Facteurs associés à la poursuite de l’allaitement maternel à trois mois de vie de l’enfant

Facteurs associés à la poursuite de l’allaitement maternel à trois mois de vie de l’enfant

Revue francophone internationale de recherche infirmière (2016) 2, 87—96 Disponible en ligne sur ScienceDirect www.sciencedirect.com CLINIQUE /Étude...

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Revue francophone internationale de recherche infirmière (2016) 2, 87—96

Disponible en ligne sur

ScienceDirect www.sciencedirect.com

CLINIQUE /Étude descriptive

Facteurs associés à la poursuite de l’allaitement maternel à trois mois de vie de l’enfant Factors associated with continued breastfeeding at 3 months of a child’s life Marie Lacombe (Ph.D) (professeure en sciences infirmières) a,∗, Philippe Delmas (Ph.D) (professeur en sciences infirmières) b, Nathalie Carrier (M.Sc) (statisticienne) c, Marie-Estelle Couture (M.Sc) (conseillère clinique en soins infirmiers) d a

Campus Lévis UQAR, 1595, boulevard Alphonse-Desjardins, G6V0A6 Lévis, Québec, Canada Institut et Haute École de la santé La-Source (HES-SO) de Lausanne, 30, avenue Vinet, 1004 Lausanne, Suisse c Centre de recherche du CHUS, CIUSSS de l’Estrie—CHUS, Hôtel-Dieu de Sherbrooke, pavillon Émile-Noël, 580, rue Bowen-Sud, J1G2E8 Sherbrooke, Québec, Canada d Centre d’accueil Saint-Joseph de Lévis, 5445, Saint-Louis, G6V4G9 Lévis, Québec, Canada b

Rec ¸u le 26 janvier 2016 ; accepté le 20 avril 2016

MOTS CLÉS Allaitement maternel ; Facteurs associés à l’allaitement maternel ; Symptômes dépressifs ;



Résumé But de l’étude. — Identifier les facteurs associés à la poursuite de l’allaitement à trois mois de vie de l’enfant dont la sensibilité maternelle et les symptômes dépressifs dans une région parisienne. Méthode. — Un devis prospectif de type descriptif corrélationnel a été utilisé. Un total de 241 mères parisiennes ayant allaité ont été recrutées à 48 heures de vie de l’enfant. Un questionnaire autoadministré a été complété à 48 heures (T0) et à trois mois de vie de l’enfant (T1).

Auteur correspondant. Adresse e-mail : marie [email protected] (M. Lacombe).

http://dx.doi.org/10.1016/j.refiri.2016.04.002 2352-8028/© 2016 Elsevier Masson SAS. Tous droits r´ eserv´ es.

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M. Lacombe et al. Sensibilité maternelle ; Professionnel de santé

Résultats. — L’âge moyen des mères était de 33 ± 5 ans, 93,8 % étaient en couple et 71 % étaient originaires de France. D’ordre général, les participantes manifestaient peu de symptômes dépressifs et la sensibilité maternelle était élevée. La prévalence de l’allaitement à trois mois de vie était de 66,7 %. Les résultats ont permis de démontrer que la sensibilité maternelle (OR [IC 95 %] = 2,78 [1,29—5,98], p = 0,009), le sexe féminin du bébé (OR = 2,56 [1,19—5,50], p = 0,016), l’absence de complément lacté à la naissance (OR = 2,62 [1,19—5,74], p = 0,016) sont associés à la poursuite de l’allaitement. Conclusion. — L’allaitement maternel est un processus complexe influencé par différents facteurs. L’approche préconisée par les intervenants devrait être non seulement axée sur une approche technique et éducative mais aussi sur une approche de soutien qui prend en compte la sensibilité maternelle. © 2016 Elsevier Masson SAS. Tous droits r´ eserv´ es.

KEYWORDS

Summary Aim of the study. — To identify factors associated with continued breastfeeding at 3 months of child’s life whose maternal sensitivity and depressive symptoms in a Paris region. Method. — A prospective study with descriptive correlational design was used. A total of 241 Parisian mothers who breastfed were recruited at 48 hours of child’s life. A self-administered questionnaire was completed at 48 hours (T0) and 3 months of a child’s life (T1). The prevalence of breastfeeding at 3 months of live was 66.7%. Results. — The mean age of the mothers was 33 ± 5 years, 93.8% were couples and 71% were from France. In general, participants showed few depressive symptoms and maternal sensitivity was high. The results showed that maternal sensitivity (OR [95% CI] = 2.78 [1.29 to 5.98], P = 0.009), female sex of the baby (OR = 2.56 [1, 19 to 5.50], P = 0.016), the absence of additional milk at birth (OR = 2.62 [1.19 to 5.74], P = 0.016) were associated with continued breastfeeding. Conclusion. — Breastfeeding is a complex process influenced by different factors. The approach advocated by the actors should not only be focused on technical and educational approach but also to a supportive approach that takes into account maternal sensitivity. © 2016 Elsevier Masson SAS. All rights reserved.

