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qu'~ l'encontre de ce qui se passe dans le premier article de Haden .s ont dtendu la notion de classe phonotactique h routes les sy]labes, finales de groupe de souffle ou non, et que, l~ oh dans le premier article i] ~tait question de la dur~e (phonotactique) de la voyelle, ils ont mesur6 la dur6e de voyelle plus consonne ou groupe consonantique final de syllabe. Ce qui pose la question de savoir si dans une interpr6tation phonologique du fran~ais on peut, comme ils le font, distinguer en effet une syllabe, et ce qui aurait au moin'; rendu d6sirable une d6termination explicite d'une telle unit6. Somme route, nous croyons que des exp6riences plus pouss6es confirmeront les r6sultats de cette 6rude, en ce sens que les pMnc,-m~nes de quantit6 - Ies auteurs ont bien mis en relief qu'il s'agit toujours de quantit6 relative dans la rdalisation - concernent non l.,=,,.,,l,., t 6 , . . , / q u c ~ au niveau phon~tique), mais aussi certaines oppositions du syst~me vocalique et la joncture (au niveau phonologique), bien que nous pensions que leur r61e phonologique est un peu plus r6duit et laisse plus de place pour d'autres ph6nom~nes que les auteurs ne veulent.
Haren, Pays Bas
W. ZWANENBURG
JEAN DUBOIS, Grammaire structu~ de du [ranfais. Langue et Langage. Librairie Larousse, Paris 1965. 192 pp. Au cours des ann6es 1930-1960, oil la l inguistique a connu un essor universel, les grammairiens fran~ais se sont en g~; ~6ral tenus un peu Al'6cart de ces courants nouveaux. Abstraction faite d'un certain int6r~t pour la phonologie de Prague (Gougenheim et Martinet), ils se sont surtout rassembl6s autour de la psycho-syst6matique de Gustave Guillaume. Mais ces derni~res ann~es ont pr6sid6 ~ un changement total de la situation et ont v u s e manifester un int6r~t croissant pour les 6coles et les maitres structuralistes: la linguistique am6ricaine, Roman Jakobson Louis HjelmsL~v. Un des hommes ies plus actifs ~ promouvoir ce renouveau de la grammaire fran~aise a ~t6 Jean Dubois. I1 est venu de la lexicologie, comme A. J. Greimas, et de lk est pas~6 A la grammaire. Auteur, a~ ec R. Lagane, d'un Dictionnaire de la langue /ranfaise classique (Belin, 1960) et, avec A. Dauzat et H. Mitterand, d'un Nouveau Dictionnaire ~tymologique a historique (Larousse, 1964), il a fait sa th~se sur Le
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Vocabulaire politique et social en France de I869 d, I872 (Larousse, 1963), mais sa th6se compl6mentaire est une l~tude sur la d~rivation en ]ranga~: moderne et contemporain (Larousse, 1963), qui r4v61e d6j~ une orientation grammaticale. Attach6 k la Librairie Larousse, il y a cr46 la s6rie 'Langue et Langage', qtt'il inaugure lui-m~me par sa Grammaire structurale du ]rangais, avec le sous-titre Nora et pronom. C'est surtout l'influence de la linguistique am6ricaine qui s'y fait sentir. La description que nous pr~sente Jean Dubois est as6malltiqueet distributionnelle, il appelle segments les 616ments de la ~ a m maire, et il a constamment recours ~ la th6orie de la communic:'Aion. I1 renvoie d'aiUeurs en premier lieu ~ la m6thodologie de Zeflig S. tIarris. Mais ce n'est pas dire que ce soit une analyse herm~tique, r6serv6e aux seuls partisans ou initi6s de cette th6orie. Au contraire, c'est une analyse ouverte qui abnutit ~ une description fond6e sur la distribution ccncr6te des 6i6men*s grammaticaux. Par opposition aux m6thodes s6mantiques ou ~-sychologiques, cette m4thode a l'avan',age d'etre directement accessible. De chaque d4marche de l'analyse on peut discuter les arg-ments, qui sont toujours de nature purement gralnmaticale mais jamais de caract~re extralinguis~ique. J,~ peux me d6clarer enti6rement d'accord avec les principes de cetts m6thode