Groupes sanguins et recherche de paternité

Groupes sanguins et recherche de paternité

VIIe Congr~s National de Transfusion Sanguine 139 RAPPORT Groupes sanguins et recherche de paternitd p a r J. M O U L L E C Centre National de Tran...

829KB Sizes 4 Downloads 119 Views

VIIe Congr~s National de Transfusion Sanguine

139

RAPPORT

Groupes sanguins et recherche de paternitd p a r J. M O U L L E C Centre National de Transfusion Sanguine

ES expertises sanguines concernant les affaires de filiation, apr~s avoir $t6 assez peu pratiqu6es en France, tendent /~ a u g m e n t e r en nombre. Les centres de transfusion, dont l'une des activit6s essentielles porte sur l'immuno-h6matologie et la d6termination des groupes sanguins, sont souvent eonsult~s dans ces sortes d'affaires, p o u r lesquelles ils ont une comp6tence toute partieuli~re. Nous avons tous, sur ce sujet, des probl~mes communs, h la discussion desquels ce r a p p o r t servira d'introduction.

L

LE CADRE J U R I D I Q U E DE L ' E X P E R T I S E Dans quel cadre juridique va se pr6senter l'expertise sanguine ? Habituellement, dans celui d'une action en justice, et le plus souvent d'une action en recherche de paternit6 naturelle. La m~re, abandonnSe avec l'enfant h sa charge, va essayer de faire d6clarer judieiairement la paternit6 d'un h o m m e qu'elle d6signe comme le p~re. Or, cet h o m m e peut d'embl6e d e m a n d e r qu'il soit proe6d6 h une expertise sanguine. S'il est accus$ ~ tort, c'est lh p o u r l ' h o m m e un i m p o r t a n t m o y e n de d6fense. L'article 340 du Code Civil 6num~re en effet les cas d'irrecevabilit6 de Faction. P a r m i eux figure celui o/1 << le p~re pr6tendu Stablit par l ' e x a m e n des sangs qu'il ne p e u t pas ~tre le p~re de Yenrant >>. Mais, l'expertise sanguine n'6tant pas obligatoire, ce moyen de

140

APPLICATIONS MI~DICO.LE,GALES DES GROUPES SANGUINS

d6fense n'est pas syst6matiquemcnt mis en ,oeuvre. L ' e x a m e n des sangs est effectu6 ~ la demande de l'une des parties (inutile de pr6ciser que c'est en g6nSral le p~re pr~tendu). S'il est d6cid6, le tribunal c o m m e t un e~pert. Malgr6 tout l'int~r6t que pr6sente cet examen, et bien que cette disposition figure d ans le code depuis treize ans d6j~, e'lle est plus r a r e m e n t invoquSe qu'on ne serait tents de le penser. I1 se peut que le public et les professions juridiques soient encore real inform6s des possibilit6s de ces analyses. Certains m a n q u e n t de con~iance dans les %sultats qu'elles pourraient donner. Mais peut-6tre aussi beaucoup de ceux qui p o u r r a i e n t faire appel h r e x p e r t i s e sanguine y renoncent-ils parce qu'ils sont au fond d'eux-m6mes persuad6s du bien-fond$ de l'action intent6e par la m~re. I1 est significatif, h cet @ard, de constater clue, p a r m i ceux-lh m6mes qui l'ont demand6e, la p r o p o r t i o n des exclusions effectivement obtenues est faible p a r r a p p o r t h la probabilit6 a priori calculSe pour un h o m m e pris au hasard. Cet argument statistique m o n t r e que, m~me dans ces cas, l'action intent6e p a r la m~re est le plus souvent justifi~e. Elle r e s t p r o b a b l e m e n t encore plus quand l'expertise n'est pas demand6e par celui qu'elle accuse. Le probl~me est tr~s diff6rent en mati~re de filiation lSgitime. La loi fran~aise limite beaucoup les cas off l ' h o m m e peut d6savouer un enfant n$ dans le mariage. L'article 312 du Code Civil p%cise que << l'enfant con~u p e n d a n t le mariage a pour p~re le mari. NSanmoins, celui-ci p o u r r a dSsavouer l'enfant, s'il prouve que, pendant le temps qui a couru depuis le trois centi~me jusqu'au cent-quatre-vingti~me jour avant la naissance de cet enfant, il 6tait, soit par cause d'61oignement, soit p a r l'effet de quelque accident, dans l'impossibitit6 physique de cohabiter avoc sa fernme. ~ D'apr~s l'arti, cle 313, << le m a r i n e pourra, en all6gant son impuissance naturelle, d6savouer l'enfant : il ne p o u r r a le d6savouer p o u r cause d'adult~re, ~ moins que la naissance lui ait 6t~ ,cachSe, auquel cas il sera admis ~ proposer t o u s l e s fairs propres ~ justifier qu'il n'est pas le p~re. >> Selon l'article 314, << l'enfant n6 avant le cent-quatre-vingti~me jour du mariage ne p o u r r a ~ r e d6savou6 par le m a r l darts les eas suivants : 1 °) s'il a eu connaissan,ce de la grossesse avant le mariage ; 2 °) s'il a assist~ ~ l'acte de naissance... ; 3 °) si l'enfant n'est pars d6clar6 viable >>. Enfin, selon l'artiele 315, << la l@itimit6 de l'enfant, n6 trois cents jours apr~s la dissolution du mariage, p o u r r a ~tre contest~e >>. Si l'une des conditions p e r m e t t a n t d'introduire une action en d6saveu est r6alis6e, et seulement alors, les %sultats d'une expertise

GROUPES SANGUINS ET PATERNITE,

141

sanguine pourront 6tre utilis& par le marl pour prouver qu'il n'est pas le p~re. Ils ne peuvent en aucune fa~on servir de point de d6part ~t cette action. En cas de divorce, le marl peut produire les r6sultats d'une analyse de groupes sanguins. Ces r&ultats figureront parmi les preuves qu'il aura fournies de l'infid61it$ de sa femme et qui seront soumises l'appr$ciation du juge. C'est en g6n&al ici que se pose un probl~me bien d61icat et sur lequel on ne peut se prononcer dans son ensemble. I1 s'agit des experrises << amiables >>, concernant des couples mari6s. Le marl doute de sa paternit~ et souhaite que des analyses sanguines soient faites, ceei parfois sans intention avou6e de divorce. Mais r e x p e r t ainsi sollicit6 est loin de poss6der tousles 616ments du probl~me, et i l ignore, comme souvent aussi le marl lui-mSme, quels d6veloppements p r e n d r o n t place, une fois que l'analyse aura conctu h une exclusion..Certes, chaque situation re&ire d'6tre examinee attentivement. En r~gle g6n&ale, il faut 6viter d'accepter ces expertises dont les cons6quences sont impr& visibles. Elles pourraient parfois ne pas 6tre sans risque pour l'expert lui-m6me. N6anmoins il y a des cas d'esp~ce dont on pourra s'occuper, avec beaucoup de circonspection. LE CHOIX DES EXPERTS