Breastfeeding; Associated factors breastfeeding; Depressive symptoms; Maternal sensitivity; Health professional

Depuis des décennies, et encore dernièrement, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) réitère le fait que l’allaitement exclusif au sein est le mode d’alimentation à prioriser pendant les six premiers mois de vie de l’enfant [1]. Les avantages pour la santé de l’enfant et de la mère sont bien documentés dans la littérature. Aussi, différents types d’allaitement sont recensés par l’OMS comme : l’allaitement exclusif, l’allaitement prédominant, l’allaitement mixte et l’allaitement total [2]. De fac ¸on plus explicite, l’allaitement exclusif correspond au nourrisson allaité qui ne rec ¸oit aucun autre aliment ni boisson que le lait maternel (y compris de l’eau), à l’exception de médicaments, de vitamines et de sels minéraux [2]. L’allaitement prédominant se différencie de l’allaitement exclusif du fait que le nourrisson peut recevoir de l’eau, des liquides à base d’eau et des jus de fruits, de même que des médicaments, des vitamines ou des sels minéraux. Cependant, les préparations commerciales pour nourrisson sont exclues de cette forme d’alimentation [2]. Quant à l’allaitement mixte, c’est une alternance entre l’allaitement et les substituts de lait maternel, qu’il s’agisse de préparations commerciales pour nourrissons, de céréales ou d’autres aliments [3]. Finalement, l’allaitement total inclut tout

type d’allaitement, qu’il soit exclusif ou partiel avec peu, moyennement ou beaucoup de lait humain [2]. C’est le mode d’allaitement qui sera retenu pour cette étude. Or, les taux d’allaitement en France demeurent en dessous des taux des recommandations des différentes instances en santé [1]. La France est l’un des pays d’Europe où la prévalence de l’allaitement est inférieure à d’autres pays d’Europe, par exemple, la Norvège et la Finlande qui affichent un taux d’allaitement à 95 % lors du départ à la maison [4]. Salanave et al. rapportent que moins de 54 % des enfants sont allaités à un mois et seulement 35 % de fac ¸on exclusive [5]. D’ailleurs, l’étude Épifane rapporte qu’à trois mois, un nourrisson sur trois est allaité, et seulement 10 % bénéficient d’un allaitement exclusif [6]. Suite à ce constat, plusieurs auteurs ont mis en évidence différents facteurs qui sont associés avec la poursuite de l’allaitement : les facteurs sociodémographiques, les facteurs maternels, les facteurs infantiles et les facteurs inhérents à la relation mère-enfant sont décrits dans la section suivante. De fac ¸on plus explicite, les facteurs sociodémographiques tels que l’âge, l’état civil, la scolarité, le revenu, les femmes nées à l’étranger sont bien reconnus dans la littérature pour leur association avec la poursuite de l’allaitement

Facteurs associés à la poursuite de l’allaitement maternel [7—10]. D’autres facteurs comme les facteurs maternels tels que l’intention d’allaiter, le mode d’accouchement, l’absence d’analgésie par péridurale sont associés à la poursuite de l’allaitement ainsi que le contact peau à peau et la cohabitation [7,11—13]. Dans un autre sens, la prise de médicaments au niveau maternel y est associée négativement [14]. De même, les difficultés d’allaitement (comme les gerc ¸ures, l’insuffisance de lait), les symptômes dépressifs maternels, le retour au travail et le tabagisme ont aussi une influence négative sur la poursuite de l’allaitement [7,8,10,15,16]. De plus, le retour au travail est dépendant de la durée des congés de maternité dont la gestion diffère d’un pays à l’autre, ce qui peut avoir un impact sur la poursuite de l’allaitement. Ce facteur a été pris en considération pour la durée de ce projet. Pour ce qui est des facteurs infantiles, le nombre de semaines de gestation, le poids de l’enfant, le score Apgar à la naissance, les problèmes de tétée, l’administration de compléments de lait artificiel ont un impact sur la poursuite de l’allaitement [7,17—19]. Les facteurs inhérents à la relation mère-enfant ont été explorés principalement par la sensibilité maternelle qui, aujourd’hui, représente une variable psychosociale phare dans les études portant sur l’allaitement maternel. La sensibilité maternelle est définie comme étant la capacité de la mère à répondre adéquatement aux besoins de l’enfant, à être accessible et disponible ainsi que le degré de réciprocité s’établissant progressivement dans leurs échanges [20]. Les mères bienveillantes, attentives aux signaux de ¸on appropriée dans un délai leur nourrisson répondant de fac raisonnable sont considérées comme des mères sensibles. La sensibilité est une qualité reconnue comme la plus importante pour favoriser le développement de l’attachement sécurisant [21]. Selon Lacharité, la sensibilité s’exprime en quatre phases : • la détection des signaux émis par l’enfant ; • la signification juste et appropriée des signaux ; • la sélection d’une réponse juste et appropriée aux signaux ; • l’application rapide de la réponse sélectionnée [22]. De plus, Britton et al. identifient la sensibilité maternelle comme étant la première caractéristique du comportement maternel pouvant prédire la durée de l’allaitement [23]. Ainsi, les conclusions de ces études sont unanimes sur le fait que des échanges plus sensibles entre la mère et son nourrisson sont associés à la poursuite de l’allaitement [23—27]. Si les facteurs sociodémographiques, la sensibilité maternelle et les symptômes dépressifs ont été étudiés majoritairement dans les pays anglosaxons et en Amérique de Nord, il n’en demeure pas moins que ces variables ont été peu explorées en France surtout dans un contexte où la prévalence de l’allaitement y est peu élevée. Les objectifs de l’étude sont les suivants : • décrire la prévalence de l’allaitement maternel chez les mères dans une région parisienne à trois mois de vie du nourrisson ; • décrire le profil sociodémographique et clinique des mères et leur nourrisson ainsi que la sensibilité maternelle et les symptômes dépressifs dans une région parisienne à la sortie de la maternité ;

