réalisent simplement une lymphadénectomie pelvienne et/ou des biopsies ganglionnaires, d’autres font des lymphadénectomies pelviennes et lomboaortiques complètes systématiques. Cette lymphadénectomie a un rôle thérapeutique discuté, mais son intérêt est certain pour la stadification des patientes. Si de nombreux auteurs se sont intéressés à l’extension ganglionnaire du cancer de l’ovaire [2–7], il existe très peu de travaux concernant le cancer de la trompe, et la topographie précise de l’extension ganglionnaire n’est pas décrite [8–11]. Il nous a donc semblé intéressant de rapporter notre expérience, car depuis 1985 nous réalisons systématiquement des lymphadénectomies pelviennes et lomboaortiques chez les femmes affectées d’un cancer annexiel. Le but de cette étude est de déterminer la fréquence et la topographie précise de l’extension ganglionnaire chez les femmes ayant un cancer primitif de la trompe afin d’établir quelle doit être l’étendue de la lymphadénectomie chez ces patientes.

2. Patientes et méthode Entre le 1er janvier 1985 et le 31 décembre 2003, 30 femmes ont été prises en charge à l’institut Gustave-Roussy pour

un carcinome primitif de la trompe. Parmi celles-ci, neuf avaient un envahissement tumoral massif empêchant une lymphadénectomie complète, et deux étaient en mauvais état général contre-indiquant une telle procédure (une d’elles avait un trouble sévère de la coagulation). Ainsi, 19 femmes ayant un cancer de la trompe ont eu une lymphadénectomie complète pelvienne et lomboaortique (63 %). Les coupes histologiques ont toutes été relues à l’institut Gustave-Roussy par le même anatomopathologiste. Cette étude rétrospective a été réalisée à partir des données cliniques, chirurgicales et histologiques de ces 19 patientes. Les lymphadénectomies ont été réalisées par laparotomie selon une procédure précédemment décrite [7–12]. Le curage lomboaortique comprend les groupes ganglionnaires suivants : latéroaortique gauche sus-mésentérique (dont la limite supérieure est le bord inférieur de la veine rénale gauche), latéroaortique gauche sous-mésentérique, interaorticocave, latérocave, iliaque primitif (droit et gauche) et présacré. Ce curage lomboaortique est associé à une résection des pédicules génitaux, et il intègre ou complète la chirurgie de réduction tumorale (« debulking ») : hystérectomie totale, annexectomie bilatérale, omentectomie infragastrique, biopsies péritonéales multiples et cytologie péritonéale. Deux femmes ont eu une résection d’un segment iléal et une patiente a eu une splénectomie pour métastase splénique. Les lymphadénectomies ont été réalisées au cours d’une réduction tumorale initiale dans deux cas, au cours d’une chirurgie de restadification avant chimiothérapie dans quatre cas, et lors d’une chirurgie de second regard dans 13 cas. La stadification a été réalisée selon la classification de la FIGO (Fédération internationale de gynécologie–obstétrique) de 1987 revue en 1992 (Tableau 1). Le stade était déterminé macroscopiquement lors de la chirurgie, puis vérifié, et si besoin corrigé en fonction des données histologiques de la tumeur et de son extension. Pour répondre aux objectifs de l’étude, les stades indiqués dans cet article ne tiennent pas compte du statut ganglionnaire final. Tous les ganglions retirés ont été comptés et examinés histologiquement pour déterminer s’ils présentaient ou non des métastases. Chaque groupe ganglionnaire a été analysé séparément.

Tableau 1 Classification des cancers primitifs de la trompe-FIGO (1992) Stade 0 Stade I Stade IA Stade IB Stade IC Stade II Stade III Stade IV

Classification FIGO (1992) Carcinome in situ limité à la muqueuse tubaire. Tumeur limitée aux trompes de Fallope. Tumeur limitée à une trompe avec extension à la sous-muqueuse et/ou à la muscularis sans franchissement de la séreuse et sans ascite. Tumeur limitée aux trompes avec extension à la sous-muqueuse et/ou à la muscularis sans franchissement de la séreuse et sans ascite. Tumeur stade IA ou IB mais avec extension à la séreuse tubaire ou avec une ascite contenant des cellules malignes ou avec des lavages péritonéaux positifs. Envahissement d’une ou deux trompes avec extension pelvienne. Envahissement d’une ou deux trompes avec métastases péritonéales hors du pelvis et/ou ganglions rétropéritonéaux ou inguinaux métastatiques. Cancer des trompes avec métastases à distance : plèvre, parenchyme hépatique, ganglions périphériques, poumons, peau, etc.