En mati~re de filiation, les conclusions que f'ormule l'expert ont de graves cons6quences et des r6percussions lointaines sur la vie des int&ess6s. L'exactitude que l'on dolt exiger de ces conclusions d~pend de la fa~on dont les groupes sanguins ont 6t$ dStermin&, et dont on a interpr&~ les r&ultats obtenus. I1 faut que l'expert emploie des r~actifs dfiment contr61&~ dont il a l'exp6rience, qu'il utilise des techniques appropri6es, avec les t6moins n6cessaires, et qu'il soit parfaitement au courant des causes d'erreur possibles. Cela suppose une pratique quotidienne, et non occasionneHe, de ces examens. I1 faut aussi qu'il interpr~te correctement les r&ultats obtenus. 'Cela implique qu'il poss~de, non seu'lement de solides eonnaissances de base sur la gSn6tique des groupes sanguins, mais aussi qu'il se tient rSguli~rement au conrant de t o u s l e s faits nouveaux parus clans la litt6rature. L'expert dolt 8tre un sp&ialiste des probl~mes qu'il traite : le mot expert ne signifie pas autre chose. En France, les tribunaux ont leur disposition des listes qui comportent des rubriques souvent tr~s g6n&ales, clui ne permettent pas toujours de distinguer d'une fa~on pr&ise la s~6cialit6 de chacun. Le tril~una'l d&ignera volontiers, pour une affaire de filiation, un

,142

A P P L I C A T I O N S MEDICO.LEGALES DES GROUPES S A N G U I N S

expert figurant sous la rub rique << s~rologie >>, ou << hSmatologie >>, ou << biologie >>, sans savoir qu'il n'aura pas n6cessairement la comp6tence indispensable sur le point pr6cis des groupes sanguins qui constituent en eux-m~mes une sp6cialit6 tr~s parti.culi~re. Si 1'expert d6sign6 ne poss~de pas cette compStence, il demande en g6n6ral, comme l'autorise le tribunal, l'aide d'un sp~cialiste. Mais il peut surestimer ses connaissances. D~terminant cou~amment ~les grou. pes A'BO et Rh, et faisant le d~pistage des anticorps anti-Rh, il se croira autoris$ h rechercher d'autres facteurs dont il n'a pas l'habitude. I1 est f~cheux de voir un expert commander des s6rums-tests dont il se servira uniquement h l'occasion de son expertise. Peut-~tre n'est-ce pas lh une pratique tr~s fr6quente, mais il est tr~s souhaitable que les autorit6s judiciaires soient averties, pour garantir l'exactitude des r6suhats de ces expertises, qu'une certaine r$glementation est indispensable. LES R E G L E S D ' E X C L U S I O N , Q U E L L E CONFIANCE L E U R A C C O R D E R ? Quel que soit le syst~me de groupes considSr~, la conclusion de l'expertise se base sur deux r~gles. La premiere r~gle est une cons6quence de la dominance de tout caract~re positif d~tect6 dans le ph~notype : un tel earact~re ne peut apparMtre chez l'enfant que s'il existe chez l'un de ses parents au moins. La deuxi~me r~gle concerne les syst~mes qui d6pendent de deux ou plusieurs alleles co-dominants, h un m~me locus. De cet all61isme, i l r6sulte q u ' u n enfant porteur de deux alleles ne peut avoir pour p~re un h o m m e porteur de deux alleles diff6rents. Un cas partieulier trSs important est celui des homozygotes : un enfant homozygote pour l'un des alleles ne peut pas avoir pour p~re un h o m m e homozygote pour un autre a'll~le. Voici des exemples se rapportant ~ rune ou l'autre de ces r~gles. Ils ont $t6 choisis parce qu'ils permettent l'exclusion par plusieurs syst~mes. Cette 6ventualit6 n'est pas rare, quand le nombre des syst~mes ~tudi~s est assez grand. 1~ e x e m p l e (expertise n ° 369) :

P~re prStendu:A~ CcDee ~ss P~ !kk Fy(a--) Hp(2--1) TfC G m ( a + b + x - - ) M~re: O ccDee Nss P~ !kk Fy(a+) Hp(1--1) TfC G m ( a + b + x - - ) Enfant : A~ CcDee ~NSsP~ K k Fy(a+) I-Ip(2--1) TfC G m ( a + b + x - - ) Dans le syst~me M~ et dans le syst~me Kell, renfant poss~de un facteur qui n'existe pas chez la m~re, ni chez le p~re prStendu. Ce ~ont les facteurs Set K.

GROUPES S A N G U I N S ET P A T E R N I T E 2~ e x e m p l e

143

(expertise n ° 392) :

Pbre pr$tendu : A1B ccddee MSs P2 ]~k Fy(a+) Hp(2--2) TfC G m ( a ~ b + x Mbre: B CcDee Mss P1 Ikk Fy(a+) Hp(2--1) TfC G m ( a + b + x - - ) Enfant: O CcDee MNss P2 kk Fy(a+) Hp(1--1) TfC G m ( a + b + x - - )

)

I1 y a contradiction avec la premi6re rbgle dans le systbme M N ; avec la deuxibme rbgle dans les systbmes ABO et d'haptoglobine. 3~ e x e m p l e

(expertise n ° 413) :

Pbre pr6tendu: B CcDEe MNss PI Kk Fy(a--) Hp(2--2) TfC Gm(a b + x - - ) Enfant: O CCDee MN Ss P1 ~ Fy(a--) Hp(2--2) TfC Gm(a-i-b+x--) M6re: A1 CcDee MNSs P1 kk Fy(a+) Hp(2--1) TfC G m ( a + b + x - - ) I1 y a contradiction Duffy et d'haptoglobine. avait 6t6 n6cessaire, une anti-ce qui aurait donn6 pr$tendu, et positive chez

avec la premi6re r~gle dans les syst~mes ABO, On aurait probablement trouv6, si cette 6preuve quatri~me contradiction, en employant un s6rum une r6action n6gative chez la m~re et le p~re l'enfant.