et de cette description. Quant aux d6tails, je me suis laiss6 convaincre par le raisonnement de J. D. dans une s6rie de cas, dans d'autres non. La meilleure fa~on de rendfe comp~e de son livre, qui :le manquera pas de faire date dans l'histoiie de la grammaire fran,~aise, se:a d'en discuter pas ~ pas l'argumentation. J. D. prend son point de d6part dans l'analyse syntaxique, et il le faut bien. car c'est 1~ que sont distribu6s les 614ments de la langue, et c'est sur ces distribations que reposera route description vraiment grammaticale. J. D. part d'en bas et passe du segment au syntagme et fl !a phrase. Je proc6derais en sens inverse, en commen~ant par la phrase, d6finie par l'intonation, mais le principe des deux analyses reste le m6me. Je m'dtonne seulement que J. D. puisse se passer du niveau de la proposition et de celui du mot, et qu'il puisse dire: 'La phrase minimale est form~e de la juxtaposition de deux syntagmes', lorsqu'il dit juste apr~s: 'Un syntagme nominal ou verbal peut/~ lui seul constituer une phrase' (p. 11). A partir de cette phrase minimale, J. D. d4finit, comme Harris, ce qu'il appelle 'les classes syntagmatiques', et qu'il pourrait au fond
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tout aussi bien nommer 'ies parties du discoms', puisque son analyse est une sorte de rdhabilitation de cet ancien terme. Pour moi, la base de cette ddfinition parait peu sflre: il y a tellement d'unitds diffdrentes qu'on peut reneontr~.r dans les deux syntagmes d'une phrase minimale: Gdngreuse, son ohm! Je prdfdrerais m'en tenir au niveau du mot et en arriver ainsi, ni '~ des parties du discours ni ~ des classes de mots, mais A des classes de morphemes ou dldments. On pourrait ainsi ddfinir les racines verbales par leur combinaison, dans le mot, avec les flexits verbaux (mode, temps), les racines nominales par leur combinaison avec les flexifs nominaux. J. D. subdivise les norr,s en nom.~ et pronoms (substituts), ce qui est un des rares endroits c,~ sa terminologie appara~t ddfaillante. A ce propo% je suis heureu.,¢ tie constater mon pleia accord avec lui, lorsqu'il veut se contcnter de la terminologie traditionnelle, en en prdcisant les ddfinitiot~s (p. 103). Les noms sont ~ leur tour classics en substantifs et a.!jectifs, qui sont d,, nouveau ddfinis syntaxiquement, ce qui me paralt, encore une lois u r e entreprise prdcaire puisqu'on peut substantiver :es adjectifs et adjectiver pas real de substantifs et ]es employer comme dpith~tes. Je me tlendrais au niveau du mot et ddfinirais l'adjectif par son genre mobile, le substantif par son genre fixe. Or, cette diffdrence entre nos ,'e:,,x analyses va plus loin encore. J. D. n'dtablit pas seulement des t ; rties du discours (classes syntagmatiques), mais aussi des classes de mots, puisque, pour lui, les flexions font partie de ces classes syntagmatiques ou mot;s, auxquels eUes s '.joutent comme des marques: 'l'absence de mar(lue est appelde ~ gulier; la marqae est appelde pluriel' (p. 17), tandis que pour moi, les Ilexifs sont des morphemes (dldments) comme les racines, et c'est en,;emble que racine et fiexifs form,:nt le mot: petit est un mot co astruit de la racin~ petit + les flexifs .~ingulier et mas::ulin (dont on peut prouver la p:'dsence par l'accorc). Mais je reconnais que la position de J. D. est ,td:!endable. J. D. pousse son a,lai~.yse distributionnelle tr&s loin, au point de vo~floir faire du ntSIm adjectif antdposd et postposd deux mots diffdrents: la vie chore - o;ot,,,cher ami (p. 14-I5), ce qui est d ' a u t a n t plus dtonnant que, ultdrieurem" nt, il n'hdsite pas h faire de ie article et de le pronom personnel un ,;eul et m6me segment en distribution compldmentaire. J. D. subdivise sot ouvrage en trois chapitres: I. Le nombre, II.