89 • identifier les facteurs associés à la poursuite de l’allaitement à 3 mois tels que le profil sociodémographique et clinique des mères à la sortie de la maternité, le niveau de sensibilité maternelle et les symptômes dépressifs à trois mois. La période de trois mois a été retenue du fait que la majorité des femmes cesse l’allaitement à cette période correspondant à la reprise de leur activité salariale [14].

Méthode Devis de l’étude Un devis prospectif de type descriptif corrélationnel a été utilisé à deux temps de mesure (sortie à la maternité [T0] et à trois mois) (T1). Ce devis permet de répondre aux objectifs de l’étude soit d’explorer les relations d’association entre les variables [28]. La population de l’étude incluait les mères primipares ou multipares accouchant dans une maternité parisienne où près de 5000 accouchements étaient effectués par année. La taille d’échantillon a été calculée afin que ce dernier soit représentatif de la population. Comme la proportion de femmes qui allaitent à 3 mois est inconnue, la taille d’échantillon a été estimée en considérant la proportion maximale de 5 %. En considérant un niveau de confiance de 95 % (Z␣ = 1,96), une taille d’échantillon de 164 femmes était nécessaire. Le fait qu’il existe un risque de perte de suivi de l’ordre de 30 %, la taille nécessaire était de 234 femmes à l’inclusion. Les critères d’inclusion retenus pour l’étude étaient les suivants : mères francophones en bonne santé, âgées d’au moins 18 ans au moment de l’accouchement et dont les nourrissons étaient en bonne santé avec un âge gestationnel se situant à 37 semaines ou plus. Les critères de non-inclusion étaient les grossesses gémellaires et la prise d’antidépresseur.

Déroulement de l’étude L’étude s’est déroulée entre le 15 novembre 2011 et le 15 avril 2011. L’assistante de recherche qui est une professionnelle de la santé a invité les mères à participer à l’étude dans les 48 heures suivant leur accouchement. Dans le cas d’une réponse affirmative, cette dernière leur a remis un formulaire de consentement libre et éclairé qui devait être signé de leur part afin de les inclure dans l’étude. Les mères participantes à l’étude (n = 243) ont rec ¸u de la part de l’assistante de recherche un questionnaire autoadministré qu’elles complétaient avant leur sortie de maternité. Pour le second temps de mesure (T1), les questionnaires autoadministrés étaient acheminés par voie postale aux adresses des parturientes et une enveloppe timbrée leur était remise pour le renvoie postal. Dans les 15 jours qui suivaient l’envoi du questionnaire et sans réponse de leur part, une lettre de rappel était acheminée.

Considérations éthiques Dans le but d’obtenir le consentement éclairé de la participante, le formulaire de consentement contenait des explications claires et précises sur le but de l’étude, la confidentialité des données et la liberté de se retirer à

90 n’importe quel moment de l’étude sans aucun préjudice dans leur suivi. De plus, les données étaient conservées de fac ¸on sécuritaire et confidentielle. Les questionnaires utilisés ont été numérotés de sorte qu’aucun nom n’y figure, permettant ainsi de constituer la base de données à partir de données dénominalisées afin d’assurer l’anonymat en tout temps. L’étude a rec ¸u l’approbation du comité d’éthique de la recherche de l’UQAR CER-61-321 du fait que les données ont été traitées statistiquement au Québec.

Instruments de mesure Le questionnaire sociodémographique et les données cliniques de l’allaitement Le questionnaire utilisé pour colliger les données sociodémographiques et le formulaire de collecte des données cliniques de la mère et de l’enfant ont été conc ¸us pour ce projet. Ce questionnaire a été développé à partir des facteurs identifiés dans la littérature comme étant associés à la poursuite de l’allaitement maternel: l’âge de la mère, la parité, l’intention d’allaiter, le type d’accouchement, l’analgésie par épidurale, les femmes nées à l’étranger, le tabagisme, la prise de médicaments, le contact peau à peau, la cohabitation avec l’enfant, le niveau de scolarité, le revenu socioéconomique, le retour à l’emploi, le nombre de semaines de gestation, le poids, l’âge, l’Apgar et le sexe de l’enfant. Des questions sur les difficultés d’allaitement et les problèmes de tétée ont été intégrées dans le questionnaire. Une première version de ce questionnaire a été soumise à un comité composé de médecins, de sages-femmes et de puéricultrices qui représentent les intervenants travaillant sur une unité de maternité afin de prétester le questionnaire. Des modifications ont été apportées suite à leurs recommandations puis, une seconde version du questionnaire a été prétestée auprès de cinq mères non incluses dans l’étude.