X. Deffıeux et al. / Gynécologie Obstétrique & Fertilité 33 (2005) 23–28 Tableau 2 Caractéristiques des 19 patientes ˆ ge Cas A Procédure a 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12 13 14 15 16 17 18 19

57 65 57 58 47 24 65 64 36 54 43 59 64 53 47 45 52 61 71

second regard second regard second regard second regard restadification réduction tumorale second regard second regard second regard restadification second regard second regard second regard restadification réduction tumorale second regard second regard restadification second regard

Histologie

Grade

Stade

P (n)

Adénocarcinome Papillaire séreux Adénocarcinome Endométrioïde Papillaire séreux Papillaire séreux Papillaire séreux Papillaire séreux Adénocarcinome Papillaire séreux Papillaire séreux Papillaire séreux Anaplasique Papillaire séreux Papillaire séreux Adénocarcinome Adénocarcinome Papillaire séreux Papillaire séreux

3 1 2 2 2 1 1 1 3 1 2 2 3 3 3 2 3 1 2

IB III III IA III IA III IC IB IA III III III IB II II III III III

38 19 20 4 5 1 11 2 1 1 17 21 9 11 27 10 10 7 14

LA (n) PM (n) LAM (n) 15 0 0 26 0 0 7 0 0 7 0 1 12 2 0 3 0 0 8 0 0 1 0 1 2 0 0 13 0 0 12 0 2 17 3 3 3 2 1 9 0 0 22 1 7 11 0 0 13 0 0 6 0 3 5 0 2

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Évolution décès (récidive) décès (péritonite) survie survie survie survie survie récidive survie survie décès (récidive) décès (récidive) décès (récidive) décès (récidive) survie récidive récidive décès (récidive) récidive

R S (mois) (mois) 30 56 0 9 114 108 148 143 72 158 172 160 6 40 4 16 6 21 31 56 4 24 43 24 38 24 42 11 24

a Procédure : moment de la lymphadénectomie (réduction tumorale avant chimiothérapie, restadification avant chimiothérapie, second regard après chimiothérapie). P : ganglions pelviens prélevés ; LA : ganglions lomboaortiques prélevés ; PM : ganglions pelviens métastatiques ; LAM : ganglions lomboaortiques métastatiques ; R : délai de la récidive (en mois) ; S : durée de la survie (en mois).

3. Résultats L’âge moyen de ces 19 femmes était de 54 ans (extrêmes : 24–71). Quatre étaient nullipares (21 %), cinq avaient un enfant (26 %) et dix avaient deux enfants ou plus (53 %). Au moment du diagnostic, 11 étaient ménopausées (58 %). Les symptômes ayant amené à consulter étaient : des douleurs abdominales (huit cas, 42 %), des métrorragies (cinq cas, 26 %) dont deux cas d’hydrohématorrhée, une association douleurs et métrorragies (trois cas, 15 %), une altération de l’état général avec asthénie (deux cas, 10 %) et une masse abdominale isolée dans un cas. Une patiente a été diagnostiquée par laparoscopie après la mise en évidence de cellules adénocarcinomateuses lors d’un frottis cervical réalisé devant des métrorragies. Une seule fois le diagnostic de cancer tubaire a été suspecté lors du bilan radiologique scannographique et/ou IRM préopératoire. Les caractéristiques des 19 patientes sont reportées dans le Tableau 2. Le nombre moyen de ganglions prélevé a été de 22 au total par patiente (±15, extrêmes : 8–53), soit 12 en moyenne au niveau pelvien (± 6, extrêmes : 4–38) et dix en moyenne au niveau lomboaortique (± 6, extrêmes 4–26). Le taux moyen d’envahissement ganglionnaire a été de 47 % (neuf patientes sur 19). Une adénomégalie suspecte avait été notée au cours de l’intervention dans quatre cas. Ces quatre patientes ont bien eu des métastases ganglionnaires retrouvées lors de l’histologie. Parmi les 15 femmes qui n’avaient pas d’adénomégalie suspecte lors de l’intervention, cinq (33 %) ont eu des métas-