Une fois obtenus les r6sultats, l'expert va devoir les interpr6ter pour le tribunal /L la lumi~re de ces deux r6gles. Si elles sont respect6es, la paternit6 est possible, mais il reste une ind6termination puisque la constellation observ6e chez ~le p6re pr6tendu existe aussi chez d'autres individus, et que d'autres constellations sont possibles p o u r le p~re de l'enfant examin6. Si elles ne sont pas respect6es, quelle conclusion l'expert doit-il en tirer ? Cette conclusion sera lourde de cons6quences. S'il existe d e s chances, m~me minimes, pour que l ' h o m m e soit le p~re, il n'est pas possible de le passer sous silence. Cela pose la question de savoir si les r6gles 6nonc6es plus h a u t sont absolues, ou si elles c o m p o r t e n t des exceptions. La r6ponse est que, chaque fois que l'on dispose, p o u r un syst6me de groupes, de donn6es suffisamment abondantes, on constate q u ' i l existe des exceptions aux r~gles auxqueHes ob6it, dans la grande majorit6 des cas, sa transmission g6n6tique. rLa p r e m i e r e r~gle (dominance) est de beaucoup la plus sftre. Elle serait en d6faut si un couple d$pourvu d'un facteur de groupe quelconque donna it nai.ssanee h un enfant poss$dant ce facteur. Dans le mat6riel familial dont on dispose p o u r les diff6rents syst~mes connus, c'est une constatation que l'on fait plus d'une lois. L'explication ta plus simple, et la plus vraisemblable, consiste 6videmment ~ dire que, dans de tels couples, l ' h o m m e n'est pas le v6ritable p6re de l'enfant. Mais, quand les r6sultats obtenus dans d'autres syst6mes ne viennent pas confirmer cette hypoth~se, i l n'est pas possible d'af'firmer qu'il ne dagit pas d'une exception r6elle. Dans ce cas, pour expliquer la pr6sence d'nn facteur dominant

144

APPLICATIONS M~DICO.LI~GALES DES GROUPES SANGUINS

chez un enfant, les deux parents 6tant d4pourvus de ce facteur, on p e u t penser h divers m6canismes. C'est ainsi que deux parents peuvent 6tre t o u s l e s cleux d6pourvus du f acteur A, par exemple, et que ce facteur peut a p p a r a i t r e chez leurs enfants, quand l'un des parents a p p a r t i e n t au type (< B o m b a y >>. Un m$eanisme inhibiteur a empSeh6 la production chez celui-ci de la structure de groupe A. Cette structure peut a p p a r a l t r e chez l'enfant quand ce m6eanisme ne joue plus. Dans le cas des types ¢ B o m b a y >>, les r6sultats des examens s6rologiques pr6sentent des particularitSs qui p e r m e t t e n t de r a p p o r t e r sa v6ritable cause cette irr4gularit6 a p p a r e n t e dans la transmission h6rSditaire des groupes ABO. Mais il n'est pas interdit de penser que, dans d'autres systbmes, des m6canismes analogues puissent jouer aussi, bien que trbs rarement. On p e u t penser que des mutations se produisent aussi, de temps autre, mais elles sont certainement d'une extr6me raret4. C'est la deuxibme rbgle qui compte le plus grand h o m b r e d'exceptions. I1 est beaucoup plus facile de la tester que la premibre. On p e u t en effet n6gliger les irr6gularit6s par r a p p o r t au pbre, et ne tenir compte que de celles qui se produisent p a r r a p p o r t /t la mbre. D'eux sortes de donn6es peuvent alors 6tre utilis$es : cl'une part, celles qui concernent des familles complbtes (pbre, mbre et enfants) ; et d'autre p a r t eelles se r a p p o r t a n t tt des coup~les mbre-enfant. Ces dernibres sont quelquefois plus faciles ~ obtenir, n o t a m m e n t clans des instituts centralisant de nombreuses expertises de paternitY, e o m m e il en existe dans les pays scandinaves. Beaueoup el'exceptions ~ cette rbgle sont attributes h l'intervention de gbnes rares, qui ne s ' e x p r i m e n t pas par les procluits habituellem e n t d4,celables. Tel est, par exemple, te eas des gbnes clits en (< d616tion >) p o u r la s6rie Cc et Ee, dans le systbme Rh. Tels sont aussi les gbnes dit's << silencieux )> clans le systbme Duffy. Des exemples existent Sgalement dans le systbme Gin. Mais certaines exceptions p o u r r a i e n t aussi s'expliquer p a r une m u t a t i o n ; d'autres par l'ex~stenee de forrues rares de pseudo-allbles. Si rares qu'elles soient, les exceptions existent donc. Seuls les systbmes incomplbtement 6tudi6s n'en r4vblent pas, et l'on peut dire qu'une Etucle plus a p p r o f o n d i e en m o n t r e r a tSt ou tard l'existen.ce chez eux aussi. On doit en retenir que la eouelusion de l'expert, au moins q u a n d l'exclusion ne porte que sur un seul systbme, ne p e u t e x p r i m e r qu'une probabiiit6, et non une certitude absolue. Mais, cornme les exceptions sont trbs rares, cette probabilit6 est trbs grande. C o m m e n t estimer cette probabilit4 ? P o u r le faire, il conviendrait de disposer, p o u r t o u s l e s systbmes usuels, d'un abondant mat6riel familial, pris au hasarcl. I1 faudrait aussi que ce mat6riel soit repr6sen-