L’échelle des symptômes dépressifs L’échelle d’Édimbourg est un questionnaire autoadministré comprenant dix questions destinées à mesurer les symptômes dépressifs à la période postnatale [29]. Dans le cadre de cette étude, l’échelle d’Édimbourg a été complétée par les mères à 48 heures et à trois mois de vie de l’enfant. Chaque énoncé est coté au moyen d’une échelle de Likert en quatre points. Chaque participant répond entre 0 et 3 selon la gravité des symptômes, le chiffre 3 étant le symptôme le plus sévère. Le résultat est calculé en additionnant les scores obtenus à chaque question et ce dernier peut varier entre 0 et 30. Un résultat supérieur ou égal à 10 indique une intensité plus grande des symptômes dépressifs et devrait être référé à un médecin en santé mentale afin d’être évalué. La validation de contenu de cette échelle a été faite à la période postnatale [29]. Les résultats obtenus montrent une sensibilité à 85 %, une spécificité de 77 % et un alpha de Cronbach à 0,87 [29]. Dans cette étude, les chercheurs ont rapporté un alpha de Cronbach à 48 heures de vie à 0,80.

M. Lacombe et al.

L’échelle de la sensibilité parentale L’échelle de sensibilité parentale est un questionnaire autoadministré incluant 33 énoncés [30]. L’échelle comprend cinq sous-dimensions : la découverte, le contact affectif, l’engagement, le contact physique et la communication. De fac ¸on plus explicite, la découverte de l’enfant réfère au processus par lequel les parents font la connaissance de leur enfant ; le contact physique fait appel aux comportements adoptés par le parent et l’enfant pour interagir ; le contact affectif se caractérise par la disposition affective des parents à l’égard de leur enfant et de leur nouveau rôle ; la communication correspond à l’habileté et à la motivation des parents à initier, à maintenir et à terminer des interactions en tenant compte des capacités interactives de l’enfant et l’engagement réfère à la capacité du parent à assumer de nouvelles responsabilités et à s’engager envers l’enfant. Les énoncés sont cotés sur une échelle de Likert en cinq points variant de 1 « tout à fait d’accord » à 5 « tout à fait en désaccord ». Cet instrument peut être utilisé par un des deux parents. Dans le présent projet, plus le score sur l’instrument est bas, plus la sensibilité maternelle du parent est élevée. Lors de la construction de l’instrument de mesure, la consistance interne pour les sous-échelles varie entre 0,54 et 0,83 [31]. Ce questionnaire a aussi été utilisé dans d’autres études lors de la période postnatale auprès de nourrissons âgés de six mois et moins [32,33]. Dans cette étude, seule la sensibilité maternelle a été étudiée.

Plan d’analyse des données Une analyse descriptive des caractéristiques sociodémographiques et cliniques des mères et des enfants, de la sensibilité maternelle et des symptômes dépressifs a été réalisée selon la poursuite de l’allaitement à la sortie de la maternité (T0). Les variables discrètes ont été examinées à l’aide de fréquences et de pourcentages et ont été comparées entre les groupes à l’aide du test du Chi2 ou le test exact de Fisher (dans le cas de fréquences observées inférieures à cinq). Les variables continues normalement distribuées ont été présentées avec la moyenne et l’écart-type et ont été comparées avec le t-test de Student. Les variables non normalement distribuées ont été présentées à l’aide de la médiane et l’étendue interquartile et ont été comparées avec le test U de Mann-Whitney. Finalement, une analyse de régression logistique multivariée a été effectuée pour prédire si la sensibilité maternelle et les symptômes dépressifs à trois mois (T1) expliquent la poursuite de l’allaitement à trois mois (T1). Un modèle avec la méthode pas à pas de Wald a été utilisé pour ne conserver que les variables les plus significatives expliquant la poursuite de l’allaitement. Ainsi, les variables symptômes dépressifs à trois mois, sensibilité maternelle à trois mois ainsi que les variables sociodémographiques ou cliniques à la sortie de la maternité avec une valeur de p < 0,1 lors des analyses univariées ont été inclues dans le modèle. Malgré que les variables avec un p < 0,1 ont été incluses dans le modèle multivarié, seulement les variables avec une valeur de p < 0,05 ont été considérées comme significatives pour l’ensemble de toutes les analyses. Les analyses ont été réalisées à l’aide du logiciel SPSS version 22.0TM .

Facteurs associés à la poursuite de l’allaitement maternel

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Tableau 1 Caractéristiques sociodémographiques et cliniques des mères et des nourrissons selon la poursuite de l’allaitement à trois mois.