tases ganglionnaires retrouvées lors de l’examen anatomopathologique des pièces de lymphadénectomie. Quand existait un envahissement lymphatique, le nombre moyen de ganglions métastatiques était de 3,1 (±2,3 ; extrêmes : 1–8). Nous avons observé un envahissement des ganglions pelviens dans 21 % des cas (n = 4) et un envahissement des chaînes lomboaortiques dans 42 % des cas (n = 8). Un envahissement ganglionnaire pelvien isolé n’a été observé que dans un seul cas. Des métastases lomboaortiques ont été retrouvées de façon isolée dans cinq cas (55 % des patientes ayant une extension ganglionnaire). Une extension à la fois pelvienne et lomboaortique était présente chez les trois autres patientes ayant des métastases ganglionnaires (33 %). La topographie précise de l’extension ganglionnaire est reportée dans le Tableau 3. La chaîne latéroaortique gauche sus-mésentérique était la plus fréquemment atteinte (chez six des neuf femmes ayant des métastases ganglionnaires, 66 % ; Tableau 3 Topographie de l’extension lymphatique chez les neuf femmes ayant des métastases ganglionnaires Groupe ganglionnaire

Latéroaortique sus-mésentérique Latéroaortique sous-mésentérique Interaorticocave Latérocave Pré-sacré Iliaque commun (primitif) Iliaque externe, interne et obturateur

Nombre de femmes ayant un envahissement de ce groupe n (%) 6 (66 %) 1 (11 %) 3 (33 %) 1 (11 %) 2 (22 %) 4 (44 %) 2 (22 %)

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et chez six des huit femmes ayant des métastases lomboaortiques, 75 %). La fréquence d’envahissement ganglionnaire en fonction des stades de la FIGO était de 29 % pour les femmes ayant un cancer de la trompe stade I, 50 % pour les femmes en stade II et 60 % pour les femmes en stade III (Tableau 4). Parmi les sept femmes qui avaient une tumeur apparemment limitée aux trompes (stade I chirurgical), deux avaient un envahissement ganglionnaire lomboaortique isolé (ce sont les chaînes paraaortiques gauches et interaorticocaves qui étaient envahies alors que les tumeurs étaient unilatérales et situées à droite). Parmi ces deux femmes, une n’avait pas d’envahissement de la séreuse (stade IA, carcinome endométrioïde de grade 2). Il n’y a donc pas de corrélation entre le côté de l’atteinte ganglionnaire et le côté de la tumeur. En particulier pour les stades I, les deux femmes qui avaient un envahissement ganglionnaire avaient une tumeur localisée à droite et les adénopathies métastatiques ont été retrouvées dans un cas en latéroaortique gauche et dans l’autre en interaorticocave. Le taux d’envahissement ganglionnaire était identique quel que fût le grade tumoral (33 %). Les détails concernant les taux d’envahissement ganglionnaire en fonction du stade de la FIGO, du grade et du type histologique sont indiqués dans le Tableau 4. Le taux d’envahissement ganglionnaire était de 54 % chez les femmes ménopausées (6/11) et de 37 % chez les femmes non ménopausées (3/8). Un décès postopératoire est survenu lors d’une chirurgie de restadification ; une perforation duodénale a été retrou-

vée. Chez les 18 patientes restantes, il n’y a eu aucune plaie urétérale ou des gros vaisseaux. Toutes les femmes ayant une tumeur de stade I ou II ont eu un résidu tumoral nul. Parmi les dix femmes ayant une tumeur au stade III, six avaient un résidu tumoral après la réduction initiale, mais ce résidu était inférieur à 2 cm dans tous les cas. Une chimiothérapie adjuvante a été réalisée pour 16 de ces 19 patientes (84 %). Parmi les trois femmes n’ayant pas eu de chimiothérapie adjuvante, deux étaient des stades I sans métastase ganglionnaire à l’histologie et la dernière patiente était celle décédée en période postopératoire des suites d’une péritonite stercorale. Huit femmes sont vivantes sans récidive, quatre sont vivantes avec une récidive et sept patientes sont décédées. La durée moyenne du suivi pour les patientes vivantes est de 93 mois (extrêmes : 4–172). Parmi les neuf femmes ayant un envahissement ganglionnaire, cinq sont toujours vivantes avec des durées de survie de 4 à 158 mois (4, 24, 108, 114 et 158 mois). Parmi les dix femmes sans envahissement ganglionnaire, sept sont vivantes (9, 38, 43, 143, 148, 160 et 172 mois de survie). Parmi les six femmes ayant une tumeur de stade III et un résidu tumoral macroscopique, la durée moyenne de survie a été de 22 mois. Les patientes de stade III sans résidu tumoral ont eu une survie moyenne de 75 mois.

