Gastroenterol Clin Biol, 2006, 30
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Flush révélateur de la récidive d’une tumeur stromale rectale Efficacité de l’imatinib
L
es flushes sont liés le plus souvent à la synthèse de substances vaso-actives ou à certaines prises médicamenteuses [1]. Nous rapportons l’observation d’un malade dont la récidive d’une tumeur stromale digestive (GIST) s’est accompagnée de flushes résolutifs sous imatinib. come en GIST. La scannographie abdomino-pelvienne identifiait une métastase du segment III hépatique de 65 mm de diamètre, confirmée par l’examen anatomo-pathologique après ponction-biopsie par voie per-cutanée. La tomographie par émission de positons (TEP) au 18FDG montrait une fixation hépatique gauche intense et des fixations pelviennes suspectes mais non spécifiques compte tenu des antécédents. Après concertation pluridisciplinaire, il était proposé en décembre 2003 un traitement par imatinib à la posologie de 400 mg/j. Dès le deuxième jour de la prise du traitement, le malade constatait la disparition complète des flushes. Après 18 mois de traitement bien toléré par imatinib, le malade était toujours asymptomatique sans récidive des flushes. Les douleurs abdominales étaient contrôlées par l’association inchangée de fentanyl et morphine. La lésion hépatique était stable selon les critères morphologiques ; cependant, les diminutions de sa densité à la scannographie, de sa perfusion en échographie doppler avec injection de produit de contraste et de son intensité de fixation à la TEP au 18FDG évoquaient une réponse objective. Les fixations pelviennes étaient inchangées.
Observation Un homme de 72 ans consultait en mai 1996 pour un phimosis. Le toucher rectal mettait en évidence une tumeur du bas rectum. L’endoscopie, l’écho endoscopie et l’IRM visualisaient une tumeur sous-muqueuse du rectum de 5 cm sans adénopathie venant au contact du sacrum. Une exérèse par voie postérieure trans-sacrée de Kraske était réalisée en juin 1996, l’examen anatomo-pathologique concluant à un léiomyosarcome de bas grade avec limites de résection saines (R0). Une radiothérapie externe adjuvante délivrait 45 Grays (Gy) en 18 fractions. En juin 2000, l’examen clinique de surveillance révélait une récidive intrapariétale rectale postérieure, confirmée par l’écho endoscopie. Une résection macroscopiquement complète mais avec résidu microscopique (R1) était pratiquée par voie trans-anale en août 2000. Un complément de radiothérapie externe délivrait 45 Gy en 18 fractions sur un volume réduit à la région pré-sacrée ne contenant aucun organe sain critique. L’examen anatomo-pathologique confirmait la récidive du sarcome. En 2002, le malade était pris en charge pour une rectite post-radique traitée par électro-coagulation au plasma argon. En avril 2003, le malade était hospitalisé pour des douleurs pelviennes ; les examens d’imagerie ne montraient pas de lésions évolutives. Les douleurs étaient attribuées à des épisodes sub-occlusifs sur lésions post-radiques. Un traitement symptomatique par laxatifs et morphiniques était entrepris le 17 avril 2003. En septembre 2003, le malade consultait pour des flushes, survenant 2 à 3 fois par jour depuis 3 semaines, sans facteur déclenchant, notamment prise d’alcool. L’érythème facial, qui persistait environ 2 heures, était associé à des céphalées et à des paresthésies des extrémités. Le traitement comportait depuis 5 mois : fentanyl 50 µg/h en patch, morphine 10 à 20 mg par jour en inter-dose, oméprazole et macrogol 4000 par voie orale. Il n’existait ni diarrhée, ni sueurs, ni palpitations, ni hypertension artérielle. La recherche d’une cause endocrine par le dosage de l’acide 5-hydroxyindol-acétique (5-HIA) dans les urines, de la sérotonine plaquettaire, et de la calcitonine et chromogranine A plasmatique était négative. Les autres causes de flush (phéochromocytome, mastocytose, cancer médullaire de la thyroïde, médicamenteuse) étaient éliminées. Une relecture des deux pièces opératoires avec examen immunohistochimique révélant une positivité pour KIT (CD 117) et CD 34, permettait de reclasser le léïomyosar-