GROUPES SANGUINS ET PATERNITE

145

tatif de la p o p u l a t i o n ,~ laquelle app,artiennent les personnes que concerne l'expertise. E n effet, les fr6quences des g~nes v a r i e n t suivant les populations. Les frSquences des gbnes rares, p o u v a n t cr6er des irr$gularit6s g6n6tiques apparentes, ne sont pas les m$mes partont. Le facteur Mg, autant qu'on puisse en juger d'aprbs les donn6es que r o n possbde A son sujet, est, dans beaucoup de pays, d'une extreme rarer6. Or, dans certaines r6gions de Suisse, sa fr6quence para~t d6passer 1 p. 1000 (MrTAXAS et coll.). Si l'on emploie des s6rums-tests anti-M et anti-N banaux, le risque d'exclure h tort la paternit6 d'un homme de g~noty-pe MgM, dont l'enfant serait de g6notype MgN, sera plus grand en Suisse que dans un pays Ol]1!¥Igest moins fr6quent. Les gbnes en << d616tion ~> du systbme Rh sont consid6r6s partout cornme extr~mement rares. K. I-IENI~INGSEN e n a trouv6 un foyer dans la population, g6n$tiquement isol6e, des Iles Feroe. La m6connaissance de ces g~nes est aussi une cause d'erreur dans les expertises de filiation. Ces exemples m o n t r e n t l ' i m p o r t a n c e de 'la n o t i o n de 1,a p o p u l a tion d ' o r i g i n e ?t laquelle a p p a r t i e n n e n t les personnes soumises h l'expertise. Ils m o n t r e n t aUrSrSi rcombien il est difficile d'estimer a p r i o r i la probabilit6 des <>,m ~ m e dans u n pays donn~. P o u r la France, nous ne disposons pas d'$1r6ments qui puissent servir & cette estimation. Les donnSes familiales sur les groupes sanguins sont trbs peu n o m b r e u s e s et ce'lles c o n c e r n a n t les combinaisons m~re-enfant sont ~ peu pros inexistantes. Des donnSes i m p o r t a n t e s ont, au contraire, 6t$ rassemblSes dans les pays scandinaves. Elles c o n c e r n e n t surtout des combinaisons m~reenfant car ell'es o n t 6t6 collect6es ~ l'occasion d'expertises de filiation. Dans ces pays, l'expertise sanguine est t o u j o u r s o r d o n n 6 e q u a n d le p~re p r 6 t e n d u ne reconnalt p a s d'embl~e sa paternit6. Les examens sont confiSs aux Instituts de M6decine L6gale de C o p e n h a g u e , de S t o c k h o l m et d'Oslo qui disposent ainsi d ' u n mat6riel d ' 6 t u d e abondant. A 'l'.aide de ce mat6riel et des donnSes familiales publi6es p a r ailleurs, HENNINGSEN (1) a fait une estimation des chances, p o u r u n expert, d'e ne p a s s e t r o m p e r , en disant que le p~re p r S t e n d u n'est pas le p~re v6ritable, l o r s q u ' u n e discordance a 6t6 not6e dans u n syst~me de groupes : - - 99,99 % p o u r le syst~me A B O et le syst~me M N r~duit aux facteurs M et iN ; - - 9 9 , 9 0 % p o u r les sous-groupes de A, le syst~me R h et le syst~me des h a p t o g l o b i n e s ; - - 99,00 h 99,90 % p o u r Ss, Kell, P~ et Duffy. (1) HENNINGSEN~. - - Some aspects of blood grouping in cases of disputed paternity in Denmark. Methods of Forensic Science, 11, 209-229, 3963. 10

146

APPLICATIONS MEDICO.L~G_/ILES DES GROUPES SANGUINS

Nous proposons que ces valeurs soient adopt~es, au moins provi. soirement par les experts fran~ais, en joignant h la derni~re cat6gorie les syst~mes Gc et Gin. Bien entendu, quand l'exclusion porte sur deux ou plusieurs syst~rues, la certitude est pratiquement attein£e. I1 reste ~ souhaiter que des donnfies familiales soient bient6t collect6es pour t o u s l e s syst~mes en France. I1 faudrait que tous ceux qui travaillent sur des families publient int6gralement ~les r6sultats qu'ils obtiennent, et non pas seulement ceux qui concernent le syst&me particulier qui les intgresse. LES S Y S T E M E S SUR L E S Q U E L S D O l T P O R T E R L ' E X P E R T I S E Aucun r~glement ne p%cise, en France, quels syst~mes de groupes peuvent et doivent figurer dans une expertise de filiation. Les tribnnaux s'en remettent pour cela h l'expert. 'C'est h lui de choisir ~les syst~lnes dont il a la pratique, et dont il sait que le mode d'h6r6dit6 est d6jh gtabli sur un hombre important de families. Au courant de toutes les donn~es importantes publiges pour chacun d'eux, il saura attribuer/~ une exclusion la probabilit$ qui convient. Ce choix doit tenir compte d'un certain nombre d'616ments : - - la grandeur du matSriel familial sur lequel est fondge la th6otie gSnStique du syst~me ; - - la rarer6 des exceptions observges ; - - la probabilit$ a priori d'exclusion offerte par le syst&me ; - - la facilitg avec laquelle les groupes peuvent $tre recherchgs ; - - la possibilit$ de les mettre en 6vidence chez le jeune enfant. Pour notre part, nous utilisons les syst~mes suivants : ABO et sous-groupes de A ; Rh : C, C W, c , D , E , e ; Kell : K et 6ventuellement k ; MN:M,N,S,s; P: P1; D u f f y : Fy(a) ; Haptoglobine ; Transferrine ; Gc ; Gm : Gm(a), Gin(b), Gm(x). Nous n'employons pas, saul exception, les syst~mes de s6cr6tion A B H et 'Lewis: leur efficacit6, pour obtenir l'exclusion, est faible et ne compense pas certaines difficult6s que l'on peut rencontrer dans le

147

GROUPES SANGUINS ET P A T E R N I T E

pr616vement des 6chantillons de salive. La recherche de Fy(b), de Jik(a), Jk~(b), Lu(a), etc. augmenterait certes les possibilit6s d'exclusion. Mais e'lle ne paralt pas praticable r6guli6rement, du fait de la raret6 des s6rums-tests et des difficult6s techniques frSquentes qui peuvent rendre incertains les r6sultats. Les donn6es familiales, en outre, sont insuffisantes. Nous pensons ajouter bient6t h cette liste le syst6me des groupes de phosphatase acide des globules rouges, dont la transmission est tr6s r6guli6re, et dont nous avons l'exp6rience sur plus de deux cents families prises au hasard. D'autres syst6mes r6v61~s par des r6actions enzymatiques viendront bient6t apporter des renseignements utiles ; tel celui de la phosphoglucomutase ou, h u n moindre degr6, celui de l'ad6nylate-l~inase. Mais ces syst6mes ont besoin, avant leur application syst~matique, de donn6es familiales plus nombreuses. TABLEAU I