4. Discussion Le drainage lymphatique des trompes de Fallope est double : la partie proximale des trompes se draine vers les gan-

Tableau 4 Statut ganglionnaire selon le stade, les caractères histologiques de la tumeur et le moment de la lymphadénectomie par rapport à la chimiothérapie

Stade FIGO a Stade I Stade II Stage III Grade tumoral Grade 1 Grade 2 Grade 3 Type histologique Adénocarcinome papillaire séreux Adénocarcinome b Adénocarcinome endométrioïde Carcinome anaplasique (n = 1) Lymphadénectomie avant chimiothérapie Stade I Stade II Stage III Lymphadénectomie après chimiothérapie Stade I Stade II Stade III a b

Stade ne tenant pas compte du statut ganglionnaire. Sans précision.

Patientes n

Statut ganglionnaire Métastases ganglionnaires Ganglions indemnes n (%) n (%)

7 2 10

2 (29 %) 1 (50 %) 6 (60 %)

5 (71 %) 1 (50 %) 4 (40 %)

6 7 6

2 (33 %) 5 (71 %) 2 (33 %)

4 (67 %) 2 (29 %) 4 (67 %)

12 5 1 1 6 3 1 2 13 4 1 8

7 0 1 1 3 (50 %) 0 1 2 6 (46 %) 2 0 4

5 5 0 0 3 (50 %) 3 0 0 7 (54 %) 2 1 4

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glions pelviens via les canaux lymphatiques du paramètre, et la partie distale et l’ampoule se drainent vers les ganglions lomboaortiques [13]. Toutefois, très peu de données existent concernant la dissémination lymphatique du cancer primitif de la trompe. Notre série comporte seulement 19 femmes mais le cancer primitif de la trompe est un cancer rare et des lymphadénectomies complètes pelvienne et lomboaortique sont rarement réalisées de façon systématique. La plus grande série de cancers de la trompe rassemble 151 cas [14]. Dans cette étude, seules sept femmes ont eu des curages pelvien et lomboaortique complets, et 29 autres ont eu uniquement l’exérèse d’adénopathies suspectes. Quatre études seulement rapportent des lymphadénectomies complètes pour cancer tubaire, et la topographie précise de l’extension ganglionnaire n’y est pas détaillée [8–11]. Cormio et al. rapportent neuf patientes, Tamimi et Figge cinq patientes et Di Re et al. 15 cas [8–10]. Plus récemment, Klein a rapporté une série de 38 patientes ayant eu des curages complets dans le cadre d’un cancer de la trompe [11]. Ainsi, si notre série comporte peu de cas, elle est la seule à détailler précisément la topographie de l’extension ganglionnaire du cancer de la trompe. De plus, elle est la deuxième plus grande série de lymphadénectomies pelvienne et lomboaortique complètes systématiques dans le cadre du cancer primitif de la trompe. Plusieurs résultats intéressants concernant l’extension ganglionnaire du cancer de la trompe ressortent de notre étude. Nous avons retrouvé un taux moyen d’envahissement ganglionnaire de 47 %. Des taux comparables apparaissent dans la plupart des publications, variant de 33 % à 53 % [8,9,15]. Certains auteurs rapportent qu’il n’y a pas d’extension ganglionnaire dans les stades I de cancer de la trompe, suggérant ainsi qu’une lymphadénectomie complète n’est pas nécessaire en cas de tumeur de stade I [11,15]. Dans notre série, le taux d’extension ganglionnaire dans les stades I est de 29 % (deux femmes parmi les sept ayant une tumeur primitive de la trompe de stade I). En ce sens, notre série conforte les données des auteurs ayant évoqué la possibilité d’une dissémination lymphatique précoce, précédant la dissémination intraabdominale [8–10,14]. Nos résultats démontrent que si l’on souhaite une stadification correcte, une lymphadénectomie complète pelvienne et lomboaortique doit être réalisée y compris pour les femmes ayant une tumeur de stade I. Une étude récente met en évidence que la profondeur d’invasion de la trompe est un facteur pronostique indépendant chez les patientes ayant un cancer de la trompe au stade I [14]. Dans notre étude, parmi les patientes ayant un cancer de stade I macroscopique et avec extension ganglionnaire, une d’entre elles n’avait pas d’extension à la séreuse tubaire (stade IA). Aussi, une lymphadénectomie complète pelvienne et lomboaortique nous semble-t-elle nécessaire pour une stadification correcte, même pour les patientes ayant une tumeur apparemment limitée à la trompe sans extension à la séreuse.