Mères Âge mère, moy. (ET) Péridurale, n (%) Accouchement vaginal, n (%) Primipare, n (%) État civil (mariée, union libre, PACS), n (%) Femmes nées à l’étranger, n (%) Formation supérieure/universitaire, n (%) Emploi, n (%) Revenu, n (%) Moins de 35 000 euros 35 000 à 54 999 euros 55 000 et plus Fumeur, n (%) Médicaments durant la grossesse, n (%) Intention d’allaiter, n (%) Déterminée à allaiter Tentative d’allaiter Indécise Autre Contact peau à peau, n (%) Cohabitation avec le bébé la 1re soirée, n (%) Difficultés d’allaitement Nourrissons Sexe bébé (fille), n (%) Poids du bébé, moy. (ET) Apgar 1 minute, méd. (EIQ) Complément, n (%) Problèmes de tétée 48 h, n (%)

Poursuite de l’allaitement

Arrêt de l’allaitement

n total

Médiane (EIQ)

n total

130 130 129 130 130 129 130 129 120

33 112 109 69 121 83 113 119

(5) (86,2) (84,5) (53,1) (93,0) (64,3) (86,9) (92,2)

65 65 62 65 65 64 65 64 55

40 32 48 10 46

(33,4) (26,7) (40,0) (7,8) (35,9)*

126 123 124

76 52 1 1 95, 108 78

(58,5)** (40,0) (0,8) (0,8) (75,4) (87,8)* (62,9)

130 130 130 130 130

73 3340 9 54 58

(56,2)* (411) (9—10) (41,5)*** (44,6)***

129 128 130

Médiane (EIQ) 33 57 49 43 62 56 54 61

(5) (87,7) (79) (66,2) (95,4) (87,5) (83,1) (95,3)

11 17 27 8 34

(20,0) (30,9) (49,1) (12,9) (54,8)

65 62 56

22 39 3 1 48 45 29

(33,8) (60,0) (4,6) (1,5) (73,8) (72,6) (51,8)

65 65 65 65 65

25 3335,8 9 43 47

62 62 65

(38,5) (429) (9—10) (66,2) (72,3)

n : nombre de sujets ; Moy. : moyenne ; ET : écart-type ; Méd. : médiane ; EIQ : étendue interquartile (25e —75e percentiles). * p < 0,05, ** p < 0,01, *** p < 0,001.

Résultats Caractéristiques sociodémographiques et cliniques des mères et des nourrissons à la sortie de la maternité Le taux de réponse des mères à trois mois de vie du nourrisson était de 80 %, soit 195 femmes sur un total de 243 femmes qui ont accepté de participer à l’étude à T0. Aucune information n’a été documentée sur le nombre de participantes qui ont refusé d’adhérer à l’étude. Les femmes qui n’ont pas répondu au questionnaire à trois mois avaient des caractéristiques similaires à celles qui ont continué l’étude, particulièrement pour les variables d’intérêt comme les symptômes dépressifs et la sensibilité maternelle. D’ailleurs, aucune différence significative n’a été observée. La moyenne d’âge des participantes à trois mois était de 33 ± 5 ans, 93,8 % étaient en couple et 72 % originaires de France. La majorité avaient une formation supérieure ou universitaire (85,6 %) et exerc ¸aient un emploi (92,3 %)

avec un revenu annuel qui dans un tiers des cas étaient égal ou supérieur à 55 000 euros. Environ la moitié des femmes étaient primipares et avaient accouché par voie vaginale. La moitié des nourrissons était de sexe féminin, l’Apgar à une minute était majoritairement de 9 ou 10. La moitié des femmes ont eu recours aux compléments (lait artificiel) à 48 heures de vie du nourrisson, Certains nourrissons ont éprouvé des problèmes avec la tétée lors de l’allaitement dus principalement au fait que le nourrisson dormait au sein ou avait de la difficulté à prendre le sein dans 50 % et 20 % des cas respectivement (données non présentées).

Prévalence de l’allaitement maternel à trois mois de vie du nourrisson La prévalence de l’allaitement maternel à trois mois de vie du nouveau-né était de 66,7 % chez les mères qui allaitaient encore leur nourrisson. La comparaison des caractéristiques des mères et de l’enfant selon la poursuite de l’allaitement est présentée au Tableau 1. Il n’avait pas de différence significative entre les femmes allaitantes ou non à trois mois

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M. Lacombe et al.

Tableau 2 Symptômes dépressifs et sensibilité maternelle selon la poursuite de l’allaitement à trois mois de vie du nourrisson.

Symptômes dépressifs à 48 h Symptômes dépressifs à 3 mois Sensibilité maternelle à 3 mois Découverte Contact affectif Proximité physique Communication Engagement

Poursuite de l’allaitement

Arrêt de l’allaitement

n total

Médiane (EIQ)

n total

Médiane (EIQ)

129 129 128 128 130 128 128 128

6 5 1,7 2,0 1,4 1,9 1,3 1,6

64 65 63 63 64 63 63 63

7 5 1,8 2,2 1,5 2,0 1,3 1,7

(3—9) (3—8) (1,4—1,9) (1,5—2,2) (1,2—1,8) (1,6—2,3) (1,2—1,7) (1,2—1,9)

(4—10) (3—9) (1,4—2,1) (1,5—2,5) (1,2—1,8) (1,7—2,4) (1,0—1,8) (1,2—1,9)

n : nombre de sujets ; EIQ : étendue interquartile (25e —75e percentiles). Il n’y a aucune différence significative selon la poursuite de l’allaitement à trois mois.

pour l’âge, le type d’accouchement, le fait d’être primipare, l’état civil, le diplôme universitaire, l’emploi ainsi que le revenu. Les femmes nées à l’étranger poursuivaient l’allaitement plus longtemps (35,7 % vs 12,5 %, p < 0,001). La prise de médicaments durant la grossesse, l’administration de compléments et les difficultés de téter à 48 heures réduisaient la poursuite de l’allaitement. En effet, 72 % des femmes qui ont cessé l’allaitement à trois mois ont eu des problèmes de tétée, comparativement à seulement 44,6 % pour celles qui ont poursuivi l’allaitement (p < 0,001). Les taux étaient similaires pour l’administration des compléments pour les femmes qui ont cessé ou poursuivi l’allaitement (66,2 % vs 41,5 %, p < 0,001). Par contre, le fait de cohabiter avec l’enfant la première soirée et d’être déterminée à allaiter augmentait la poursuite de l’allaitement. Enfin, les femmes qui ont eu un enfant de sexe féminin avaient poursuivi plus longtemps l’allaitement (56,2 % vs 38,5 %, p < 0,05).