Syst~me ABO

A1 A2 B O

0,215 0,064 0,057 0,664

SystSme KeU K 0,041 k 0,959 0,276 0,284 0,070 0,370

Syst$me d'haptoglobine Hp 1 Hp 2

0,400 0,600

Syst~me Gc Gc 1 Gc2

CDe cDE cDe CDE Cde cdE cde CdE

0,430 0,130 0,03,0 0,002 0,010 0,008 0,390 ndgligeable

Syst6me P

Syst6me MN MS Ms NS Ns

Fr6quence des g6nes Syst~me Rh

0,730 0,270

P1 P2

0,531 0,469

Syst6me Dully Fy a Fy b

0,408 0,592

Syst$me Gm Gm a Gmb Gm ~x

0,212 0{087 0,70'1

Chaque expert, suivant les s6rums dont il dispose, et les techniques dont il a l'habitude, peut faire porter son Stude sur une liste plus ou moins longue de syst~mes. Or, si l'homme est injustement accuse, ses chances d'exclusion d$pendent de la nature des syst~mes mis en ,oeuvre, et de leur hombre.

,148

A P P L I C A T I O N S MEDICO.L~GALES DES GROUPES SANGUINS

~Nous avons calcul6, p o u r les syst~mes q u e nous u t i l i s o n s , les p r o b a b i l i t ~ s a p r i o r i d ' e x c l u s i o n p o u r u n h o m m e .aceus~ h t o r t . Les fr6q u e n c e s d e s g~nes sont tir~es des donn6es de n o t r e l a b o r a t o i r e . A quelques nuan.ces prSs, elles r e s s e m b l e n t ~ celles d ' a u t r e s r6gions de F r a n c e "(tableau I ) . Les p r o b a b i l i t ~ s d ' e x c l u s i o n f i g u r e n t clans le t a b l e a u I I . Les syst~mes de g r o u p e s sont p l u s o u m o i n s efficaces p o u r o b t e n i r l ' e x c l u s i o n . ,Ceux re pr6sent6s p a r u n seul f a c t e u r , c o m m e P1 ou F y ( a ) , le s o n t peu. Seule l a r~gle de d o m i n a n c e l e u r est a p p l i c a b l e . Les p l u s efficaces sont ceux a u x q u e l s on p e u t a p p l i q u e r aussi la d e u x i ~ m e r~gle, c'est-h-dire c e u x d a n s l e s q u e l s se m a n i f e s t e n t d e u x ou p l u s i e n r s alleles c o - d o m i n a n t s . E n c o r e faut-il, clans les syst6mes ~ d e u x alleles, que l ' u n d ' e n t r e eux n e soit pas b e a u c o u p p l u s r a r e q u e l ' a u t r e , c o m m e c e l a se p r o d u i t clans le s y s t b m e K e l l . TABLEAU 'II

Probabilitds a priori d'exclusion pour 9 des syst$mes du tableau I (les groupes de transferrlne n'augmentent les chances d' exclusion que d'une faqon n@ligeable)

Syst~mes

Probabflit6s par syst~me

Probabilit6s cu.mut6es

ABO Rh Kell MN P Duffy Haptoglobine Gc Gm

0,163 0,269 0,038 0,315 0,026 0,050 0,182 0,158 0,223

0;163 0,388 0,4H 0,597 0,607 0,627 0,695 0,743 0,801

N.B. : le calcul de la probabilit6 d'exclusion par le syst~me Rh ne tient pas compte de la possibilit6, quand ]e p~re pr6tend~ appartient au groupe CcDEe, de recourir h des s6rums << anti.ce >> ou << anti-Ce >> p.ermettant d'dliminer l'6ventualit6 d'un g~ne CDE ou CdE. En l'absence de tels s6rums, et bien que l'absence de ces g~nes soit de beaucoup la plus probable, on reste dans l'incertitude. D u t a b l e a u I,I, on p e u t t i r e r six syst~mes d o n t c h a c u n a p p o r t e u n e p r o b a b i l i t ~ i m p o r t a n t e d ' e x c l u s i o n . C:e s o n t 'les trois syst~mes 6 r y t h r o c y t a i r e s A B O , M N , R h , et les t r o i s systbmes s~riques d ' h a p t o g l o b i n e , Gc et G m . A l o r s q u e , p o u r les n e u f syst~mes du t a b l e a u 2, l a p r o b a b i l i t 6 6 t a i t de 80 % e n v i r o n , p o u r ces six syst~mes de base, e l l e a t t e i n t e n c o r e pros d e 78 % ( t a b l e a u I I I ) . P l u s o n m e t en oeuvre de syst~mes, p l u s o n a de chances, si l ' h o m m e n ' e s t p a s le p8re, de c o n s t a t e r u n e a n o m a l i e d a n s l ' u n d ' e u x , et p l u s on a de .chances p o u r q u e des a n o m a l i e s se p r 4 s e n t e n t h la fois d a n s p l u s i e u r s syst~mes. E n n o u s b o r n a n t h c e u x q u i f i g u r e n t d a n s

149

GROUPES SANGUINS ET PATERNITE

le t a b l e a u H I , n o u s voyons q u e la p r o b a b i l i t 6 a p r i o r i d ' e x c l u s i o n p a r deux systbmes a u moin.s est de 0,390. La p r o b a b i l i t 6 d ' e n s e m b l e 4 t a n t de 0,776, il y a douc, avec ,ces six syst6mes, u n e c h a n c e Bur d e u x p o u r que l ' e x d u s i o n p o r t e a u m o i n s Bur d e u x d ' e n t r e e n x ~(tableau I V ) . C'est lh u n e 6 v e n t u a l i t 6 trbs f a v o r a b l e car elle r e n f o r c e b e a u c o u p l a concluTABLEAU III Les six syst6mes dormant la meilleure probabilitd d'exchtsion