Discussion Les GIST sont des tumeurs mésenchymateuse rares dont le rectum représente environ 10 % des localisations digestives [2, 3]. Elles sont définies par leur expression de la protéine KIT, un récepteur trans-membranaire spontanément activé après mutation somatique du gène KIT. L’imatinib (Glivec®) est un inhibiteur sélectif des tyrosine-kinases KIT, PDGFRα et bcr-abl qui est indiqué dans le traitement des GIST malignes inopérables ou métastatiques KIT positives et des leucémies myéloïdes chroniques positives pour le chromosome Philadelphie [4]. Le signe clinique typique de flush est l’érythème du visage d’une durée variant de quelques minutes à plusieurs heures ; d’autres symptômes sont plus ou moins associés : bouffées de chaleur, céphalées, paresthésies, palpitations. On peut très probablement attribuer la symptomatologie de flush à la GIST métastatique selon les critères d’imputabilité suivants : absence d’autres causes de flush, notamment médicamenteuse ; survenue des flushes dans un délai compatible après le diagnostic de récidive de la GIST ; disparition rapide et à long terme des symptômes après mise en route du traitement anti-tumoral par
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Lettres à la rédaction
Jean-François DELATTRE (3), Tan Dat NGUYEN (4), Guillaume CADIOT (1), Gérard THIÉFIN (1)
imatinib. Flushes et sueurs sont des effets secondaires possibles des traitements opioïdes [5], mais la relation causale ne pouvait être retenue dans notre observation compte tenu de la chronologie de la symptomatologie par rapport à la prise continue d’opiacés. La physiopathologie des flushes comporte la libération de substances vaso-actives agissant directement sur le muscle lisse des vaisseaux ou par le biais de l’innervation vasomotrice [1]. Parmi les nombreuses causes de flush, des origines paranéoplasiques ont été rapportées. Des flushes secondaires à une carence hormonale oestrogénique ou androgénique ont été décrits dans les cancers du sein [6] et de la prostate [7] ; ils sont dans ces cas plutôt ressentis comme des bouffées de chaleur. À notre connaissance, aucun cas de flush n’a été rapporté dans les GIST métastatiques. S’il est établi que certaines mutations, notamment sur les exons 9 et 13 du gène KIT ou l’exon 18 du gène PDGFRA, déterminent certains évènements rares des GIST, comme la localisation ou la résistance à imatinib, en revanche rien n’a été mentionné à propos de symptômes particuliers tels que les flushes [8, 9].
(1) Service d’Hépato-Gastroentérologie, (2) Laboratoire d’Anatomie et de Cytologie Pathologiques, (3) Service de Chirurgie Générale et Digestive, CHU Robert Debré, Reims ; (4) Service de Radiothérapie, Institut Jean Godinot, Reims. RÉFÉRENCES
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Depuis la mise à disposition de l’imatinib, cette observation illustre ainsi l’importance de la relecture du diagnostic histologique des tumeurs conjonctives digestives opérées avant 2000 par examen immuno-histochimique avec le marqueur KIT d’une part, et les difficultés de l’évaluation tumorale par imagerie d’autre part. Les critères morphologiques classiques OMS ou RECIST ne sont pas clairement adaptés à l’évaluation de la réponse tumorale des GIST traitées par imatinib [10]. Les modifications des caractéristiques tumorales induites par l’imatinib ne sont pas toujours associées à une diminution de taille qui peut même augmenter initialement par hémorragie ou dégénérescence myxoïde [10]. Outre l’amélioration symptomatique, qui était spectaculaire dans notre observation, le recours à des signes indirects d’efficacité est donc souvent nécessaire : diminution de la densité à la scannographie, de la microperfusion en échographie-doppler de contraste [11] et/ou de l’intensité de captation du 18FDG à la TEP.
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