Description des symptômes dépressifs et de la sensibilité maternelle à 3 mois de vie du nourrisson Tel que décrit dans le Tableau 2, les femmes participantes présentaient peu de symptômes dépressifs puisque les scores médians oscillaient entre 5 à 7 (arrêt de l’allaitement). De plus, les scores de sensibilité maternelle étaient proches de 2, ce qui démontrait que les femmes avaient une bonne sensibilité maternelle. Dans les analyses univariées, aucune différence n’a pu être observée entre les mères qui allaitaient ou non. Les femmes allaitantes ou non ont eu très peu de symptômes dépressifs et avaient une sensibilité maternelle élevée.

Tableau 3 Analyse de régression logistique multivariée pas à pas pour expliquer la poursuite de l’allaitement à 3 mois. Odds ratio (intervalle de confiance à 95 %) Sexe bébé, fille vs garc ¸on Sensibilité découverte à 3 moisa Cohabitation la 1re soirée Femmes nées à l’étranger Absence de problèmes de tétée à 48 heures Absence de compléments lactés à la naissance

2,56 2,78 2,62 4,58 4,16

(1,19—5,50)* (1,29—5,98)** (1,00—6,85)* (1,70—12,33)** (1,82—9,53)***

2,62 (1,19—5,75)*

a

Le score de sensibilité maternelle a été inversé de sorte que plus le score est élevé, plus les mères sont sensibles. * p < 0,05 ; ** p < 0,01 ; *** p < 0.001.

à l’étranger, la médication durant la grossesse, le fait d’être déterminée à allaiter, la cohabitation en soirée, les problèmes de tétée à 48 heures, les symptômes dépressifs à trois mois et la sensibilité maternelle à trois mois. Les variables associées à la poursuite de l’allaitement à trois mois obtenues du modèle multivarié étaient : avoir donné naissance à une fille (OR [95 % CI] : 2,56 [1,19—5,50], p = 0,016) ; être plus sensibles dans la composante de la découverte (OR [95 % CI] : 2,78 [1,29—5,98], p = 0,009) ; avoir cohabité avec l’enfant en soirée, (OR [95 % CI] : 2,62 [1,00—6,85], p = 0,049) ; les femmes nées à l’étranger (OR [95 % CI] : 4,58 [1,70—12,33], p = 0,003) ; l’absence de problèmes de tétée (OR [95 % CI] : 4,16 [1,82—9,53], p = 0,001) et la nonadministration de compléments lacté à la naissance (OR [95 % CI] : 2,62 [1,19—5,65], p = 0,016).

Facteurs prédictifs de la poursuite de l’allaitement à 3 mois de vie du nourrisson

Discussion

Le Tableau 3 présente les résultats de la régression logistique multivariée pas à pas ascendante. Les variables introduites dans le modèle étaient : le sexe de l’enfant, les compléments à 48 heures, le fait d’être primipare, les femmes nées

Concernant le premier objectif de l’étude qui est de décrire la prévalence de l’allaitement à trois mois, le taux obtenu dans ce projet est de 66,7 %. Ce taux est semblable à l’étude de Courtois mais supérieur à l’étude de l’Epifane