Syst~mes

Probabilit6s par syst6me

Probabilit6s cumul6es

ABO Rh MN Haptoglobiue Gc

0,163 0,269 0,315 0,182 0,158 0,223

0,~163 0,38@ 0,581 0,657 0,711 0,776

Gm

sion de l ' e x p e r t . Q u a n d l ' e x c l u s i o n p o r t e Bur u n seul syst6me, l e r i s q u e d ' e r r e u r est d6j~ tr6s faible. I1 d e v i e n t p r a t i q u e m e n t n u l q u a n d elle se t r o u v e a i n s i confirm6e. TABLEAU IV

Probabilit~ d'exclusion par plusieurs syst$mes (avec les six syst~mes du tableau HI)

Nombre de syst6mes permettant une exclusion

Probabilit6

0,224 0,386 0,270 0,098 0,020 0,002 0,0,0,0 (ll) U n 616ment important peut limiter daBs une certaine mesure le hombre des syst~mes 6tudi6s dans une expertise: c'est l'~ge de l'enfant. I1 arrive assez souvent que l'expert air ~ examiner des enfants daBs leur premiere annie. La plupart des facteurs ~rythrocytaires se manifestent assez t6t et ne cr6ent pas de difficult6s. Nous signalerons toutefois la faiblesse de A1 et de P1 ~ la naissance. Quant aux prot6ines s6riques, certaines n'atteignent u n e concentration permettant la d6termination du groupe qu'au bout de quelques mois (Tableau V). Le moment off cette d6termination devient possible varie suivant les individus. On peut dire que des difficult6s peuvent se pr~. senter j u s q u ~ l'~ge de dix mois environ.

APPLICATIONS M~DICO-Lt, GALES DES GROUPES SANGUINS

150

TABLEAUV Syst6mes ABO

MNS P Rh Kell Du.ffy Haptoglobine

Ge

Gm

D6veloppement h la naissance D6terminants bien d6velopp6s, mais plus faibles que chez l'aduhe (notamment A1). Variabilit6 de H suivant les r6actifs. D6terminants bien d6velopp6s. P1 bien d6velopp6, mais plus faible que chez l'aduhe. D6terminants bien d6velopp6s. >)

>>

>)

>>

~

))

Concentration souvent trop faible chez ~le nouveau-n6. Pas de passage en quantit6 appr6ciable de l'haptoglobine inaternelle dans la circulation foetale. Concentration snffisante pour permettre la d6terruination du groupe. Pas de passage de la globuline Gc maternelle dans la circulation f0etale. Concentration tr~s faible de ~la globuline yG propre h l'enfant. Pr6sence d'une forte conceutration de globntine YG d'origine maternelle.

Op~rer sur du sang de nouveau-n6, ou d'enfant dans les premiers mois de la vie, prive done des ressources de deux importants syst~mes, baptoglobine et Gm, et, h u n moindre degr$, de A1 et de P1. La liste du tableau II se r6duit donc 'h: ABO (sans les sous-groupes de A), MN, Rh, Kell, Duffy et Gc. La probabilit6 a priori d'exclusion est alors de 67 % environ. Les experts n e m e t t a n t pas tous en ,oeuvre le m 6 m e n o m b r e de syst~mes, les c h a n c e s d'ex~clusion d ' u n h o m m e i n j u s t e m e n t aecus6 n e sont pas les m~mes s u i v a n t l ' e x p e r t consult6. ~Ces chances, p a r exemple, n e sont p l u s q u e de 50 % e n v i r o n si l ' o n se c o n t e n t e de d S t e r m i n e r les groupes AI'A2.BO, M N (sans S n i s) et R h (C, c, D, E, e). I1 serait s o u h a i t a b l e de voir les experts s ' a c c o r d e r sur le n o m b r e m i n i m u m et la n a t u r e des syst~mes sur lesquels d e v r a i t se b a s e r t o u t e expertise de paternit£ LA P R O B A B I L I T E

DE LA P A T E R N I T E

Avec les syst~mes que nous u t i l i s o n s , la p r o b a b i l i t 6 a p r i o r i d ' e x c l u s i o n , p o u r u n h o m m e q u e l c o n q u e , est de 80 % e n v i r o n . S u i v a n t les cas p a r t i c u l i e r s , elle p e u t ~tre s u p ~ r i e u r e ou i n f ~ r i e u r e h cette valeur. A c h a q u e c o m b i n a i s o n m ~ r e - e n f a n t c o r r e s p o n d u n e n s e m b l e de groupes a u q u e l p e u t a p p a r t e n i r le p~re, et n n a u t r e e n s e m b l e conten a n t les groupes a u x q u e l s il n e p e u t pas a p p a r t e n i r . Q u a n d les groupes

G R O U P E S S A N G U I N S ET P A T E R N I T ~

151

du p b r e p r S t e n d u a p p a r t i e n n e n t au p r e m i e r e n s e m b l e , l ' e x p e r t va conclure q u e le s u j e t p e u t 6tre le p b r e de r e n f a n t en q u e s t i o n , m a i s q u e les r6sultats n e d o i v e n t p a s 6tre i n t e r p r 6 t $ s c o m m e n n e p r e u v e d e cette p a t e r n i t 6 . H existe en effet d ' a u t r e s i n d i v i d u s d o n t les g r o u p e s s e r a i e n t c o m p a t i b l e s 6 g a l e m e n t avec l ' h y p o t h b s e de la p a t e r n i t 6 . L a q u e s t i o n p a r a i t alors se p o s e r de la m 6 m e fa~on q u ' a v a n t r e x p e r t i s e . O n s e r a i t tent~ de d i r e q u ' a u c u n 61$ment n o u v e a u n ' a $t6 a p p o r t 6 p a r celle-ci. P o u r t a n t ses rSsultats c o n t i e n n e n t u n e i n f o r m a t i o n q u i n ' e s t pas n 6 g l i g e a b l e et que l ' o n s o u h a i t e r a i t u t i l i s e r . Certes l ' e n s e m b l e des g r o u p e s q u i c o n t i e n t celui d u p b r e r6el p e u t ~tre p a r t i c u ' l i ~ r e m e n t r e s t r e i n t et d o n n e r p a r l u i - m ~ m e u n e i n d i c a t i o n prbcieuse. Cela se p r o d u i t n o t a m m e n t quan.d l ' e n f a n t p o s s b d e u n f a c t e u r d ' u n e c e r t a i n e r a r e t ~ q u i n ' e x i s t e p a s chez la m ~ r e et q u e l ' o n r e t r o u v e chez le p b r e p r 6 t e n d u . E n voici d e u x e x e m p l e s : E x p e r t i s e n ° 361 :