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Ceci peut être important pour des patientes ayant une tumeur de grade 1 stade IA, car si l’on conclut à une absence d’extension ganglionnaire, on peut discuter d’une absence de chimiothérapie systématique. Ainsi, si une patiente ayant un stade apparemment localisé à la trompe a une lymphadénectomie incomplète, on peut être amené à la sous-stadifier et donc à la sous-traiter. Une patiente de notre série a eu des métastases ganglionnaires alors qu’elle avait une tumeur endométrioïde de stade IA. Ceci diffère de ce qui a été récemment rapporté par notre équipe dans le cadre du cancer de l’ovaire. Dans une large série comprenant 276 patientes, aucune métastase ganglionnaire n’avait été retrouvée chez les 25 femmes ayant un adénocarcinome endométrioïde [7]. Il nous semble nécessaire, également, de réaliser des lymphadénectomies complètes même s’il n’existe aucune adénopathie suspecte, puisque nous avons retrouvé des métastases ganglionnaires dans cinq cas où n’existait aucune adénomégalie. Nous avons retrouvé qu’il est rare d’observer des métastases ganglionnaires pelviennes isolées (un seul cas) et notre étude montre clairement que c’est la chaîne latéroaortique gauche au-dessus de l’artère mésentérique inférieure qui est la plus fréquemment envahie (dans 66 % des cas où existent des métastases ganglionnaires lomboaortiques). Ainsi, une lymphadénectomie lomboaortique complète doit absolument « remonter » jusqu’au bord inférieur de la veine rénale gauche. Nous pensons qu’il n’y a pas de place pour les prélèvements unilatéraux : dans notre série, nous avons observé des métastases ganglionnaires lomboaortiques controlatérales à des tumeurs apparemment limitées à une trompe (stade I). Des études ont d’ailleurs prouvé la possibilité de métastases controlatérales dans le cadre du cancer de l’ovaire [6,7,16– 18]. Concernant l’intérêt thérapeutique de ces lymphadénectomies en terme de gain de survie, dans notre série, parmi les neuf femmes ayant eu des métastases ganglionnaires, cinq sont encore en vie, et trois d’entre elles ont des survies longues (108, 114 et 158 mois). Klein et al. ont récemment rapporté, certes dans une étude rétrospective, que la médiane de survie des femmes ayant un cancer de la trompe était de 43 mois chez celles ayant eu une lymphadénectomie, et de 21 mois chez celles qui n’en avaient pas eu [11]. Toutefois, à l’heure actuelle, aucune étude prospective n’a prouvé que la lymphadénectomie apportait un bénéfice en terme de survie que ce soit dans le cadre du cancer de la trompe ou dans celui du cancer de l’ovaire.

5. Conclusion Chez les femmes ayant un carcinome primitif de la trompe, la chaîne latéroaortique gauche sus-mésentérique est la plus fréquemment atteinte. Un envahissement pelvien isolé est rare. Ainsi, la lymphadénectomie doit absolument porter non seu-

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lement sur les ganglions pelviens, mais aussi et surtout sur les ganglions lomboaortiques jusqu’au bord inférieur de la veine rénale gauche. Notre étude confirme la fréquence élevée des extensions ganglionnaires dans le cancer de la trompe. Pour une stadification complète et de qualité, une lymphadénectomie complète doit être réalisée, pelvienne et lomboaortique, quel que soit le stade de la maladie (sauf en cas de masse tumorale très volumineuse ou inextirpable), le type histologique ou le grade de la tumeur primitive de la trompe. Références [1] [2]

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