Facteurs associés à la poursuite de l’allaitement maternel qui rapportait un taux de 39 % [5,24]. Même si ce taux est augmenté dans l’étude, il est sous le seuil des recommandations actuelles en matière de santé. Il importe de demeurer prudent quant à l’écart des résultats obtenus dans la présente étude comparativement à ceux de l’étude de l’Epifane qui comptait 18,000 nourrissons. Cet écart peut provenir de la taille de l’échantillon de notre étude qui est beaucoup plus petite et du contrôle des critères d’inclusion tels qu’un accouchement à terme et le bon état de santé de la mère et de l’enfant. Par contre, les critères de notre étude sont semblables à l’étude de Courtois et al., ce qui peut expliquer la similarité dans les taux rapportés [24]. D’autres études sont à initier pour voir si ces taux se maintiennent ou augmentent afin de répondre aux objectifs de l’OMS à savoir que tous les nourrissons soient allaités à six mois [1]. De plus, l’une des mesures du Programme national nutrition santé (PPNS) 2011—2015 est de promouvoir l’allaitement maternel dont les actions préconisées sont celles d’informer les mères des modes d’alimentation et de discuter de fac ¸on objective de l’allaitement afin que la mère fasse un choix éclairé [4]. Cette initiative pourrait avoir un impact positif sur la poursuite de l’allaitement. Aussi, cette étude vise d’une part, à examiner le profil sociodémographique et clinique des mères, la sensibilité maternelle, les symptômes dépressifs et, d’autre part, étudier leur association avec la poursuite de l’allaitement à trois mois. Pour ce qui est des facteurs sociodémographiques, les résultats démontrent que la pratique de l’allaitement en maternité est beaucoup plus fréquente chez les femmes nées à l’étranger que chez celles nées en France. Donc, les mères franc ¸aises allaitent moins à trois mois de vie de l’enfant, ce résultat a aussi été répertorié dans l’étude de Kersuzan et al. [34]. Ce facteur a été examiné sur un pied d’égalité comme tous les autres facteurs sociodémographiques sans préjudice aux participantes. Il serait capital dans une étude ultérieure d’étudier et de documenter l’aspect culturel qui semble avoir un impact important dans la poursuite de l’allaitement. Ce facteur serait à prendre en compte lors de l’évaluation des mères pour mieux cibler celles qui pourraient cesser d’allaiter précocement. Aussi, les résultats obtenus rapportent que la cohabitation entre la mère et l’enfant est un facteur favorable à la poursuite de l’allaitement. Ce résultat va dans le sens de l’initiative hôpital Ami-des-Bébés (IHAB) dont l’une de ces conditions est de maintenir la cohabitation 24/24 [3]. Concernant le résultat du sexe de l’enfant, la prudence doit être de mise à savoir que le fait d’être une fille augmenterait les chances d’être allaitées à trois mois. Actuellement, il n’existe pas de consensus sur l’influence du sexe de l’enfant sur la poursuite de l’allaitement. Ce résultat demande à être corroboré par d’autres études même si ce résultat abonde dans le même sens que ceux rapportés par Sisk et al. [35]. Pour ce qui est des facteurs cliniques chez la mère, il n’est pas étonnant que l’intention ferme d’allaiter soit significative. Il est bien documenté dans les écrits que l’intention ferme d’allaiter est associée à la poursuite de l’allaitement [27,36]. D’où l’importance que les mères soient renseignées tôt sur les modes d’alimentation pour qu’elles puissent faire un choix éclairé. À propos des caractéristiques du nourrisson, les résultats de l’étude rapportent que ceux qui ne présentent pas de

93 problèmes de tétée sont plus susceptibles d’être allaités à trois mois. D’ailleurs, ce constat a déjà été souligné par Radwan dont les résultats de l’étude mentionnaient que les nourrissons qui présentent un problème technique d’allaitement tel qu’un problème de tétée est un facteur important de sevrage [7]. Ceci doit être pris en compte afin de soutenir les mères qui sont très inquiètes lorsque le nourrisson présente un problème de succion lorsqu’il est endormi, peu actif ou agité et en pleurs. Un résultat non négligeable dans l’étude est l’administration d’un complément de lait artificiel en milieu hospitalier associé négativement à la poursuite de l’allaitement. Les résultats de la littérature abondent dans ce sens. En effet, il est clairement établi que l’administration au nouveau-né d’un complément lors du séjour en milieu hospitalier a un impact négatif sur la durée de l’allaitement total et exclusif [17,37]. Il est possible que l’état du nourrisson puisse nécessiter un apport additionnel mais ceci doit être donné avec discernement sous indication médicale. En ce qui concerne les symptômes dépressifs, les résultats de cette étude montrent pour les mères qui ne sont pas déprimées, les chances sont plus grandes de poursuivre l’allaitement. Il n’est pas à négliger de prendre en compte ce que la littérature rapporte qu’un score élevé de symptômes dépressifs est associé à moins d’initiations de l’allaitement et à plus de sevrages [38—41]. Ces mères sont plus à risque d’éprouver des problèmes d’allaitement [42]. L’explication pour le résultat obtenu est possiblement due aux critères d’inclusion et au fait que l’échantillon de mères détiennent peu de facteurs de risque tels que la prématurité, le nourrisson de petit poids. D’autre part, elles présentent davantage de facteurs de protection le fait d’être en bonne santé, d’avoir une grossesse à terme sans complications ainsi que le fait d’avoir un nourrisson en bonne santé et un conjoint. Ce qui peut expliquer en partie que les participantes présentent peu de symptômes dépressifs. Pour les professionnels de la santé dans l’évaluation clinique, il serait intéressant de prendre en compte les symptômes dépressifs pour obtenir un meilleur profil des mères qui allaitent afin de leur offrir le soutien nécessaire. En regard des résultats obtenus sur la sensibilité maternelle, les mères plus sensibles particulièrement dans la composante découverte sont plus susceptibles d’allaiter leur enfant à trois mois. Ce résultat abonde dans le même sens que d’autres études où la sensibilité maternelle est reconnue comme étant un facteur favorable à la poursuite de l’allaitement [23,24,26,27]. Ce fait n’est pas étonnant puisque plusieurs auteurs soulignent que la composante de la découverte est centrale dans l’établissement de la relation mère-enfant [43]. C’est un processus de connaissance mutuelle par lequel le parent saisit les différentes occasions pour en apprendre davantage sur son enfant. Dans cette phase d’exploration, le parent recherche de l’information et démontre de l’intérêt à découvrir son enfant [44]. Suite à ce constat, il y a lieu d’observer chez les mères allaitantes les interactions avec leur nourrisson.