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Le genre, llI. Les substituts (pronorns), ce qui peut paraltre un peu curieux, le nombre et le genre se trouvant ~galement dans le pronom et le pronom n'6tant pas une cat6gorie coordonn~e ~ celles du nombre et du genre: il s'agit ~videmment l~t d'une disposition purement pratique des mati~res. Mais pourquoi n'y a-t-il pas aussi un chapitre sur !a comparaison ? Dans les deux chapitres sur le hombre et le genre, J. D. distingue avec nettet~ les code~ ~crit et oral, en montrant qu'il y a un plus grand hombre de marqucs dans le code ~crit que dans le code oral, et que, dans le premier, elles sont par consequent souvent redondantes: Les livres dtaient ouverts avec quatre marques de pluri:~.l, en face de [lz livre et~ uvcr] avec une seule marque du pluriel. Tout cela est parfaitement convaincant, surtout du point de vue de la th~orie de la communication, et correspond par exemp!e ~ !a faqon dont Hjelmslev conqoit le rapport entre les deux substances de l'dcriture et de la parlure. Mais ne surestime-t-on pas ainsi l'irnportance de la graphie ? Est-eUe plus qu'une mani~re imparfaite de rendre la langue v~ritable, ,:'est-~t-dire orale ? Dans le chapitre du genre, J. D. divise les substantifs en 'animUs', d~firds par la variation possible de genre (vendeur-vendeuse, ]r&esoeur, etc.), et en 'inanimds' (la chaise, la table) (p. 55). On volt que c'est ih le critbre par lequel je distingue les adjectifs des substantifs, et je maintiens que c'est en apparence seulement que certains substantifs ont un genre mobile. La plupart des substantifs animus ne l'ont ~as: m~decin, auteur, ing~nieur. Quant aux mots d&iv~s en -eur, ce sont des adjectifs, employ~s couramment comme 6pith~tes, par exemple introducteur-introductrice. Dans tigre-tigresse, on a affaire ~t une d6rivation, et on peut analyser de la m~me faqon chat-chatte, etc. Par ailieurs, l'expos6 de ces chapitres me paratt d'une clart6 admirable, abstraction faite peut-6tre d'un petit passage (p. 61), off J. D. d~clare que -age et -rnent sont des variantes combinatoires du m&ne suffixe. Mais que dire de battement-battage, ra]/i~ement-raHinage, dont J. D. a lui-m6me parl6 ailleurs (Fran~ais Moderne 32, 1964, p. 25)? N~anmoms, c'est le cbapitre sur les substituts qui me semble 6tre la plus grande r~ussite de J. D. I1 y 6tablit et d~crit la cat6gorie des pronoms, qui a donn6 lieu ~t tant de discussions, avec une precision inconnue jusqu'icL en la dSfinissant par la fonction de substitution, c'e~t-~-dire la capacitd qu'ont certains roots d'en remplacer d'autres.
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On le suit sans difficult6 quand il lait en~rer 6galement dans la cat~gorie des substituts 6galement le pro-verbe/aire (p. 100), et lorsqu'il en exclut les pronoms dits ind6finis, qui ne peuvent pas representer d'autres ~l~ments: tout, q~,elque, autre. Je leconnais de mdme qu'il est tentant de classer le.'~noms propres avec les pronoms et d'en faire au~si des substituts, mais, en ~tudiant le raisonnement de J. D., j'h~site toutefois ~t le suivre. II al.~alyse la phrase Le dernier livre d'un romancier am~ricain connu vient de para¢tre et substitue ~t un romancier am~;.ricain connu le nora Steinbeck (p. 91), mais est-ce que ce n'est pa,~ plut6t en sens inverse que s'op~re la substitution ? I1 e~t en effet courant de dire i','auteu;, de 'La Naus~e' au lieu dc Sartre, et:. Si un nom propre comme S,~Hnbeck est le substitut de queique chose, ce n'est pas du groupe nominal un romancier am~ricain connu, mais de l'hn ~lme nu'il est en r,~llt6 Or, sous cet aspect, tousles mots de nos lan~,~ues sont des substituts. On convient sans difficult6 que les adverbes de lieu i c i e t l~ sont des substituts pouvant remplacer des il~.dications de lieu d6j~t employees clans le texte (p. 108-09), d'au*;~Lit plus que l'on connait le rapport &roit qui les lie aux pror ,ms d6monstratifs. Mais je ne vois pas qu'on puisse en din. autant de demain, hier (p. 109-10). J. D. subdivise les pronorrls en substituts pars (pronoms personnels et d~monstratifs) et substituts