P~re p r 6 t e n d u : O ccDee MSsP1 ikk F y ( a + ) Hp(2--1) TfBC G m ( a + b + x - - ) M b r e : A1 CCDee Nss P1 ~kk F y ( a + ) Hp(2--1) TfC G m ( a + b ÷ x - - ) Enfant: A~ CcDee MNss P1 k k Fy(a--) Hp(2--1) TfBC G m ( a ~ b + x - - ) La pr6sence de la transferrine B est un 6v6nement r a r e : elle diminue beaucoup la probabilit6 de rencontrer par hasard un homme dont les caractbres sanguins remplissent les conditions requises pour ne pas ~tre exclm Le type BC a une fr6quence de 1,3 % environ. Compte tenu des autres systbmes, 1'ensemble des groupes auxquels peut appartenir le pbre de cet enfant repr6sente seulement 0,5 % de la population. E x p e r t i s e n ° 399 :

Pbre p r 6 t e n d u : O CwcDEe NSs P1 ikk Fy(a--) Hp(2--1) TfC G m ( a + b + x + ) M b r e : A1 CCDee MNss P2 k k Fy(a--) Hp(2--2) T~C G m ( a - - b + x - - ) Enfant: O CwCDee Nss P2 k k Fy(a--) Hp(2--1) TfC Gm(a-4-b+x~-) Ici, le pbre doit poss6der C TM et Gm(x) : r e n s e m b l e des groupes auxquels il peut appartenir repr6sente 0,14 % de la population. Cela m 6 r i t e d ' 6 t r e signal6 a u t r i b u n a l . Mais, en g6n6ral, r e n s e m b l e des g r o u p e s p o s s i b l e s p o u r le p b r e est b e a u c o u p p l u s i m p o r t a n t et, d e sa s i m p l e ~ v a l u a t i o n , o h ne p e n t p a s t i r e r d ' a r g u m e n t en f a v e u r de l a p a t e r n i t 6 ou c o n t r e el'le. Des m o y e n s p l u s 61abor6s sont alors n6cessaires. N o u s cite rons les m 6 t h o d e s p r o p o s 6 e s p a r HURON (2) et p a r ,GuI~TLF,R ~3). (2) HURON R. et RUFFt~ J. - - Les m6thodes en g6n6tique g6n6rale et en g6n6tique humaine. - - Masson et Cie, 1959. (3) GiiRTLER H. - - Principles of blood-group statistical evaluation of paternity cases at the University Institute of Forensic Medicine, Copenhagen. - - Ac~a Med. legalis et socialis, 9, 83-93, 1956.

~152

APPLICATIONS MEDICO.LI~GALES DES GROUPES SANGUINS

La m6thode de HURON applique le th6or$me de BAYES et p e r m e t de calculer la probabilit6 a posteriori q n ' a le p~re r6el d ' a p p a r t e n i r la constellation observ6e chez le p~re pr6terrdu. Cette probahilit6 dolt 6tre com par6e h eel'les d'autres constellations possibles p o u r le p~re. On note si la probabilit6 calcul6e p o u r la constellation donn6e est grande ou petite par r a p p o r t aux autres. Q u a n d on emploie un h o m b r e assez grand de syst6mes, le n o m b r e des constellations possibles est important. L'inconv6nient de ces calculs pourrait 6tre att6nu6 si l'on disposait de tables 6tablies une lois p o u r routes, d'apr~s les fr6quences des g&nes dans la p o p u l a t i o n h la'quelle a p p a r t i e n n e n t les personnes examin6es. Quand la probabilit6 de la constellation observ6e est grande par r a p p o r t aux autres, ceci est consid6r6 c o m m e en faveur de la paternit6 de l ' h o m m e examin6. Quand elle est faible, elle e s t e n faveur de l'exclusion. Ceci n'6tant jamais, b i e r entendu, une certitude. La m 6 t h o d e de GURTLER, utilis6e syst6matiq~tement par HENNINGSEN, propose un << indice de paternit6 >> qui s'exprime par u n r a p p o r t : P1/P2.P~. P1 est la probab~it6 d'observer, p o u r ta combirraison m~ree n f a n t donn~6e, ~ n p~re a y a n t le groupe constat.6 ; P2 >~ t°3 est la probabi'lit6 de rencontre au hasard de cette combinaison mSre-enfant et d'tm h o m m e quelconque poss6dant ce groupe (probabHit6s respectiyes (P2 et P~). Les indices, ~calcul6s p o u r chaque syst~me, sont utilis6s p o u r le catcul de l'indice global concernant l'ensemble de la constellation. L'indice a une valeur plus ou moins 61ev6e. I1 p e r m e t en somm e d'6valuer dan's quelle mesure la constellation observbe est plus fr6quente dans l'ensemble des p&res po.ssibles que clans celui constitu6 par la rencontre au hasard .de la combinaison m&re-enfant et d ' u n individu quelconque. Dans ees conditions, HENNINGSE3~ consid~re q ue t'indi, ce est << en faveur >> de l'hypoth~se de la paternit6 quand il est sup6rieu,r ~ 19 (19 chances contre 1), et << contre >> cette hypoth~se quand i l est inf6rieur ~ 0,05 (1 chance contre 19). L'emp,loi de r i n d i c e de paternit6 est .surtout int6ressant, seton eet auteur, quand il s'agit de cornparer les r6sultats obtenus .chez deux h o m m e s dan,s une m~me affaire. On fair alors le r a p p o r t de leurs indices respectlf's ; s'il est sup6rieur h 19/1, il est consid6r6 eomme fournissant une i m p o r t a n t e indLcation en faveur de la paternit6 de ,celui qui a l'indice le plus 61ev6. JCes m6thodes paraissent r6pondre ~ la m$me pr6occupation : savoir si le p~re pr6tendu a des chances plus ou moins grandes d'&tre le p&re r 6 e l ; et aussi, de deux hommes, d6signer celui qui a l e plus de chances d'Stre le p~re. I1 6tait int6ressant de les eomparer. MOUREAtl et BROCTEUR (4) o n t trait6 l'exemple suivant : m~re ,OM, (4) 1V[OUREAUP. et BROCTEUR J. - - Les possibilit6s et les limitations actuelles de l'expertise m6dico-16gale dans l'investigation de paternit6. - - XXXe Con gr~s Int. M6d. 16gale et sociale de Langue iran~aise. Coimbra, 1965.