Limites de l’étude L’une des limites de l’étude a été le fait que les mères présentent peu d’indicateurs de vulnérabilité, ceci était dû aux

94 critères d’inclusion à participer à cette étude. Une autre des limites de l’étude était que la différence culturelle n’était pas documentée dans le contexte de l’allaitement. De plus, aucune information n’était disponible en ce qui concernait les non-participantes, leurs caractéristiques et la raison de leur refus d’adhérer à cette étude. Il serait possible qu’un biais de désirabilité sociale se soit introduit lors des réponses aux questions en raison de la norme sociale sur l’allaitement afin de répondre de fac ¸on acceptable.

Recommandations pour la pratique Le soutien aux mères devrait être un défi à relever pour les professionnels travaillant dans les unités de maternité chez les mères présentant des symptômes dépressifs et détenant peu de sensibilité maternelle à la période postnatale. Une relation de confiance, un dépistage précoce, un suivi régulier, une référence si besoin seraient des interventions à privilégier dans ce contexte. Pour la sensibilité maternelle, il aurait lieu de développer une approche de soutien où la sensibilité est au cœur de l’intervention chez les mères allaitantes. Le professionnel de la santé pourrait, par exemple, inviter la mère à décrire quels sont les signes qui l’ont amenée à penser que son nourrisson avait faim ou encore comment son nourrisson réagit aux caresses ou aux différents stimuli. Chez les nourrissons présentant des difficultés à téter, valoriser et soutenir la compétence des mères dans l’acte d’allaiter serait aussi une stratégie gagnante pour rassurer la mère. Aussi, informer les parents sur les difficultés qui pourraient surgir lors de l’allaitement et les sources de soutien dans leur milieu [45]. Dès la période prénatale, le professionnel pourrait informer la mère des bienfaits de l’allaitement qui est une condition de succès pour l’allaitement émise par l’OMS et l’UNICEF [2]. Finalement, renseigner la mère sur les avantages de la cohabitation, contexte qui permettrait de développer les habiletés chez la mère afin de mieux décoder et interpréter les signaux émis par son nourrisson.

Recommandations pour la formation Les professionnels devraient être formés de fac ¸on à répondre judicieusement aux besoins des dyades mèreenfant en ciblant des interventions appropriées et pertinentes dans ce contexte. Par exemple, pour les mères présentant des symptômes dépressifs, ils devraient avoir des formations sur l’utilisation et l’interprétation d’un instrument de mesure pour évaluer les symptômes dépressifs afin d’être capable de les référer si besoin. Pour ce qui est de la sensibilité maternelle, avoir des sessions de formation sur les interventions à privilégier pour soutenir la mère dans son allaitement. Informer les professionnels sur le contexte interactionnel de l’allaitement maternel, comment observer la sensibilité en encourageant la proximité physique, en décodant les signaux émis pas le nourrisson et en les interprétant. Ceci leur permettrait de développer les habiletés à observer et à évaluer la sensibilité maternelle dans leur pratique quotidienne auprès des mères allaitantes. Aussi, des formations pourraient être mises de l’avant afin que les professionnelles connaissent davantage les stratégies pour intervenir lorsqu’un nourrisson présente des problèmes de tétée par exemple lorsqu’un refuse le sein ou dort au

M. Lacombe et al. sein. Aussi, de bien les informer sur les raisons d’indication médicale pour administrer un complément lacté au nourrisson.

Recommandations pour la recherche Il s’agit des premières études qui placent le focus sur la sensibilité maternelle, facteur intéressant pour sa contribution à la compréhension des facteurs associés à la poursuite de l’allaitement. D’autres recherches devraient être répliquées en incluant des facteurs de vulnérabilité pour obtenir une meilleure représentativité de la population. De nouvelles études qui prendraient en compte les différences culturelles dans le contexte de l’allaitement seraient à privilégier afin de connaître son impact sur l’allaitement. Afin de pousser davantage les connaissances, un devis corrélationnel prédictif pourrait être pertinent avec une plus grande proportion de mères afin de documenter les facteurs responsables de la poursuite de l’allaitement maternel.

Conclusion Finalement, l’allaitement maternel est un processus complexe influencé par différents facteurs. L’approche préconisée par les intervenants devrait être non seulement axée sur une approche technique et éducative mais aussi l’élargir à une approche de soutien en prenant compte le contexte interactionnel de l’allaitement maternel dont la sensibilité maternelle est au cœur de cette perspective. Le soutien émotionnel permettrait de favoriser l’expression des sentiments chez les mères, de détecter les dyades à risque et d’intervenir précocement. Ce qui permettrait aux professionnels dans le continuum de soins en périnatalité de développer des stratégies d’information et de soutien aux mères allaitantes par exemple en favorisant la cohabitation, la proximité physique afin de soutenir le développement de la sensibilité maternelle.

Soutien financier Cette recherche a été possible grâce au soutien financier du Fond institutionnel de recherche de l’université du Québec à Rimouski ainsi que celui de l’hôpital de Cochin.

Déclaration de liens d’intérêts Les auteurs déclarent ne pas avoir de liens d’intérêts.

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