d~marcatifs, c'est-~t-dire introduisant une proposition (pronoms relatifs-interrogatifs). J. D. pousse tr~s loin l'identification de ce qu'il appelle les segments: les formes le, la, les sont pour lui trois se~;ments qui ont tant6t la fonction d'article, tant6t ceUe de pronom personnel (p. 98, 145i, ce est le m6me segment dans ce que ~e dis que dans ce livre (p. 101), et le segment leur est tant6t pronom personnel datif, tant6t adjectief possessif (p. 119). Mais il me semble que J. D. fournit luim6me les arguments pour prouver le contraire, puisqu'il avance, avec raison, que les possessifs sont d~riv6s des pronoms personnels (p. 144) et que les articles le, la, les sont des adjectifs correspondant aux pronoms personnels (p. 147), dont ils sont par cons6quent d6riv6s. Et n'en va-t-il pas de m~me de ce(t) adjectif, qui ,;erait donc an adjectif d~riv6 du ce pronom. Qu'on puisse avoir des homonymes comme le pronom leet l'adjectif le est un fait bien connu, surtout en lexicologie. J. D. veut r6server le terme d'article aux adjectifs le, la, les, et exclure un et du de la cat6gorie de l'article (p. 147-48). Mais, juste-
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ment, si l'on fait de te, la, les des adjectifs d6riv~s, on constate que l'article n'est pas une cat6gorie morphologique, mais uae fonction syntaxique, le membre de phrase qui introduit un groupe nominal, comme le montre si bien J. D. lui-m6me (p. 149-50). Mais la fonction syntaxique d'article ne peut pas seulement ~tre exerc~e par l'adjectif ddrivd le, la, los, mais aussi par un, d u e t par mon, ce(t), qui sont tous, au sons syntaxique, des articles. L'article est ane ionction ou position syntaxique qu'on ne pent pas 6carter, ainsi que le veut J. D., comme quelque chose de purement s6mantique (p. 154). J. D. attire lui-m~me l'attention sur le rapport 6troit exis*,ant entre l'adjectif possessif son et l'article le (p. 144, 146-47), qui sont tous los deux des adliectifs d6fiv6s des pronoms personnels, et il analyse avec beaucoup de finesse comment le possessif donne plus d'information que l'article, mais on ne volt pas tout ~ iait comment il veut les diff6rencier syst6matiquement. Ne faudrait-il pas, peut~tre, penser ~ faire d~river !'article le du pronom neutre il (mais voil~ encore un de cos homonymes discutable~), le possessif son du pronom personnel il, et le d6monstratif ce(t) du pronom d*monstratif ce ? J. D. va jusqu'~ r6duire des segments diffdrents ~ des variantes d'une m~me forme lorsqu'il dit que ~'e, me, moi sont des variantes eombinatoires d'un sevl et m6me pronom (p. 119 ss). Mais ne vaut-il pas mieux y vo:~r des formes casueUes, car, en suivant le raisonnement de J. D., on reduirait n'importe quel syst~me casuel k des variantes combinatoires puisque le propre des cas est justement d'occu.. per des po.,dtions syntaxiques diff6rentes. J. D. veut aussi faire de o~ une variante combinatoire de l~ (p. 177), mais 1~ une commutation est malgr6 tout possible: II est to~...,b~ o?, ? - Il e.~t tomb~ la. J. D. r6unit de fa~on heureuse los pronoms relatifs et los pronoms interrogatifs dans une seule cat6gorie de sub~ tituts relatifs-interrogatifs: qui, que, quoi, dont, o¢,, dont d6rive l'adjectif quel (avec lequd). Je voudrais proposer d'y ajouter combien, comment, comme, quaked et si, dont la distribution est 6galement compl~mentaire par rapport qui, que, quoi, et que Dubois pourrait con,~6quemment regarder cornme des variantes, tandis que j ' y verrais des formes casue!le.,. J'e m'en suis tenu, dans ce qui precede, aux lignes g~n~rales de la gran~maire de Jean Dubois et ~ ses probl~mes g6n~raux, encore et surtout ~ ceux oft il y awdt mati~re ~ discussion. J'ai dfl passer sous silence t o u s l e s d~tails qu'il ~claire d'un jour nouveau, grace au
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courage qui le tait rompre c~rr6ment avec la tradition pour bAtir tan syst~me grammatical nouveau sur les crit~res concrets de Ia distribution. La grammaire de J e a n Dubois est un livre fort stimulant, fiche en perspectives nouvelles.
Un~versit~ de Copenhague
KNUD TOGEBY