GROUPES SANGUINS ET PATERNITY,

153

enfant A2 MN, dont le p~re p e u t a p p a r t e n i r h l'une des constellations A~ N, A2 IVAN,A~B N, A2B MN, A~ N ou A1 M'N. C'est h A2 N e t h ArB N que 'la mSthode de GURTLER donne les indices les plus 61evSs. Celui obtenu p o u r A2.B N e s t de 21, donc sup6rieur h la valeur critique indi. qu6e plus haut. P a r la mSthode de HuRoN, A~B N est au contraire affect6 de la probabilit6 la plus basse : 0,'0252 contre 0,4146 p o u r A~ MIN et 0,3257 pour A2 N). Ainsi, dans le cas oh, la m~re ~tant 0 M, l'enfant A2 1V~N,le p~re pr~tendu est AzB 'N, le calcul de l'index de paternit6 inclinerait l'expert ~ conclure en faveur de l'hypothSse de la paternit$ r~elle de celui-ci ; le calcul de la probabilit6 a posteriori conduirait au contraire h dire qu'il y a de fortes chances p o u r l'exclure. Ces contradictions m o n t r e n t combien il faut ~tre p r u d e n t quand on est tent6 de fournir au tribunal des pr6cisions sur une << probabilit~ de la paternit6 >>. Les m6thodes propos6es donnent en r6alit~ chacune des renseignements d'un ordre tr~s diff6rent. L ' e x p e r t est bien embarrass~ p o u r choisir. P o u r qu'il puisse le faire, il semble qu'une ~tude v r a i m e n t complete de ee probl~me de probabilit6 et de ses ap'plications reste h entreprendre. P o u r le moment, nous hSsitons, en ce qui nous concerne, h donner ce genre de pr6cision au tribunal. Nous nous contentons encore de lui indiquer l'ordre de grandeur d e l'ensemble anquel a p p a r t i e n t la constellation du p~re v~ritab~le, et les chances d'etre exclu p o u r un h o m m e a p p a r t e n a n t a u x groupes obser~$s.

RESUME ET CONCLUSION Les expertises sanguines concernant la recherche de la paternit6 sont encore relativement peu demand~es en France, malgr~ les dispositions l@ales qui les autorisent en mati~re de filiation naturelle. Leur n o m b r e augmente n~anmoins r@uli~rement. E n raison des difficult6s techniques qu'eHes pr~sentent, et des connaissances approfondies en g~n6tique des groupes sanguins que demande l'interprStation de leurs r6sultats, ees expertises n6cessitent, de la p a r t de ceux qui en sont charg6s, une pratique quotidienne des probl#mes qu'elles posent. ~Une certaine rSglementation paralt n6cessaire p o u r le recrutement des experts. Les syst~mes utilisables p o u r ces analyses doivent 6tre choisis d'apr~s des crit~res dont ]es p r i n c i p a u x sont les suivants : - - la grandeur du mat6riel familiM sur lequel est fond~e la g~n~tique du syst~me ; - - la raret$ des exceptions observ~es ; - - la grandeur de la probabilit6 a priori d'exclusion ; - - la facilit$ avec ]aquelle les groupes peuvent 6tre d6termin6s.

f154

APPLICATIONS MEDICO.LEGALES DES GROUPES SANGUINS

Nous utilisons les systbmes suivants : ABO, Rh, Kell, M~, P, Duffy, haptoglobine, transferrine, Gc, Gm. A un h o m m e injustement accus6, Hs offrent une probabilit6 a priori d'exclusion de 80 % environ. Le h o m b r e des systbmes mis en oeuvre varie beaucoup suivant les experts, .donnant ~ l ' h o m m e des chances d'exclusion trbs in,gales. I1 serait souhaitable d'uniformiser ces chances en s'aecordant sur un nombre m i n i m u m de systbmes ~ faire figurer dans route expertise. Six des systbmes de la liste pr6c6dente offrent ensemble une probabilit6 d'exclusion atteignant presque 78 %. I1 s'agit des trois systbmes de groupes 6rythroeytaires ABO, Rh et MN, et des trois systbmes de groupes s6riques, haptoglobine, 'Gc et G m (h condition que l'~ge de l'enfant p e r m e t t e la recherche des groupes d'haptoglobine et G m ) . Q u a n d une exclusion est possible, dans un seul systbme de groupes, elle doit 8tre indiqu6e au tribunal sous la f o r m e d'une probahilit6, trbs grande il est vrai. Celle-ci se transforme en quasi certitude quand l'exclusion porte sur deux ou plusieurs systbmes. Ces << chances de ne p a s s e tromper >> en concluant h l'exclusion ne peuvent encore 8tre calcul6es h partir de donn~es col'lectSes dans notre pays. Nous sugg6rons d'utiliser pour le m o m e n t les estimations faites par HENNINGSEN.

Quand une exclusion n'est pas possible, il ne nous paralt pas opportun, au moins p o u r le moment, de fournir au tribunal une indication sur les chances que pourrait avoir le pbre prStendu d'etre le pbre v6ritable, ou bien au contraire de ne pas l'Stre. I1 nous semblerait n6anmoins trbs utile que soit entreprise nne 6tude comparative des mSthodes propos~es pour aborder ce prob'lbme. ~Les possibilit6s offertes h la justice par l'6tude des groupes sanguins s'accroissent sans cesse. A mesure que de nonveaux systbmes sont d6couverts, et que leurs techniques deviennent accessibles h de nombreux laboratoires, ils constituent des 616ments qui p o u r r o n t s'ajouter h la liste d~j/i longue de ceux q u ' e m p l o i e n t les experts. Encore leur faut-il passer par un contr61e indispensable, celui de leur transmission, des parents aux enfants, dans des centaines de fami'lles. Ainsi se constitue une base solide, utilisable p o u r les applications, ~ la formation de laquelle il faut esp6rer que les centres de transfusion franqais a p p o r t e r o n t leur p r o p r e contribution. Dr J. MOULLEE, Centre National de Transfusion Sanguine, 6, rue Alexandre Cabanel - 75-Paris-15 °.